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20/01/2016 | FRANCE | N°14-11004

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 janvier 2016, 14-11004


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 10 février 2010, n° 08-45.465), que M. X..., employé par La Poste de 1995 à 1998 par plusieurs contrats à durée déterminée, puis à compter du mois de février 1998 par contrat à durée indéterminée, en qualité de distributeur d'imprimés publicitaires, était affecté à l'activité « publipostage non adressé » (PNA) ; qu'en octobre 2001, il

a été désigné comme délégué syndical, exerçant cette activité à plein temps dans l'en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 10 février 2010, n° 08-45.465), que M. X..., employé par La Poste de 1995 à 1998 par plusieurs contrats à durée déterminée, puis à compter du mois de février 1998 par contrat à durée indéterminée, en qualité de distributeur d'imprimés publicitaires, était affecté à l'activité « publipostage non adressé » (PNA) ; qu'en octobre 2001, il a été désigné comme délégué syndical, exerçant cette activité à plein temps dans l'entreprise, avant d'être élu le mois suivant secrétaire du syndicat CGT PTT 95 ; qu'en 2003, La Poste a décidé de confier l'activité PNA à sa filiale Médiapost, créée à cette fin, en mettant en place une procédure de réorientation professionnelle des agents ; qu'en septembre 2003 et juin 2004, M. X... a exprimé l'intention de rester rattaché au PNA, en raison des fonctions syndicales qu'il exerçait ; qu'après avoir été informé par l'employeur, le 17 décembre 2004, de son rattachement à l'entité de Cergy, il a saisi le juge prud'homal de demandes liées notamment à une discrimination dans le déroulement de sa carrière ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de reclassement au niveau ACC I.2 à compter du 28 août 1998, ACC II.3 à compter du 28 février 2001 et ACC III.3 depuis le 28 février 2004 avec paiement des salaires correspondants, l'arrêt retient que le salarié ne peut prétendre à une reconstitution au mois le mois telle qu'il la présente, alors que, d'une part, il s'appuie sur des avancements automatiques et dans des délais optimaux qui n'ont pas cours au sein de l'entreprise, et que, d'autre part, il s'est constamment abstenu de formuler des voeux, de suivre des formations ou de se soumettre à des épreuves internes propres à faciliter son accession à des emplois mieux classés, n'établissant pas que sa position particulière dans l'entreprise l'empêchait de le faire et alors qu'il a répondu négativement ou de manière manifestement inappropriée lorsqu'il a été sollicité sur ce point, qu'il n'y a donc pas lieu à reconstitution de carrière et que le préjudice du salarié s'analyse en une perte de chance, que pour évaluer celle-ci, il convient de retenir la somme qui représente le manque à gagner avancé par l'intéressé par rapport au déroulement de carrière idéal qu'il décrit et de lui appliquer un coefficient réducteur à proportion de la probabilité de réalisation de cette occurrence théorique, qu'au vu des éléments fournis aux débats, il s'avère que les chances du salarié de parvenir à un emploi ACC I.2 le 28 août 1998, ACC II.3 le 28 février 2001 et ACC III.3 le 28 février 2004 n'excèdent pas 5 % ;
Attendu, cependant, que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait relevé que les entretiens d'évaluation étaient pris en compte pour décider des promotions internes, et constaté que le salarié n'avait, depuis qu'il exerçait des fonctions syndicales à plein temps, bénéficié d'aucun de ces entretiens, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il s'évinçait que la discrimination constatée affectait nécessairement son évolution de carrière et par là son coefficient de rémunération, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne La Poste à payer à M. X... la somme de 3 862,67 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice de carrière, l'arrêt rendu le 21 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société La Poste direction départementale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Poste direction départementale et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné la société La Poste à payer à Monsieur Sébastien X... les sommes de 3 862,67 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de carrière et de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndical mais de l'avoir débouté du surplus de ses demandes ;
Aux motifs qu'il n'est pas contesté que Monsieur Sébastien X... n'a fait l'objet d'aucun entretien d'évaluation ; qu'il est par ailleurs établi que l'absence d'entretien d'évaluation est préjudiciable à un déroulement normal de carrière, cet élément étant pris en compte pour décider des promotions internes ; que la présomption de discrimination n'étant dès lors pas utilement combattue, il convient de retenir que Monsieur Sébastien X... a été l'objet de ce traitement illicite ; qu'il convient tout d'abord de réparer le préjudice subi par Monsieur Sébastien X... tenant dans la différence entre son évolution de carrière telle qu'elle s'est déroulée de fait et telle qu'elle aurait été en l'absence de discrimination ; que Monsieur Sébastien X... ne peut prétendre sur ce point à un reconstitution au mois le mois alors que d'une part il s'appuie pour ce faire sur des avancements automatiques et dans des délais optimaux qui n'ont de fait pas cours au sein de l'entreprise et que d'autre part, il s'est constamment abstenu de formuler des voeux, de suivre des formations ou de se soumettre à des épreuves internes propres à faciliter son accession à des emplois mieux classés, n'établissant pas que sa position particulière dans l'entreprise l'empêchait de le faire et alors qu'il a répondu négativement ou de manière manifestement inappropriée lorsqu'il a été sollicité sur ce point par l'employeur ; qu'il n'y a donc pas lieu à reconstitution de carrière et que le préjudice matériel subi par Monsieur Sébastien X... s'analyse plus exactement, comme le soutient à juste titre l'employeur, en une perte de chance ; que pour évaluer celle-ci, il convient de retenir la somme de 77 253,45 euros qui représente le manque à gagner avancé par Monsieur Sébastien X... par rapport au déroulement de carrière idéal qu'il décrit - chiffre en tant que tel non contesté par la SA La Poste - et de lui appliquer un coefficient réducteur à proportion de la probabilité de réalisation de cette occurrence théorique ; qu'au vu des éléments fournis au débat, il s'avère que les chances du salarié de parvenir à un emploi ACC 1.1 le 28 août 1998, ACC 2.3 le 28 février 2001 et ACC 3.3 le 28 février 2004 n'excède pas 5 % ; qu'il convient donc de lui allouer des dommages et intérêts d'un montant de 3 862,67 euros ; que le préjudice plus général, tenant à l'existence même de la discrimination et qui ne se confond pas avec celui déterminé ci-dessus, sera réparé par les dommages et intérêts d'un montant de 15 000 euros ;
Alors, de première part, que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L.2141-5 à L.2141-8 du Code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée ; que la Cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié avait été victime d'une discrimination syndicale ayant eu des incidences sur sa carrière, a néanmoins, pour débouter ce dernier de sa demande en reclassement à un poste de classification ACC III 3, avec paiement du salaire correspondant à cette classification, énoncé qu'il n'était pas certain qu'il aurait eu l'évolution de carrière qu'il proposait, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que le salarié était en droit de se voir reclasser à un poste de qualification supérieur, violant ainsi les articles susvisés, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Alors, de deuxième part, qu'en ces écritures d'appel, Monsieur X... faisait valoir qu'il résultait de l'article 35 de la convention commune applicable aux agents de La Poste que la promotion n'était ouverte qu'aux agents contractuels appréciée E et B lors du dernier entretien d'appréciation, de sorte que Monsieur X..., qui n'avait pas fait l'objet de tels entretiens, et avait été privé de toute information sur les campagnes promotionnelles internes à La Poste n'avait pas eu la possibilité de poser sa candidature à des emplois à pourvoir et donc de voir sa carrière évoluer ; que la Cour d'appel ne pouvait dès lors lui reprocher sa carence pour évaluer la perte de chance d'accéder à un emploi de catégorie supérieur au taux particulièrement faible de 5 % en lui reprochant ses propres carences sans s'expliquer sur ces circonstances ; que faute de répondre à ces conclusions très précises de Monsieur X..., la Cour d'appel a entaché sont arrêt de défaut de réponse à conclusion et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Et alors, de troisième part, qu'en toute hypothèse, faute de s'expliquer, ainsi qu'elle y était aussi invitée, sur les mécanismes applicables au sein de La Poste pour la promotion des agents, la Cour d'appel a, en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil et des articles L 2141-5 à L 2141-8 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11004
Date de la décision : 20/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jan. 2016, pourvoi n°14-11004


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.11004
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