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14/01/2016 | FRANCE | N°15-10271

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 janvier 2016, 15-10271


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 novembre 2014), que M. X..., qui avait été blessé dans un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (l'assureur) et qui avait été intégralement indemnisé de son préjudice, a assigné l'assureur en réparation d'un préjudice nouveau résultant de l'aggravation de son état de santé

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Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice corporel glob...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 novembre 2014), que M. X..., qui avait été blessé dans un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (l'assureur) et qui avait été intégralement indemnisé de son préjudice, a assigné l'assureur en réparation d'un préjudice nouveau résultant de l'aggravation de son état de santé ;

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice corporel global de M. X... à la somme de 471 740,59 euros et de le condamner à lui payer la somme de 406 823,68 euros au titre de son préjudice corporel, sous déduction des provisions déjà versées, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans qu'il résulte pour elle perte ou profit ; que la victime choisissant d'être indemnisée de ses préjudices futurs par l'allocation d'un capital, dont le versement est libératoire pour le responsable ou son assureur, ne peut obtenir d'indemnisation au titre des événements futurs, telle l'inflation, susceptibles d'affecter le rendement ultérieur de ce capital ; qu'en fixant le montant des préjudices subis par M. X... sur la base d'un barème de capitalisation tenant compte d'un taux d'inflation future, majorant ainsi le montant du capital alloué à la victime, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
2°/ que seul est indemnisable le préjudice ayant un lien de causalité direct avec le fait dommageable ; que l'inflation susceptible de survenir postérieurement à la décision fixant le montant du préjudice de la victime constitue un événement sans rapport aucun de causalité directe avec le fait dommageable source de responsabilité ; qu'en fixant le montant des préjudices subis par M. X... en tenant compte de l'inflation future, quand cet événement aléatoire, lié au seul contexte économique, ne revêtait pas de lien de causalité direct avec l'accident dont avait été victime M. X..., les juges d'appel ont violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
3°/ que le préjudice futur n'est indemnisable qu'à la condition de revêtir un caractère certain, ce qui implique qu'il constitue la prolongation directe et certaine d'un état de fait actuel ; qu'en liquidant les préjudices subis par M. X... sur la base d'un barème de capitalisation tenant compte de l'érosion monétaire future, calculée sur la base d'une projection de l'inflation observée au cours de l'année 2012, quand cette inflation n'était pourtant que purement hypothétique, tant en son principe même qu'en son taux, la cour d'appel a encore méconnu l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
Mais attendu que, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen pris en ses première et cinquième branches et sur le second moyen annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garantie mutuelle des fonctionnaires aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le préjudice corporel global de M. X... à la somme de 471 740,59 euros et condamné la GMF à lui payer la somme de 406 823,68 euros au titre de son préjudice corporel, sous déduction des provisions déjà versées ;
Aux motifs que le rapport de l'expert M. Y... constituait une base valable d'évaluation du préjudice corporel à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le 15 février 1970, de sa profession (VRP), de la date de consolidation, afin d'assurer la réparation intégrale et en tenant compte de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste, sur les seules indemnités réparant des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel sauf versement préalable à la victime d'une prestation indemnisant incontestablement un tel chef de dommage ; que l'évaluation du dommage devait être faite au moment où la cour statuait ; qu'au regard des barèmes de capitalisation proposés par chacune des parties, celui publié par la Gazette du Palais les 27 et 28 mars 2013 paraissait le mieux adapté et serait donc utilisé ;
Alors 1°) que la cour d'appel, en énonçant, pour retenir le barème publié à la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013, qu'il « paraissait » le mieux adapté et serait pour cette raison utilisé, a statué par un motif dubitatif et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que l'objet de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans qu'il résulte pour elle perte ou profit ; que la victime choisissant d'être indemnisée de ses préjudices futurs par l'allocation d'un capital, dont le versement est libératoire pour le responsable ou son assureur, ne peut obtenir d'indemnisation au titre des événements futurs, telle l'inflation, susceptibles d'affecter le rendement ultérieur de ce capital ; qu'en fixant le montant des préjudices subis par M. X... sur la base d'un barème de capitalisation tenant compte d'un taux d'inflation future, majorant ainsi le montant du capital alloué à la victime, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
Alors 3°) que seul est indemnisable le préjudice ayant un lien de causalité direct avec le fait dommageable ; que l'inflation susceptible de survenir postérieurement à la décision fixant le montant du préjudice de la victime constitue un événement sans rapport aucun de causalité directe avec le fait dommageable source de responsabilité ; qu'en fixant le montant des préjudices subis par M. X... en tenant compte de l'inflation future, quand cet événement aléatoire, lié au seul contexte économique, ne revêtait pas de lien de causalité direct avec l'accident dont avait été victime M. X..., les juges d'appel ont violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
Alors 4°) que le préjudice futur n'est indemnisable qu'à la condition de revêtir un caractère certain, ce qui implique qu'il constitue la prolongation directe et certaine d'un état de fait actuel ; qu'en liquidant les préjudices subis par M. X... sur la base d'un barème de capitalisation tenant compte de l'érosion monétaire future, calculée sur la base d'une projection de l'inflation observée au cours de l'année 2012, quand cette inflation n'était pourtant que purement hypothétique, tant en son principe même qu'en son taux, la cour d'appel a encore méconnu l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;
Alors 5°) que les jugements doivent être motivés en fait et en droit ; qu'en se bornant à affirmer, pour liquider les préjudices de M. X... sur la base du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en date des 27-28 mars 2013, que ce barème « paraissait le mieux adapté et serait donc utilisé », sans s'expliquer sur les contestations élevées par la société GMF dans ses écritures quant à l'application de ce barème, en particulier en ce qu'il prenait indûment en compte l'inflation future, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision, violant ainsi les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les intérêts couraient au double du taux légal à la charge de la GMF à compter du 11 juillet 2011 et jusqu'au 4 octobre 2013, sur le montant de l'indemnité offerte par cet assureur avant déduction de la créance du tiers payeur ;
Aux motifs que les deux parties s'accordaient à reconnaître que l'assureur avait présenté tardivement l'offre définitive d'indemnisation que l'article L. 211-9 du code des assurances mettait à sa charge et dont le délai expirait le 11 juillet 2011 ; que la GMF justifiait y avoir procédé par lettre du 14 décembre 2011 seulement ; que cette offre devait être considérée comme complète pour faire référence à chaque poste de préjudice visé par l'expert médical mais devait être qualifiée de manifestement insuffisante au sens de l'article L. 211-14 du code des assurances et assimilée à une absence d'offre notamment en raison du montant offert au titre des pertes de gains professionnels futurs qui constituaient le principal chef de dommages ; que seule l'offre présentée le 4 octobre 2013 par voie de dernières conclusions devant le tribunal de la présente instance répondait aux exigences légales ; que si elle était inférieure au montant judiciairement accordé, elle restait à un niveau sérieux d'autant que sa base d'évaluation avait été entérinée ; que la GMF ne saurait prétendre échapper aux rigueurs de la loi car elle n'invoquait elle-même aucun des cas de suspension ou de prorogation limitativement énumérés aux articles R. 211-29 à R. 211-34 du code des assurances ; que la pénalité qui jouait de plein droit s'appliquait à compter de l'expiration du délai d'offre définitive, soit le 11 juillet 2011, date sur laquelle s'accordaient les deux parties et jusqu'au 4 octobre 2013, jour de l'offre définitive ; que dès lors qu'une offre précise avait été effectuée pour chacun des dommages évoqués par l'expert judiciaire, la sanction cessait au jour de celle-ci et s'appliquait sur le montant de l'indemnité offerte, avant imputation de la créance des organismes sociaux ; que les indemnités judiciairement allouées par la cour porteraient intérêts au taux légal conformément à l'article 1153-1 du code civil à compter du jugement du 27 février 2014 à hauteur de 381 916,21 euros et à compter du présent arrêt à hauteur de 24 907,47 euros ;
Alors 1°) que le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; que M. X... n'avait jamais prétendu dans ses conclusions que l'offre du 14 décembre 2011 était manifestement insuffisante, notamment en raison du montant offert pour les pertes de gains professionnels futurs, et avait simplement prétendu ne pas avoir reçu d'offre dans les délais prescrits (conclusions, p. 19), de sorte qu'en s'étant fondée d'office sur la prétendue insuffisance manifeste de l'offre, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que la pénalité du doublement de l'intérêt légal ne s'applique que si l'offre ne porte pas sur tous les éléments de préjudice indemnisables et est globalement insuffisante ; qu'en appliquant la sanction du doublement du taux d'intérêt légal après avoir constaté que l'offre devait être considérée comme complète pour avoir fait référence à chacun des postes de préjudice visés par l'expert médical et qu'un seul poste de préjudice, celui tenant aux pertes de gains professionnels futurs, était « manifestement insuffisant » la cour d'appel a violé les articles L. 211-9, L. 211-13 et L. 211-14 du code des assurances ;
Alors 3°) et en tout état de cause que faute d'avoir expliqué en quoi l'offre de la GMF était « manifestement insuffisante », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-14 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-10271
Date de la décision : 14/01/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jan. 2016, pourvoi n°15-10271


Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.10271
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