LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la selarl EMJ, représentée par M. Z... de ce qu'elle reprend l'instance en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Lalouer Eussa ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 avril 2013), que M. X... a été engagé le 27 octobre 2004 par la société Lalouer Eussa (la société) en qualité d'assistant de chef de chantier, puis de responsable local ; que mis à pied le 27 janvier 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ; qu'il a été licencié pour motif personnel le 26 avril 2010 ; que la société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 mars 2015, la société EMJ étant désignée liquidateur ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires alors, selon le moyen qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que dès lors en constatant que le salarié versait aux débats ses feuilles de pointage sur lesquelles figuraient le nom du chantier, le jour d'intervention, le temps passé et la tâche effectuée, ses bulletins de salaire ainsi qu'un récapitulatif d'heures supplémentaires et d'heures de travail du dimanche pour la période d'avril 2006 à juin 2010 et en déclarant que le salarié n'étayait pas sa demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, ainsi, violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a estimé que les pièces produites par le salarié n'étaient pas suffisamment précises quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que le rejet des trois premières branches du moyen rend sans objet les quatrième, cinquième et sixième branches qui invoquent une cassation par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande à titre de rappel d'heures supplémentaires et, par voie de conséquence, de ses demandes à titre d'indemnité pour travail dissimulé, dommages intérêts pour licenciement illégitime et préjudice moral en résultant et en annulation de la sanction disciplinaire ;
Aux motifs que « Sur les heures supplémentaires, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ; que M. X... prétend au paiement d'une somme de 2. 300 ¿ à ce titre, sans indiquer la période de référence ni fournir un décompte des heures supplémentaires ; que, par ailleurs, les " feuilles de pointage " qu'il verse au débat, ne sont pas signées de l'employeur, mentionnent seulement le nombre d'heures que le salarié dit avoir effectué chaque jour pour tel ou tel chantier, mais ne précisent ni l'heure d'embauche, ni l'heure de fin de travail, M. X... s'y refusant depuis toujours ainsi que le relève un compte rendu de réunion de production du 15 avril 2009 non contesté, et ces documents ne précisent pas non plus si le temps de pause journalier est inclus ou non, de sorte que l'employeur ne peut répondre utilement ; qu'à défaut pour le salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre des heures supplémentaires ; que, sur le travail dissimulé, M. X... soutient que le paiement d'indemnité de grand déplacement figurant sur ses bulletins de paie, non prévue par la convention collective nationale ETAM du bâtiment, et la discordance entre le nombre de jours de grand déplacement d'Ouessant indiqué sur ses bulletins et celui mentionné sur ses feuilles de pointage, ainsi que les discordances concernant les lieux de chantier, caractérisent la volonté de l'employeur de dissimuler le paiement d'heures supplémentaires sous forme d'indemnité de grand déplacement et d'éluder ainsi le paiement des cotisations patronales et la, majoration de 25 % du taux horaire applicable ; qu'il est exact que la convention collective nationale ETAM du bâtiment ne prévoit pas le paiement d'indemnité de grand déplacement ; que cependant, la Cour relève qu'est annexé au contrat de travail produit tant par le salarié que par l'employeur, un document aux termes duquel 8 sur 24 l'employeur précise que la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment s'applique dans l'entreprise, la convention collective nationale ETAM du bâtiment étant appliquée pour la classification de M. X... ; qu'il suit de cette constatation que l'employeur a entendu faire bénéficier M. X... des dispositions plus favorables de la convention collective nationale des ouvriers lorsqu'il était amené à travailler sur l'île d'Ouessant ou en dehors du siège de la société Gouesnou et qu'il était donc amené à exposer des frais ; que le fait que les bulletins de paie mentionnent x jours à Ouessant au titre de l'indemnité de grand déplacement n'est qu'une commodité ou un raccourci à l'effet de ne pas détailler mensuellement tous les lieux de travail de l'intéressé hors de Gouesnou, tels qu'ils ressortent des feuilles de pointage ; que la variation du montant de cette indemnité s'explique notamment par le temps plus ou moins long passé par le salarié pour se rendre sur les chantiers selon leurs localisations et selon que le temps de trajet est ou non compris dans l'horaire de travail ; qu'il n'existe donc pas de travail dissimulé et le jugement de débouté doit être confirmé ; que, sur les indemnités kilométriques, le jugement déboutant l'employeur de sa demande de remboursement de frais kilométriques payés indûment selon lui, doit être confirmé en ce qu'il a, par des motifs pertinents que la cour adopte, retenu qu'il ne s'agissait pas là d'un paiement indu ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que, d) sur les heures supplémentaires, tout d'abord, la demande ayant été formulée le 29 avril 2010, ne peut porter que sur la période postérieure au 29 avril 2005, en application de la prescription quinquennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail ; que, par ailleurs, s'il appartient aux deux parties de transmettre les justificatifs, encore faut-il que le demandeur ai fourni au préalable un minimum d'éléments de nature à étayer sa demande et permettre à l'employeur d'y répondre ; qu'en l'espèce, M. X... se contentant de simples affirmations sera débouté de sa demande ; que, sur les demandes reconventionnelles et sur les indemnités kilométriques, il est constant que M. X... disposait d'un véhicule de l'entreprise pour effectuer les trajets entre son domicile et le siège de l'entreprise lorsqu'il travaillait sur le continent, qu'il percevait pour ce même trajet des indemnités kilométriques, calculées par l'employeur en fonction du nombre de jours de travail ; que l'employeur n'a remis en cause ce versement qu'à l'occasion des conclusions de M. X... dans le cadre de la présente procédure en indiquant que la directrice des ressources humaines n'était pas informée de l'autorisation donnée, en 2007, à M. X... d'utiliser le véhicule de l'entreprise pour de tels trajets ; qu'il est également établi que M. X... n'a pas cherché 9 sur 24 à induire en erreur son employeur mais qu'il était persuadé que les indemnités lui étaient dues pour compenser, au moins en partie, la diminution de l'indemnité de grand déplacement ; qu'ainsi, soit l'employeur, lorsqu'il a été confronté à une diminution du nombre de chantiers à Ouessant, a volontairement choisi, pour apporter une compensation à M. X... ou pour l'apaiser, de lui permettre d'utiliser le véhicule de l'entreprise tout en lui laissant le bénéfice des indemnités kilométriques, soit il s'agit d'une erreur répétée, ce qui n'est pas démontré, et, dans ce cas, il n'y a pas lieu à répétition, les sommes versées à tort correspondant à une juste indemnisation du préjudice matériel subi par M. X... puisqu'au vu du montant de ses revenus, le remboursement des versements effectués qui se sont cumulés pendant plusieurs années, ne pourraient que déséquilibrer gravement son budget, même avec des délais de paiement, et qu'il aurait pu, en outre, en se rendant compte que ses revenus n'étaient pas à la hauteur de ses espérances, rechercher un autre emploi dans des conditions plus favorables à cette époque ; qu'en conséquence, la société Lalouer Eussa sera déboutée de sa demande » ;
Alors, d'une part, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que dès lors en constatant que le salarié versait aux débats ses feuilles de pointage sur lesquelles figuraient le nom du chantier, le jour d'intervention, le temps passé et la tâche effectuée, ses bulletins de salaire ainsi qu'un récapitulatif d'heures supplémentaires et d'heures de travail du dimanche pour la période d'avril 2006 à juin 2010 et en déclarant que le salarié n'étayait pas sa demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, ainsi, violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Alors, d'autre part, que, selon l'article 8-21 de la convention collective des ouvriers du bâtiment, « Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit-compte tenu des moyens de transport en commun utilisables-de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence ; qu'en application de ce texte, les seuls grands déplacements interdisant à M. X... de regagner son domicile correspondaient à ceux effectués sur les îles de Sein et d'Ouessant en sorte que les indemnités de grands déplacement allouées au salarié sur des mois où il n'avait pas travaillé sur ces îles masquaient nécessairement des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées dans les conditions légales ; que, pour débouter M. X... de sa demande à titre de rappel d'heures supplémentaires dont le paiement avait été dissimulé par l'attribution d'indemnités de grand déplacement, la cour d'appel a déclaré que « le fait que les bulletins de paie mentionnent x jours à Ouessant au titre de l'indemnité de grand déplacement n'est qu'une commodité ou un raccourci à l'effet de ne pas détailler mensuellement tous les lieux de travail de l'intéressé hors de Gouesnou (siège de la société) » ; qu'en statuant ainsi quand seul les sites de sein et d'Ouessant pouvait donner lieu à indemnité de grand déplacement, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-4 du code du travail et 8-21 et suivants de la convention collective des ouvriers du bâtiment ;
Alors, au surplus, que, selon l'article 8-21 de la convention collective des ouvriers du bâtiment, « Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit-compte tenu des moyens de transport en commun utilisables-de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence ; qu'en application de ce texte, les grands déplacements sont ceux interdisant à l'ouvrier de regagner son domicile ; qu'en l'espèce, par motifs adoptés, la cour d'appel a constaté que « M. X... disposait d'un véhicule pour effectuer les trajets entre son domicile et le siège de l'entreprise lorsqu'il travaillait sur le continent, qu'il percevait pour ce même trajet des indemnités kilométriques, calculées par l'employeur en fonction du nombre de jours de travail ¿ l'employeur, confronté à une diminution du nombre de chantiers à Ouessant, ayant volontairement choisi, pour apporter une compensation à M. X..., de lui permettre d'utiliser le véhicule de l'entreprise tout en lui laissant le bénéfice des indemnités kilométriques » (jugement p. 12, 1er à 4ème al.) d'où il résultait la prise en charge des déplacements sur le continent ; que dès lors en déclarant que les indemnités de grand déplacement servaient à indemniser les déplacements sur le continent et non à masquer le paiement des heures supplémentaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, ainsi, violé les articles L. 3171-4 du code du travail et 8-21 et suivants de la convention collective des ouvriers du bâtiment ;
Et, alors qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt ayant rejeté la demande de M. X... au titre du travail dissimulé par dissimulation intentionnelle d'heures supplémentaires, dont la cour d'appel a déclaré qu'elle devait être rejetée ;
Alors qu'en outre, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera par voie de conséquence la cassation de la décision ayant refusé d'annuler la sanction disciplinaire, en réalité motivée par les réclamations du salarié à titre d'heures supplémentaires, dont la cour d'appel a déclaré qu'elle devait être rejetée en raison des fautes commises par M. X... ;
Alors de même qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le moyen relatif aux heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté des demandes de M. X... pour licenciement illégitime et préjudice moral en découlant, licenciement dont la véritable cause résidait dans les réclamations du salarié au titre des heures supplémentaires dues ;