LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2014), qu'à l'occasion de la création d'un centre de tri sont intervenus, pour la maîtrise d'oeuvre, la société BET Auxitec bâtiment (société Auxitec) et la société Cabinet C+B Architectes (société C+B), assurée auprès de la société MAF (la MAF), et, pour l'exécution de la construction, un groupement d'entreprises avec comme mandataire commun la société ACE, assurée auprès de la société Axa France IARD (société Axa) ; que, se plaignant de travaux de bâtiments réalisés à une hauteur inférieure à celle prévue, la société Locaposte et la SCI Courrier activités de proximité (la SCI), maîtres de l'ouvrage, ont assigné en indemnisation la société Auxitec, qui a appelé en garantie la société ACE, la société C+B, la société Axa et la MAF ;
Attendu que, pour dire que la société Auxitec bâtiment et le cabinet C+B Architectes ont exercé la maîtrise d'oeuvre de l'opération en co-traitance et accueillir le recours de la société Auxitec à l'encontre de C+B Architectes à hauteur de 60 %, l'arrêt retient que le contrat de maîtrise d'oeuvre fait suite et se réfère à l'offre commerciale de l'équipe de maîtrise d'oeuvre constituée de la société Auxitec et de la société C+B, qu'en son article 21.6, le contrat interdit toute sous-traitance, que, dans les annexes du contrat, figure le tableau de « décomposition des éléments de missions » définissant les pourcentages respectifs de missions confiées à la société Auxitec et à la société C+B, que la société C+B a été réglée distinctement et directement par le maître d'ouvrage, que l'offre commerciale précise que c'est l'Architecte qui est chargé de réaliser, au stade de la phase APS, les plans de projet Architecte (plans, façades, coupes, masse), que l'ensemble de ces plans est fourni au maître d'ouvrage dans la phase APD pour vérifier le respect du programme et des objectifs recherchés, que les plans d'exécution de l'architecte sont réalisés à la phase PRO et que, même si leur cartouche portait mention des deux membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, les plans coupe erronés DCE ont été établis par la société C+B ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette offre commerciale n'étaitent pas visée par les écritures des parties, ni mentionnée dans les bordereaux y annexés, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur les conditions de sa communication, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Auxitec et la société C+B ont exercé la maîtrise d'oeuvre de l'opération en co-traitance, fixe la part de responsabilité à proportion de 60 % à la charge de la société C+B et 30 % à la charge de la société Auxitec, et dit que société Auxitec exercera son recours à l'encontre de la société C+B et la MAF à proportion de ces pourcentages, l'arrêt rendu le 21 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Auxitec aux dépens du pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société C+B Architectes et la société Mutuelle des architectes français.
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la société Auxitec Bâtiment et le cabinet C+B Architectes avaient exercé la maîtrise d'oeuvre de l'opération en co-traitance, d'avoir fixé à 155 410 ¿ le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Auxitec Bâtiment au profit de la société Locaposte et la SCI Courrier Activités de Proximité et fait droit au recours de la société Auxitec à l'encontre de C+B Architectes à hauteur de 60 %,
Aux motifs que la société Auxitec et le Cabinet C+B Architectes s'opposent sur la nature du contrat qui les liait, la société Auxitec arguant d'une co-traitance et le Cabinet C+B Architectes d'une sous-traitance.
S'il est constant que le contrat de maîtrise d'oeuvre ne porte mention comme partie contractante pour la maîtrise d'oeuvre que la société Auxitec Bâtiment qui l'a signé, force est de constater :- que ce contrat fait suite et se réfère à l'offre commerciale de maîtrise d'oeuvre de "l'équipe de maîtrise d'oeuvre" constituée du BET Auxitec Bâtiment et du Cabinet C+B Architectes,- qu'en son article 21.6, le contrat interdit toute sous-traitance, à l'exception et par dérogation avec le BET Structure, Fluide,- que dans les annexes faisant partie intégrante du contrat (article 1.7) figure le tableau de "décomposition des éléments de missions" définissant les pourcentages respectifs de missions confiées à Auxitec d'une part et au Cabinet C+B Architectes d'autre part,- que le Cabinet C+B Architectes a été réglé distinctement et directement par le maître d'ouvrage.Il sera déduit de l'ensemble de ces éléments que le Cabinet C+B Architectes est intervenu en qualité de co-traitant de la société Auxitec et chargé spécifiquement de missions définies.Il appartient donc à Auxitec de démontrer la faute du Cabinet C+B Architectes dans l'exécution de ses missions.Le Cabinet C+B Architectes fait valoir que ce n'est pas lui qui a établi les plans erronés et que le problème est au niveau de l'exécution et non de la conception.Cependant, il résulte des pièces au dossier que la modification de l'altimétrie du hall d'exploitation provient d'une erreur dans les plans entre l'APS et le DCE, qui a été reproduite dans l'exécution du bâtiment par l'entreprise ACE.Il résulte du document "décomposition des éléments de missions" que le Cabinet C+B Architectes n'est intervenu qu'au niveau de la conception et pour une part moindre qu'Auxitec ; toutefois, l'offre commerciale précise que c'est "l'Architecte" qui est chargé de réaliser au stade de la phase APS les plans de projet Architecte (plans, façades, coupes, masse), que l'ensemble de ces plans y compris carnets de détail, plans de calepinage des sols et plafonds sont fournis au maître d'ouvrage dans la phase APD pour vérifier le respect du programme et des objectifs recherchés, que les plans d'exécution de l'architecte sont réalisés à la phase PRO.Il en résulte que, même si leur cartouche porte mention des deux membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, les plans coupe erronés DCE précités sur la base desquels le BET Auxitec a établi les documents techniques et qui ont été communiqués à la société ACE, ont bien été établis par le Cabinet C+B Architectes qui était pourtant informé de l'exigence altimétrique contractuelle ; cette erreur est constitutive d'une faute qui engage sa responsabilité.Pour sa part, Auxitec n'a non seulement pas relevé cette erreur, mais l'a reproduite dans ses propres documents, ainsi qu'il résulte du plan technique de décembre 2008 dont la cartouche ne comporte que sa seule mention (pièce 7 de Locaposte) et qui est erroné (arrêt p. 5 et 6) ;
Alors que, d'une part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, sans avoir invité les parties à présenter leurs explications, le moyen tiré de ce que selon l'offre commerciale faite par la société Auxitec aux sociétés Locaposte et SCI Courrier Proximité, c'est « l'architecte » qui était chargé de réaliser, au stade de la phase APS, les plans de projet Architecte, que l'ensemble de ces plans étaient fournis au maître de l'ouvrage dans la phase APD pour vérifier le respect du programme et des objectifs recherchés, et que les plans d'exécution de l'Architecte étaient réalisés à la phase PRO, d'où elle a déduit que c'était bien le cabinet C+B Architectes qui avait établi les plans de coupe erronés, la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur une pièce présente au dossier, non invoquée dans les écritures des parties et non mentionnée dans les bordereaux annexés à leurs dernières écritures, sans inviter les parties à s'expliquer sur les conditions de la remise de cette pièce ; qu'en l'espèce, les conclusions des parties ne faisaient pas état d'une offre commerciale émanant de la société Auxitec adressée aux sociétés Locaposte et Courrier Activités de Proximité qui contredirait les termes du contrat passé entre Auxitec et les sociétés Locaposte et Courrier Activités de Proximité ; qu'aucun bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions des parties n'évoquait une offre commerciale émanant de la société Auxitec ; que dès lors, en se fondant sur cette pièce pour justifier sa décision, sans inviter les parties à s'expliquer sur les conditions de sa remise, la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, la cour d'appel a reconnu qu'il résultait du document "décomposition des éléments de missions" que le Cabinet C+B Architectes n'était intervenu qu'au niveau de la conception et pour une part moindre qu'Auxitec ; qu'en décidant cependant que c'était bien le cabinet C+B Architectes qui avait établi les plans de coupe erronés dès lors qu'il résultait de l'offre commerciale que c'est "l'Architecte" qui était chargé de réaliser au stade de la phase APS les plans de projet Architecte, sans préciser en quoi cette affirmation permettait d'établir que c'était bien le cabinet C+B, et non la société Auxitec, qui avait réalisé les plans litigieux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.