LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait souscrit plusieurs prêts personnels et un prêt professionnel en sa qualité de gérant de la société Fabio, auprès de la Banque populaire du Sud (la banque), faisant grief à celle-ci de lui avoir consenti, le 6 décembre 2005, un nouveau prêt d'un montant de 128 000 euros, sans l'avoir mis en garde au regard du risque d'endettement, l'a assignée en réparation de son préjudice ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que manque à son devoir d'information et de mise en garde l'établissement de crédit qui, ayant déjà accordé plusieurs crédits personnels à son client ainsi qu'un crédit professionnel à la SARL dont il est gérant, et se voyant soumettre une nouvelle demande de crédit professionnel formulée non par cette société mais par ce seul client gérant, ne précise pas à ce dernier qu'il n'est pas opportun, par un tel type de crédit professionnel souscrit à titre personnel, de restructurer ses propres crédits et financer le fonctionnement de la SARL ; qu'en l'espèce, il a été constaté que, le 14 octobre 2005, la banque avait renseigné une « demande de crédit professionnel » d'un montant de 128 000 euros avec mention, dans la rubrique « caractéristiques » : « prêt restructuration sur quinze ans », que, le 17 octobre 2005, cette demande avait été acceptée et que, le prêt finalement obtenu le 6 décembre 2005, avait tout à la fois permis de restructurer les seuls prêts personnels de M. X... et de financer la SARL à hauteur de 35 000 euros ; qu'en omettant de rechercher si, lors du dépôt de cette demande de prêt professionnel, la banque avait questionné M. X... sur la destination des fonds prêtés (128 000 euros) dont le montant était nettement supérieur au total des sommes dues alors à titre personnel (60 301,53 euros) et l'avait valablement informé de la nécessaire distinction de ses finances personnelles et de celles de sa société, et en se bornant à relever que le prêt accordé le 6 décembre 2005 n'était pas un prêt professionnel et que la banque n'était pas responsable de l'affectation des fonds discrétionnairement décidée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le prêt litigieux, distinct de la demande de prêt professionnel en date du 14 octobre 2005, était, comme le précisait l'acte notarié, un prêt personnel, a retenu que l'affectation par M. X... d'une partie modeste de la somme prêtée à la trésorerie de la société n'en changeait pas le caractère, justifiant ainsi légalement sa décision ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter ses demandes, l'arrêt retient que M. X... ne rapporte pas la preuve du caractère disproportionné du crédit octroyé au regard de ses revenus et de ses biens, en sorte que le prêt litigieux n'entraînait aucun risque excessif de surendettement ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le taux d'endettement induit par la souscription de ce prêt n'était pas de nature à justifier la mise en garde de l'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la Banque populaire du Sud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes dirigées contre la Banque Populaire du Sud ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « appelant de ce jugement Mourad X... conclut à sa réformation en maintenant sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 40 500 ¿ ainsi que sa demande de paiement des intérêts au taux de 5,5 % à compter du 6 décembre 2005 et au taux légal sur la somme de 40 500 ¿ à compter de l'assignation. Il réclame en outre 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fait valoir :- que la banque a manqué à son devoir de mise en garde concernant le prêt du 6 décembre 2005,- que les échéances du prêt s'élevaient à 1 118 ¿ alors que son revenu était de 1 250 ¿,- que le prêt accordé était donc disproportionné,- qu'avant la souscription de ce prêt les échéances du prêt immobilier de 1999 alors en cours s'élevaient à 934 ¿ outre deux crédits à la consommation de 182 et 199 ¿ soient un total de 1 315 ¿,- qu'à cette date son compte était débiteur de 8 000 ¿,- qu'à la date du prêt de 2005 il venait de se séparer de sa compagne avec pour conséquence le partage de l'indivision ce que n'ignorait pas la banque,- qu'il n'a pas la qualité d'emprunteur averti étant gérant d'un salon de coiffure,- que le prêt a servi à régler des dettes personnelles et des dettes de la société,- qu'il avait donc une nature professionnelle,- que la somme de 40 500 ¿ réclamée à titre de dommages et intérêts correspond aux dettes de la société qu'il n'aurait pas incluses dans le prêt s'il avait été correctement informé.Qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'à la date de souscription du prêt, le requérant disposait d'un revenu mensuel de 2 000 euros et la société dont il était le gérant (qui ne fut mise en redressement judiciaire qu'en septembre 2008) avait généré en 2004 un chiffre d'affaires de 177 000 euros. Par ailleurs, le requérant était propriétaire indivis d'un appartement situé à Montpellier d'une valeur de 100 000 euros. Compte tenu de ces éléments, le prêt souscrit, qui n'était qu'un prêt de restructuration, n'entraînait aucun risque excessif de surendettement. Par suite, la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde. Le contrat de prêt en mentionnant de manière claire et précise les modalités d'octroi et de remboursement ne nécessitait de la part de la banque aucune information supplémentaire » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. X... ne rapporte pas la preuve du caractère disproportionné des échéances du crédit octroyé au regard de ses revenus de l'époque ; (¿) au surplus, la banque n'était pas tenue d'une obligation spécifique de mise en garde, le crédit consenti ne présentant aucune complexité particulière » ;
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les écritures des parties ; qu'en l'espèce, M. X... soutenait que le montant cumulé des échéances du crédit immobilier (1999) et des deux crédits à la consommation (2003) s'élevait à 934,54 euros (552,82 euros au titre du prêt immobilier, 182,42 pour l'un des crédits à la consommation et 199,30 pour l'autre) soit un montant inférieur aux échéances du prêt de restructuration (2005) qui s'élevaient à 1 118,03 euros ; qu'en retenant, dans l'exposé des moyens des parties, que M. X... aurait fait valoir « qu'avant la souscription de ce prêt de restructuration les échéances du prêt immobilier de 1999 alors en cours s'élevaient à 934 euros outre deux crédits à consommation de 182 et 199 euros soit un total de 1 315 euros », la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge doit se prononcer sur tous les éléments de preuve soumis à son examen ; qu'en l'espèce, M. X... versait aux débats son avis d'imposition sur les revenus 2004 et son avis d'imposition sur les revenus 2005 (pièces 9 et 10) ; que, comme il le faisait spécialement valoir (conclusions, p. 5, avant-dernier alinéa), le premier avis mentionnait un revenu annuel de 24 420 euros, le second de 15 267 euros soit 1 250 euros par mois ; qu'en affirmant qu'il ressortait des pièces versées aux débats qu'à la date de souscription du prêt (6 décembre 2005), M. X... disposait d'un revenu mensuel de 2 000 euros sans se prononcer sur le second de ces avis d'imposition duquel il ressortait que le revenu mensuel de M. X... en 2005 ¿ et donc nécessaire à la date du 6 décembre 2005 -était de seulement 1 250 euros, soit quasiment le montant de la mensualité du prêt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS en tout état de cause QU'appréciant le caractère proportionné du prêt, le juge doit mettre en perspective la mensualité de remboursement avec les revenus de l'emprunteur ; qu'en se bornant à relever qu'en 2004, la SARL Fabio, créée par M. X..., avait généré un chiffre d'affaires de 177 000 euros sans rechercher quel était le montant du bénéfice dégagé tandis que M. X... précisait que, sur cet exercice, ce dernier ne s'élevait qu'à 3 018 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°) ALORS QUE M. X... faisait opportunément valoir que, tandis que le prêt immobilier souscrit en 1999, les crédits accordés en 2003 et le solde débiteur de son compte ne représentaient que 60 301,53 euros (respectivement : 41 749,79 ; 6 706,80 ; 3 714,94 ; et 8 130), la banque ne devait pas hésiter à lui accorder en 2005 un prêt dit de restructuration d'un montant de 128 000 euros soit plus du double ; qu'il faisait encore pertinemment valoir qu'au moment de la souscription du prêt dit de restructuration, il venait de se séparer de sa compagne et était débiteur d'une pension alimentaire mensuelle de 175 euros pour l'entretien et l'éducation de leur fils Fabio ; qu'il précisait que la Banque était informée de cette situation pour avoir elle-même produit en première instance l'acte de partage de l'indivision portant sur le bien immobilier financé par le prêt accordé en 1999 ; qu'il faisait enfin valoir qu'étant le gérant de la SARL Fabio, créée en 2003, il devait assumer les difficultés rencontrées par celle-ci pour rembourser le prêt professionnel consenti en 2003 et qu'en dépit des virements effectués suite au déblocage du prêt personnel souscrit le 6 décembre 2005, la situation de la société ne s'était pas améliorée, une procédure de redressement judiciaire converti en liquidation ayant depuis été ouverte ; qu'en laissant ces moyens déterminants sans réponse, pour tenir pour acquis que le prêt litigieux n'était qu'un prêt de restructuration, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'appréciant le caractère proportionné du prêt, le juge doit mettre en perspective la mensualité de remboursement avec le patrimoine de l'emprunteur ; qu'en se bornant à relever que M. X... était propriétaire indivis d'un appartement situé à Montpellier d'une valeur de 100 000 euros sans préciser la part devant lui revenir s'il était mis fin à l'indivision, sachant au demeurant que le prêt accordé le 6 décembre 2005 était précisément destiné en partie à financer le rachat de la part de son ex-compagne (14 000 euros), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6°) ALORS enfin QUE, saisi d'une demande d'indemnisation pour légèreté blâmable dans l'octroi d'un concours, le juge doit rechercher si l'emprunteur se trouvait en situation d'endettement excessif lorsque celui-ci lui a été consenti ; qu'il doit ainsi rechercher si le prêt était adapté aux capacités financières de l'emprunteur et s'il existait un risque d'endettement né de l'octroi de ce prêt ; qu'en retenant seulement que le prêt litigieux n'entraînait aucun risque excessif de surendettement, la cour d'appel, qui n'a pas respecté les critères habituels d'appréciation de l'excès de crédit et qui n'a pas recherché, comme l'y invitait l'emprunteur, dans ses conclusions, si le taux d'endettement induit par la souscription des prêts litigieux n'était pas de nature à justifier sa mise en garde, a déduit un motif dépourvu de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes dirigées contre la Banque Populaire du Sud ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ressort des pièces versées aux débats que, contrairement à ce que soutient le requérant, le prêt de restructuration souscrit le 6 décembre 2005 est un prêt personnel et non à caractère professionnel ainsi que cela résulte de l'acte notarié. Le fait que le requérant ait, de sa propre initiative, affecté une partie (modeste) à la trésorerie de sa société n'a pas pour effet de lui faire perdre sa nature de prêt personnel » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. X... recherche la responsabilité de la banque aux motifs que celle-ci aurait manqué à ses devoirs d'information et de mise en garde, en lui faisant souscrire à titre personnel un prêt de nature à financer en partie des dettes professionnelles, et en omettant de l'informer sur les avantages et les inconvénients d'une telle opération. En premier lieu, il convient de préciser que le prêt litigieux a été souscrit non pas le 28 octobre 2005 mais par acte notarié du 6 décembre 2005. Cet acte notarié précise en page 2, au paragraphe « Titre I ¿ CONDITIONS SPECIALES », que « La Banque consent à l'emprunteur sur sa demande et pour SES besoins personnels un prêt, dont les caractéristiques et conditions sont ci-après énoncées », et en page 3 que « ce prêt a pour objet exclusif le financement partiel de : PRET D'ARGENT », sans plus de précision. Il n'est donc nullement indiqué que ce prêt aurait une vocation professionnelle. M. X..., qui prétend avoir souscrit un crédit professionnel, produit une demande de crédit professionnel datée du 14 octobre 2005. Or, ce document n'est pas un contrat de prêt mais une demande de prêt, ne comporte pas la signature de M. X..., et porte sur une somme globale de 128 000 euros alors que ce dernier soutient que les dettes professionnelles à financier s'élevaient à la somme de 40 500 euros. Le document manuscrit produit au dossier n'a pas plus de valeur probante dans la mesure où il ne s'agit pas d'un document contractuel émanant de la banque, qu'il ne comporte aucune date certaine, ni identité de son rédacteur. En revanche, M. X... reconnaît que ce prêt était destiné à financer des dettes personnelles, à savoir un découvert en compte, des échéances de prêts impayées, des dettes d'assurances et de charges de copropriété, à solder des crédits antérieurs et notamment le crédit immobilier souscrit en 1999, et à lui permettre de racheter la part indivise de Mme Y... dans l'appartement acquis en 1999. M. X... ne rapporte donc pas la preuve du caractère professionnel du prêt litigieux, lequel était clairement destiné à financer des dettes personnelles. Il ressort par ailleurs de l'historique de compte de M. X... que celui-ci a effectué un virement interne en faveur de la SARL Fabio le 12 décembre 2005 pour un montant de 13 000 euros, et le 27 décembre 2005 pour un montant de 22 000 euros. Il résulte de l'ensemble de ces pièces que M. X..., qui ne rapporte pas la preuve du caractère professionnel du prêt, a, de sa propre initiative, intégré dans un prêt de restructuration des dettes professionnelles, au demeurant minoritaires par rapport aux sommes empruntées. Il s'agit là d'un choix de gestion, puisqu'il pouvait fort bien décider d'affecter certaines sommes au compte courant d'associé, ce qui lui aurait permis d'ailleurs de devenir créancier de la SARL. Il n'appartenait en aucun cas à la banque de s'opposer aux virements effectués en faveur de la SARL Fabio, ni d'exiger de cette dernière la souscription d'un prêt distinct, ce qui aurait d'ailleurs conduit à solliciter de M. X... qu'il engage son patrimoine personnel à titre de garantie » ;
ALORS QUE manque à son devoir d'information et de mise en garde l'établissement de crédit qui, ayant déjà accordé plusieurs crédits personnels à son client ainsi qu'un crédit professionnel à la SARL dont il est gérant, et se voyant soumettre une nouvelle demande de crédit professionnel formulée non par cette société mais par ce seul client gérant, ne précise pas à ce dernier qu'il n'est pas opportun, par un tel type de crédit professionnel souscrit à titre personnel, de restructurer ses propres crédits et financer le fonctionnement de la SARL ; qu'en l'espèce, il a été constaté que, le 14 octobre 2005, la Banque Populaire du Sud avait renseigné une « demande de crédit professionnel » d'un montant de 128 000 euros avec mention, dans la rubrique « caractéristiques » : « prêt restructuration sur 15 ans », que, le 17 octobre 2005, cette demande avait été acceptée et que, le prêt finalement obtenu le 6 décembre 2005, avait tout à la fois permis de restructurer les seuls prêts personnels de M. X... et de financer la SARL à hauteur de 35 000 euros ; qu'en omettant de rechercher si, lors du dépôt de cette demande de prêt professionnel, la Banque Populaire du Sud avait questionné M. X... sur la destination des fonds prêtés (128 000 euros) dont le montant était nettement supérieur au total des sommes dues alors à titre personnel (60 301,53 euros) et l'avait valablement informé de la nécessaire distinction de ses finances personnelles et de celles de sa société, et en se bornant à relever que le prêt accordé le 6 décembre 2005 n'était pas un prêt professionnel et que la banque n'était pas responsable de l'affectation des fonds discrétionnairement décidée par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.