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12/03/2014 | FRANCE | N°12/03771

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre sociale, 12 mars 2014, 12/03771


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale ARRÊT DU 12 mars 2014

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 03771 + 12/ 4343 JONCTION
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 AVRIL 2012 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RGF11/ 00130

APPELANTE : Madame Béatrice X... ... 34250 PALAVAS LES FLOTS Représentant : Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :
SA ENJOY prise en la personne de son représentant légal Esplanade Charles de Gaulle 34000 MONTPELLIER Représentant : Me Pierre PALIES de la SC

P SCP PALIES/ DEBERNARD-JULIEN/ DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale ARRÊT DU 12 mars 2014

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 03771 + 12/ 4343 JONCTION
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 AVRIL 2012 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RGF11/ 00130

APPELANTE : Madame Béatrice X... ... 34250 PALAVAS LES FLOTS Représentant : Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :
SA ENJOY prise en la personne de son représentant légal Esplanade Charles de Gaulle 34000 MONTPELLIER Représentant : Me Pierre PALIES de la SCP SCP PALIES/ DEBERNARD-JULIEN/ DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 06 JANVIER 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller Mme Isabelle ROUGIER, Conseiller qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY
ARRÊT :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 26 février 2014 et prorogé au 5/ 03/ 2014 puis au 12/ 03/ 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;- signé par M. Robert BELLETTI, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mr CLUZEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* **
EXPOSE DU LITIGE Madame Béatrice X... a été embauchée par la SAEM Le Corum, depuis devenue société Enjoy, suivant lettre en date du 05 janvier 2004 valant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet prenant effet au 02 janvier 2004 et ce pour occuper les fonctions de " directrice de la communication et projets sous la qualification de cadre 3. 1, coefficient 170 ". Le contrat de travail était assorti d'une période d'essai de trois mois renouvelable une fois, dont les parties ont usé et selon lettre datée du 23 novembre 2004 Mme X... s'est vue confirmée dans ses fonctions avec la classification de directrice communication et projets, cadre 3. 2, coefficient 210 avec effet rétroactif au 1er juillet 2004. Dans le cadre d'une " note interne " datée du 25 janvier 2008 adressée à " tout le personnel ", le directeur général de la société Enjoy expose que confronté à la nécessité de " s'adapter aux évolutions en cours " il a été décidé de " créer une régie Parc Expo regroupée " et qu'à cet effet " Béatrice X..., par délégation du directeur général, prend en charge la direction des manifestations du Parc Expo et à ce titre assurera la direction de l'équipe régie unique du Parc Expo. ". Il y est ajouté que " Béatrice X... interviendra aussi au premier niveau sur les relations et négociations commerciales sur l'ensemble des manifestations récurrentes du Parc Expo en appui de Josiane Y..., responsable commerciale. Ces responsabilités nouvelles de Béatrice X... sont complétées par la direction du planning du Parc et elle conserve la direction communication du Groupe Enjoy. ".

En date du 13 mai 2008 Mme X... fait parvenir au directeur général une note interne de 6 pages pour l'alerter officiellement et de manière circonstanciée sur la très forte augmentation de sa charge de travail générée par les nouvelles responsabilités et dans le soucis de préserver les intérêts de l'entreprise elle formule la proposition suivante : " Je propose qu'en dehors de moi-même il y ait une réunion entre les 3 directeurs concernés par leur positionnement hiérarchique sur le personnel du Parc afin qu'ils élaborent en commun le cahier des charges et les contours de cette mission qui sera confiée une fois l'analyse et les moyens définis à la personne la plus à même d'exercer cette fonction dans les meilleures conditions de l'entreprise. ". Aucune suite particulière ne sera réservée par l'employeur à cette alerte.

En juin 2009 la société Enjoy recrute en la personne de M. Z... un " directeur commercial marketing et développement " et en janvier 2010 elle embauche M. A... en qualité de " directeur marketing et développement commissariat général des salons professionnels ". Le 18 octobre 2010, l'employeur remet en main propre à Mme X... une lettre en lui signifiant que le courrier " doit être le départ d'une réflexion qui te soit personnelle et d'une remise en question de ton comportement, de tes méthodes de travail et de management. ". Par lettre datée du 05 novembre 2010 l'employeur convoque Mme X... à un entretien préalable fixé au 16 novembre 2010 à l'issue duquel aux termes d'un courrier de 4 pages en date du 22 novembre 2010 il lui est notifié un avertissement. Il y est notamment reproché à Mme X... de s'être emportée le 26 octobre 2010 lors d'une réunion du groupe de direction, d'user des " outils de communication aux fins de perpétuer des querelles stériles ", de faire " cavalier seul " dans son travail et de s'affranchir de ses devoirs à l'égard de sa hiérarchie. Suivant courrier en date du 02 décembre 2010, l'employeur convoque Mme X... à un entretien préalable fixé au 13 décembre 2010, auquel elle se rend bien qu'en arrêt de travail pour maladie du 04 au 31 décembre 2010. Elle est licenciée pour faute grave, tenant essentiellement à une absence de " débriefing " de la foire exposition de Montpellier dans les 15 jours ayant suivis son achèvement ainsi qu'à une attitude d'insubordination et ce par lettre du 21 décembre 2010, mentionnée comme étant en recommandé mais dont il n'est justifié ni de la date d'envoi ni de celle de distribution.

Contestant cette mesure Mme X... a saisi le 20 janvier 2011 le conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande en annulation de l'avertissement du 22 novembre 2010 et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ainsi que des indemnités de licenciement et de préavis. Par jugement rendu le 23 avril 2012, la juridiction prud'homale a requalifié le licenciement pour faute grave en cause réelle et sérieuse et condamné la société Enjoy à verser à Mme X... les sommes suivantes :-15 120, 00 ¿ d'indemnité de licenciement,-19 441, 65 ¿ d'indemnité de préavis, outre 1944, 16 ¿ pour les congés payés associés,-900, 00 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appel de ce jugement, formé le 15 mai 2012 par Mme X... a fait l'objet d'un enregistrement sous la référence no12/ 03771 ; le 06 juin 2012 la société Enjoy a également interjeté appel donnant lieu à l'ouverture d'un dossier référencé no12/ 04343. Mme X... invoque pour la première fois en cause d'appel qu'elle a été victime d'une discrimination salariale tenant à son sexe et qu'il ya eu, à son détriment et par comparaison avec deux autres directeurs spécialisés masculins, à savoir MM. Z... et A..., violation du principe " à travail égal, salaire égal ". Elle fait valoir que compte tenu de son degré d'expérience, de son niveau de diplômes et de l'importance des fonctions exercées, aucun élément objectif n'était de nature à justifier la différence de rémunération ayant existé entre elle-même et ses homologues masculins ; différence qui était du simple au double. Elle conteste formellement les griefs formulés à son encontre dans le cadre du licenciement et s'agissant du manquement tenant à l'absence de " débriefing " elle expose que celui-ci était rendu matériellement impossible dans le délai de 15 jours de l'achèvement de la foire exposition compte tenu du nombre d'événements qui se sont enchaînés et qu'il a fallu gérer.

Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré à l'annulation de l'avertissement, à la reconnaissance de la violation par l'employeur du principe " à travail égal, salaire égal ", à l'absence de commission d'une faute grave et demande que la société Enjoy soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :-116 225, 00 ¿ de rappel de salaire, outre 11 622, 50 ¿ pour les congés payés associés,-300 000, 00 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,-27 708, 33 ¿ d'indemnité de licenciement,-35 625, 00 ¿ d'indemnité de préavis, ainsi que 3562, 50 ¿ de congés payés correspondants,-2500, 00 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite également la condamnation de l'employeur à lui délivrer les bulletins de salaire régularisés ainsi que les documents de fin de contrats rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir et ce sous condition d'astreinte. La société Enjoy qui réfute tout comportement discriminatoire, expose que Mme X... est " passée de l'échelon cadre 3. 1 coeff. 170 à l'échelon 3. 2 coeff. 210 " et soutient l'absence d'inégalité de traitement compte tenu que la situation de cette dernière n'était pas identique à celle des directeurs auxquels elle se réfère. Outre la mise en avant d'expériences et compétences professionnelles différentes, la société Enjoy rappelle que MM. Z... et A... " ont été recrutés pour développer une activité nouvelle ", alors que Mme X... " a été embauchée pour exploiter une activité existante ". Bien que ne s'exprimant pas sur la demande en annulation de l'avertissement, la société Enjoy affirme que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au déboutement de l'intégralité des demandes formulées par Mme X... et à sa condamnation à verser la somme de 5000, 00 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives, la Cour se réfère aux conclusions notifiées des parties, auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats. SUR QUOI

A titre liminaire et dans le cadre d'une bonne administration de la justice, la Cour ordonne la jonction du dossier référencé no12/ 04343 avec celui portant la référence no12/ 03771. Sur le principe " à travail égal, salaire égal " S'agissant de l'égalité de rémunération qui doit prévaloir entre les femmes et les hommes :

L'article L. 3221-2 du code du travail énonce que : " tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. ". L'article L. 3221-3 du même code décline que : " constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier. ".

L'article L. 3221-4 du code précité ajoute que : " sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charges physiques ou nerveuse ; ".
Il s'induit des dispositions mentionnées supra que la règle " à travail égal, salaire égal " n'a vocation à s'appliquer qu'à l'égard des salariés d'une même entreprise, mais également qu'il doit être considéré qu'effectuent un travail de valeur égale, les salariés dont les fonctions sont différentes mais d'importance comparable dans le fonctionnement de l'entreprise. Le régime de la preuve en matière d'inégalité de rémunération est le même que celui prévu à l'article L. 1134-1 du code du travail en matière de discrimination, ainsi il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe " à travail égal, salaire égal " de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence. Mme X... oppose son salaire annuel brut d'un montant, perçu en dernier lieu, de 74 827, 34 ¿ à celui dont MM. Z... et A... bénéficiaient et qui s'élevait pour l'un et l'autre à " 123 500, 00 ¿ annuels bruts " (13ème mois inclus) auquel s'ajoutait " une rétribution variable de 25 % de la rémunération annuelle fixe si les objectifs fixés sont (étaient) intégralement atteints ou de 12, 5 % en cas de réalisation partielle ". Outre notamment son contrat de travail, ses bulletins de salaire, sa fiche de définition de poste et de responsabilités, l'organigramme de la société, Mme X... se prévaut, au confort de sa réclamation, d'un document dont la valeur, comme l'objective rigueur qui a dû dicter à son élaboration sont difficilement discutables, en ce qu'il s'agit du " rapport d'observations définitives " en date du 16 mai 2012 établi par la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon concernant " la gestion de la société anonyme d'économie mixte Enjoy Montpellier pour les exercices 2005 et suivants ", duquel les renseignements, tels que déclinés au paragraphe précédent, sur le montant de la rémunération perçue par MM. Z... et A... sont extraits. Pour justifier cette disparité, la société Enjoy invoque tout à la fois des parcours professionnels, une expérience, des fonctions et des diplômes différents entre les parties. Pour autant la Cour constate que la société Enjoy n'a pas considéré utile et moins encore nécessaire de faire figurer au rang des 39 pièces qu'elle verse aux débats et telles que figurant sur son bordereau de communication, les contrats de travail de MM. Z... et A..., pas plus que leurs fiches de paye et pas davantage les fiches de définition de leurs fonctions, conférant ainsi toute sa force aux observations et aux constats du rapport précité de la chambre régionale des comptes, constituant la pièce no179 de Mme X..., lequel en sa page 21 mentionne, faisant référence aux contrats de travail de MM. Z... et A..., " ces modalités auraient avantage à s'inscrire dans un dispositif transparent, préalablement déterminé et accessible à tous les salariés pouvant y prétendre ". Au-delà même de ce document dont la force probante a déjà été soulignée, la Cour, appréciant les éléments de preuve et de fait qui lui sont soumis par l'une et l'autre partie, relève : Au visa de l'organigramme de la société Enjoy, mis à jour le 30 mars 2010 et constituant la pièce no20 produite par Mme X..., que cette dernière se situe non seulement sur le même plan hiérarchique que MM. Z... et A... dans le groupe de direction, mais qu'elle a sous son autorité un nombre de collaborateurs directs identique à celui de M. Z... (25) et très largement supérieur à celui de M. A... qui se réduit à 3. S'agissant des diplômes dont l'une et les autres peuvent se prévaloir, il appert des documents communiqués que Mme X... est notamment titulaire d'un diplôme d'études approfondies (master 2) de droit public économique délivré par l'université de Montpellier, alors que M. Z... est détenteur d'un master en marketing des services obtenu de l'école supérieure de commerce de Nice et que M. A... justifie d'un diplôme supérieur de commerce sanctionnant des études suivies auprès de l'université Saint-Joseph à Beyrouth-Liban. Concernant l'expérience professionnelle acquise respectivement avant d'intégrer la société Enjoy, Mme X... a d'abord exercé durant 3 ans en qualité de " chargée d'études ressources humaines " au sein de la Société Montpelliéraine de Transports Urbains (SMUT), puis également durant 3 ans au sein de la même société en tant que " responsable marketing et communication ", avant de rejoindre pour 12 ans la société Transports de l'Agglomération de Montpellier (TAM) en qualité de " directrice du service de stationnement de TAM " où elle gérait un service de plus de 100 personnes dans tous ses aspects marketing, commercial, finances, communication et autres. M. Z... a pour sa part et tel que cela résulte des pièces de la société Enjoy, occupé sur une période de 12 années (décembre1997 à mai 2009) des fonctions au sein du consortium " stade de France ". D'abord " directeur régie publicitaire/ partenariat ", puis " directeur commercial " durant 5 ans et enfin " directeur marketing et développement " de 2007 à 2009. Quant à M. A... il a été jusqu'en 2001 " directeur commercial " de la société Edit Expo International qui comptait 13 salariés, puis il a crée en 2005 la société Uhk Expo qui assurait la gestion du salon " energaïa ", lui-même fondé en 2006. Il ne peut qu'être constaté qu'entre les fonctions exercées d'une part, par Mme X... et d'autre part, par ses collègues masculins, membres comme elle du groupe de direction et avec lesquels elle se compare, une identité de niveau hiérarchique, de classification, de responsabilités et une importance comparable des fonctions réciproques dans le fonctionnement de l'entreprise, chacune d'elles exigeant en outre des capacités analogues et représentant une charge nerveuse du même ordre. Ce faisant, dès lors que pour un niveau d'études similaire et une ancienneté plus importante Mme X... percevait une rémunération très inférieure à celles de ses collègues masculins, il doit être retenu qu'elle a été victime d'une inégalité de traitement dans la mesure où l'employeur ne rapporte pas la preuve d'éléments étrangers à toute discrimination justifiant cette inégalité. Comme énoncé supra Mme X..., dont à aucun moment l'employeur n'a soutenu ou écrit qu'elle n'avait pas atteint les objectifs qui lui étaient fixés, percevait annuellement la somme de 74 827, 34 ¿, quant à MM. Z... et A... ils ont, tel que décliné par le rapport de la chambre régionale des comptes, perçus la somme annuelle de 123 500, 00 ¿ abondée de 25 % de leur rémunération soit 30 875, 00 ¿, la société Enjoy ne justifiant pas qu'eux-mêmes n'auraient pas atteints les objectifs fixés et qu'une somme inférieure à cette dernière leur aurait été servie. Il convient en conséquence de condamner la société Enjoy à verser à Mme X..., à compter du 1er juin 2009 date d'embauche de M. Z..., le différentiel ayant existé entre les sommes par elle perçues et celles dont MM. Z... et A... ont bénéficié, soit :- du 1er juin 2009 au 31 décembre 2009 = 43 925, 00 ¿,- du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 = 72 300, 00 ¿, ainsi la société Enjoy sera condamnée à payer à Mme X... la somme suivante : 43 925, 00 ¿ + 72 300, 00 ¿ = 116 225, 00 ¿ bruts auxquels s'ajoutent 11 622, 50 ¿ dûs au titre des congés payés associés.

Sur la rupture du contrat de travail La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire. Le premier manquement reproché à Mme X... dans la lettre de licenciement tient au retard apporté par elle au " débriefing " de la foire exposition de Montpellier qui s'est achevée le 18 octobre 2010, ce compte rendu n'ayant toujours pas été réalisé au 03 décembre 2010 alors que le manuel des procédures internes de l'entreprise prévoit qu'il soit normalement effectué " environ 15 jours après la manifestation ". Outre que l'employeur n'explique pas dans la lettre de licenciement en quoi ce manquement représentait un caractère de gravité tel qu'il puisse fonder, en raison de ses conséquences éventuelles sur le fonctionnement de l'entreprise, une procédure de licenciement pour faute grave privative d'indemnités pour la salariée, il appert de la lecture du document intitulé " manuel des procédures service Enjoy organisateur " (pièce no27 employeur) que le " débriefing des manifestations " s'inscrit dans le cadre des " procédures liées à l'étude de la satisfaction ". Ainsi aux termes du document précité ce " débriefing " est prévu " environ " 15 jours après chaque manifestation et que " un mois après la clôture de la manifestation, un questionnaire de satisfaction " est envoyé par les assistants commerciaux aux exposants et " les réponses sont traitées par le service pour analyse et élaboration de pistes d'amélioration ".

Ce faisant plus que le " débriefing " lui-même, ce qui est de nature à modifier ou orienter la politique de l'entreprise se trouve être le recueil et l'exploitation des réponses au questionnaire de satisfaction au sujet duquel, à aucun moment l'employeur n'allègue et moins encore ne rapporte la preuve que les équipes dont Mme X... avait la responsabilité ne se seraient pas acquittées des obligations liées à son envoi et son exploitation. Au surplus c'est sans être démentie que Mme X... a développé dans ses écritures que ce " débriefing " avait été fixé de longue date au 13 décembre 2010 compte tenu de la charge qui était la sienne en ce qu'après que la foire exposition se soit achevée le 18 octobre 2010, ce ne sont pas moins de 11 autres manifestations d'ampleur qui se sont enchaînées dont les salons " Equisud ", " Bio-Harmonie ", " Energaïa ", le salon des équipement hôteliers, celui des antiquaires mais également des concerts de vedettes internationales telles que " Shakira ", toutes manifestations que la salariée a du, dans le cadre de ses fonctions et des obligations en découlant, gérer dans leur mise en place, leur organisation et leur régie. La Cour constate que l'employeur n'a pas rapporté la preuve du caractère de gravité allégué de ce manquement, pas plus qu'il n'établit qu'il aurait été de nature à rendre impossible la poursuite de la relation professionnelle, d'autant qu'il est justifié par la salariée que d'autres directeurs n'avaient pas opérés leurs " débriefings " dans le délai " d'environ 15 jours " sans pour autant avoir été sanctionnés. S'agissant des comportements d'insubordination, ils sont notamment reprochés à Mme X... en ces termes : " le 29 novembre 2010, lors d'une réunion du groupe de direction relative à la réorganisation de l'entreprise, tu as exprimé de manière réitérée ton refus de suivre les directives de ton employeur. Au-delà de ton désaccord sur les méthodes de travail envisagées, tu as manifesté une volonté farouche de t'opposer au processus de réorganisation, pourtant rendues nécessaires par l'évolution de la société, voulue par le directeur général et acceptée par l'ensemble des membres du comité de direction, toi exceptée. ". L'employeur se prévaut des attestations mises en forme entre le 16 mars et le 1er avril 2011 par les six autres membres du groupe de direction qui, avec des formulations très voisines, énoncent tous que " Béatrice (Mme X...) a indiqué qu'elle s'opposait à tout ce qui était proposé en affirmant que l'organisation envisagée par François C... (le directeur général) ne pouvait se concevoir dans notre type de structure et qu'elle n'appliquerait pas la décision prise. " (pièce employeur no30- attestation de M. A...). Il doit être relevé et énoncé qu'aucun des directeurs spécialisés qui se sont exprimés au moyen des attestations, au demeurant succinctes, ne fait état de l'emploi par Mme X..., lors de la réunion du 29 novembre 2010, de propos injurieux voire diffamatoires ou excessifs.

Il se vérifie des éléments versés aux débats par Mme X... que, par note en date du 18 novembre 2010 (pièce no30), le directeur général s'exprimait en ces termes : " je souhaite associer les principaux responsables concernés à cette démarche de réorganisation et aux décisions qui en découleront ". Lors de la réunion du groupe de direction tenue le 29 novembre 2010, Mme X... a distribué en toute transparence une " note interne à groupe de direction " datée du même jour (pièce no32), dans le corps de laquelle elle a développé sur trois pages sa réflexion circonstanciée exempte de tout terme injurieux ou dégradant, note qui se concluait ainsi : " En tout état de cause, la modification d'organisation proposée aujourd'hui aura de lourdes conséquences sur la direction des manifestations grand public et donc ne peut s'acter en l'état. Elle nécessite une réflexion de fond beaucoup plus globale. ".

Quel que soit le cadre dans lequel elle s'exerce, la liberté d'expression est reconnue sous réserve de l'abus ; ainsi, sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression. Il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Le salarié peut donc être amené à formuler, dans l'exercice de ses fonctions et du cercle restreint d'un comité directeur dont il est membre, des critiques, mêmes vives concernant la nouvelle organisation proposée par la direction. Au visa des éléments du dossier et des pièces produites par employeur et salariée et hors toute dénaturation, la Cour considère que le seul fait pour la salariée d'avoir fait part à sa direction, sans excéder les limites de sa liberté d'expression, de ce qu'elle n'entendait pas participer à la mise en oeuvre d'un plan de restructuration, qui au demeurant avait été soumis préalablement à réflexion, ne constitue pas un acte d'insubordination et n'est pas de nature à fonder une procédure de licenciement pour faute grave.

En infirmant le jugement déféré la Cour dira le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ouvrant à Mme X... droit à paiement de dommages-intérêts. Sur les conséquences liées à la rupture du contrat de travail En considération de l'ancienneté acquise par la salariée au sein de l'entreprise (7 ans), de sa qualification et de sa rémunération, le niveau de rémunération retenu étant celui auquel il lui a été reconnu le droit de prétendre dans le cadre de l'application du principe " à travail égal, salaire égal ", des circonstances liées à la rupture du lien professionnel, la Cour condamnera la société Enjoy à payer à Mme X... la somme de 210 000, 00 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société Enjoy sera pareillement condamnée à verser à Mme X... la somme de 27 708, 33 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement, ainsi que celle de 35 625, 00 ¿ (correspondant à 3 mois de salaire) pour l'indemnité de préavis, laquelle sera majorée de la somme de 3562, 50 ¿ au titre des congés payés associés. Toutes sommes que l'employeur a contesté dans leur principe, mais aucunement dans leur mode de calcul. S'agissant de la demande en annulation de l'avertissement du 22 novembre 2010, Mme X... en sera débouté, la Cour ne trouvant pas dans le dossier d'élément de nature à la conduire à faire droit à la réclamation.

PAR CES MOTIFS La Cour, Ordonne la jonction du dossier référencé no12/ 04343 avec le dossier portant la référence no12/ 03771,

Infirme le jugement rendu le 23 avril 2012 par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Montpellier, sauf en ce qu'il condamne la SAEM Enjoy Montpellier aux dépens de l'instance et à verser à Mme X... la somme de 900, 00 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Statuant à nouveau, Dit le licenciement de Mme Béatrice X... dénué de cause réelle et sérieuse, Condamne la SAEM Enjoy Montpellier depuis devenue SAEM Montpellier Events, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme X... les sommes suivantes :-210 000, 00 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la-dite somme étant nette de tout prélèvement pour la salariée,-27 708, 33 ¿ d'indemnité de licenciement,-35 625, 00 ¿ d'indemnité de préavis, outre 3562, 50 ¿ pour les congés payés correspondants,

Ordonne à la SAEM Enjoy Montpellier devenue SAEM Montpellier Events, de remettre à Mme X... les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision, Déboute Mme X... de sa demande en annulation de l'avertissement du 22 novembre 2010, Y ajoutant,

Condamne la SAEM Enjoy Montpellier devenue SAEM Montpellier Events, à verser à Mme X..., pour violation duprincipe " à travail égal, salaire égal ", la somme de 116 225, 00 ¿ bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2009 au 31 décembre 2010, ainsi que celle de 11 622, 50 ¿ pour les congés payés associés, Ordonne à la SAEM Enjoy Montpellier devenue SAEM Montpellier Events, de remettre à Mme X... les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt, Condamne la SAEM Enjoy Montpellier devenue SAEM Montpellier Events, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme X..., en cause d'appel, la somme de 2500, 00 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SAEM Enjoy Montpellier devenue SAEM Montpellier Events, aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/03771
Date de la décision : 12/03/2014
Type d'affaire : Sociale

Analyses

Le seul fait, pour la salariée, d'avoir fait part à sa direction, sans excéder les limites de sa liberté d'expression, de ce qu'elle n'entendait pas participer à la mise en oeuvre d'un plan de restructuration de l'entreprise, qui au demeurant avait été soumis préalablement à réflexion, ne constitue pas un acte d'insubordination et n'est pas de nature à fonder une procédure de licenciement pour faute grave.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 23 avril 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-03-12;12.03771 ?
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