LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 octobre 2014), que M. X..., salarié de la société Adecco (la société) a été victime, le 27 mars 2008, d'un accident que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a pris en charge, le 15 avril 2008, au titre de la législation professionnelle ; que, contestant l'opposabilité de cette décision à son égard faute, pour la caisse, d'avoir procédé à une instruction du dossier malgré les réserves émises, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors, selon le moyen :
1°/ que seules peuvent être qualifiées de réserves les observations de l'employeur portant sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en se bornant à retenir l'existence de réserves motivées sur l'existence d'une « cause étrangère au travail » pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de la caisse de prise en charge de l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que les réserves de l'employeur doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que ne constitue pas une cause totalement étrangère au travail l'existence éventuelle d'un état pathologique préexistant, tirée de prétendues déclarations du salarié faites à l'employeur ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que constituent des réserves au sens de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, les contestations par l'employeur du caractère professionnel de l'accident, qui portent sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ;
Et attendu que l'arrêt retient que l'employeur a envoyé à la caisse, concomitamment à la déclaration d'accident, une lettre ainsi libellée : « Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de cet accident pour les raisons suivantes : lors de la déclaration de notre intérimaire, M. X... nous a fait part de douleurs au dos antécédentes à ce soi-disant fait accidentel. Pour l'ensemble de ces raisons, il apparaît que la matérialité du fait accidentel n'est pas établie, les lésions décrites par le salarié s'approchant davantage d'une maladie telle que celles indemnisables au titre des tableaux n° 97 et 98 prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale » ; que ces réserves évoquent une pathologie antérieure à l'accident signalé par le salarié le 28 mars 2008 ; que, dès lors, la caisse ne pouvait prendre en charge l'accident d'emblée et a violé le principe du contradictoire ;
Que de ces constatations, faisant ressortir que l'employeur avait formulé des réserves sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident, la cour d'appel a exactement déduit que la caisse n'ayant pas procédé à une instruction de la demande de prise en charge de l'accident, sa décision n'était pas opposable à l'employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze, et signé par Mme Flise, président, et par Mme Parchemal, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris et d'AVOIR déclaré inopposable à la société Adecco la décision de la CPAM du Val de Marne de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu le 27 mars 2008 à Monsieur Ridha X... ;
AUX MOTIFS QUE le principe du contradictoire dont la violation est sanctionnée par l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse de reconnaître un accident du travail suppose que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie diligente une mesure d'instruction ; que la caisse a l'obligation de procéder à une instruction lorsque l'employeur a émis des réserves concernant le caractère professionnel de l'accident ; pour donner lieu à une instruction, les réserves doivent être motivées ; que constituent des réserves motivées toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; l'employeur ne peut être tenu dans ses réserves d'apporter la preuve de faits de nature à démontrer que l'accident n'a pas pu se produire au temps et au lieu de travail ; que l'employeur a renseigné la déclaration d'accident du travail dans les termes suivants : " en portant des colis il aurait ressenti une douleur au niveau du dos (cf : lettre de réserve) ; il est rentré chez lui par ses propres moyens " ; que l'employeur a envoyé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, concomitamment à la déclaration d'accident, une lettre ainsi libellée : " Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de cet accident pour les raisons suivantes : Lors de la déclaration de notre intérimaire, Mr X... Ridha nous a fait part de douleurs au dos antécédentes à ce soit disant fait accidentel. Pour l'ensemble de ces raisons, il apparaît que la matérialité du fait accidentel n'est pas établie, les lésions décrites par le salarié s'approchant d'avantage d'une maladie telle que celles indemnisables au titre des tableaux n° 97 et 98 prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale " ; que les réserves satisfont aux conditions énoncées précédemment ; qu'en effet, elles évoquent une pathologie antérieure à l'accident signalé par son salarié le 28 mars 2008 ; qu'il s'agit de réserves motivées sur l'existence d'une cause étrangère au travail ; que dès lors, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ne pouvait, comme elle l'a fait, prendre en charge l'accident d'emblée ; que dans ces conditions, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a violé le principe du contradictoire ; qu'en conséquence, la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu le 27 mars 2008 à Ridha X... doit être déclarée inopposable à l'employeur, la S. A. S. Adecco ; que le jugement entrepris doit être infirmé ;
ALORS D'UNE PART QUE seules peuvent être qualifiées de réserves les observations de l'employeur portant sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'en se bornant à retenir l'existence de réserves motivées sur l'existence d'une « cause étrangère au travail » pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de la Caisse de prise en charge de l'accident, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en toute hypothèse, les réserves de l'employeur doivent porter sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; que ne constitue pas une cause totalement étrangère au travail l'existence éventuelle d'un état pathologique préexistant, tirée de prétendues déclarations du salarié faites à l'employeur ; qu'en considérant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale.