LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
M. Michel X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2014, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole additionnel n° 7 à ladite Convention, 14, § 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article préliminaire et des articles 8, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble du principe non bis in idem ;
" en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de chose jugée et a déclaré M. X... coupable d'abus de confiance au préjudice de l'URSSAF dans les dossiers de MM. Y... et Z... ;
" aux motifs que l'avocat du prévenu invoque l'autorité de la chose jugée au motif que, par arrêt du 19 septembre 2012, la cour d'appel avait relaxé M. X... pour des faits d'abus de confiance commis courant 2006 et 2007, en tout cas depuis temps non prescrit, à hauteur de 49 025, 17 euros, et que ces faits englobaient nécessairement les infractions visées ; que la cour ne pourra apprécier ce point qu'avec les éléments dont elle dispose dans le cadre du présent dossier ; que dans la première condamnation de M. X... en date du 8 novembre 2002, la période de prévention s'étend sur la période courant de 1997 au 15 septembre 2000, et dans la seconde qui a abouti à l'arrêt de la cour d'appel du 19 septembre 2012, sur la période 2006/ 2007, que dans le présent dossier, les faits sont postérieurs à 2000 et antérieurs à 2006 pour les dossiers Z... et Y... ; que dès lors, pour ces deux derniers dossiers, et en l'absence d'élément démontrant que les faits y afférents aient été inclus dans les poursuites antérieures, il n'y a pas autorité de la chose jugée ;
" 1°) alors qu'en l'état de la relaxe prononcée le 19 septembre 2012, sur les faits d'abus de confiance afférents à la gestion d'une étude d'huissier reprochés au requérant par ordonnance de renvoi du juge d'instruction pour la période 2006/ 2007, et depuis temps non prescrit, la règle ne bis in idem interdisait au parquet d'entreprendre en novembre 2012, de nouvelles poursuites sous la même qualification à l'encontre du même huissier pour des faits situés courant 2001 à 2003, lesquels étaient nécessairement inclus dans la première poursuite ;
" 2°) alors en tout état de cause que la cour n'a pu mettre à la charge du prévenu la preuve que les dossiers litigieux n'auraient pas été inclus dans les premières poursuites " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de chose jugée et déclarer M. X... coupable d'abus de confiance commis de février 2001 à septembre 2003 et courant décembre 2001, respectivement au préjudice de MM. Z... et Y..., l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les décisions invoquées à l'appui de l'exception de chose jugée portaient sur d'autres faits, la cour d'appel, qui n'a pas renversé la charge de la preuve, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-8 et suivants, 314-1, 314-3 et 314-4 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour a rejeté l'exception de prescription de l'action publique et déclaré M. X... coupable des faits d'abus de confiance commis courant 2001 dans le dossier de M. Y..., débiteur de l'URSSAF, et courant 2001/ 2003, dans le dossier de M. Z..., également débiteur de l'URSSAF ;
" aux motifs que M. X... invoque ensuite la prescription en exposant que la prescription à commencé à courir au 3 octobre 2007, date du soit transmis du procureur de la République à la gendarmerie qui est le point de départ de l'enquête préliminaire, et au plus tard le 26 juin 2008, date de la mise en examen de M. X... ; que toutefois, en matière d'abus de confiance, le point de départ du délit se situe au moment où le détournement a pu être constaté par la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en l'espèce, la constatation a été faite :- s'agissant du dossier Y... : lorsque les services du Crédit lyonnais ont informé, en mars 2010, Me C... que les treize chèques n'avaient jamais été présentés à l'encaissement :- s'agissant du dossier Z..., lorsque Me C... a informé l'URSSAF par courrier du 21 septembre 2011, de l'éventuel détournement ; que les actes d'enquête ayant commencé le 4 novembre 2011, la prescription n'était alors pas acquise ; qu'il ressort des constatations des enquêteurs que M. Z..., qui avait accepté en 2001 un échéancier de paiement auprès de l'étude X... pour régler une dette envers l'URSSAF a effectué des versements en numéraire de 1 000 francs chacun contre reçu, a déposé plainte suite aux réclamations de l'URSSAF qui n'avait pas reçu les paiements correspondants ; que si M. Z... n'a pu produire l'intégralité des reçus, il justifie avoir réglé l'ensemble de sa dette par la production d'un reçu pour solde de tout compte ; qu'il ressort des déclarations de Me C..., successeur de M. X..., que certains versements, attestés par les reçus correspondants, n'ont jamais été positionnés sur le dossier URSSAF ; que M. X..., entendu, a été dans l'incapacité d'apporter des éclaircissements sur ce point, alors qu'il lui appartenait, en qualité d'huissier de justice, de justifier à tout moment qu'il était en mesure de les reverser au créancier ; que dès lors, l'infraction d'abus de confiance est parfaitement caractérisée et la décision des premiers juges sera réformée sur ce point ; que, sur le dossier Y..., la cour confirmera la décision de culpabilité prise par les premiers juges, en adoptant leurs motifs ; qu'en effet, M. Y... justifie avoir réglé ses dettes par le biais de l'échéancier mis en place auprès de l'étude X..., et les 13 chèques émis le 27 décembre 2001 sur le compte professionnel Crédit lyonnais n'ont jamais été débités de ce compte pour un versement sur les comptes de l'URSSAF, créancier, bien qu'ils aient été débités sur le plan comptable à l'étude ; que comme l'a souligné l'URSSAF, il ne peut s'agir d'un simple oubli ou d'une erreur comptable « puisque le compte URSSAF du dossier au sein de l'étude a été contrepassé pour mentionner un solde nul » ; que là encore, M. X... n'a pu donner aucune explication satisfaisante sur cette anomalie ;
" et aux motifs, éventuellement adoptés des premiers juges, qu'il est reproché à M. X... d'avoir, alors qu'il était huissier de juste à Sartène, commis des abus de confiance, courant 2001, au préjudice de M. Y... en détournant la somme de 10 728, 51 euros qu'il aurait dû rétrocéder à l'URSSAF ; qu'il ressort des pièces de la procédure et des débats d'audience que M. Y... a réglé ses dettes par le biais d'un échéancier auprès de l'étude X... dont il justifie le paiement ; qu'il a été retrouvé dans l'étude X... les copies de treize chèques n° 0598721 à 0598733 émis le 27 décembre 2001, sur le compte professionnel Crédit lyonnais pour un montant de 10 728, 51 euros ; que ces chèques n'ont jamais été débités dudit compte de sorte que cette somme n'a jamais été reversée à l'URSSAF ; que cependant, l'URSSAF a indiqué que M. Y... est à jour de ses cotisations puisque cet organisme s'est payé directement sur un trop versé par ce dernier ; que M. Y... a déposé plainte le 9 janvier 2012, lors de l'enquête diligentée le 4 novembre 2011, par le parquet d'Ajaccio, enquête ayant permis de découvrir lesdits détournements ; qu'il résulte de ces éléments que M. X... qui a pu s'expliquer sur ces faits a commis un abus de confiance en décembre 2011 au préjudice de M. Y... ; qu'en conséquence, le tribunal déclare M. X... coupable pour ces faits, lesquels ne sont couverts par aucune prescription, ni par l'autorité de la chose jugée ;
" 1°) alors qu'en matière d'abus de confiance, le point de départ du délai de prescription de l'action publique ne peut être reporté au jour de la découverte des faits qu'autant qu'il est démontré qu'ils ont été dissimulés à la victime ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action publique au jour de la dénonciation d'une infraction qui aurait été commise dix ans auparavant, sans expliquer si et en quoi les détournements reprochés avaient fait l'objet d'une dissimulation, la cour a procédé par voie de pure affirmation et a privé sa décision de toute base légale ;
" 2°) alors qu'en matière d'abus de confiance, la dissimulation des faits ne saurait être valablement et uniquement déduite de la seule passivité du créancier ; qu'en reportant le point de départ de la prescription de l'action publique au jour de la découverte des détournements litigieux signalés à l'URSSAF et à ses débiteurs par le successeur de l'étude du requérant, lors même que l'URSSAF, qui avait mandaté l'étude en 2001, à l'effet de recouvrer des créances dont elle n'a d'ailleurs pas su établir le montant, ne pouvait légitimement prétendre n'avoir pas eu connaissance d'un défaut de règlement au cours des dix années précédentes ; que de chef encore la cassation est acquise ;
" 3°) alors, en tout état de cause, que la cour d'appel n'a pas recherché comme elle en était requise si la prescription des faits situés en 2000 et 2001, n'avait pas couru à partir du moment où le successeur de M. X... avait adressé une lettre circulaire à l'ensemble des créanciers et des débiteurs en relation avec l'étude pour les inviter à porter plainte en cas de détournement, savoir dès juin 2008, de sorte que la citation directe ultérieure du 19 novembre 2012, ainsi que le soit transmis du 14 novembre 2011, étaient tardifs " ; Attendu que, pour écarter l'exception de prescription des délits d'abus de confiance commis au préjudice de M. Z... de février 2001 à septembre 2003 et de M. Y... courant décembre 2001, la cour d'appel énonce que le point de départ de ce délai se situe au moment où le détournement a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique et constate, d'une part, que M. Z... a porté plainte pour le détournement des fonds versés en numéraires à destination de l'URSSAF dès que cette dernière l'en a avisé, soit postérieurement au 21 septembre 2011, d'autre part, que les faits n'ont été révélés à M. Y..., qui a porté plainte le 9 janvier 2012, qu'au cours de l'enquête déclenchée par soit-transmis du ministère public du 4 novembre 2011 ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-8 et suivants, 314-1, 314-3 et 314-4 du code pénal, 2, 10, 475-1, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a reconnu M. X... coupable d'abus de confiance au préjudice de MM. Y... et Z..., débiteurs de l'URSSAF et a statué sur les intérêts civils et l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs, pour le dossier Y..., qu'il est reproché à M. X... d'avoir, alors qu'il était huissier de juste à Sartène, commis des abus de confiance, courant 2001, au préjudice de M. Y... en détournant la somme de 10 728, 51 euros qu'il aurait dû rétrocéder à l'URSSAF ; qu'il ressort des pièces de la procédure et des débats d'audience que M. Y... a réglé ses dettes par le biais d'un échéancier auprès de l'étude X... dont il justifie le paiement ; qu'il a été retrouvé dans l'étude X... les copies de treize chèques n° 0598721 à 0598733 émis le 27 décembre 2001, sur le compte professionnel Crédit lyonnais pour un montant de 10 728, 51 euros ; que ces chèques n'ont jamais été débités dudit compte de sorte que cette somme n'a jamais été reversée à l'URSSAF ; que cependant, l'URSSAF a indiqué que M. Y... est à jour de ses cotisations puisque cet organisme s'est payé directement sur un trop versé par ce dernier ; que M. Y... a déposé plainte le 9 janvier 2012, lors de l'enquête diligentée le 4 novembre 2011, par le parquet d'Ajaccio, enquête ayant permis de découvrir lesdits détournements ; qu'il résulte de ces éléments que M. X... qui a pu s'expliquer sur ces faits a commis un abus de confiance en décembre 2001 au préjudice de M. Y... ; qu'en conséquence, le tribunal déclare M. X... coupable pour ces faits, lesquels ne sont couverts par aucune prescription, ni par l'autorité de la chose jugée ; (¿) ; que, sur le dossier Y..., la cour confirmera la décision de culpabilité prise par les premiers juges, en adoptant leurs motifs ; qu'en effet, M. Y... justifie avoir réglé ses dettes par le biais de l'échéancier mis en place auprès de l'étude X..., et les treize chèques émis le 27 décembre 2001, sur le compte professionnel Crédit lyonnais n'ont jamais été débités de ce compte pour un versement sur les comptes de l'URSSAF, créancier, bien qu'ils aient été débités sur le plan comptable à l'étude ; que comme l'a souligné l'URSSAF, il ne peut s'agir d'un simple oubli ou d'une erreur comptable puisque le compte URSSAF du dossier au sein de l'étude a été contrepassé pour mentionner un solde nul ; que là encore, M. X... n'a pu donner aucune explication satisfaisante sur cette anomalie ; que, pour le dossier Z..., par jugement du 15 février 2013, le tribunal correctionnel d'Ajaccio a relaxé M. X... pour les faits concernant les abus de confiance commis au préjudice de M. Z..., aux motifs que l'infraction était insuffisamment caractérisée ; qu'afin d'honorer une dette une dette à l'URSSAF, M. Z... a accepté un échéancier de règlement auprès de M. X... le 26 février 2001, avec un premier versement en numéraire de 1 000 francs, contre reçus ; que dix ans plus tard, n'ayant pas reçu les versements de M. X..., l'URSSAF a chargé son successeur Me C... de recouvrer la créance ; que l'analyse de Me C... fait état d'un non-positionnement des fonds sur le compte Z... ; que M. Z... n'est pas en mesure de fournir l'intégralité des reçus remis par l'étude attestant le dépôt des fonds, mais il produit le dernier, en date du 3 septembre 2009, pour " solde de tout compte " ; que l'URSSAF indique que l'intégralité des sommes dues par ce débiteur n'a pas été reversée par l'huissier, que le tribunal a estimé que les faits d'abus de confiance étaient insuffisamment caractérisés parce que M. Z... n'a pu rapporter la preuve du règlement effectif et intégral de ses dettes (seuls trois reçus produits) et que l'URSSAF n'évoquait que deux versements et n'a pu justifier du montant des dettes dues ni de leur paiement ou non-paiement ; que l'URSSAF précise que M. Z... a néanmoins produit le dernier, reçu en date du 13 septembre 2009, pour " solde de tout compte " émis par l'étude, et deux reçus, l'un en date du 28 mars 2001, et un non daté pour la somme de 1 000 francs chacun, dont il est attesté par maître C... qu'ils n'ont jamais été reversés sur les comptes clients de l'URSSAF au sein de l'étude X... ; que le courrier de l'URSSAF fait état de deux versements mais ne peut pas dire s'ils émanent de l'étude X... ; que M. X... a dit que M. Z... ne pouvait en effet justifier du paiement de l'intégralité des sommes ; qu'il ressort des constatations des enquêteurs, que M. Z..., qui avait accepté en 2001, un échéancier de paiement auprès de l'étude X... pour régler une dette envers l'URSSAF a effectué des versements en numéraire de 1 000 francs chacun contre reçu, a déposé plainte suite aux réclamations de l'URSSAF qui n'avait pas reçu les paiements correspondants ; que si M. Z... n'a pu produire l'intégralité des reçus, il justifie avoir réglé l'ensemble de sa dette par la production d'un reçu pour solde de tout compte ; " 1°) alors qu'inverse la charge de la preuve et méconnaît la présomption d'innocence l'arrêt qui déduit la culpabilité du requérant de l'impossibilité où il s'est trouvé de fournir des explications complètes sur deux dossiers anciens de dix ans, lors même que les comptes de son étude, dont il avait été évincé en 2008, ne lui avaient jamais été représentés et que le créancier du client avait admis avoir été couvert des règlements litigieux dans des conditions impropres à établir l'élément matériel du délit d'abus de confiance reproché à le demandeur, violant ainsi l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 2°) alors que l'abus de confiance n'est valablement constitué que si l'auteur détourne, au préjudice d'autrui, des fonds, valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis à charge pour lui de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; qu'en considérant que M. X... avait détourné au préjudice de M. Y... une somme de 10 728, 51 euros aux seuls motifs que les treize chèques échelonnés préparés par l'étude n'avaient pas été présentés à l'encaissement sans autrement rechercher si l'URSSAF, qui avait expressément déclaré que M. Y... était à jour de ses cotisations et avait admis avoir reçu des versements cumulés représentatifs de la dette litigieuse sans toutefois pouvoir certifier l'origine de certains versements, la cour, qui s'est mise en contradiction avec les pièces précitées, n'a pas recherché comme elle en était requise, si la dette litigieuse n'était pas éteinte dans des conditions excluant toute infraction reprochable au requérant ;
" 3°) alors que l'abus de confiance n'est punissable qu'autant que le détournement porte sur des fonds, valeurs, ou un bien quelconque remis préalablement à l'auteur à charge pour lui d'en faire un usage déterminé ; qu'en affirmant que la preuve du versement préalable par M. Z... procédait en particulier du troisième reçu pour solde de tout compte en date du 3 ou 13 septembre 2009, lequel n'était cependant pas relatif à la dette litigieuse, la cour s'est déterminée par un motif contradictoire sur l'élément matériel de l'infraction d'abus de confiance reprochée au requérant, privant ainsi son arrêt de motif ;
" 4°) alors, en tout état de cause, que M. X... s'était rendu coupable d'abus de confiance au préjudice de M. Z..., débiteur de l'URSSAF, lequel organisme s'était cependant déclaré dans l'incapacité d'établir le montant de la dette de M. Z... et de confirmer que les sommes qu'il avait reçues à ce titre ne provinssent pas de l'étude X..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs hypothétiques et a derechef privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et sans enfreindre les dispositions conventionnelles invoquées, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits d'abus de confiance dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, 132-19 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné le requérant du chef d'abus de confiance aggravé à une peine pour partie ferme ;
" aux motifs que, sur la peine, la cour réformera le jugement pour tenir compte de l'existence de condamnations antérieures, dont une condamnation du 8 novembre 2002, à la peine de six mois d'emprisonnement assortie du sursis pour des faits similaires ; qu'elle prononce une peine de un an d'emprisonnement dont six mois assortis de sursis avec mise à l'épreuve ;
" alors qu'en application des dispositions de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, une peine d'emprisonnement ferme ne peut être ainsi prononcée sans recherche préalable et circonstanciée, en l'espèce inexistante, d'une punition alternative dans les termes prescrits par les dispositions de l'article 132-24, alinéa 3, du code pénal dans leur rédaction nouvelle " ;
Vu l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction alors applicable ; Attendu qu'il résulte de ce texte, qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, lorsqu'elle n'est pas supérieure à deux ans, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du même code ;
Attendu que, pour condamner M. X... à la peine de douze mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l'épreuve l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction et n'a pas prononcé sur l'aménagement de la peine sans sursis, a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Et sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-8 et suivants, 314-1, 314-3 et 314-4 du code pénal, 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative au statut des huissiers, de l'article préliminaire et des articles 2, 10, 421, 475-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, d'une part, reçu la constitution de partie civile de la Chambre nationale des huissiers de justice en tant que subrogée aux droits de M. Y... et a condamné le requérant à lui payer à la chambre la somme de 10 728, 51 euros, ainsi que l'euro symbolique en réparation du préjudice lié à l'image de la profession, outre 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; d'autre part, a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Y... et condamné M. X... à payer à ce dernier diverses sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs que M. X... soulève l'irrecevabilité de la constitution de la chambre des huissiers de justice, au motif que celle-ci n'a pas souffert personnellement du dommage causé par l'infraction ; que toutefois, la chambre justifie de son droit d'exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession, ainsi que le précise l'article 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 réglementant la profession d'huissier de justice ; que la chambre nationale des huissiers de justice, subrogée dans les droits de M. Y..., sollicite la somme de 10 728, 51 euros, correspondant au montant des sommes qu'elle a versées à ce dernier en indemnisation de son préjudice, et l'euro symbolique en réparation du préjudice lié à l'image de la profession, et 3 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" 1°) alors qu'est irrecevable la constitution de partie civile de la chambre nationale des huissiers qui se déclare pour la première fois en cause d'appel subrogée dans les droits d'un client d'une étude qu'elle a indemnisé en vertu de ses règles professionnelles ; que le caractère indirect du préjudice ainsi allégué, lequel ne portait en outre pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession, ne pouvait dès lors donner lieu à aucune condamnation civile du requérant par le juge répressif ;
" 2°) alors que la cour ne pouvait prononcer aucune condamnation au profit de M. Y... au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale dès lors que la constitution de partie civile de l'intéressé était devenue sans objet " ;
Vu les articles 2 et 515, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
Attendu que les juges du fond statuant sur les intérêts civils doivent se prononcer dans les limites des conclusions des parties ;
Attendu que, selon le second des textes précités, la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable d'abus de confiance, l'arrêt le condamne à verser des dommages-intérêts à la Chambre nationale des huissiers de justice ainsi qu'une somme au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale à M. Y... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Chambre nationale des huissiers de justice n'avait formé aucune demande devant les premiers juges et que M. Y... n'avait pas comparu devant elle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Et sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-8 et suivants, 314-1, 314-3 et 314-4 du code pénal, 2, 10, 475-1, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, déclaré enfin recevable la constitution de partie civile de l'URSSAF et condamné M. X... à payer à cet organisme une somme de 2 693 euros, outre diverses sommes au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs que, par jugement du 15 février 2013, le tribunal correctionnel d'Ajaccio a relaxé M. X... pour les faits concernant les abus de confiance commis au préjudice de M. Z..., aux motifs que l'infraction était insuffisamment caractérisée ; qu'afin d'honorer une dette à l'URSSAF, M. Z... a accepté un échéancier de règlement auprès de M. X... le 26 février 2001, avec un premier versement en numéraire de 1 000 francs, contre reçus ; que dix ans plus tard, n'ayant pas reçu les versements de M. X..., l'URSSAF a chargé son successeur Me C... de recouvrer la créance ; que l'analyse de Me C... fait état d'un non positionnement des fonds sur le compte de M. Z... ; que M. Z... n'est pas en mesure de fournir l'intégralité des reçus remis par l'étude attestant le dépôt des fonds, mais il produit le dernier, en date du 3 septembre 2009, pour " solde de tout compte " ; que l'URSSAF indique que l'intégralité des sommes dues par ce débiteur n'a pas été reversée par l'huissier, que le tribunal a estimé que les faits d'abus de confiance étaient insuffisamment caractérisés parce que M. Z... n'a pu rapporter la preuve du règlement effectif et intégral de ses dettes (seuls trois reçus produits) et que l'URSSAF n'évoquait que deux versements et n'a pu justifier du montant des dettes dues ni de leur paiement ou non paiement ; que l'URSSAF précise que M. Z... a néanmoins produit le dernier, reçu, en date du 13 septembre 2009, pour " solde de tout compte " émis par l'étude, et deux reçus, l'un en date du 28 mars 2011, et un non daté pour la somme de 1 000 francs chacun, dont il est attesté par Me C... qu'ils n'ont jamais été reversés sur les comptes clients de l'URSSAF au sein de l'étude X... ; que le courrier de l'URSSAF fait état de deux versements mais ne peut pas dire s'ils émanent de l'étude X... ; que M. X... a dit que M. Z... ne pouvait en effet justifier du paiement de l'intégralité des sommes ; qu'il ressort des constatations des enquêteurs, que M. Z..., qui avait accepté en 2001, un échéancier de paiement auprès de l'étude X... pour régler une dette envers l'URSSAF a effectué des versements en numéraire de 1 000 francs chacun contre reçu, a déposé plainte suite aux réclamations de l'URSSAF qui n'avait pas reçu les paiements correspondants ; que si M. Z... n'a pu produire l'intégralité des reçus, il justifie avoir réglé l'ensemble de sa dette par la production d'un reçu pour " solde de tout compte " ; qu'il ressort des déclarations de Me C..., successeur de M. X..., que certains versements, attestés par les reçus correspondants, n'ont jamais été positionnés sur le dossier URSSAF ; que M. X... entendu a été dans l'incapacité d'apporter des éclaircissements sur ce point, alors qu'il lui appartenait, en qualité d'huissier de justice, de justifier à tout moment qu'il était en mesure de les reverser au créancier ; que dès lors, l'infraction d'abus de confiance est parfaitement caractérisée et la décision des premiers juges sera réformée sur ce point ;
" 1°) alors qu'en tant que créancière de M. Z..., l'URSSAF ne saurait justifier en principe de l'existence d'un préjudice direct à raison de l'abus de confiance dont aurait été victime son débiteur ; qu'en condamnant, dès lors, M. X... à payer directement à l'URSSAF la somme de 2 693 euros, outre 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors, subsidiairement, que sont hypothétiques les motifs de l'arrêt sur l'existence même d'un préjudice de l'URSSAF qui avait admis avoir reçu diverses sommes pour le compte de M. Z... sans pouvoir préciser si lesdits versements provenaient ou non de l'étude d'huissier " ;
Vu l'article 2 du code de procédure pénale ;
Attendu que le droit d'exercer l'action civile devant la juridiction pénale n'appartient qu'à ceux qui ont souffert d'un dommage personnel directement causé par l'infraction ;
Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable d'abus de confiance pour avoir détourné des cotisations versées par M. Z... à l'intention de l'URSSAF, l'arrêt le condamne à payer à cette dernière le montant desdites cotisations à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité pour frais irrépétibles ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le préjudice de l'URSSAF était indirect, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 5 mars 2014, mais en ses seules dispositions relatives à la peine prononcée et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, conformément à la loi et, le cas échéant, à l'article 132-19 du code pénal, dans sa rédaction applicable à partir du 1er octobre 2014 ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.