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16/12/2015 | FRANCE | N°14-18392

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2015, 14-18392


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 17 avril 2001, la société BP France, aux droits de laquelle vient la société Delek France, a confié la location-gérance d'un fonds de commerce de station-service à la société Carbudis dont Mme X... était à la fois associée-gérante et salariée ; que le 15 février 2002, la société BP France a donné en location-gérance un fonds de commerce de station-service à la société Carbuperiph dont Mme X... est devenue la gérante le 30 août 2002 ; qu'elle a procédé à

la résiliation de ces contrats le 15 juin 2006 et a confié la location-gérance des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 17 avril 2001, la société BP France, aux droits de laquelle vient la société Delek France, a confié la location-gérance d'un fonds de commerce de station-service à la société Carbudis dont Mme X... était à la fois associée-gérante et salariée ; que le 15 février 2002, la société BP France a donné en location-gérance un fonds de commerce de station-service à la société Carbuperiph dont Mme X... est devenue la gérante le 30 août 2002 ; qu'elle a procédé à la résiliation de ces contrats le 15 juin 2006 et a confié la location-gérance des deux stations-service à la société Sodigest le 21 juin 2006 ; qu'invoquant l'existence d'un contrat de travail la liant à la société BP France, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;
Sur la demande de mise hors de cause présentée par la société Sodigest :
Attendu que le pourvoi ne formule aucune critique contre le chef de l'arrêt qui a mis hors de cause la société Sodigest ; qu'il y a donc lieu d'accueillir la demande de cette dernière tendant à être maintenue hors de cause ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la salariée :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires et de sa demande d'expertise aux fins d'en évaluer le montant, alors, selon le moyen, qu'en l'absence de tout horaire contractuel, constitue un élément suffisamment précis pour étayer sa demande la production, par la salariée personnellement en charge de la gestion de deux stations services, des horaires d'ouverture de ces stations imposés par l'employeur, peu important que d'autres salariés, dont elle ne fixe pas les conditions de travail, y interviennent également ; qu'en l'état de tels horaires, il appartient à l'employeur de démontrer, en fournissant ses propres éléments, l'horaire de travail de la salariée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la locataire-gérante, liée par contrat de travail avec la société BP France, assurait pour son compte la gérance des deux stations services confiées en location gérance aux sociétés Carbudis et Carbupériph et que la société BP France lui avait imposé les horaires d'ouverture de ces stations services soit de 5 heures à 22 heures pour la première et 24 heures sur 24 pour la seconde ; que ces horaires auxquels elle était astreinte représentaient un élément de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant notamment ses propres éléments sur la présence d'autres personnels ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a estimé que les pièces produites par la salariée n'étaient pas suffisamment précises quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande au titre des heures supplémentaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal de la salariée et sur les premier et second moyens du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :
Vu les articles 1289 du code civil et L. 781-1, devenu L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une provision à titre de rappel de salaires « au titre des heures normales » et de sa demande d'expertise aux fins d'en évaluer le montant, l'arrêt retient que l'intéressée, qui ne conteste pas que les sociétés dont elle était la gérante ont perçu de la société BP France des commissions au titre de l'exploitation du fonds de commerce ne peut exclure à ce stade toute compensation avec sa créance salariale ;
Attendu cependant que la compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les rapports de Mme X... avec la société BP France étant indépendants de ceux qu'elle entretenait avec les sociétés Carbudis et Carbuperiph, il ne pouvait y avoir compensation entre les sommes qui lui étaient dues par la première à titre de salaire et celles dont pouvaient lui être redevables les sociétés dont elle était la gérante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal de la salariée :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une provision à valoir sur ses droits à la participation aux résultats de l'entreprise et de sa demande d'expertise aux fins d'en évaluer le montant, l'arrêt retient que l'intéressée, qui estime que la société BP France a violé le principe d'égalité de traitement entre les salariés en la privant du bénéfice des accords de participation et d'intéressement en vigueur dans la société, n'apporte aucun élément de fait laissant supposer l'existence de l'inégalité de traitement qu'elle invoque ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée soutenant que son statut lui ouvrait droit à participer aux résultats de l'entreprise et que la société BP France ne s'était pas conformée à cette obligation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et attendu qu'aucune des critiques du moyen n'est dirigée contre le grief rejetant les demandes de la salariée au titre de l'intéressement ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause la société Sodigest ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes en paiement de provision à valoir sur un rappel de salaires « au titre des heures normales » et sur ses droits à la participation aux résultats de l'entreprise et de ses demandes d'expertise aux fins d'évaluer le montant de ces deux créances, l'arrêt rendu le 26 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Delek France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Delek France à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement, par la SA Delek France venant aux droits de la Société BP France, d'une provision de 139 483,03 ¿ à titre de rappel de salaires "au titre d'heures normales" et de sa demande d'expertise aux fins d'en évaluer le montant exact ;
AUX MOTIFS QUE "sur le rappel de salaires au titre des heures normales et supplémentaires, Madame X... sollicite en cause d'appel une expertise aux fins d'évaluer, pour la période non prescrite entre le 5 décembre 2001 et le 21 juin 2006, le montant des sommes dues par la Société BP France au titre, d'une part, des heures normales, d'autre part, des heures supplémentaires découlant des horaires d'ouverture imposés par la Société BP ;
QUE s'agissant des heures normales Madame X..., qui ne conteste pas que les sociétés dont elle était la gérante ont perçu de la Société BP France des commissions au titre de l'exploitation du fonds de commerce, ne peut exclure à ce stade toute compensation avec sa créance salariale" ;
ALORS QUE la compensation implique l'existence de dettes réciproques entre les parties ; qu'en l'espèce, la Société BP France n'était titulaire, envers Madame X... d'aucune créance susceptible de se compenser avec sa propre dette de salaire ; qu'en déduisant de cette dette des commissions dont elle constatait qu'elles avaient été servies par la Société BP France à des tiers, les Sociétés Carbudis et Carbupériph, en exécution de contrats commerciaux étrangers à la relation de travail l'unissant à Madame X... la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1289 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires et repos compensateurs, travail de nuit, travail des dimanches et jours fériés, et d'institution d'une expertise pour en déterminer le montant ;
AUX MOTIFS QUE "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que le seul fait que la Société BP France lui ait imposé des horaires d'ouverture alors que Madame X... n'était pas la seule à travailler dans la station service ne suffit pas à étayer sa demande ; qu'en l'absence d'éléments suffisamment précis pour étayer la demande, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise" ;
ALORS QU' en l'absence de tout horaire contractuel, constitue un élément suffisamment précis pour étayer sa demande la production, par la salariée personnellement en charge de la gestion de deux stations services, des horaires d'ouverture de ces stations imposés par l'employeur, peu important que d'autres salariés, dont elle ne fixe pas les conditions de travail, y interviennent également ; qu'en l'état de tels horaires, il appartient à l'employeur de démontrer, en fournissant ses propres éléments, l'horaire de travail de la salariée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Madame X..., liée par contrat de travail avec la Société BP France, assurait pour son compte la gérance des deux stations services confiées en location gérance aux sociétés Carbudis et Carbupériph et que la Société BP France lui avait imposé les horaires d'ouverture de ces stations services soit de 5 heures à 22 heures pour la première et 24 heures sur 24 pour la seconde ; que ces horaires auxquels elle était astreinte représentaient un élément de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant notamment ses propres éléments sur la présence d'autres personnels ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement, par la SA Delek France venant aux droits de la Société BP France, d'une provision de 1 000 ¿ à valoir sur ses droits à la participation aux résultats de l'entreprise et à l'intéressement des salariés, et d'institution d'une expertise pour en déterminer le montant ;
AUX MOTIFS QUE "sur la demande de participation et d'intéressement, Madame X... estime que la Société BP France a violé le principe d'égalité de traitement entre les salariés en la privant du bénéfice des accords de participation et d'intéressement en vigueur dans la société, qu'elle somme la société de verser aux débats ; qu'elle sollicite une expertise pour calculer le montant de ses droits et une provision de 1 000 ¿ ;
QU'en application du principe "à travail égal salaire égal" (¿) l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération de tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ; qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, matériellement vérifiables, justifiant cette différence ; que Madame X... n'apportant aucun élément de fait laissant supposer l'existence de l'inégalité de traitement dont elle s'estime victime, il n'y a pas lieu de procéder à une mesure d'instruction" ;
1°) ALORS QUE c'est à l'employeur, débiteur de l'obligation d'assurer aux salariés une participation aux résultats de l'entreprise, de démontrer qu'il s'en est libéré ; qu'en l'espèce, il incombait à la Société BP France, débitrice, aux termes des articles L. 3322-1 et L. 3322-2 du Code du travail, de l'obligation de mettre en place dans l'entreprise une participation financière bénéficiant à l'ensemble de ses salariés, et dont elle ne contestait pas l'existence, d'établir s'en être libérée à l'égard de Madame X..., à qui elle était liée par contrat de travail ; qu'à défaut, elle devait être condamnée à l'exécution de cette obligation légale ; qu'en déboutant Madame X..., qui justifiait n'avoir jamais été remplie par la Société BP France, de ses droits au titre de la participation devant bénéficier à l'ensemble des salariés, motif pris qu'elle "¿ n'apportait aucun élément de fait laissant supposer l'existence de l'inégalité de traitement dont elle s'estime victime", la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé les articles L.3322-1 du Code du travail et 1315 du Code civil ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU'en cas de contentieux sur la mise en oeuvre dans l'entreprise du principe d'égalité de traitement, le salarié présente des éléments de fait de nature à caractériser l'inégalité de traitement dont il se prétend victime ; que constitue la présentation de tels éléments la prétention du salarié, reconnue par l'employeur, selon laquelle il n'a pas bénéficié de la participation aux résultats de l'entreprise servie par l'employeur à l'ensemble de son personnel ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait, dans ses conclusions oralement reprises, qu'en "contournant l'application des dispositions du Code du travail, BP avait injustement privé Madame X... des droits dont elle aurait pu bénéficier au titre de la participation et de l'intéressement, alors que l'ensemble des salariés de BP a pu en bénéficier" ; que l'existence, dans l'entreprise, de ces accords de participation et d'intéressement était expressément admise dans ses propres conclusions par la SA Delek France venant aux droits de BP, qui énonçait : "la participation et l'intéressement sont versés aux salariés en proportion de leurs salaires" et prétendait uniquement s'en dispenser à l'égard de l'exposante, motif pris que "Madame X..., qui n'a perçu aucun salaire de BP France ¿ ne saurait lui réclamer le calcul de participation et d'intéressement sur la base de salaires qu'elle a perçus d'une toute autre société (la SARL Carbudis)" ; que le fait ainsi présenté, à savoir l'absence de versement à Madame X..., salariée, d'une participation versée aux autres salariés "en proportion de leurs salaires", constituait un élément de fait de nature à caractériser l'inégalité de traitement invoquée ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé le principe "à travail égal salaire égal", ensemble l'article L.3322-1 du Code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE "sur la qualification de la rupture et ses conséquences, le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse ;
QUE le premier juge a pertinemment analysé les termes de la lettre de résiliation du contrat de location gérance du 15 juin 2006 adressée à Madame X... pour considérer qu'elle valait lettre de licenciement puisque la Société BP France lui a ainsi fait connaître sa décision de rompre la relation contractuelle en énonçant précisément les manquements reprochés, qualifiés de graves, à savoir la non-restitution volontaire de recettes de carburants chiffrées à 31 888,65 ¿ et 67 684,24 ¿ ;
QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible son maintien dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur ;
QUE Madame X... qui détenait les recettes de carburant était tenue de les restituer quotidiennement en vertu d'un mandat de vente ne peut sérieusement contester la matérialité de leur non-représentation à la Société BP France par les sociétés dont elle était gérante malgré mises en demeure ; qu'elle n'était donc pas fondée à les conserver ; que Madame X..., qui discute essentiellement les conditions d'exploitation structurellement déficitaires imposées par la Société BP France fait valoir utilement qu'une expertise est en cours devant la Cour d'appel de Paris pour évaluer le montant des pertes liées à l'exploitation et apurer les comptes entre les parties, de sorte que l'ampleur du caractère fautif des faits ne serait pas établie ; que quels que soient les comptes à faire entre les parties, la non-restitution à la société des recettes de carburant encaissées pour son compte, sans revêtir un caractère de gravité suffisant pour priver Madame X... de toute indemnité de rupture, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'elle sera déboutée de sa demande subséquente d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (¿)" ;
1°) ALORS QUE constitue une lettre de licenciement la lettre par laquelle l'employeur notifie au salarié sa décision de mettre fin au contrat de travail ; qu'en l'espèce, les deux lettres du 15 juin 2008 étaient respectivement adressées à la "SARL Carbudis ¿ à l'attention de Madame X..., gérante" et à la "SARL Carbupériph - à l'attention de Madame X..., gérante" ; qu'elles notifiaient à chacune de ces deux sociétés "la résiliation à ses torts exclusifs du contrat de gérance signé" avec elle, le 17 avril 2001 pour la première, le 15 février 2002 pour la seconde ; que ces lettres, adressées aux sociétés commerciales, tiers au contrat de travail, aux fins de leur signifier la résiliation des contrats de location gérance les liant à la Société BP France, propriétaire des fonds gérés, ne pouvaient constituer la notification à Madame X... de la rupture de son contrat de travail l'unissant personnellement à cet employeur ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE la rupture du contrat de travail intervenue en l'absence de lettre de licenciement constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la rupture du contrat de travail de Madame X... est intervenue sans que lui ait été adressée une lettre recommandée avec avis de réception lui notifiant son licenciement, mais en conséquence de la résiliation par la Société BP France, en date du 15 juin 2006 des relations commerciales l'ayant unie aux Sociétés Carbudis et Carbupériph, dont Madame X... était gérante ; qu'en jugeant cependant que reposait sur une cause réelle et sérieuse le licenciement intervenu dans ces conditions la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail.Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Delek France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Delek France, venant aux droits de la société BP France, de sa demande reconventionnelle de paiement des sommes de 31.888,65 euros et 67.684,24 euros, et d'avoir dit que le licenciement de Mme X... repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave, accordant en conséquence à Mme X... diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le DIF ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande reconventionnelle de la société Delek France, le salarié ne peut voir sa responsabilité civile engagée que pour faute lourde ; qu'à défaut d'une telle faute de Mme X..., la société Delek France sera déboutée de sa demande de remboursement de recettes de carburant et le jugement infirmé de ce chef ; que sur la qualification de la rupture et ses conséquences, que le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse ; que le premier juge a pertinemment analysé les termes de la lettre de résiliation du contrat-location gérance du 15 juin 2006 adressée à Mme X... pour considérer qu'elle valait lettre de licenciement puisque la société BP France lui a ainsi fait connaître sa décision de rompre la relation contractuelle en énonçant précisément les manquements reprochés, qualifiés de graves, à savoir la non-restitution volontaire de recettes de carburants chiffrées à 31.888,65 euros et à 67 684,24 euros ; que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible son maintien dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ; que Mme X..., qui détenait les recettes de carburant et était tenue de les restituer quotidiennement en vertu d'un mandat de vente, ne peut sérieusement contester la matérialité de leur non-représentation à la société BP France par les sociétés, dont elle était gérante, malgré mise en demeure ; qu'elle n'était donc pas fondée à les conserver ; que Mme X..., qui discute essentiellement les conditions d'exploitation structurellement déficitaires imposées par la société BP France, fait valoir utilement qu'une expertise est en cours devant la cour d'appel de Paris pour évaluer le montant des pertes liées à l'exploitation et apurer les comptes entre les parties de sorte que l'ampleur du caractère fautif des faits ne serait établie ; que quelque soient les comptes à faire entre les parties, la non-restitution à la société des recettes de carburant encaissées pour son compte, sans revêtir un caractère de gravite suffisant pour priver Mme X... de toute indemnité de rupture, constitue une cause réelle et sérieuse du licenciement ; qu'elle sera déboutée de sa demande subséquente d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que Mme X... détenait les recettes de carburant qu'elle était tenue de restituer quotidiennement en vertu d'un mandat de vente, ajoutant qu'elle ne pouvait sérieusement contester la matérialité de leur non-représentation à la société BP France par les sociétés, dont elle était gérante ; qu'en refusant néanmoins d'ordonner la restitution des recettes litigieuses, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE subsidiairement, la non-restitution par un salarié de sommes appartenant à son employeur caractérise une intention de nuire justifiant l'engagement de la responsabilité civile du salarié ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Delek France à payer à Mme X... la somme de 36.300,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence d'affiliation au régime général de l'assurance chômage ;
AUX MOTIFS QUE la société BP France a donné en location-gérance un fonds de commerce de station-service, situé à Puteaux, à la Sarl Carbudis, dont Mme X... était à la fois associée-gérante et salariée ; que son salaire s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 258,63 euros ; que par contrat du 15 février 2002, la société BP France a donné en location-gérance un fonds de commerce de station-service, situé boulevard périphérique à Paris 12, à la Sarl Carbupérip, dont le gérant a d'abord été M. Y... puis à compter du 30 août 2002, son épouse, Mme X..., le premier étant également salarié et la seconde associée ; sur les dommages-intérêts pour non-affiliation au régime général de l'assurance chômage, la requalification de la relation contractuelle entre la société BP France et Mme X... en contrat de travail emporte obligation pour l'employeur d'indemniser le préjudice découlant de la non-perception des allocations chômage, peu important l'impossibilité d'une affiliation rétroactive de la salariée et la nécessité pour celle-ci de s'affilier au régime social des indépendants ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
ALORS QUE tout employeur assure contre le risque de privation d'emploi ses salariés ; que la cour d'appel a constaté que Mme X... était salariée de la société Carbudis ; qu'en faisant néanmoins droit à sa demande indemnitaire en réparation du préjudice résultant de l'absence d'affiliation au régime général de l'assurance chômage, sans rechercher si elle n'avait pas bénéficié d'une telle affiliation en sa qualité de salariée de la société Carbudis, la cour d'appel a violé l'article L. 5422-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-18392
Date de la décision : 16/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2015, pourvoi n°14-18392


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.18392
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