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15/12/2015 | FRANCE | N°14-85888

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 2015, 14-85888


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. François X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 27 juin 2014, qui a prononcé sur une ordonnance de taxe ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire

BARBIER, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. François X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 27 juin 2014, qui a prononcé sur une ordonnance de taxe ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 223, R. 226, R. 227, 520, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a annulé l'ordonnance rendue le 14 janvier 2014 par le juge taxateur, président de la cour d'assises des Yvelines puis a évoqué et, statuant à nouveau, fixé à quatre mille euros la somme due à la partie prenante M. François X... pour l'expertise de deux ordinateurs sur mission confiée par ordonnance du juge d'instruction de Versailles du 23 mai 2011 ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article R. 227 du code de procédure pénale, dans sa version applicable à compter du 29 août 2013, il appartient au président de la juridiction concernée de taxer les mémoires relatifs à des frais engagés sur décision des autorités de cette juridiction, à moins qu'il ne donne délégation au magistrat instructeur pour opérer la taxation des frais qu'il a lui-même engagés, qu'ainsi, le président de la cour d'assises des Yvelines n'avait pas compétence pour taxer le mémoire de frais relatif à une expertise informatique réalisée sur commission du magistrat instructeur du tribunal de grande instance de Versailles, alors même que, de surcroît, cette ordonnance ne supporte aucune réquisition du ministère public ; qu'en conséquence, il y a lieu pour la chambre de l'instruction d'annuler l'ordonnance du 14 janvier 2014 et d'évoquer sur le montant des honoraires de l'expert ; que l'expertise en informatique dont s'agit ne fait pas l'objet d'une tarification réglementaire, elle doit donc s'apprécier in concreto, en fonction du travail fourni dans le cadre de la mission définie par le magistrat mandant ; qu'en l'espèce, dans une affaire de viol intrafamilial, l'expert était commis par le juge d'instruction par ordonnance du 23 mai 2011 aux fins de rechercher sur le contenu de deux ordinateurs saisis, une unité central HP et un portable Packard-Bell, tout élément pouvant avoir un rapport avec les faits poursuivis, spécialement ayant un caractère pédo-pornographique ; que sa mission était précisément la suivante : « connaissance prise des pièces de procédure jointes, j'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir :- prendre possession des scellés suivants qui vous seront remis par les enquêteurs de la Brigade départementale de protection de la famille : scellé n° quatre : unité centrale de marque HP, modèle : 5116fr, numéro de série CZH9287LPZ ; scellé n° cinq ; ordinateur portable de marque Packard Belle modèle ARC21 ; S/ N 109873950136, P/ N : PB85QW0102 ;- rechercher dans les supports numériques parmi les fichiers présents et effacés des photographies, vidéos, images ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs ;- le cas échéant, séparer les photographies, vidéos ou images mettant en scène des sujets qui sont sans aucune ambigüité des mineurs et les photographies, vidéos ou images représentant des sujets dont l'âge pourrait être litigieux ;- le cas échéant, parmi les sujets représentant sans aucune ambigüité des mineurs, séparer les photographies, vidéos ou images à caractère érotique ou celles à caractère pornographique ;- le cas échéant, pour chacun des fichiers illicites, indiquer le répertoire dans lequel les fichiers ont été enregistrés sur le support numérique, la manière dont le fichier a été sauvegardé, et préciser si une diffusion du fichier a pu être effectuée ainsi que la méthode de diffusion utilisée ;- le cas échéant, indiquer le pourcentage de données effacées et les périodes d'effacement quand cela est possible ;- rechercher, le cas échéant, dans les historiques de consultations internet, les sites susceptibles de contenir des données à caractère pédo-pornographiques ; l'expert sera autorisé à se connecter aux sites trouvés afin d'en vérifier le contenu et la nature ;- le cas échéant, rechercher les messages et documents annexés à ces messages, envoyés et reçus, contenant des données pouvant être mises en relations avec les faits ;- le cas échéant, rechercher l'historique des dialogues par messagerie instantanée et identifier les dialogues à caractère pédo-pornographies ainsi que les échanges de documents effectués ;- le cas échéant, rechercher les échanges à caractère pédo-pornographie dans les traces laissées par les messageries consultables en ligne (webmails) et les forums de discussion (newsgroups et forums spécialisés) ; que le juge d'instruction précisait que le rapport de l'expert devait lui être remis au plus tard le 16 juillet 2011 alors qu'il ne sera déposé que le 31 mai 2012 date du tampon d'arrivée du courrier au tribunal de grande instance (en l'absence de mention du greffier) ; que, pour expliquer le retard de près d'une année pour exécuter sa mission, l'expert produit un certain nombre de courriers au juge mandant indiquant que l'avancement du travail et la difficulté de la tâche nécessitent des délais supplémentaires :-25/ 05/ 11 remise des scellés ;-06/ 06/ 11 : copie sécurisée assisté d'un technicien TRACIP en vue de la conservation des données à titre de preuve ;-21/ 06/ 11 : ouverture des scellés ; procès-verbal d'ouverture, prise de clichés photos, copie sécurisée d'éléments avec prise de clichés photos, analyse détaillée, décompression d'images et fichiers ;-20/ 06/ 11 : courrier relatif à l'avancement de l'expertise au juge mandant ;-28/ 09/ 11 : réception du rapport d'intervention du technicien TRACIP ; poursuite des travaux d'analyse ;-22/ 01/ 12 : estimation prévisionnelle des résultats obtenus « entrant dans une enveloppe budgétaire préalablement définie par le juge d'instruction » ;-21/ 02/ 2012 : courrier proposant au juge de lui présenter oralement les résultats obtenus ;-30/ 03/ 12 : mention d'un appel émanant du juge d'instruction informant l'expert que « l'enveloppe budgétaire susceptible d'être allouée serait inférieure à celle susceptible de nous être attribuée en fin de mission » ; rédaction du rapport ;-24/ 05/ 12 : date de fin du rapport ; que deux remarques juridiques s'imposent ici :- les dispositions impératives de l'article R. 107 du code de procédure pénale (issu du décret du 18 mars 1999), connues de tous les experts, prévoyant que « lorsque le montant des frais et honoraires dépasse 460 euros, l'expert désigné doit, avant de commencer ses travaux, en informer la juridiction qui l'a commis ¿ sauf urgence, cette estimation est communiquée au ministère public ¿ ». Un recours du parquet devant le président de la chambre de l'instruction est d'ailleurs possible. Ce texte a été parfaitement ignoré par M. X... et le juge d'instruction a manqué totalement de vigilance sur ce point, mais à l'évidence, aucun magistrat du siège ou du parquet n'aurait donné son aval à celui-ci pour un travail facturé plus de 140 euros de l'heure, non essentiel à l'information ;- la lecture du dossier montre que le juge d'instruction n'a jamais prorogé le délai de la mission de l'expert par décision motivée conformément à l'article 161, alinéa 2, 10 du code de procédure pénale, et que l'expert n'a jamais quantifié auprès du juge le nombre d'heures réellement passées à effectuer sa mission ; que, s'agissant de l'expertise elle-même l'expert se voyait confier une mission classique dans ce type de dossier ayant pour objet de rechercher « parmi les fichiers présents et effacés, des photographies, vidéos, images, ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs » ; qu'il convient de rappeler ici que le juge d'instruction confiait à l'expert la mission de « rechercher dans les supports numériques parmi les fichiers présents et effacés des photographies, vidéos, images ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs » ; que les prescriptions qui suivaient n'étaient donc que subséquentes à l'identification d'élément pédo-pornographiques puisque précédées de la mention « le cas échéant » ; qu'ainsi, comme le souligne le procureur général, il apparaît que l'expert a inutilement rallongé le temps qui lui était imparti en procédant à des recherches qui n'apparaissaient pas pertinentes, alors même qu'il n'avait pas préalablement identifié de « photographies, vidéos, images ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs » comme indiqué par le juge mandant ; qu'en effet, l'expert a sollicité par courrier du 6 juin 2011 un « report de délai final au 15 septembre 2011 », puis par nouveau courrier du 20 septembre 2011 une proposition « de recherche de contenu sur les réseaux sociaux ¿ nécessitant des engagements de frais supplémentaires » ; que le nouveau courrier du 30 décembre 2011 rappelait les conclusions des précédents courriers sur l'absence d'éléments de nature pédo-pornographique puis indiquait qu'aucune recherche de mail n'avait encore eu lieu faute de machine assez puissante disponible et demandait un nouveau délai au 31 janvier 2012 à cette fin ; que, par courrier du 22 février 2012, il indiquait au juge d'instruction que « cette analyse n'était toujours pas faite » et l'interrogeait sur l'opportunité de la faire « dans la mesure où il apparaît nécessaire de mettre en cohérence logique de multiples enregistrements encore codifiés et répartis au sein de plusieurs centaines de milliers de fichiers distincts sur chacun des deux disques durs ¿ » ; qu'en tout état de cause, au terme de ses recherches, l'expert concluait, après examen de centaines de milliers de fichiers, à l'absence de tout élément « à caractère pédo-pornographique images, messages, dialogues ¿ et notamment que « ¿ l'unité centrale était configurée pour recevoir des périphériques multiples du type téléphone portable caméras ou appareils photos numériques ¿ or l'expert constate qu'aucune remise des téléphones portables, d'appareils photos numériques ou webcam n'a été effectuée ou au moins remise à l'expert pour analyse ¿ ; qu'en conséquence, « les résultats ne peuvent être que partiels » ; « et donc sous les plus extrêmes réserves l'expert confirme que les films ou images présents sur le disque dur ne présentent aucun caractère pédo-pornographique ¿, les images trouvées sont celles d'enfants non pédo-pornographiques, et des images pornographiques ne concernant pas les mineurs » ; que M. X... n'a donc pas été cité devant la cour d'assises ; qu'il apparaît donc que dans cette affaire l'expert n'a pas trouvé ce que le juge d'instruction ne lui avait pas demandé de chercher ; que dès lors, compte tenu de tous ces éléments et en application de l'article R. 109 du code de procédure pénale, il y a lieu de taxer le mémoire de M. X... à une somme de 4 000 euros soit 2 000 euros par ordinateur, comme il est usuellement taxé pour ce type de travail, qui ne présentait aucune difficulté particulière ;

" 1°) alors qu'en matière de taxation la cour d'appel ne peut évoquer et statuer au fond lorsque le premier juge dont la décision lui est déférée n'avait pas été valablement saisi de la demande de la partie prenante par les réquisitions du ministère public ; qu'en évoquant et statuant au fond quand elle avait relevé que le ministère public n'avait pris aucune réquisition, de sorte que le juge taxateur n'avait pu être valablement saisi de la demande de taxation et qu'il lui était impossible d'évoquer et de statuer au fond, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que la cour d'appel ne peut évoquer et statuer au fond lorsqu'elle annule un jugement en raison de l'incompétence des premiers juges ; qu'en évoquant et statuant au fond quand elle avait préalablement annulé l'ordonnance de taxe en raison de l'incompétence du président de la cour d'assises des Yvelines qui l'avait rendue, de sorte qu'il lui était impossible d'évoquer et de statuer au fond, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information suivie du chef de crime, le juge d'instruction a confié une mission d'expertise en matière informatique à M. X... ; que celui-ci a présenté son mémoire aux fins de taxation, postérieurement au règlement de l'information, au président de la cour d'assises devant laquelle les accusés avaient été renvoyés ; que ce magistrat a taxé le mémoire à la somme sollicitée ; que le ministère public a formé un recours contre cette décision devant la chambre de l'instruction ;
Attendu qu'après avoir relevé que la taxation du mémoire avait été effectuée par un magistrat incompétent et qu'en outre, elle n'avait pas été précédée, contrairement à ce qu'exige l'article R. 226 du code de procédure pénale, des réquisitions du ministère public, l'arrêt annule la décision entreprise et fixe le montant des frais d'expertise ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, la chambre de l'instruction qui, après réquisitions du procureur général, annule ou infirme une décision régulièrement soumise à son examen, a le pouvoir d'évoquer, les juges n'ont fait qu'user des pouvoirs qui leur sont conférés par l'article R. 228-1 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et des articles R. 106, R. 107, 156, 158, 161, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a annulé l'ordonnance rendue le 14 janvier 2014 par le juge taxateur, président de la cour d'assises des Yvelines puis a évoqué et, statuant à nouveau, fixé à quatre mille euros la somme due à la partie prenante M. X... pour l'expertise de deux ordinateurs sur mission confiée par ordonnance du juge d'instruction de Versailles du 23 mai 2011 ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article R. 227 du code de procédure pénale, dans sa version applicable à compter du 29 août 2013, il appartient au président de la juridiction concernée de taxer les mémoires relatifs à des frais engagés sur décision des autorités de cette juridiction, à moins qu'il ne donne délégation au magistrat instructeur pour opérer la taxation des frais qu'il a lui-même engagés, qu'ainsi, le président de la cour d'assises des Yvelines n'avait pas compétence pour taxer le mémoire de frais relatif à une expertise informatique réalisée sur commission du magistrat instructeur du tribunal de grande instance de Versailles, alors même que, de surcroît, cette ordonnance ne supporte aucune réquisition du ministère public ; qu'en conséquence, il y a lieu pour la chambre de l'instruction d'annuler l'ordonnance du 14 janvier 2014 et d'évoquer sur le montant des honoraires de l'expert ; que l'expertise en informatique dont s'agit ne fait pas l'objet d'une tarification réglementaire, elle doit donc s'apprécier in concreto, en fonction du travail fourni dans le cadre de la mission définie par le magistrat mandant ; qu'en l'espèce, dans une affaire de viol intrafamilial, l'expert était commis par le juge d'instruction par ordonnance du 23 mai 2011 aux fins de rechercher sur le contenu de deux ordinateurs saisis, une unité central HP et un portable Packard-Bell, tout élément pouvant avoir un rapport avec les faits poursuivis, spécialement ayant un caractère pédo-pornographique ; que sa mission était précisément la suivante : « connaissance prise des pièces de procédure jointes, j'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir :- prendre possession des scellés suivants qui vous seront remis par les enquêteurs de la brigade départementale de protection de la famille : scellé n° quatre : unité centrale de marque HP, modèle : 5116fr, numéro de série CZH9287LPZ, scellé n° cinq : ordinateur portable de marque Packard Belle modèle : ARC21 ; S/ N 109873950136, P/ N : PB85QW0102 ;- rechercher dans les supports numériques parmi les fichiers présents et effacés des photographies, vidéos, images ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs ;- le cas échéant, séparer les photographies, vidéos ou images mettant en scène des sujets qui sont sans aucune ambiguïté des mineurs et les photographies, vidéos ou images représentant des sujets dont l'âge pourrait être litigieux ;- le cas échéant, parmi les sujets représentant sans aucune ambiguïté des mineurs, séparer les photographies, vidéos ou images à caractère érotique ou celles à caractère pornographique ;- le cas échéant, pour chacun des fichiers illicites, indiquer le répertoire dans lequel les fichiers ont été enregistrés sur le support numérique, la manière dont le fichier a été sauvegardé, et préciser si une diffusion du fichier a pu être effectuée ainsi que la méthode de diffusion utilisée ;- le cas échéant, indiquer le pourcentage de données effacées et les périodes d'effacement quand cela est possible ;- rechercher, le cas échéant, dans les historiques de consultations internet, les sites susceptibles de contenir des données à caractère pédopornographiques ; l'expert sera autorisé à se connecter aux sites trouvés afin d'en vérifier le contenu et la nature ;- le cas échéant, rechercher les messages et documents annexés à ces messages, envoyés et reçus, contenant des données pouvant être mises en relations avec les faits ;- le cas échéant, rechercher l'historique des dialogues par messagerie instantanée et identifier les dialogues à caractère pédo-pornographique ainsi que les échanges de documents effectués ;- le cas échéant, rechercher les échanges à caractère pédo-pornographique dans les traces laissées par les messageries consultables en ligne (webmails) et les forums de discussion (newsgroups et forums spécialisés) » ; que le juge d'instruction précisait que le rapport de l'expert devait lui être remis au plus tard le 16 juillet 2011 alors qu'il ne sera déposé que le 31 mai 2012 date du tampon d'arrivée du courrier au tribunal de grande instance (en l'absence de mention du greffier) ; que pour expliquer le retard de près d'une année pour exécuter sa mission, l'expert produit un certain nombre de courriers au juge mandant indiquant que l'avancement du travail et la difficulté de la tâche nécessitent des délais supplémentaires :-25 mai 2011 remise des scellés ;-6 juin 2011 : copie sécurisée assisté d'un technicien TRACIP en vue de la conservation des données à titre de preuve ;-21 juin 2011 : ouverture des scellés, procès-verbal d'ouverture, prise de clichés photos, copie sécurisée d'éléments avec prise de clichés photos, analyse détaillée, décompression d'images et fichiers ;-20 juin 2011 : courrier relatif à l'avancement de l'expertise au juge mandant ;-28 septembre 2011 : réception du rapport d'intervention du technicien TRACIP ; poursuite des travaux d'analyse ;-22 janvier 2012 : estimation prévisionnelle des résultats obtenus « entrant dans une enveloppe budgétaire préalablement définie par le juge d'instruction » ;-21 février 2012 : courrier proposant au juge de lui présenter oralement les résultats obtenus ;-30 mars 2012 : mention d'un appel émanant du juge d'instruction informant l'expert que « l'enveloppe budgétaire susceptible d'être allouée serait inférieure à celle susceptible de nous être attribuée en fin de mission », rédaction du rapport ;-24 mai 2012 : date de fin du rapport ; que deux remarques juridiques s'imposent ici :- les dispositions impératives de l'article R. 107 du code de procédure pénale (issu du décret du 18 mars 1999), connues de tous les experts, prévoyant que « lorsque le montant des frais et honoraires dépasse 460 euros, l'expert désigné doit, avant de commencer ses travaux, en informer la juridiction qui l'a commis ¿ Sauf urgence, cette estimation est communiquée au ministère public ¿ ». Un recours du parquet devant le président de la chambre de l'instruction est d'ailleurs possible. Ce texte a été parfaitement ignoré par M. X... et le juge d'instruction a manqué totalement de vigilance sur ce point, mais à l'évidence, aucun magistrat du siège ou du parquet n'aurait donné son aval à celui-ci pour un travail facturé plus de 140 euros de l'heure, non essentiel à l'information ;- la lecture du dossier montre que le juge d'instruction n'a jamais prorogé le délai de la mission de l'expert par décision motivée conformément à l'article 161, alinéa 2 19 du code de procédure pénale, et que l'expert n'a jamais quantifié auprès du juge le nombre d'heures réellement passées à effectuer sa mission. S'agissant de l'expertise elle-même l'expert se voyait confier une mission classique dans ce type de dossier ayant pour objet de rechercher « parmi les fichiers présents et effacés, des photographies, vidéos, images, ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs » ; qu'il convient de rappeler ici que le juge d'instruction confiait à l'expert la mission de « rechercher dans les supports numériques parmi les fichiers présents et effacés des photographies, vidéos, images ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs » ; que les prescriptions qui suivaient n'étaient donc que subséquentes à l'identification d'élément pédo-pornographiques puisque précédées de la mention « le cas échéant » ; qu'ainsi, comme le souligne le procureur général, il apparaît que l'expert a inutilement rallongé le temps qui lui était imparti en procédant à des recherches qui n'apparaissaient pas pertinentes, alors même qu'il n'avait pas préalablement identifié de « photographies, vidéos, images ou textes présentant un caractère pornographique en rapport avec des mineurs » comme indiqué par le juge mandant ; qu'en effet, l'expert a sollicité par courrier du 6 juin 2011 un « report de délai final au 15 septembre 2011 », puis par nouveau courrier du 20 septembre 2011 une proposition « de recherche de contenu sur les réseaux sociaux ¿ nécessitant des engagements de frais supplémentaires » ; que le nouveau courrier du 30 décembre 2011 rappelait les conclusions des précédents courriers sur l'absence d'éléments de nature pédo-pornographique puis indiquait qu'aucune recherche de mail n'avait encore eu lieu faute de machine assez puissante disponible et demandait un nouveau délai au 31 janvier 2012 à cette fin ; que par courrier du 22 février 2012, il indiquait au juge d'instruction que « cette analyse n'était toujours pas faite » et l'interrogeait sur l'opportunité de la faire « dans la mesure où il apparaît nécessaire de mettre en cohérence logique de multiples enregistrements encore codifiés et répartis au sein de plusieurs centaines de milliers de fichiers distincts sur chacun des deux disques durs ¿ » ; qu'en tout état de cause, au terme de ses recherches, l'expert concluait, après examen de centaines de milliers de fichiers, à l'absence de tout élément « à caractère pédo-pornographique images, messages, dialogues ¿ et notamment que « ¿ l'unité centrale était configurée pour recevoir des périphériques multiples du type téléphone portable caméras ou appareils photos numériques ¿ or l'expert constate qu'aucune remise des téléphones portables, d'appareils photos numériques ou webcam n'a été effectuée ou au moins remise à l'expert pour analyse ¿ ; qu'en conséquence « les résultats ne peuvent être que partiels » ; « et donc sous les plus extrêmes réserves l'expert confirme que les films ou images présents sur le disque dur ne présentent aucun caractère pédo-pornographique ¿, les images trouvées sont celles d'enfants non pédo-pornographiques, et des images pornographiques ne concernant pas les mineurs » ; que M. X... n'a donc pas été cité devant la cour d'assises ; qu'il apparaît donc que dans cette affaire l'expert n'a pas trouvé ce que le juge d'instruction ne lui avait pas demandé de chercher ; que dès lors, compte tenu de tous ces éléments et en application de l'article R. 109 du code de procédure pénale, il y a lieu de taxer le mémoire de François X... à une somme de 4 000 euros soit 2 000 euros par ordinateur, comme il est usuellement taxé pour ce type de travail, qui ne présentait aucune difficulté particulière ;

" 1°) alors que tout expert commis par un magistrat pour donner son avis sur une question technique a droit à la juste rémunération de ses travaux à raison de sa compétence et du temps effectivement consacré à l'exécution de sa mission ; qu'en estimant qu'il y avait lieu de taxer le mémoire de l'expert à une somme globale de 4 000 euros, pour la raison qu'il aurait procédé à des recherches qui ne lui avaient pas été demandées, sans rechercher si le juge d'instruction l'ayant désigné, dont elle a elle-même constaté qu'il avait été tenu régulièrement informé des travaux en cours et des travaux à venir mais n'avait pas réagi aux courriers de la partie prenante, n'avait pas accepté tous les travaux que celle-ci avait réalisés pour mener à bien sa mission, la chambre de l'instruction de la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que la cour d'appel a constaté qu'il entrait dans la mission de l'expert d'analyser les « fichiers présents et effacés » des deux ordinateurs placés sous scellés et que celui-ci avait dû examiner des « centaines de milliers de fichiers » ; qu'en retenant néanmoins que la mission confiée était « usuelle » et devait donc être taxée comme telle, la chambre de l'instruction de la cour d'appel s'est contredite et a ainsi privé sa décision de motifs au regard des textes susvisés " ;
Attendu que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, pour fixer souverainement le montant de la somme due à M. X..., au regard de la nature et de la complexité de la mission fixée, ainsi que du travail effectué par celui-ci, la chambre de l'instruction a prononcé par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-85888
Date de la décision : 15/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Pouvoirs - Evocation - Cas - Ordonnance de taxe - Recours de l'article R. 228-1 du code de procédure pénale - Conditions - Détermination

FRAIS ET DEPENS - Frais de justice criminelle, correctionnelle et de police - Taxation - Ordonnance de taxe - Procédure - Recours - Compétence - Chambre de l'instruction - Pouvoirs - Evocation - Conditions - Détermination

Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, la chambre de l'instruction qui, après réquisitions du procureur général, annule ou infirme une décision régulièrement soumise à son examen a le pouvoir d'évoquer. Doit être approuvée la chambre de l'instruction qui, faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R. 228-1 du code de procédure pénale, annule la décision du président de la cour d'assises ayant taxé le mémoire présenté par un expert postérieurement au règlement de l'information après avoir relevé que la taxation de ce mémoire avait été effectuée par un magistrat incompétent et qu'en outre, elle n'avait pas été précédée, contrairement à ce qu'exige l'article R. 226 du code de procédure pénale, des réquisitions du ministère public


Références :

articles R. 226 et R. 228-1 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 27 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 déc. 2015, pourvoi n°14-85888, Bull. crim. 2016, n° 841, Crim., n° 594
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 841, Crim., n° 594

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Desportes
Rapporteur ?: M. Barbier
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.85888
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