Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Guy X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, en date du 22 mai 2014, qui, pour exercice illégal de la profession de maréchal-ferrant, l'a condamné à 1 000 euros d'amende dont 500 euros avec sursis, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 et 24 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, L. 241-1, L. 243-1 à L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime, de l'arrêté du 16 juillet 1998 fixant les modalités de la délivrance du certificat d'aptitude professionnelle option maréchalerie, de l'arrêté du 5 octobre 2011 fixant la liste des actes de médecine ou de chirurgie des animaux que peuvent réaliser certaines personnes n'ayant pas la qualité de vétérinaire, 111-3 et 111-4 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que les faits qualifiés d'exercice illégal d'une activité artisanale reprochés à M. X... ont été commis du 15 décembre 2011 au 21 novembre 2012, déclaré M. X... coupable des faits qui lui sont reprochés, en répression, l'a condamné au paiement d'une amende de 1 000 euros, ajoutant qu'il sera sursis partiellement pour un montant de 500 euros à l'exécution de cette peine, et a prononcé sur les intérêts civils ;
" aux motifs propres que M. X... est poursuivi pour exercice illégal de la profession de maréchal-ferrant depuis le 1er novembre 2009 ; que le tribunal correctionnel a considéré, à juste titre, sans que sa décision soit remise en cause devant la cour, que les faits reprochés au prévenu s'étaient déroulés entre le 15 décembre 2011 et le 21 novembre 2012 ; qu'elle sera, en conséquence, confirmée sur ce point ; que, pour le surplus, l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet dispose que l'activité de maréchal-ferrant ne peut être exercée que par une personne qualifiée professionnellement ; que le référentiel professionnel de l'arrêté du 16 juillet 1998 fixant les modalités de la délivrance du certificat d'aptitude professionnelle agricole, option maréchalerie, prévoit que le maréchal-ferrant qualifié « met en oeuvre les différentes techniques liées à l'exercice de son métier : devant le cheval à ferrer (...), devant un pied et des aplombs normaux (...), devant un pied ou un membre nécessitant des soins orthopédiques (...), devant un pied souffrant d'une maladie se répercutant sur la boîte cornée (...), après des accidents ou des intervenions chirurgicales ayant nécessité la mise en place de ferrures orthopédiques (...), devant un pied et des aplombs normaux-le maréchal-ferrant qualifié enlève, le cas échéant, la ferrure existante, pare le pied, si besoin est, en réduisant la corne excessive, il confectionne des fers (...) ; il pose les fers ; il équilibre au besoin les fers des chevaux de sports (...) ; il vérifie les aplombs et les allures du cheval après son intervention (...) » ; que M. X... n'est titulaire d'aucun diplôme reconnu en France lui permettant d'effectuer le diagnostic du caractère sain du sabot d'un cheval, compétence que la loi reconnaît aux seuls vétérinaires et maréchaux ferrants en raison de leur qualification professionnelle spécifique ; que le fait d'écrire dans ses conclusions : « le parage de pieds sains d'équidés constitue un acte d'entretien courant de l'animal et non pas un acte médical » présuppose, à tort, qu'il aurait cette capacité ; que, de plus, l'article L. 243-1 du code rural qualifie « d'acte de médecine des animaux : tout acte ayant pour objet de déterminer l'état physiologique d'un animal ou d'un groupe d'animaux ou son état de santé, de diagnostiquer une maladie (...), une blessure, une douleur, une malformation, de les prévenir ou les traiter (...) » ; que l'article L. 243-3 de ce même code dispose encore que les actes de médecine ou de chirurgie des animaux peuvent être réalisés par « les maréchaux ferrants pour le parage et les maladies du pied des équidés » ; que c'est donc à juste titre que le tribunal correctionnel a relevé, dans son jugement, que le parage se trouvait placé par le législateur sur le même plan que les maladies du pied des équidés, d'autant que l'arrêté du 5 octobre 2011, fixant la liste des actes de médecine ou de chirurgie des animaux, auquel renvoie l'article L. 243-2 du code rural, retient de : « la taille des appendices cornés (débecquage, dégriffage et parage) », ce qui met à néant l'argumentation initiale du prévenu ; que c'est encore au regard de cette nécessité d'une connaissance médicale pour pouvoir diagnostiquer si le sabot d'un équidé est sain ou non que le législateur, qui a revu la réglementation applicable à cette matière au cours du second trimestre de l'année 2011, n'a pas, en toute connaissance de cause, distingué entre le parage naturel et celui qui serait suivi d'un ferrage ; que cette réforme législative est intervenue à une époque où l'activité de pareur naturel ou de pédicure équin commençait suffisamment à se développer pour pouvoir être prise en compte et il n'a pas été fait le choix de créer une spécialité de pareur, pédicure ou de podologue équin ; que M. X... ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; que leur caractère prohibé résulte clairement de la législation en la matière et c'est à tort que M. X... soulève la non-conformité de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 à l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen exigeant que les normes pénales soient précises, prévisibles et accessibles, en prétendant que la profession de maréchal-ferrant ne ferait l'objet d'aucune définition légale, claire et précise ; que par un courrier du 15 décembre 2011, l'Union française des maréchaux-ferrants a demandé au prévenu de se mettre en conformité avec les textes, en passant son diplôme de maréchal-ferrant ou en cessant son activité, qu'il a cependant poursuivie, tout en reconnaissant à l'audience qu'il ne souhaitait pas passer ce diplôme ; que l'élément moral de l'infraction qui lui est reprochée se trouve ainsi caractérisé ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée sur la déclaration de culpabilité et sur la peine qui répond aux exigences de l'article 132-24 du code pénal et constitue une juste application de la loi pénale ;
" aux motifs adoptés que l'article L. 243-1 du code rural dispose qu'on entend par acte de médecine des animaux : tout acte ayant pour objet de déterminer l'état physiologique d'un animal ou son état de santé, de diagnostiquer une maladie, y compris comportementale, une blessure, une douleur, une malformation, de les prévenir ou de les traiter.... » ; qu'il résulte de cet article que le parage vise à agir sur la corne des équidés (avec ou sans ferrage ensuite) pour que le cheval puisse avoir des déplacements adaptés à l'usage prévu par son propriétaire ; qu'en l'absence de parage ou avec un parage inadapté, le cheval peut avoir des douleurs ou éventuellement développer une maladie ; qu'à l'inverse, le parage permet donc au minimum de prévenir et traiter des douleurs du cheval qui seraient liées à un mauvais positionnement du sabot au sol ; que, de plus, avant de parer, il faut s'assurer que le sabot est sain et prêt à recevoir un parage, ce qui nécessite là encore des compétences en matière médicale ; que, dès lors, le parage peut être qualifié d'acte de médecine des animaux ; que cette lecture de l'article L. 243-1 du code rural est confirmée par l'article L. 243-3 du même code qui dispose « des actes de médecine ou de chirurgie des animaux peuvent être réalisés (par plusieurs personnes qui sont précisées et notamment) par les maréchaux-ferrants pour le parage et les maladies du pied des équidés » ; qu'il résulte de cet article que le parage est placé sur le même plan que les maladies du pied des équidés et que le parage est défini comme un acte de médecine ou de chirurgie des animaux ; que, donc, seuls les maréchaux-ferrants et les vétérinaires peuvent procéder au parage ; qu'en outre, la loi ne distingue pas parage naturel et parage réalisé par les maréchaux-ferrants c'est à dire suivi d'un ferrage ; que, d'ailleurs, il est certain que ces textes du code rural datant du 22 juillet 2011 ont été adopté à une période où l'activité de pareur naturel ou pédicure équin commençait à se développer ; que le législateur a donc manifestement, en toute connaissance de cause, fait le choix de ne pas distinguer les différentes pratiques en matière de parage pour les réserver toutes, exclusivement, aux maréchaux-ferrants (ou aux vétérinaires) ; que l'avis du ministère de l'agriculture en date du 17 janvier 2013 ne dit d'ailleurs pas autre chose en ce que les pédicures équins ou pareurs naturels peuvent réaliser des soins qui ne sont pas considérés comme des actes de médecine ou de chirurgie des animaux, ce qui n'est pas le cas du parage ; qu'il existe certes une véritable difficulté pour la reconnaissance de la profession de pédicure équin ou pareur naturel et c'est notamment le sens de la question posée par la sénatrice : néanmoins, ce n'est pas la responsabilité du tribunal de trancher ce débat ; qu'il résulte de ces éléments que M. X..., en procédant à des parages dans l'exercice de sa profession, a exercé des actes réservés à l'activité de maréchal-ferrant et donc a exercé l'activité de maréchal-ferrant ; qu'or, l'article 16, de la loi du 5 juillet 1996, dispose que l'activité de maréchal-ferrant est réglementée et ne peut être exercée que par des personnes qualifiées ; qu'en l'espèce, M. X... ne dispose pas d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un brevet d'étude professionnelle de maréchal-ferrant ; qu'au surplus, M. X... est parfaitement averti de la législation en vigueur et a d'ailleurs reçu un courrier de l'Union française de maréchaux-ferrants lui demandant de se mettre en conformité avec les textes en passant son diplôme de maréchal-ferrant ou en cessant son activité ; qu'il ne peut donc prétendre ne pas avoir su qu'il exerçait illégalement, au moins depuis le 15 décembre 2011 ; qu'en toute hypothèse, nul n'est censé ignorer la loi ; que, dès lors, M. X... relève des dispositions de l'article 24 de la loi du 5 juillet 1996 qui sanctionne d'une amende de 7 500 euros le fait d'exercer un métier d'artisan réglementé sans être titulaire d'un diplôme professionnel ; qu'il convient donc d'entrer en voie de condamnation à son encontre, en réduisant la période des faits du 15 décembre 2011 au 21 novembre 2012 ;
" 1°) alors que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. X..., que le parage devait être qualifié d'acte de médecine des animaux, quand le prévenu n'était pas poursuivi pour exercice illégal de l'activité de vétérinaire mais de celle de maréchal-ferrant, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine, en violation des textes et des principes précités ;
" 2°) alors que nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi en termes clairs et non équivoques, permettant au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 qui incrimine l'exercice illégal de l'activité de maréchal-ferrant ne donne aucune définition de celle-ci ; qu'un tel texte ne peut donc servir de fondement à une poursuite pénale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les textes et principes susvisés ;
" 3°) alors qu'en toute hypothèse, l'article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime, en vertu duquel le maréchal-ferrant est, à titre exceptionnel, habilité à intervenir pour le parage et les maladies du pied des équidés, ne précise pas si cette habilitation est limitée au parage suivi du ferrage, comme il serait logique, ou si elle s'étend au parage naturel ou de confort sans ferrage, et dans cette dernière hypothèse, si cette habilitation est limitée au parage naturel des pieds malades ou si elle s'étend aux pieds sains des équidés ; que l'incrimination litigieuse revêt ainsi un caractère imprécis et imprévisible, en sorte que la combinaison de ces dispositions ne peut servir de fondement à une poursuite pour exercice illégal de l'activité de maréchal-ferrant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les textes et principes susvisés ;
" 4°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en l'absence de précision par l'article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime, de la nature du parage auquel le maréchal-ferrant est habilité à procéder, il y a lieu de considérer que seul le parage suivi d'un ferrage entre dans le champ protégé de l'activité de maréchal-ferrant, à l'exception du parage naturel ou de confort, sans ferrage ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susvisés ;
" 5°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'à supposer que le parage non suivi d'un ferrage entre dans le champ d'activité du maréchal-ferrant, il y a lieu de considérer, en l'absence de précision, que l'habilitation prévue par l'article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime ne concerne que les pieds malades des équidés, à l'exclusion des pieds sains dont le parage n'entre pas dans le champ protégé de l'activité de maréchal-ferrant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susvisés ;
" 6°) alors qu'en se reportant, pour définir le périmètre protégé de l'activité de maréchal-ferrant au sens de la loi du 5 juillet 1996, au « référentiel professionnel » de l'arrêté du 16 juillet 1998 fixant les modalités de la délivrance du certificat d'aptitude professionnelle option maréchalerie, lequel, au demeurant, n'incluait pas le parage naturel sans ferrage dans son descriptif de la formation professionnelle du maréchal-ferrant, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en méconnaissance des textes et des principes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'Union française des maréchaux-ferrants a porté plainte contre M. Guy X... qui exerce l'activité de pareur équin ou pédicure équin ; que ce dernier a été cité devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la profession de maréchal-ferrant ; que le tribunal a déclaré celui-ci coupable des faits reprochés ; que le prévenu et le ministère public ont formé appel de la décision ;
Attendu que, pour confirmer la culpabilité du prévenu, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que M. X..., qui n'est titulaire d'aucun certificat d'aptitude professionnelle de maréchal-ferrant, revendique la qualité de pareur équin ; que les juges ajoutent que le parage des sabots d'un cheval se trouve placé par les textes applicables sur le même plan que les maladies du pied des équidés, dont le traitement est réservé aux seuls vétérinaires et maréchaux-ferrants ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles L. 243-1 à L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime et 16 de la loi du 5 juillet 1996, que le parage est un acte de médecine, voire de chirurgie, qui ne peut être réalisé que par les vétérinaires ou les maréchaux-ferrants et que la profession de maréchal-ferrant ne peut être exercée que par une personne qualifiée, la cour d'appel, qui n'a pas excédé sa saisine, a caractérisé, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, le délit d'exercice illégal de la profession de maréchal-ferrant ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à l'Union française des maréchaux-ferrants en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.