La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2015 | FRANCE | N°14-29797

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2015, 14-29797


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que si le tribunal d'instance est souverain pour apprécier le caractère frauduleux de la désignation par les syndicats de leurs représentants, encore convient-il que les motifs retenus à l'appui de sa décision soient inopérants ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été mis à la retraite d'office pour faute grave, par une lettre du 14 décembre 2009 par la société GrDF ; que, par un arrêt du 17 décembre 2013

, la cour d'appel a annulé cette sanction et a ordonné la réintégration du salar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que si le tribunal d'instance est souverain pour apprécier le caractère frauduleux de la désignation par les syndicats de leurs représentants, encore convient-il que les motifs retenus à l'appui de sa décision soient inopérants ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a été mis à la retraite d'office pour faute grave, par une lettre du 14 décembre 2009 par la société GrDF ; que, par un arrêt du 17 décembre 2013, la cour d'appel a annulé cette sanction et a ordonné la réintégration du salarié ; que, par une lettre du 3 novembre 2014, la Fédération des syndicats Solidaires unitaires démocratiques de l'énergie a informé l'employeur de la désignation de M. X... en qualité de représentant de la section syndicale SUD au sein de l'établissement DP1-réseau gaz Paris, de la direction des réseaux Ile-de-France de la société ;
Attendu que pour annuler cette désignation, le jugement énonce que l'intéressé a bien fait l'objet en 2009 d'une sanction très lourde et qu'il n'a toujours pas à ce jour été définitivement statué sur la validité de cette dernière, puisque l'arrêt rendu en 2013 est frappé d'un pourvoi, que par ailleurs, si le salarié est bien, comme il l'allègue, un syndicaliste engagé depuis au moins l'année 2008, il doit cependant être relevé qu'il n'établit pas avoir été candidat aux élections au conseil de prud'hommes de Paris en 2008, les listes qu'il produit, sans signature ni cachet d'une autorité officielle, étant dépourvues de tout caractère probant, qu'il n'exerçait aucun mandat représentatif du personnel en 2009 lors de la sanction prononcée à son encontre, que si la « fiche de compte-rendu d'entretien » du 2 novembre 2007 versée aux débats fait bien état d'un mandat « CMP », M. X... ne justifie pas, et n'indique même pas du reste, pendant quelle période il l'aurait exercé, en quelle qualité, et de quel mandat très précisément il s'agissait, qu'il n'a jamais été élu, ni candidat, à aucune élection professionnelle, en sorte qu'il y a lieu de considérer que la désignation litigieuse a bien été effectuée, non pour lui permettre de défendre les intérêts de tous les salariés, mais d'abord et avant tout ses propres intérêts, en lui conférant, face à la sanction dont il fait l'objet, le statut de salarié protégé ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié était un syndicaliste engagé depuis au moins l'année 2008 et que sa réintégration avait été ordonnée en raison notamment du caractère discriminatoire de la mise à la retraite d'office prononcée en 2009, et d'autre part, que cette mise à la retraite, étant antérieure à la désignation intervenue le 3 novembre 2014, cette dernière ne pouvait avoir d'incidence sur le litige relatif à cette sanction qui continuait d'opposer le salarié à l'employeur, le tribunal d'instance a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 décembre 2014, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 9e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris 17e ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Gaz réseau distribution à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et la Fédération des syndicats Solidaires et démocratique de l'énergie

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR annulé comme frauduleuse la désignation effectuée le 3 novembre 2014 par la Fédération des Syndicats Solidaires Unitaires et Démocratiques de l'Energie de Nordine X... en qualité de représentant de section syndicale dans l'établissement DP (Etablissement DP1-Paris (Reseau Gaz Paris) de la Direction Réseaux Ile-de-France, et d'avoir rejeté les demandes de Monsieur X... et de la Fédération des Syndicats Solidaires Unitaires et Démocratiques de l'Energie tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que Nordine X... a bien fait l'objet en 2009 d'une sanction très lourde, assimilable à une mesure de licenciement, et qu'il n'a toujours pas à ce jour été définitivement statué sur la validité de cette dernière, puisque l'arrêt rendu en 2013 est frappé d'un pourvoi ; par ailleurs si Nordine X... est bien, comme il l'allègue, un syndicaliste engagé depuis au moins l'année 2008, il doit cependant être relevé : - qu'il n'établit pas avoir été candidat aux élections au CPH de Paris en 2008, les listes qu'il produit (sans signature et cachet d'une autorité officielle) étant dépourvues de tout caractère probant ; - qu'il n'exerçait aucun mandat représentatif du personnel en 2009 lors de la sanction prononcée à son encontre ; - que si la « fiche de compte-rendu d'entretien » du 2 novembre 2007 versée aux débats fait bien état d'un mandat « CMP » (dont on peut supposer qu'il s'agit de la Commission Paritaire Mixte), Nordine X... ne justifie pas (et n'indique même pas du reste) pendant quelle période il l'aurait exercé, en quelle qualité, et de quel mandat très précisément il s'agissait ; - qu'il n'a jamais été élu, ni candidat à aucune élection professionnelle ; il y a lieu dans ces conditions de considérer que la désignation litigieuse a bien été effectuée, comme le soutient à juste titre la requérante, non pour lui permettre de défendre les intérêts de tous les salariés, mais d'abord et avant tout ses propres intérêts, en lui conférant, face à la sanction dont il fait l'objet, le statut de salarié protégé ; il convient par conséquent d'annuler comme frauduleuse la désignation objet de la requête ;
ALORS QUE le caractère frauduleux d'une désignation s'apprécie à la date de celle-ci et non pas en fonction d'évènements ayant eu lieu cinq ans auparavant ou en fonction d'évènements futurs et hypothétiques ; que le tribunal a affirmé que la désignation était intervenue en novembre 2014 pour conférer à Monsieur X... le statut de salarié protégé face à la sanction dont il a fait l'objet en décembre 2009 ; qu'en statuant comme il l'a fait alors qu'à la date de la désignation, en novembre 2014, la sanction prononcée en décembre 2009 avait été annulée en raison de son caractère discriminatoire, le tribunal a violé l'article L 2142-1-1 du code du travail ;
Et ALORS QUE la charge de la preuve du caractère frauduleux de la désignation incombe à l'employeur qui doit établir qu'à la date de la désignation, le salarié se savait menacé par une sanction contre laquelle il cherchait à se protéger ; que le tribunal a retenu que le salarié avait fait l'objet en 2009 d'une sanction très lourde, assimilable à une mesure de licenciement, et qu'il n'avait toujours pas à ce jour été définitivement statué sur la validité de cette dernière, puisque l'arrêt rendu en 2013 est frappé d'un pourvoi ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans constater qu'à la date de la désignation en novembre 2014, le salarié faisait l'objet d'une menace contre laquelle il aurait voulu rechercher une protection, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 2142-1-1 du code du travail ;
ALORS en outre QUE n'est pas frauduleuse la désignation, en qualité de représentant de section syndicale, d'un salarié syndicaliste engagé depuis de nombreuses années ; qu'en considérant que la désignation du salarié était frauduleuse alors même qu'il résultait de ses constatations que le salarié était syndicaliste engagé depuis au moins l'année 2008, le tribunal a violé l'article L 2142-1-1 du code du travail ;
ALORS par ailleurs QUE la charge de la preuve du caractère frauduleux de la désignation incombe à l'employeur ; que le tribunal s'est fondé sur l'insuffisance des éléments apportés par le salarié pour considérer que la désignation était frauduleuse ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé l'article 1315 du code civil ;
Et ALORS enfin QUE les exposants ont soutenu et démontré, d'une part, que le salarié s'était particulièrement investi dans un mouvement de grève en 2009, cet investissement étant à l'origine de son éviction de l'entreprise dans des conditions discriminatoires et, d'autre part, que la contestation de sa désignation en novembre 2014 était encore discriminatoire ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces points ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29797
Date de la décision : 14/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 9ème, 19 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2015, pourvoi n°14-29797


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.29797
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award