LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 septembre 2014), que M. et Mme X... ont souscrit le 27 novembre 2005 auprès de la Société financière pour l'accession à la propriété (la Sofiap) un prêt immobilier et ont adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par la Sofiap auprès de la Caisse nationale de prévoyance assurances (l'assureur) ; que le 7 novembre 2006, M. X... a été placé en arrêt de travail à la suite de douleurs importantes au dos apparues lors d'opérations de manutention dans le restaurant de la SNCF où il travaillait ; qu'il a sollicité la garantie de l'assureur, lequel l'a refusée ; que M. et Mme X... ont assigné la Sofiap et l'assureur en réparation de leurs préjudices ; que le 30 septembre 2011, M. et Mme X... ont été expulsés de leur logement ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de limiter à 40 000 euros la somme que la Sofiap a été condamnée à leur payer et de les débouter du surplus de leurs demandes, alors, selon le moyen, que le responsable d'une perte de chance doit indemniser la victime, à hauteur de la probabilité retenue, de toutes les conséquences certaines, même médiates, du défaut de réalisation de l'événement favorable escompté ; qu'en jugeant que les conséquences dommageables résultant du défaut d'information de la Sofiap « ne seraient pas pour M. et Mme X... constituées par le fait que leur immeuble a été vendu sur saisie immobilière et qu'ils ont dû en être expulsés mais par le fait de ne pas avoir pu bénéficier de la prise en charge des échéances du prêt restant à courir et du montant du capital restant dû en cas d'invalidité » sans rechercher si dans l'hypothèse où les échéances du prêt avaient été prises en charge par l'assureur, la banque ne se serait pas abstenue de mettre en oeuvre une saisie immobilière, de sorte que les conséquences dommageables de cette voie d'exécution pour M. et Mme X... étaient nécessairement en relation de causalité avec la faute de la Sofiap, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant estimé que le défaut d'information a causé à M. et Mme X... un préjudice constitué par la seule perte de chance de souscrire un contrat plus protecteur de leurs droits ou un complément de garantie, la cour d'appel a pu décider que les conséquences dommageables qui en résultent ne sont pas pour M. et Mme X... constituées par le fait que leur immeuble a été vendu sur saisie immobilière et qu'ils ont dû en être expulsés ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et la seconde branche du second moyen annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme X... de leurs demande dirigées à l'encontre de la société CNP Assurances ;
AUX MOTIFS QUE, sur le jeu de la garantie ITT : s'agissant de la garantie ITT, le contrat prévoit expressément en son §5 que : "ATTENTION : PENDANT LES DOUZE PREMIERS MOIS D'ASSURANCE (délai d'attente) L'ITT N'EST PAS COUVERTE SAUF SI ELLE RESULTE D'UN ACCIDENT (tel que défini au §4). Seules les périodes d'ITT dont le point de départ se situe au-delà de ce délai sont susceptibles d'être prise en charge" ; qu'or, il est constant que le point de départ de l'ITT alléguée se situe dans les douze premiers mois d'assurance puisque l'arrêt de travail date du 7 novembre 2006, alors que la garantie a pris effet à la date de la signature du prêt par l'emprunteur soit au 16 décembre 2005 ; qu'il reste à savoir si l'ITT résulte d'un accident tel que défini au §4 du contrat en ces termes : "Par accident, il faut entendre toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré et provoquée exclusivement par l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure" ; que les premiers juges ont, à juste titre, relevé que le certificat médical du 2 mars 2007 présenté à l'appui de la demande de reconnaissance de l'état d'invalidité de monsieur X... mentionne que l'affection qui a motivé l'arrêt de travail est une sciatique L5 avec deux arrêts de travail antérieurs en lien avec cette pathologie ; qu'il sera, par ailleurs, relevé que monsieur X... avait indiqué sur le questionnaire de santé avoir souffert d'une sciatique dans les cinq ans précédant sa demande d'adhésion au contrat d'assurance ; qu'il apparaît ainsi que le fait de porter une charge lourde a réveillé chez l'assuré une pathologie antérieure et que l'atteinte corporelle qu'il a subie n'a pas été provoquée exclusivement par l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la CNP à prendre en charge les échéances du prêt de décembre 2006 à mars 2008 et monsieur et madame X... seront déboutés de leur demande à ce titre :
ALORS QUE ne sont pas causales les prédispositions de la victime qui, sans l'intervention d'un événement extérieur, n'auraient développé aucun effet ; qu'en jugeant que la société CNP Assurances ne devrait pas sa garantie au titre de l'ITT, motif pris de ce que l'atteinte corporelle dont M. X... avait été victime n'aurait pas été provoquée exclusivement par l'« action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure » (arrêt, p. 6, § 5), quand il ressortait de ses propres constatations que « le fait de porter une charge lourde a vait réveillé chez l'assuré une pathologie antérieure » (arrêt, p. 6, § 5, nous soulignons), ce dont il s'évinçait qu'au moment de l'accident, les prédispositions de M. X... étaient latentes, l'affection qui en était issue n'ayant été provoquée ou révélée que par un fait extérieur, de sorte que la garantie de la société CNP Assurances était due, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 113-1 du Code des assurances.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 40.000 euros la somme que la Sofiap a été condamnée à payer aux époux X... et d'AVOIR débouté les époux X... du surplus de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE le défaut d'information a causé à Monsieur et Madame X... un préjudice constitué par la seule perte de chance de souscrire un contrat plus protecteur de leurs droits ou un complément de garantie ; que les conséquences dommageables qui en résultent ne sont pas pour les époux X... constituées par le fait que leur immeuble a été vendu sur saisie immobilière et qu'ils ont dû en être expulsés mais par le fait de ne pas avoir pu bénéficier de la prise en charge des échéances du prêt restant à courir et du montant du capital restant dû en cas d'invalidité ; que la perte de chance retenue correspond ainsi à une fraction des sommes auxquelles les époux X... auraient pu prétendre s'ils avaient été garantis, laquelle au vu des pathologies dont souffrait Monsieur X... sera fixée à un tiers ; que si les garanties souscrites avaient pu jouer, la CNP aurait pris en charge, dans le meilleur des cas et au vu du tableau d'amortissement annexé à l'acte de prêt, les échéances restantes du prêt (941,86 ¿ par mois) de décembre 2006 à mars 2008 soit 15.069,76 ¿ puis le capital restant dû à la date où il a été déclaré en invalidité (avril 2008) soit 105.000 ¿ soit un montant total de 120.069,76 ¿ arrondi à 120.000 ¿ ; qu'en conséquence, la Sofiap sera condamnée à payer à monsieur et madame X... la somme de 40.000 ¿, à titre de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QUE le responsable d'une perte de chance doit indemniser la victime, à hauteur de la probabilité retenue, de toutes les conséquences certaines, même médiates, du défaut de réalisation de l'événement favorable escompté ; qu'en jugeant que les conséquences dommageables résultant du défaut d'information de la Sofiap « ne seraient pas pour les époux X... constituées par le fait que leur immeuble a été vendu sur saisie immobilière et qu'ils ont dû en être expulsés mais par le fait de ne pas avoir pu bénéficier de la prise en charge des échéances du prêt restant à courir et du montant du capital restant dû en cas d'invalidité » (arrêt, p. 7, § 4) sans rechercher si dans l'hypothèse où les échéances du prêt avaient été prises en charge par l'assureur, la banque ne se serait pas abstenue de mettre en oeuvre une saisie immobilière, de sorte que les conséquences dommageables de cette voie d'exécution pour les époux X... étaient nécessairement en relation de causalité avec la faute de la Sofiap, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut être inférieure au montant du préjudice ; qu'en jugeant que « si les garanties souscrites avaient pu jouer, la CNP aurait pris en charge ¿ un montant total de 120.069,76 euros arrondi à 120.000 ¿ » (arrêt, p. 7, § 7, nous soulignons), de sorte que, compte tenu de la perte de chance fixée à un tiers, il y avait lieu d'allouer aux époux X... la somme de 40 000 euros, la Cour d'appel n'a pas réparé l'intégralité du préjudice subi par les époux X..., et violé l'article 1147 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.