LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Axa Corporate solutions assurance du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme Marilyne X...
Y..., M. Manuel Y..., M. Manuel Z...
Y..., Mme Elisabeth Z...
Y..., Mme Gracinda Z...
Y..., Mme Fatima Z...
Y..., et Mme Cidalia Z...
Y... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre 2014), que Jaime Y... a été victime le 23 octobre 2007 d'un accident mortel de la circulation dans la survenance duquel était impliqué un véhicule assuré par la société Axa corporate solutions assurance (l'assureur) ; que son épouse, Mme Maria X...
Y..., et ses deux filles, Maryline et Aurélie X...
Y..., ainsi que d'autres membres de la famille, ont assigné l'assureur en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme Maria X...
Y... la somme de 199 714, 40 euros, à Mme Aurélie X...
Y... la somme de 34 374, 78 euros au titre de son préjudice économique, le tout en deniers ou quittances, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge dont l'office est d'évaluer en l'actualisant par voie de capitalisation le préjudice consistant dans la perte de revenus professionnels est tenu de s'expliquer sur le barème de capitalisation qu'il retient, alors surtout que ce faisant, il écarte le barème proposé par l'une des parties, ledit barème résultant d'un arrêté du 27 décembre 2011, modifié par arrêté du 29 janvier 2013, pris en application des articles L. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer qu'« il est utilisé le barème publié à la Gazette du palais 2013 au taux de 1, 20 % qui apparaît le mieux adapté aux données économiques actuelles » sans exposer les raisons qui la conduisaient à écarter le barème annexé au code de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en vertu du principe du nominalisme monétaire, il n'y a pas lieu à réévaluation d'une somme dont le montant est déterminé ; qu'en cas d'indemnisation d'un préjudice, il est fait exception à ce principe dans la seule hypothèse où celle-ci se fait sous la forme d'une rente ; qu'au contraire, lorsque l'indemnisation du préjudice est réalisée par l'allocation d'un capital, celui-ci ne donne pas lieu à revalorisation à raison de la dépréciation monétaire ; qu'en conséquence, en retenant un barème de capitalisation (Gazette du palais 2013) établi en considération d'une inflation théorique future, la cour d'appel a violé, outre l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 par fausse application, les articles 1243 et 1895 du code civil ;
3°/ que le préjudice hypothétique est insusceptible d'indemnisation ; qu'en déterminant le préjudice consistant dans la perte de revenus professionnels à l'aide d'un barème de capitalisation intégrant une inflation future, nécessairement incertaine, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
4°/ que le principe de la réparation intégrale s'oppose à la double indemnisation d'un même préjudice ; que l'indemnisation d'une perte de revenus par l'allocation d'un capital permet à son bénéficiaire d'investir ce dernier et d'en retirer des revenus qui augmentent à mesure de l'inflation ; qu'en conséquence, en calculant le montant du capital selon un barème établi aux fins d'intégrer le principe d'un renchérissement annuel du coût de la vie, la cour d'appel a procédé à la double indemnisation du même préjudice et a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a, par une décision motivée, fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa Corporate solutions assurance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa Corporate solutions assurance, la condamne à payer à Mme Maria X...
Y... et à Mme Aurélie X...
Y... la somme de 1 500 euros chacune ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Axa Corporate solutions assurance
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer à Madame Maria B...
C...
X... épouse Y... la somme de 199. 714, 40 ¿, à Mademoiselle Aurélie X...
Y... la somme de 34. 374, 78 ¿ au titre de son préjudice économique, le tout en deniers ou quittances ;
AUX MOTIFS QUE « les parties ne s'accordant ni sur la façon de calculer, ni sur les périodes qu'elles retiennent au titre d'arrérages échus, il y lieu de capitaliser de façon viagère la perte du foyer, seule méthode permettant de prendre en compte le risque de décès de la victime directe à compter du 23 octobre 2007, si l'accident n'était pas survenu. Il est utilisé le barème publié à la Gazette du Palais 2013 au taux de 1, 20 % qui apparaît le mieux adapté aux données économiques actuelles et utilise la table de survie la plus récente de l'INSEE 2006-2008. Le préjudice s'établit en conséquence à 768. 114, 80 ¿ (28. 981, 09 ¿ x 26. 504 ¿ de rente viager pour un homme de 46 ans). Les parties admettent que le préjudice économique de la fille restant à charge du couple a perduré jusqu'à l'âge de 25 ans. Compte tenu de son âge, sa part est fixée à 25 % de la perte annuelle du foyer, soit la somme annuelle de 7. 245, 27 ¿ (28. 981, 09 ¿ x 25 %). Dans la mesure où le risque de mortalité de la victime directe a été pris en compte par l'emploi de l'euro de rente viagère de Monsieur Y... à la date de son décès pour fixer la perte viagère du foyer et où Mademoiselle X...
Y... a atteint son 25ème anniversaire le 20 juillet 2012, il n'y a pas lieu d'employer le barème de capitalisation en utilisant l'euro de rente à l'âge de 20 ans, arrêté à 25 ans, qui tient compte du risque de mort de l'intéressée, ce risque ne s'étant pas réalisé. Mademoiselle X...
Y... recevra donc pour la période de 4 ans, 8 mois et 28 jours qui s'étend du décès de son père jusqu'à son 25ème anniversaire, la somme de 34. 374, 78 ¿. Le préjudice de Madame Y... qui est égal à la perte du foyer, après déduction de la perte subie par sa fille, est donc de 733. 740, 02 ¿ (768. 114, 80 ¿-34374, 78 ¿). Ce préjudice est partiellement réparé par le capital décès et par la rente AT versés par la CPAM, sans qu'il y ait lieu à revalorisation du capital représentatif, la Sécurité Sociale y procédant annuellement comme en témoigne l'évolution des débours, soit une indemnité complémentaire revenant à Madame Y... de 199. 714, 40 ¿ (733. 740, 02 ¿-8. 046 ¿ + 91. 039, 37 ¿ + 298. 367 ¿ + 136. 573, 25 ¿) » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge dont l'office est d'évaluer en l'actualisant par voie de capitalisation le préjudice consistant dans la perte de revenus professionnels est tenu de s'expliquer sur le barème de capitalisation qu'il retient, alors surtout que ce faisant, il écarte le barème proposé par l'une des parties, ledit barème résultant d'un arrêté du 27 décembre 2011, modifié par arrêté du 29 janvier 2013, pris en application des articles L. 376-1 et R. 454-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer qu'« il est utilisé le barème publié à la Gazette du Palais 2013 du taux de 1, 20 % qui apparaît le mieux adapté aux données économiques actuelles » sans exposer les raisons qui la conduisaient à écarter le barème annexé au Code de la sécurité sociale, la Cour a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en vertu du principe du nominalisme monétaire, il n'y a pas lieu à réévaluation d'une somme dont le montant est déterminé ; qu'en cas d'indemnisation d'un préjudice, il est fait exception à ce principe dans la seule hypothèse où celle-ci se fait sous la forme d'une rente ; qu'au contraire, lorsque l'indemnisation du préjudice est réalisée par l'allocation d'un capital, celui-ci ne donne pas lieu à revalorisation à raison de la dépréciation monétaire ; qu'en conséquence, en retenant un barème de capitalisation (Gazette du Palais 2013) établi en considération d'une inflation théorique future, la Cour a violé, outre l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 par fausse application, les articles 1243 et 1895 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE le préjudice hypothétique est insusceptible d'indemnisation ; qu'en déterminant le préjudice consistant dans la perte de revenus professionnels à l'aide d'un barème de capitalisation intégrant une inflation future, nécessairement incertaine, la Cour a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE ET ENFIN, QUE le principe de la réparation intégrale s'oppose à la double indemnisation d'un même préjudice ; que l'indemnisation d'une perte de revenus par l'allocation d'un capital permet à son bénéficiaire d'investir ce dernier et d'en retirer des revenus qui augmentent à mesure de l'inflation ; qu'en conséquence, en calculant le montant du capital selon un barème établi aux fins d'intégrer le principe d'un renchérissement annuel du coût de la vie, la Cour a procédé à la double indemnisation du même préjudice et a violé l'article 1382 du Code civil.