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10/12/2015 | FRANCE | N°14-25192

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 décembre 2015, 14-25192


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 juin 2014), que la clinique médico-chirurgicale Velpeau (société Velpeau), depuis sous sauvegarde, a confié à la société d'architectes Boille et associés (société Boille) la maîtrise d'oeuvre d'une opération de restructuration en centre de soins d'un ensemble immobilier à usage de clinique ; que la société Ingénierie construction environnement conseil (société ICEC) a été chargée des travaux de restructuration de la clinique ; qu'elle a assignÃ

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 juin 2014), que la clinique médico-chirurgicale Velpeau (société Velpeau), depuis sous sauvegarde, a confié à la société d'architectes Boille et associés (société Boille) la maîtrise d'oeuvre d'une opération de restructuration en centre de soins d'un ensemble immobilier à usage de clinique ; que la société Ingénierie construction environnement conseil (société ICEC) a été chargée des travaux de restructuration de la clinique ; qu'elle a assigné la société Velpeau en paiement du solde des travaux ; que celle-ci a appelé en la cause la société Boille et a réclamé reconventionnellement l'indemnisation d'un préjudice résultant d'un retard des travaux ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Velpeau et Mme X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Velpeau, font grief à l'arrêt de rejeter les demandes en dommages-intérêts formées contre la société Boille, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que la société Clinique Velpeau ne justifiait d'aucun préjudice, même de perte de chance, au soutien du reproche fait à l'architecte de n'avoir pas préparé d'ordre de service prescrivant de commencer les travaux de la tranche 1 ni attiré son attention sur la nécessité d'émettre cet ordre, tout en énonçant qu'en l'absence de cet ordre de service le délai d'exécution n'avait pas couru de sorte que la clause pénale sanctionnant les dépassements de délais ne pouvait être mise en oeuvre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147 et 1152 du code civil ;
2°/ que la société Clinique Velpeau faisait valoir que l'architecte n'avait établi aucun compte-rendu de chantier entre le 16 février 2007 et le 21 septembre 2007, soit pendant plus de sept mois, et qu'il s'était abstenu d'exiger de l'entrepreneur un planning détaillé d'exécution pour chaque phase de travaux, comme cela était prévu par le marché ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il n'avait pas ce faisant commis des fautes qui avaient pu contribuer au retard de la livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que la société Clinique Velpeau faisait également valoir que l'architecte avait fautivement attendu le 2 août 2007 pour lui proposer un plan d'aménagement de la zone de balnéothérapie, kinésithérapie et rééducation fonctionnelle, ces travaux étant supposés démarrer dix jours plus tard, alors qu'il était en mesure de les préparer dès le mois de décembre 2006 ; qu'en se bornant à affirmer que l'architecte avait été « zélé » et qu'il lui était « impossible de s'avancer davantage sans disposer des instructions du maître de l'ouvrage » sans rechercher concrètement si l'architecte n'était pas en mesure d'établir, dès le mois de décembre 2006, les plans afférents à cette phase de travaux et n'avait pas fautivement tardé à le faire, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ qu'en retenant tout à la fois que le report d'examen du dossier par la commission de sécurité s'expliquait sans doute par l'absence de notice de sécurité mise à jour, d'une part, et qu'il était en fait inutile d'annexer une notice de sécurité au dossier de permis de construire modificatif transmis à la commission de sécurité, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'il résulte de l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme que le dossier de permis de construire doit permettre de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité et comprendre les pièces mentionnées à l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, lesquelles s'entendent d'une notice de sécurité précisant les matériaux utilisés et des plans faisant apparaître les largeurs des passages affectés à la circulation du public et les caractéristiques des espaces d'attente sécurisés ; que l'architecte chargé de déposer une demande de permis de construire et qui néglige de joindre ces documents au dossier commet une faute engageant sa responsabilité ; qu'en dégageant l'architecte de toute responsabilité au motif qu'il aurait appartenu au contrôleur technique d'établir ces éléments, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
6°/ qu'en retenant que le report d'examen du dossier par la commission de sécurité s'expliquait « sans doute » par l'absence de notice de sécurité mise à jour, cette notice n'étant pas de la responsabilité de l'architecte, la cour d'appel s'est prononcée par un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que la société Clinique Velpeau faisait valoir que l'architecte avait attendu le 13 mai 2008 pour déposer une demande permis de construire modificatif qu'il aurait pu préparer depuis des mois, ce qui avait conduit la commission de sécurité, qui n'avait pas disposé du dossier à temps, à annuler la visite prévue pour le 23 mai suivant ; qu'elle ajoutait que ce dossier n'avait été complété que le 31 juillet 2008 qu'en se bornant à relever que l'architecte avait déposé le dossier de permis de construire dans le mois de la validation des plans, sans rechercher s'il n'était pas en mesure de préparer et faire valider les plans de telle sorte que le dossier de permis puisse être utilement examiné dès le mois de mai par la commission de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu souverainement que le retard dans la réalisation des travaux était imputable au maître de l'ouvrage et non à l'entreprise ICEC, que le maître d'oeuvre avait été diligent dans la gestion des travaux supplémentaires commandés par la société Velpeau par sa promptitude à dresser les nouveaux plans, susciter et traiter les devis et établir les nouveaux plannings, qu'il lui était impossible de s'avancer davantage sans disposer des instructions du maître de l'ouvrage, que celui-ci avait tardé à arrêter sa position concernant des travaux hors programme relatifs au bloc opératoire et à l'aménagement du bâtiment accueillant les salles et équipements de rééducation et balnéothérapie, que l'architecte n'avait commis aucun retard dans le traitement du permis de construire modificatif auquel il était inutile d'annexer la notice de sécurité et que le report de la date de la visite de la commission de sécurité était dû à l'absence de mise à jour, imputable au contrôleur technique et non à l'architecte, de la notice de sécurité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'a pas statué par des motifs contradictoires ou dubitatifs, a pu en déduire que la société Boille n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Velpeau ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 ;
Attendu que, pour annuler l'article 32.4 du cahier des clauses particulières et dire que la fourniture d'une caution bancaire interdisait à la société Velpeau de pratiquer une retenue de garantie, l'arrêt retient que l'article précité, qui plafonne à 95 % le montant cumulatif des bons d'acompte établis en fin de chantier et soumet la libération du solde à la justification préalable par l'entrepreneur de ce qu'il a lui-même réglé ceux de ses propres sous-traitants, fait obstacle à la règle d'ordre public proscrivant la retenue de garantie à l'égard de l'entrepreneur qui a fourni caution ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la retenue contractuelle relative au règlement par l'entrepreneur des travaux de ses sous-traitants a un objet distinct de la retenue légale de 5 % garantissant l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'article 32.4 "bons d'acompte" du cahier des clauses particulières, dit que la fourniture d'une caution bancaire du montant de 5 % du marché par la société ICEC interdisait à la société Velpeau de pratiquer une retenue de garantie, dit que la somme de 500 147,32 euros mise à la charge de la société Velpeau porte intérêt au taux légal majoré de sept points à compter du 10 juillet 2008, l'arrêt rendu le 26 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Ingénierie construction environnement conseil, la société Clinique Velpeau et Mme X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ingénierie construction environnement conseil à payer à la société Velpeau et Mme X..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ; condamne la société Velpeau et Mme X..., ès qualités, à payer à la société Boille la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Ingénierie construction environnement conseil ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Clinique Velpeau et Mme X..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'article 32.4 « Bons d'acompte » du cahier des clauses particulières, d'avoir dit que la fourniture d'une caution bancaire du montant de 5 % du marché par la société ICEC interdisait à la société Clinique Velpeau de pratiquer une retenue de garantie, d'avoir dit que la somme de 500.147,32 euros mise à la charge de la société Clinique Velpeau porte intérêt au taux légal majoré de sept points à compter du 10 juillet 2008 et d'avoir mis au passif de la sauvegarde de la société Clinique Velpeau une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
AUX MOTIFS QUE la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, qui prévoit la possibilité d'une retenue de garantie égale au plus à 5 % de la valeur du marché, dispose en son article 1er, alinéa 4, qu'une telle garantie, lorsqu'elle est stipulée contractuellement, n'est toutefois pas pratiquée si l'entrepreneur fournit pour un montant égal une caution personnelle et solidaire émanant d'un établissement financier habilité ; que son article 3 répute nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses ou arrangements qui auraient pour effet de faire échec à cette règle ; que la société ICEC prouvant avoir fourni le 29 juin 2006 à la Clinique Velpeau ¿ qui reconnaît l'avoir reçue ¿ une caution solidaire de 5 % du marché émise par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, est ainsi fondée à réclamer paiement de l'intégralité du prix du marché terminé, nonobstant l'existence des réserves qui ont été formulées à la réception ; que fait obstacle à la règle d'ordre public proscrivant la retenue de garantie à l'égard de l'entrepreneur qui a fourni caution l'article 32.4 "Bons d'acompte" du cahier des clauses particulières invoqué par l'appelante, qui plafonne à 95 % le montant cumulatif des bons d'acompte établis en fin de chantier et soumet la libération du solde à la justification préalable, par l'entrepreneur, de ce qu'il a lui-même soldé ceux de ses propres sous-traitants ; qu'il y a donc lieu, comme demandé, d'annuler cette stipulation, dont la Clinique Velpeau refuse de considérer qu'elle s'articulerait avec l'article 33 qui traite, lui, de la retenue de garantie, et qui prévoit conformément à la loi, que le paiement des acomptes sera, au choix de l'entrepreneur, soit frappé d'une retenue de garantie de 5 % soit intégralement versé à l'entrepreneur si celui-ci fournit une caution bancaire pour le montant intégral de cette retenue ; qu'en tant qu'il stipule que la production de cette caution doit intervenir avant présentation de la première situation de travaux, le troisième paragraphe dudit article 33 ajoute à la loi une condition qui aggrave le mécanisme légal, et doit lui aussi être regardé en cela comme faisant échec aux dispositions de l'article 1er de la loi ; que s'il n'y a pas lieu de l'annuler, la cour n'étant saisie d'aucune demande en ce sens, il convient de juger, comme le sollicite ICEC, que le maître de l'ouvrage ne peut s'en prévaloir pour retenir le solde du marché (arrêt p. 7) ;
1°- ALORS QUE les parties à un marché de travaux peuvent librement convenir qu'en fin de chantier le solde restant dû à l'entrepreneur ne sera réglé que sur la justification à produire par celui-ci qu'il a lui-même soldé les marchés des sous-traitants ; qu'une telle clause est indépendante des dispositions de la loi du 16 juillet 1971 relatives à la retenue de garantie de 5 % destinée à garantir la bonne exécution des travaux, sauf pour l'entrepreneur à fournir une caution émanant d'un établissement bancaire ; qu'en énonçant en l'espèce, pour considérer que la société Clinique Velpeau n'était pas fondée à plafonner à 95% du montant du marché les sommes dues à l'entrepreneur, faute pour celui-ci de justifier qu'il avait soldé les marchés de ses sous-traitants, qu'une telle clause faisait obstacle à la règle d'ordre public proscrivant la retenue de garantie à l'égard de l'entrepreneur qui a fourni la caution bancaire, comme l'avait fait la société ICEC, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 de la loi du 16 juillet 1976, ensemble l'article 1134 du code civil.
2°- ALORS QUE selon l'article 3 de la loi du 16 juillet 1971 sont nuls et de nul effet les clauses, stipulations et arrangements, qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions des articles 1er et 2 de la loi, relatifs à la retenue de garantie ; que la clause par laquelle un marché de travaux prévoit que l'entreprise devra notifier au maître de l'ouvrage son choix entre la retenue de garantie de 5 % ou la caution bancaire avant présentation de la première situation de travaux, qui n'a pas pour effet de faire échec aux dispositions de la loi susvisée, mais seulement d'en aménager la mise en oeuvre, est valable ; qu'en retenant que le maître de l'ouvrage ne pouvait s'en prévaloir, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 de la loi du 16 juillet 1971, ensemble l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Clinique Velpeau de toutes ses demandes à l'encontre de la société ICEC et d'avoir mis au passif de la sauvegarde de la société Clinique Velpeau une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
AUX MOTIFS QUE l'article 3 du marché, l'article 37 du cahier des clauses particulières (CCP), et l'article 3 de l'acte d'engagement stipulent, pareillement, que les délais d'exécution de chacune des tranches de travaux partent de la date fixée par l'ordre de service prescrivant de commencer les travaux de la tranche 1 ; que le maître de l'ouvrage ne produit pas un tel ordre ¿ auquel ne s'assimile aucunement l'ordre de service n° 1 par lequel il avait notifié le 27 janvier 2006 à l'entreprise ICEC qu'elle était déclarée adjudicataire et que la phase de préparation débuterait à compter du 3 février 2006 ; que la Clinique Velpeau reconnaît d'ailleurs expressément qu'elle n'a pas émis d'ordre de service prescrivant de commencer les travaux de la tranche 1 ; qu'en application du marché qui fait la loi des parties, le délai d'exécution n'a donc pas couru, de sorte qu'ICEC, est fondée à faire valoir que la clause pénale sanctionnant le dépassement du délai d'exécution ne trouve pas à s'appliquer ; qu'en vertu du dernier paragraphe de l'article 4 du marché et du droit commun de la responsabilité contractuelle, le maître de l'ouvrage est certes en droit de prétendre à l'indemnisation du préjudice économique qu'il démontrerait avoir subi consécutivement à une faute de l'entrepreneur ; qu'il ne peut toutefois s'agir par hypothèse du non-respect d'un délai contractuel dont il vient d'être dit qu'il n'a pas couru et qui n'est donc pas déterminé ; que la Clinique Velpeau n'établit pas que la société ICEC aurait engagé sa responsabilité envers elle en manquant de diligence, notamment au regard des règles de l'art usuellement applicables en fait de délai d'exécution ni plus généralement à quelque titre que ce soit ; qu'en effet, il ressort des productions et du rapport d'expertise judiciaire que les lenteurs du chantier ne sont en rien imputables à l'entrepreneur ; qu'il s'avère ainsi en premier lieu, que la partie du parc et des places de stationnement extérieur qui devait être libérée pour permettre d'y implanter les installations de chantier l'a été avec retard, ce qui ne relève aucunement du fait de l'entrepreneur mais de celui du maître de l'ouvrage, et qui a repoussé la mise en oeuvre de la phase 1 des travaux ; qu'il s'avère en deuxième lieu, et nonobstant la contestation maintenue par l'appelante, que la Clinique Velpeau, qui avait certes à gérer la délicate question de faire exécuter des travaux de restructuration de l'immeuble sans y interrompre son activité, n'a pas libéré les locaux aux dates convenues et ce, lors de plusieurs phases des travaux, comme en témoignent les protestations émises sur le champ par l'entrepreneur ou certains de ses sous-traitants ce que confirme l'expert judiciaire ; qu'il s'avère, en troisième lieu, que le chantier fut repoussé d'une dizaine de semaines en raison de l'importante modification de la structure métallique constituant le mur rideau de l'entrée demandée fin avril 2006, en cours de chantier, par le maître de l'ouvrage qui a impliqué une refonte des plans avec émission de nouveaux devis et un décalage après les congés d'été du fabricant (Saint Gobain) des verres à réaliser sur mesure pour cette structure, alors que la commande initiale était déjà validée après choix sur échantillons ; qu'en quatrième lieu, les productions et l'expertise établissent avec certitude, et sans réfutation, que le maître de l'ouvrage a constamment, et à chaque phase des travaux, décidé d'apporter d'importantes modifications aux prestations qu'il avait approuvées, et sur la base desquelles avaient été dressés les plans, passés les marchés et établis les plannings ; qu'il en va ainsi, notamment, en phase 1, de sa demande de réfection complète du hall d'entrée ; qu'il en va de même des blocs sanitaires de l'aile "Leriche" clairement désignés en code couleur, sur les plans approuvés, comme à conserver en l'état, étant ajouté que le maître de l'ouvrage a tardé à faire connaître son choix définitif des peintures pour les revêtements intérieurs ; que l'embellissement des chambres a au demeurant donné lieu à un avenant ; que le maître de l'ouvrage a aussi décidé en cours de chantier de substituer comme accès handicapés un ascenseur à la rampe prévue, ce qu'il qualifiait lui-même de "modification importante" dans son courriel du 25 avril 2006 ; qu'en cinquième lieu, le chantier a été sensiblement retardé ¿ de sept semaines selon l'expert judiciaire ¿ par les opérations de désamiantage, sur la nécessité desquelles le maître de l'ouvrage était éclairé depuis la phase d'études préliminaires en novembre 2004 puis par le rapport de présence d'amiante reçu en janvier 2006 du Bureau Veritas, qu'il s'était réservé et qui était hors marché d'ICEC, laquelle ICEC n'ayant aucune obligation à ce titre et n'ayant commis aucun manquement de ce chef, mais ayant au contraire rappelé à ses propres obligations la Clinique Velpeau, un nouveau planning ayant fini par être mis au point lorsque celle-ci se fut décidée à passer enfin commande des travaux, à l'automne 2007, après avoir attendu pour cela "le dernier moment" selon l'expert ; que l'expertise et les productions établissent la réactivité d'ICEC à ces modifications, au point qu'elle a même pris le risque de faire oeuvrer ses propres sous-traitants sans attendre la formalisation d'avenants que le maître de l'ouvrage a quant à lui mis beaucoup de temps à signer ; qu'en sixième lieu, il existait des travaux hors programme touchant au bloc opératoire et à l'aménagement du bâtiment accueillant les salles et équipements de rééducation et balnéothérapie dont seul le principe était connu et qui requéraient de la part du maître de l'ouvrage des choix et la formalisation d'avenants pour lesquels la Clinique Velpeau a tardé à arrêter sa position, notamment pour l'aile "Leriche" en raison de divergences avec ses partenaires kinésithérapeutes ; que la responsabilité d'ICEC, qui a oeuvré avec diligence sitôt que les choix lui furent notifiés, n'est pas non plus engagée à ce titre ; que si besoin était, l'entreprise ICEC a indiqué à plusieurs reprises au maître de l'ouvrage cette évidence que le délai prévu au marché ne pourrait être tenu du fait des retards et modifications qu'elle subissait ; que l'expert explique de façon très circonstanciée que sa diligence permit en un premier temps de rattraper une bonne partie de ce retard qui ne lui était pas imputable au point qu'il devenait envisageable que les délais fussent en définitive tenus, avant que les aléas liés au désamiantage et aux travaux hors programmes ou à définir ne viennent tout repousser ; qu'il échet, enfin de relever que l'expert explique de façon convaincante que dans le cadre d'une réalisation des travaux par phases avec maintien de l'exploitation du site, comme en l'espèce l'entreprise n'a pas d'autre choix que de terminer une phase avant de pouvoir en débuter une autre puisque la fin d'une phase conduit à une utilisation des locaux rénovés par les personnes libérant les locaux concernés par la phase suivante de sorte qu'un retard est très difficile voire impossible à rattraper en jouant d'une phase sur l'autre puisqu'il n'existe pas de possibilité de s'avancer puis de revenir à une phase précédente ; qu'ainsi, la société ICEC n'a pas engagé sa responsabilité et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a mis certaines sommes à sa charge ;
1°- ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, l'article 4 du marché de travaux du 27 janvier 2006 ainsi que l'article 38 du cahier des clauses particulières prévoyait l'application de pénalités « en cas de retards imputables à l'entrepreneur pour non-respect du délai contractuel des travaux de chacune des tranches » ; que si l'article 3 prévoyait que « les délais d'exécution de chacune des tranches de travaux partent de la date fixée par l'ordre de service prescrivant les travaux de la tranche 1 », l'application des pénalités de retard prévues par l'article 38 du CCP et l'article 4 du marché de travaux n'était pas subordonnée à l'existence de cet ordre de service ; que le fait que les travaux aient commencé sans qu'un tel ordre de service ait été formellement émis n'impliquait pas l'absence de tout délai contractuel pour chaque tranche de travaux ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de pénalités de retard de la société Clinique Velpeau, qu'en l'absence de l'ordre de service prévu par l'article 3 les délais d'exécution n'avaient pas couru, de sorte que la clause pénale prévoyant le dépassement du délai d'exécution ne pouvait s'appliquer, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du marché de travaux du 21 janvier 2006 et de l'article 38 du cahier des clauses particulières, et violé l'article 1134 du code civil ;
2°- ALORS QU'en l'absence d'un ordre de service prescrivant le début des travaux, les juges du fond sont tenus de rechercher la commune intention des parties afin de déterminer les délais d'exécution et le point de départ des pénalités de retard ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir la société Clinique Velpeau dans ses conclusions d'appel, la société ICEC avait commencé les travaux en mars 2006 sans demander la délivrance d'un ordre de service, et avait établi une première situation de travaux le 31 mars 2006 ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter la société Clinique Velpeau de sa demande de paiement de pénalités de retard, que l'ordre de service prescrivant le début des travaux de la tranche 1 n'avait pas été délivré de sorte que les délais d'exécution n'avaient pas couru, sans rechercher quelle était, en l'absence d'ordre de service, la date du début des travaux et les délais d'exécution convenus entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1152 du code civil ;
3°- ALORS QUE la société Clinique Velpeau faisait valoir dans ses conclusions d'appel que, par lettre du 5 décembre 2006, la société ICEC s'étaient fermement engagée à livrer les ouvrages à fin octobre 2007 ; qu'en retenant, pour débouter la société Clinique Velpeau de sa demande de pénalités de retard, que l'ordre de service prescrivant le début des travaux de la tranche 1 n'avait pas été délivré de sorte que les délais d'exécution n'avaient pas couru, sans répondre à ce chef déterminant des conclusions d'appel de la société Clinique Velpeau ni s'expliquer sur ces pièces, dont il résultait que la société ICEC avaient souscrit le 5 décembre 2006 l'engagement contractuel d'achever les travaux fin octobre 2007, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Clinique Velpeau de ses demandes en dommages-intérêts dirigées contre la société B et Associés,
AUX MOTIFS QUE les productions et l'expertise exonèrent également le cabinet B et Associés des reproches que lui adressent l'appelante au soutien de sa demande -indemnitaire ; que celui-ci a fait diligence pour analyser les offres reçues et pour passer l'ordre de service à l'entreprise retenue ; que s'agissant du vitrage, les productions et l'expertise établissent que les échantillons avaient été soumis en temps utile au maître de l'ouvrage ; qu'ensuite, la commande des nouveaux vitrages a été passée avec diligence, sitôt approuvés les devis modificatifs ; que s'agissant du désamiantage les productions et l'expertise démontrent que le maître de l'ouvrage se l'était réservée ; que c'est lui qui a constamment été l'unique interlocuteur des entreprises concernées et le destinataire de leurs offres et courriers, et qui a assuré seul le pilotage de cette opération ; que son attention a été attirée à plusieurs reprises tant par le contrôleur de sécurité que par l'entreprise et la maîtrise d'oeuvre, sur l'urgence à faire diligence et sur les conséquences d'un retard quant au planning du chantier ; qu'aucun reproche ne peut être adressé de ce chef au maître d'oeuvre, lequel a au contraire satisfait à son obligation générale de conseil et d'assistance en alertant sa cliente (cf lettre du 14 mars 2007) et a même pris l'heureuse initiative d'intervenir auprès de l'entreprise Atmosphère 37, auteur du devis dont la transmission ¿ ou la réception ¿ était chaotique, en lui demandant-de le remettre en mains propres au maître de l'ouvrage (pièce n° 2 d'ICEC) ; que s'agissant de l'exactitude du cahier de repérage, l'expert judiciaire a vérifié (cf. rapport, p. 39 et 40) que l'architecte n'avait pas commis d'erreur ou d'omission ; que s'agissant de la gestion par le maître d'oeuvre des travaux supplémentaires et/ou hors programme commandés par la Clinique Velpeau, l'expert a vérifié qu'elle avait été diligente, et même zélée à en juger par sa promptitude à dresser les nouveaux plans, susciter et traiter les devis et établir les nouveaux plannings ; qu'il retient qu'il était impossible à l'architecte de s'avancer davantage sans disposer des instructions du maître de l'ouvrage, notamment pour la phase 7 non définie ; que s'agissant de la date de passage de la commission de sécurité, l'expertise et les productions établissent que son report, quoique non motivé, s'explique sans doute par l'absence de la notice de sécurité mise à jour, dont M. Y... indique (cf p. 40) et confirme à la suite d'un dire de l'appelante (cf. p. 59 et 60) qu'elle "est du ressort du contrôleur technique, et en aucun cas de l'architecte" et que la pièce demandée "était à fournir par le maître de l'ouvrage" (p. 65) ; que l'architecte n'avait pas d'obligation à ce stade, y compris en vue de provoquer l'établissement d'une pièce par un contrôleur qui n'est ni son préposé ni son sous-traitant et dont il ne répond nullement ; qu'en réponse à ce même dire de la Clinique Velpeau, M. Y... exclut aussi tout retard de l'architecte dans le traitement du permis de construire modificatif en observant qu'il a été monté et transmis à la mairie dans le mois de la validation définitive des plans par le maître de l'ouvrage (cf rapport p. 58) et en précisant (p. 61), en réponse à une objection de l'appelante, qu'il était inutile d'y annexer la notice de sécurité qu'enfin, au vu de l'imputabilité totale au maître de l'ouvrage des retards du chantier alors que la clause pénale postulait un retard imputable à l'entreprise pour que des pénalités fussent dues, la Clinique Velpeau ne justifie d'aucun préjudice, même de perte de chance, au soutien du grief qu'elle adresse à l'architecte de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité d'émettre l'ordre de service prescrivant de commencer les travaux de la tranche 1 constituant le point de départ du délai d'exécution contractuel ;
1°- ALORS QU'en retenant que la société Clinique Velpeau ne justifiait d'aucun préjudice, même de perte de chance, au soutien du reproche fait à l'architecte de n'avoir pas préparé d'ordre de service prescrivant de commencer les travaux de la tranche 1 ni attiré son attention sur la nécessité d'émettre cet ordre, tout en énonçant qu'en l'absence de cet ordre de service le délai d'exécution n'avait pas couru de sorte que la clause pénale sanctionnant les dépassements de délais ne pouvait être mise en oeuvre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1147 et 1152 du code civil ;
2°- ALORS QUE la société Clinique Velpeau faisait valoir que l'architecte n'avait établi aucun compte rendu de chantier entre le 16 février 2007 et le 21 septembre 2007, soit pendant plus de sept mois et qu'il s'était abstenu d'exiger de l'entrepreneur un planning détaillé d'exécution pour chaque phase de travaux, comme cela était prévu par le marché ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il n'avait pas ce faisant commis des fautes qui avaient pu contribuer au retard de la livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3°- ALORS QUE la société Clinique Velpeau faisait également valoir que l'architecte avait fautivement attendu le 2 août 2007 pour lui proposer un plan d'aménagement de la zone de balnéothérapie, kinésithérapie et rééducation fonctionnelle, ces travaux étant supposés démarrer dix jours plus tard, alors qu'il était en mesure de les préparer dès le mois de décembre 2006 ; qu'en se bornant à affirmer que l'architecte avait été « zélé » et qu'il lui était « impossible de s'avancer davantage sans disposer des instructions du maître de l'ouvrage » sans rechercher concrètement si l'architecte n'était pas en mesure d'établir, dès le mois de décembre 2006 les plans afférents à cette phase de travaux, et n'avait pas fautivement tardé à le faire, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
4°- ALORS QU'en retenant tout à la fois que le report d'examen du dossier par la commission de sécurité s'expliquait sans doute par l'absence de notice de sécurité mise à jour, d'une part, et qu'il était en fait inutile d'annexer une notice de sécurité au dossier de permis de construire modificatif transmis à la commission de sécurité, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°- ALORS QU'il résulte de l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme que le dossier de permis de construire doit permettre de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité et comprendre les pièces mentionnées à l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, lesquelles s'entendent d'une notice de sécurité précisant les matériaux utilisés et des plans faisant apparaître les largeurs des passages affectés à la circulation du public et les caractéristiques des espaces d'attente sécurisés ; que l'architecte chargé de déposer une demande de permis de construire et qui néglige de joindre ces documents au dossier commet une faute engageant sa responsabilité ; qu'en dégageant l'architecte de toute responsabilité au motif qu'il aurait appartenu au contrôleur technique d'établir ces éléments, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
6°- ALORS QU'en retenant que le report d'examen du dossier par la commission de sécurité s'expliquait « sans doute » par l'absence de notice de sécurité mise à jour, cette notice n'étant pas de la responsabilité de l'architecte, la cour d'appel s'est prononcée par un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°- ALORS en tout état de cause QU'il la société Clinique VELPEAU faisait valoir que l'architecte avait attendu le 13 mai 2008 pour déposer une demande permis de construire modificatif qu'il aurait pu préparer depuis des mois, ce qui avait conduit la commission de sécurité, qui n'avait pas disposé du dossier à temps, à annuler la visite prévue pour le 23 mai suivant ; qu'elle ajoutait que ce dossier n'avait été complété que le 31 juillet 2008 qu'en se bornant à relever que l'architecte avait déposé le dossier de permis de construire dans le mois de la validation des plans, sans rechercher s'il n'était pas en mesure de préparer et faire valider les plans de telle sorte que le dossier de permis puisse être utilement examiné dès le mois de mai par la commission de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-25192
Date de la décision : 10/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 26 juin 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 déc. 2015, pourvoi n°14-25192


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Gaschignard, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.25192
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