LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° M 14-22. 675 et Y 14-24. 503 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2013), que, Michel X... a confié à la société Abac, maître d'oeuvre, assurée auprès de la MAF, la rénovation et la construction d'une maison d'habitation, d'une chapelle, d'une piscine et d'un pavillon de gardien ; que la société Bernard et cie (la société Bernard), assurée auprès de la SMABTP, a été chargée du lot chauffage ; qu'après réception des travaux intervenue le 23 janvier 1991, une expertise a été ordonnée le 20 décembre 1996 en raison de nombreux désordres ; que, le 23 janvier 2001, Michel X..., aux droits duquel vient sa veuve, Mme de Y..., a assigné les intervenants à la construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que l'expertise ordonnée le 20 décembre 1996 avait été rendue commune à la société Bernard par ordonnance du 15 juin 2000, relevé que, dès cette date, l'expert lui avait donné connaissance des éléments déjà recueillis, avait poursuivi ses opérations de manière contradictoire jusqu'à leur achèvement et avait répondu à ses dires et retenu qu'ainsi l'expertise s'était déroulée régulièrement, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle était opposable à la société Upland venant aux droits de la société Bernard ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Upland aux lieu et place de la société GDF Suez énergies Services-Cofely pour toutes les condamnations confirmées par l'arrêt et à verser in solidum la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient que le système installé ne permettait pas un chauffage suffisant et rendait l'ouvrage impropre à sa destination, que l'expert avait procédé à divers relevés de température contradictoirement avec les parties alors en cause, mesures dont la réalité et la véracité ne sauraient être mises en doute, et que la société Upland, venant aux droits de la société Bernard, était responsable de plein droit des désordres de nature décennale affectant l'installation de chauffage installée par elle ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les constatations de l'expert n'avaient pas été effectuées sur le système de chauffage modifié par l'intervention de la société Chassagne mandatée par Michel X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident réunis :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt retient que, dans le cadre des appels en garantie, la SMABTP, assureur décennal de la société Upland, est en droit d'opposer aux autres intervenants à la construction et assureurs les limites de sa police (franchise, plafonds) ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Upland aux lieu et place de la société GDF Suez énergies Services-Cofely pour toutes les condamnations confirmées par le présent arrêt et la condamne in solidum à verser la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il dit que, dans le cadre des appels en garantie, la SMABTP est en droit d'opposer aux autres intervenants à la construction et assureurs les limites de sa police (franchise, plafonds), l'arrêt rendu le 13 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Met hors de cause les sociétés MMA IARD, Swisslife et GDF Suez énergies Services-Cofely ;
Condamne Mme de Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens identiques produits AUX POURVOIS PRINCIPAUX n° M 14-22. 675 et Y 14-24. 503 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Upland.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré l'expertise opposable à la société UPLAND, d'AVOIR condamné la société UPLAND aux lieu et place de la société GDF SUEZ ENERGIES SERVICES-COFELY pour toutes les condamnations confirmées par l'arrêt et d'AVOIR condamné in solidum la société UPLAND au paiement d'une somme de 35 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la société UPLAND venant aux droits de BERNARD ET CIE soutient que le rapport de M. Z... lui est inopposable car elle n'a été invitée à participer aux opérations d'expertise qu'après la constatation des désordres par l'expert judiciaire ; cependant il sera rappelé que l'expertise a été rendue commune à l'entreprise BERNARD par ordonnance de référé du 15 juin 2000, qui mentionne deux parties distinctes, la CGEC d'une part et l'entreprise BERNARD de l'autre ; et que les ordonnances de référé postérieures mentionnent également ces deux entreprises ; que l'expert a donné connaissance à l'entreprise BERNARD dès cette mise en cause des éléments déjà recueillis et a poursuivi ses opérations de manière contradictoire, jusqu'à leur achèvement, répondant aux dires de l'entreprise BERNARD notamment pages 257 et 258 de son rapport ; qu'ainsi l'expertise s'est régulièrement déroulée et est opposable à la société UPLAND qui vient aux droits de l'entreprise BERNARD. (¿) Le système installé ne permet pas un chauffage suffisant ; les premiers juges ont retenu que le désordre, dont l'ampleur ne s'est révélée qu'après réception rendait l'ouvrage impropre à sa destination et ont retenu une somme de 54. 196 ¿ HT au titre des travaux de réfection ; (¿) UPLAND BERNARD conteste les constatations de l'expert mais celui-ci a procédé à divers relevés de température, contradictoirement avec les parties alors en la cause, et il ne saurait être mis en doute la réalité et la véracité de ces mesures. Les motifs des premiers juges quant au caractère décennal des désordres sont adoptés. UPLAND est responsable de plein droit des désordres, de nature décennale, affectant l'installation de chauffage par elle réalisée. L'expert a relevé des erreurs d'exécution. (¿) Les responsabilités ont été réparties par les premiers juges à hauteur de 20 % pour ABAC et 80 % pour UPLAND-BERNARD et cette appréciation sera confirmée. Le coût des réfections à hauteur de 54. 196 ¿ HT, non discuté par des motifs argumentés, sera également confirmé. (¿) Désordres d'électricité : L'expert a mis en évidence divers défauts d'isolement de l'installation rendant celle-ci potentiellement dangereuse. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère décennal de ces désordres ; Les réfections ont été chiffrées à 11634 ¿ HT dont 10613 ¿ imputable à l'entreprise d'électricité la société FRANCOIS MOREL, et 1021 ¿ imputable au chauffagiste BERNARD, s'agissant de la reprise d'un coffret d'alimentation de la chaufferie. (¿) À l'exception de la condamnation relative au successeur de l'entreprise BERNARD, qui sera la société UPLAND, le jugement sera confirmé sur ces points par adoption de motifs. (¿)- préjudice lié au trouble de jouissance subi depuis 2003 : Yolaine DE Y... veuve X... soutient que des troubles importants ont été subis depuis 2003 et réclame une somme de 119. 905 ¿ à ce titre sur la base d'une évaluation locative ancienne puisque le notaire consulté a chiffré la valeur locative mensuelle entre 20000 et 22000 francs. Il sera retenu l'existence certaine d'un trouble dans la jouissance de cette habitation, du fait des désordres de chauffage mais aussi du mauvais état de l'électricité, mais il sera observé que ces installations ont été partiellement réparées en cours d'expertise avant 2005. La somme de 21000 ¿ retenue par les premiers juges sera confirmée de même que les répartitions des responsabilités. Préjudice moral : La somme allouée par les premiers juges, de 15000 ¿, est de nature à réparer tous les éléments du préjudice important subi par Michel X... et résultant du fait que ses efforts pour assurer le bien être de sa famille n'ont pas été suivis du résultat espéré. Les responsabilités ont été exactement appréciées. Il sera rappelé que la société SUEZ est hors de cause et que les condamnations prononcées à son encontre en première instance le seront à l'encontre de UPLAND. (¿) Il y a lieu d'allouer à Yolaine DE Y... veuve X... une somme de 35. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé qu'un expert judiciaire avait été désigné pour renseigner la juridiction et que la plupart des frais de conseils divers qui ont pu être exposés en sus résultent de choix personnels de Michel X... et non d'impératifs techniques » ;
ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'une expertise n'est opposable à une partie que si elle a été appelée ou représentée à ses opérations ; que le juge ne peut donc exclusivement fonder sa décision à l'encontre d'une partie sur les résultats d'une expertise à partir de constatations faites antérieurement à sa mise en cause ; qu'en l'espèce, il était constant et non contesté que les relevés de température qui avaient conduit l'expert à conclure à des désordres affectant le chauffage avaient été effectués avant la mise en cause du chauffagiste aux droits duquel sont successivement venues la société ETABLISSEMENTS SAVIGNARD et la société UPLAND ; qu'en disant l'expertise opposable à la société UPLAND, pour retenir sa responsabilité en raison de désordres affectant le chauffage, quand le chauffagiste n'avait pas encore été mis en cause au jour des essais ayant conduit l'expert à retenir ces désordres, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UPLAND aux lieu et place de la société GDF SUEZ ENERGIES SERVICES-COFELY pour toutes les condamnations confirmées par l'arrêt et d'AVOIR condamné in solidum la société UPLAND au paiement d'une somme de 35 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Le système installé ne permet pas un chauffage suffisant ; les premiers juges ont retenu que le désordre, dont l'ampleur ne s'est révélée qu'après réception rendait l'ouvrage impropre à sa destination et ont retenu une somme de 54. 196 ¿ HT au titre des travaux de réfection ; (¿) UPLAND-BERNARD conteste les constatations de l'expert mais celui-ci a procédé à divers relevés de température, contradictoirement avec les parties alors en la cause, et il ne saurait être mis en doute la réalité et la véracité de ces mesures. Les motifs des premiers juges quant au caractère décennal des désordres sont adoptés. UPLAND est responsable de plein droit des désordres, de nature décennale, affectant l'installation de chauffage par elle réalisée. L'expert a relevé des erreurs d'exécution. (¿) Les responsabilités ont été réparties par les premiers juges à hauteur de 20 % pour ABAC et 80 % pour UPLAND-BERNARD et cette appréciation sera confirmée. Le coût des réfections à hauteur de 54. 196 ¿ HT, non discuté par des motifs argumentés, sera également confirmé. (¿) Désordres d'électricité : L'expert a mis en évidence divers défauts d'isolement de l'installation rendant celle-ci potentiellement dangereuse. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère décennal de ces désordres ; Les réfections ont été chiffrées à 11634 ¿ HT dont 10613 ¿ imputable à l'entreprise d'électricité la société FRANCOIS MOREL, et 1021 ¿ imputable au chauffagiste BERNARD, s'agissant de la reprise d'un coffret d'alimentation de la chaufferie. (¿) À l'exception de la condamnation relative au successeur de l'entreprise BERNARD, qui sera la société UPLAND, le jugement sera confirmé sur ces points par adoption de motifs. (¿)- préjudice lié au trouble de jouissance subi depuis 2003 : Yolaine DE Y... veuve X... soutient que des troubles importants ont été subis depuis 2003 et réclame une somme de 119. 905 ¿ à ce titre sur la base d'une évaluation locative ancienne puisque le notaire consulté a chiffré la valeur locative mensuelle entre 20000 et 22000 francs. Il sera retenu l'existence certaine d'un trouble dans la jouissance de cette habitation, du fait des désordres de chauffage mais aussi du mauvais état de l'électricité, mais il sera observé que ces installations ont été partiellement réparées en cours d'expertise avant 2005. La somme de 21000 ¿ retenue par les premiers juges sera confirmée de même que les répartitions des responsabilités. Préjudice moral : La somme allouée par les premiers juges, de 15000 ¿, est de nature à réparer tous les éléments du préjudice important subi par Michel X... et résultant du fait que ses efforts pour assurer le bien être de sa famille n'ont pas été suivis du résultat espéré. Les responsabilités ont été exactement appréciées. Il sera rappelé que la société SUEZ est hors de cause et que les condamnations prononcées à son encontre en première instance le seront à l'encontre de UPLAND. (¿) Il y a lieu d'allouer à Yolaine DE Y... veuve X... une somme de 35. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé qu'un expert judiciaire avait été désigné pour renseigner la juridiction et que la plupart des frais de conseils divers qui ont pu être exposés en sus résultent de choix personnels de Michel X... et non d'impératifs techniques » ;
1/ ALORS QUE la garantie décennale d'un constructeur ne peut être engagée qu'en présence de désordres imputables aux travaux qu'il a réalisés ; que la société UPLAND faisait valoir que les désordres relatifs au chauffage retenus par l'expertise ne pouvaient pas lui être imputés dans la mesure où les essais réalisés par l'expert n'avaient pas été pratiqués sur les installations de chauffage réalisées par la société BERNARD et CIE aux droits de laquelle elle venait, mais sur celles modifiées par la société CHASSAGNE mandatée par Michel X... (conclusions, p. 7) ; qu'en retenant la responsabilité de la société UPLAND en raison des désordres affectant le chauffage constatés dans l'expertise, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les constatations de l'expert ayant conduit à la reconnaissance desdits désordres n'avaient pas uniquement été effectuées sur le système de chauffage modifié par l'intervention d'une société tierce, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2/ ALORS QUE le constructeur est exonéré de sa responsabilité lorsque le maître de l'ouvrage a procédé après la réception à des modifications et des travaux supplémentaires sur l'ouvrage ; que la société UPLAND soutenait que les désordres concernant le chauffage ne pouvaient pas lui être imputés puisque le maître d'ouvrage, avait modifié l'installation de la société BERNARD et CIE (conclusions, p. 7) ; qu'en retenant la responsabilité de la société UPLAND en raison de désordres affectant le chauffage sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le système de chauffage n'avait pas été modifié par l'intervention d'une société tierce à la demande du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que dans le cadre des appels en garantie la SMABTP est en droit d'opposer aux autres intervenants à la construction les limites de sa police (franchise, plafonds) ;
ALORS QU'en n'assortissant sa décision d'aucun motif au sujet de la demande en garantie formulée par la société UPLAND à l'encontre de la SMABTP, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. Moyen identique produit AUX POURVOIS INCIDENTS n° M 14-22. 675 et Y 14-24. 503 par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Abac et la société Mutuelle des architectes français.
Le moyen de cassation du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt d'avoir dit que dans le cadre des appels en garantie, la SMABTP est en droit d'opposer aux autres intervenants à la construction les limites de sa police (franchise, plafonds) ;
ALORS QUE tout jugement doit comporter des motifs propres à le justifier ; qu'en considérant que la SMABTP était en droit d'opposer aux autres intervenants les limites de sa police (franchise, plafond), sans assortir sa décision d'aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.