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08/12/2015 | FRANCE | N°14-21258

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 décembre 2015, 14-21258


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 13 mai 2002 en qualité de déléguée médicale par la société CL Innovation santé selon contrat de travail soumis à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, a été licenciée pour motif économique le 22 octobre 2012, et ce après placement de la société en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 22 août 2012 et autorisation par ordonnance du juge-commissaire du 16

octobre 2012 de licencier deux cent trente et un salariés ; que la société...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée à compter du 13 mai 2002 en qualité de déléguée médicale par la société CL Innovation santé selon contrat de travail soumis à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, a été licenciée pour motif économique le 22 octobre 2012, et ce après placement de la société en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 22 août 2012 et autorisation par ordonnance du juge-commissaire du 16 octobre 2012 de licencier deux cent trente et un salariés ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 22 novembre suivant, la SCP BTSG étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ;
Sur le second moyen du pourvoi incident de la salariée :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal du mandataire liquidateur :
Attendu que ces moyens qui critiquent des arrêts ne concernant pas la salariée sont irrecevables ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du mandataire liquidateur :
Vu les articles L. 2231-1, L. 2261-8 et L. 2262-1 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que si, sous réserve de l'exercice du droit d'opposition, l'avenant portant révision de tout ou partie de la convention ou de l'accord collectif, signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives, se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie, cet avenant n'est opposable qu'aux employeurs qui l'ont signé ou qui sont membres d'un groupement qui l'a signé ;
Attendu que pour fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CL Innovation santé une somme à titre de rappel de salaire conventionnel pour une période antérieure à la publication des arrêtés d'extension concernant les années 2008 à 2011, l'arrêt retient que la salariée est en droit d'obtenir le différentiel entre le salaire perçu et le minimum conventionnel dès lors que la société CL Innovation santé était adhérente du syndicat Oppsis, lui-même adhérent de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le syndicat Oppsis avait signé les accords relatifs aux salaires minima conclus postérieurement à son adhésion à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, alors que la signature de ces accords par le syndicat Oppsis était contestée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal du mandataire liquidateur :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CL Innovation santé une somme à ce titre, l'arrêt retient que le liquidateur judiciaire prétend qu'il n'était pas tenu de rechercher une solution de reclassement au sein des sociétés cédées, alors pourtant qu'il produit une lettre-type adressée le 7 septembre 2012 aux sociétés Pharminov et Dompharm intitulée "reclassement externe" ;
Qu'en statuant ainsi, sans qu'il résulte de ces constatations que les deux sociétés cédées appartenaient toujours au même groupe que l'employeur ou étaient tenues par convention ou engagement à une obligation de reclassement à l'égard des salariés de cet employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le premier moyen du pourvoi incident de la salariée :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la salariée à titre de dommages-intérêts complémentaires pour faillite frauduleuse et exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que l'indemnité pour licenciement illégitime de l'intéressée répare l'intégralité du préjudice causé par la rupture et décide de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ces chefs de demandes ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs ne permettant pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et alors que la salariée présentait pour la première fois en cause d'appel des demandes d'indemnisation de préjudices distincts de celui relatif au licenciement illégitime, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X..., en ce qu'il fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société CL Innovation santé les créances de la salariée à hauteur de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 881,94 euros et 88,19 euros à titre de rappel de salaire conventionnel et de congés payés afférents pour les années 2008 à 2011, ainsi qu'en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts de la salariée pour faillite frauduleuse et exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 20 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la SCP BTSG, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société CL Innovation santé, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la SCP BTSG, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir fixé au passif de la société CL Innovation Santé les sommes dues aux quatre salariés à titre de rappels de salaire conventionnel pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 ;
AUX MOTIFS QUE (la ou le) salarié est en droit d'obtenir le différentiel entre le salaire perçu et le minimum conventionnel dès lors que la société CL Innovation Santé est adhérente de l'Oppsis, lui-même adhérent de la convention collective de l'industrie pharmaceutique. Il n'y a pas lieu d'intégrer comme le soutient à tort le liquidateur judiciaire, les versements effectuées de manière ponctuelle et aléatoire, des primes qualifiées de primes exceptionnelles qui n'ont pas la qualification d'élément de salaire du fait de leur absence de périodicité et de prévisibilité. Il sera donc fait droit à l'intégralité de la demande présentée à ce titre ;
ALORS QUE si sous réserve de l'exercice du droit d'opposition, l'avenant portant révision de tout ou partie de la convention ou de l'accord collectif, signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives, se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie, cet avenant n'est opposable qu'aux employeurs qui l'ont signé ou qui sont membres d'un groupement qui l'a signé ; qu'en considérant que les salariés étaient en droit d'obtenir le différentiel entre le salaire perçu et le minimum conventionnel dès lors que la société CL Innovation Santé est adhérente de l'Oppsis, lui-même adhérent de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, sans vérifier si l'Oppsis avait signé les accords de salaire relatifs aux salaires minima conclus postérieurement à son adhésion à la convention collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2231-1, L. 2261-8 et L. 2262-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(pourvois n° V 14-21257, X 14-21259 et Y 14-21260)
Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir fixé au passif de la société CL Innovation Santé les sommes dues à Mme Elise Y..., Mme Ludivine Z... et M. Laurent A... au titre d'un complément de prime de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE l'article 33 non étendu de la convention collective, est toutefois applicable à la relation de travail du fait de l'adhésion de la société au syndicat Oppsis. Par suite, le salarié est en droit d'obtenir le paiement de la somme (de 736,22 € pour Mme Y..., 1.947,28 € pour Mme Z..., 2.030,25 € pour M. A...) au titre du complément d'indemnité de licenciement ;
ALORS QUE si sous réserve de l'exercice du droit d'opposition, l'avenant portant révision de tout ou partie de la convention ou de l'accord collectif, signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives, se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie, cet avenant n'est opposable qu'aux employeurs qui l'ont signé ou qui sont membres d'un groupement qui l'a signé ; que l'avenant du 8 juillet 2009 portant révision de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956, qui a notamment modifié l'article 33 de cette convention collective, relatif à l'indemnité de licenciement, n'a pas été signé par l'OPPSIS ; qu'en considérant pourtant, pour allouer un complément d'indemnité de licenciement aux salariés, que l'article 33 non étendu de la convention collective est toutefois applicable à la relation de travail du fait de l'adhésion de la société au syndicat OPPSIS, sans vérifier si ce syndicat avait signé l'avenant du 8 juillet 2009, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2231-1, L. 2261-8 et L. 2262-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(pourvoi n° V 14-21257)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de Mme Elise Y... et d'avoir fixé au passif de la société CL Innovation Santé une somme de 25.000 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite ;
AUX MOTIFS QUE sur la qualité de salariée protégée, en application des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. A défaut d'autorisation, le licenciement est nul de plein droit. En l'espèce, Mme Y... a été candidate aux élections du Chsct en juin 2012, ce qui justifie l'application d'une période de protection de 6 mois. Me Senechal sans contester sa candidature, soutient que la protection avait pris fin courant décembre 2012, ce qui explique que le licenciement de Mme Y... lui ait été notifié le 10 décembre 2012 sans autorisation administrative. Or, il ressort des pièces produites que l'inspection du travail qui a été saisie le 2 novembre 2012, a refusé l'autorisation de licenciement par décision du 23 novembre 2012. Une nouvelle lettre de convocation à l'entretien préalable a été adressée à Mme Y... dès le 27 novembre 2012, signée par le gérant assisté de l'administrateur judiciaire et du mandataire liquidateur. Le mandataire liquidateur qui représente la société CL Innovation Santé dans le cadre de cette instance engagée dès le 14 décembre 2012, avait donc accès aux documents de la société et doit établir la fin de la période de protection, qui résulte des seuls documents relatifs à l'organisation des élections. A défaut de rapporter cette preuve, il convient de considérer que le licenciement notifié le 10 décembre 2012 est nul, et non pas seulement dépourvu de cause. Sur les conséquences financière, en cas de nullité du licenciement pour violation de statut protecteur, le salarié a droit à la réparation de l'intégralité du préjudice subi. En l'espèce, il sera tenu compte de la fin d'activité de la société CL Innovation Santé au 31 décembre 2012, rendant impossible la réintégration de Mme Y... après cette date. Compte tenu de l'ensemble des éléments de la cause, l'indemnité pour le licenciement illicite de Mme Y... sera fixée à 25.000 € ;
1) ALORS QUE le délai de protection de six mois accordé aux candidats aux élections des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) court à compter de la date d'envoi de leur candidature ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 12 décembre 2002 précisait à la salariée que sa période de protection avait pris fin, sa candidature aux élections des membres du CHSCT ayant été reçue le 7 juin 2012 ; qu'il incombait ainsi à la salariée d'établir que la période de protection n'était pas expirée à la date de son licenciement ; qu'en considérant, pour retenir que le licenciement de la salariée était nul, qu'il incombait au mandataire liquidateur, ès qualités, d'établir la fin de la période de protection, qui résultait des seuls documents relatifs à l'organisation des élections, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
2) ALORS QU'en tout état de cause, le conseil de la société CL Innovation Santé a adressé à la Présidente de la cour d'appel la note en délibéré suivante : « Lors de l'audience de plaidoirie du 21 mars dernier, vous avez sollicité la communication en délibéré de l'acte de candidature de Mme Y... aux élections du CHSCT. Vous trouverez ci-joint cet acte de candidature, en date du 7 juin 2012 » ; qu'en ne tenant pas compte de cette note en délibéré, qui avait pourtant pour objet de déférer à une demande de la présidente, la cour d'appel a violé l'article 445 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE, et à titre infiniment subsidiaire, dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, Mme Elise Y... ne demandait pas que soit prononcée la nullité de son licenciement pour violation de son statut de salarié protégé et sollicitait seulement l'octroi d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que, dès lors, en l'espèce, en considérant que le licenciement de la salariée était nul et non pas seulement dépourvu de cause et en lui octroyant une indemnité pour licenciement illicite, après avoir retenu qu'en cas de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, le salarié a droit à la réparation de l'intégralité du préjudice subi et qu'en l'espèce, il sera tenu compte de la fin de l'activité de la société CL Innovation Santé au 31 décembre 2002, rendant impossible la réintégration de Mme Elise Y... après cette date, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(pourvois n° W 14-21258, X 14-21259 et Y 14-21260)
Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir constaté que Mme Magalie X..., Mme Ludivine Z... et M. Laurent A... n'avaient pas bénéficié de solutions réelles et sérieuses de reclassement, dit que leur licenciement était sans cause réelle et sérieuse et fixé au passif de la société CL Innovation Santé les sommes dues à ces salariés à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, la lettre du 22 octobre 2012 qui fixe les limites du litige, notifie au salarié son licenciement pour motif économique en se fondant sur les éléments suivants : - déficits importants consécutifs aux difficultés rencontrées sur le secteur d'activité, liées à la multiplication des contraintes réglementaires et à la réduction des dépenses de santé ; - crise mondiale entraînant une baisse des volumes par certains clients historiques ; - organisation actuelle sur-dimensionnée et sous-emploi d'un ensemble de personnes ; - pertes de clients historiques ; - réorganisation avec suppression de 194 postes dans la catégorie Délégués médicaux, suite au redressement judiciaire du 22 août 2012 ; - absence de possibilité de reclassement dans la société ou dans le groupe. A l'appui de son appel, le salarié fait valoir que le licenciement est sans cause, voir frauduleux, dès lors que l'employeur a organisé ses propres difficultés économiques, en procédant pendant la période suspecte à la vente à un prix dérisoire de 5 filiales du groupe qui étaient in bonis, en versant des sommes importantes aux dirigeants, et en créant une nouvelle société Pharmafield France qui a repris en réalité l'activité et les cadres des filiales cédées ; que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée et ne précise pas les recherches de reclassement, qui en tout cas n'ont pas été réelles et n'ont pas respecté l'accord du 1er décembre 1987 ; que la commission nationale de l'emploi n'a pas été saisie et que la société Innovation Santé ou d'autres filiales ont procédé à des recrutements de visiteurs médicaux dans une période proche du licenciement. En réplique, Me Senechal expose que l'accord du 1er décembre 1987 n'est pas applicable, puisque non étendu, la société Innovation Santé n'ayant ni signé ni été adhérente d'un syndicat signataire de cet accord, de sorte que la saisine de la commission nationale de l'emploi ne s'imposait pas ; qu'aucun poste de reclassement n'était disponible dans les autres sociétés du groupe qui ont également connu des difficultés économiques ; que ces difficultés ne peuvent être contestés dès lors que l'ordonnance du juge-commissaire est devenue définitive ; que la fraude alléguée est contestée, la société ayant rémunéré des cadres dirigeants en application d'obligations contractuelles ; que les filiales ont été cédées à la société Pharmafield France dans des conditions régulières. Au préalable, il convient de relever que les moyens relatifs à l'application des dispositions conventionnelles ne sont pas pertinents pour contester le licenciement. S'agissant de la commission paritaire nationale de l'emploi, dont les missions sont précisées par l'accord du 20 avril 2006, il sera relevé qu'elle a bien été saisie par l'administrateur judiciaire le 27 septembre 2012. En outre, le non-respect de l'accord du 1er décembre 1987, auquel était soumis la société du fait de son adhésion à l'Oppsis, syndicat des prestataires de services aux industries de santé, qui a lui-même adhéré à la convention collective, prévoit seulement une condition de délai entre l'information de l'administration et la notification des licenciements économiques, dont le non-respect ne peut pas avoir pour effet de priver le licenciement de cause, dès lors que ce délai conventionnel ne pouvait pas être respecté du fait de l'article L. 631-19 du code de commerce imposant la notification du licenciement dans le mois. En revanche, si l'autorité de l'ordonnance du 16 octobre 2012 qui a autorisé les licenciements s'impose à la cour en ce qui concerne la réalité du motif économique, il appartient en revanche au liquidateur judiciaire d'établir qu'il a procédé à des recherches de solutions de reclassement, réelles et personnalisées. Or, de telles recherches ne sont pas démontrées au regard des éléments de la cause. Ainsi, le liquidateur judiciaire soutient que les possibilités de reclassement étaient limitées car la société CL Innovation Santé faisait partie d'un petit groupe de sociétés dont la maison-mère était Celimox, qui détenait également Sfe Pharma, CL Innovation Santé détenant une filiale Selitis. Au vu des extraits Kbis, les sociétés Celimox et Selitis ont été également placées en liquidation judiciaire respectivement au 31 décembre 2012 et 20 novembre 2012, la société Sfe Pharma, soeur de CL Innovation santé, société de participation financière ayant été liquidée à l'amiable. Selon les termes du PSE du 11 octobre 2012, la direction de CL Innovation Santé assistée de Me P... administrateur judiciaire constate que les autres sociétés du groupe ont été antérieurement cédées et que les possibilités de reclassement ne sont pas crédibles dans un contexte de réduction/maîtrise des coûts, ce qui confirme que le souci de réduction des coûts a compromis les recherches de reclassement. Il sera relevé également que le liquidateur judiciaire ne produit pas tous les éléments d'information puisque l'ordonnance du 16 octobre 2012 a autorisé le licenciement de 231 salariés sur 482, mais il n'est donné aucune indication sur les 251 autres salariés, dont la reprise des contrats de travail s'est nécessairement réalisée à l'extérieur du groupe qui avait liquidé ses propres sociétés, et a dû se faire dans le cadre des sociétés précédemment cédées. Il apparaît au vu du rapport d'expertise établi par le cabinet Explicite à la demande du comité d'entreprise, que le groupe comportait d'autres filiales, les sociétés Pharminov, Dompharm, Distrinov, Prominov, Prestinov, qui ont été cédées au 31 juillet 2012 alors que le redressement judiciaire de la société CL Innovation Santé est du 22 août 2012, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 15 juillet 2012 au vu de l'extrait Kbis. Les sociétés Pharminov et Dompharm ont été cédées à la société Pharmafield France, filiale française de Pharmafield UK, créée après la cession, qui a conservé les dirigeants des anciennes entités, et réalisé un chiffre d'affaires de 21 millions d'euros sur l'année 2013, ce qui atteste la poursuite d'une activité pérenne. Par ailleurs, il est produit plusieurs pièces établissant que sur la même période du plan social, la société Pharminov a procédé à plusieurs recrutements de visiteurs médicaux : le 18 octobre 2012, 3 offres le 19 novembre 2012, le 20 novembre 2012 et 10 offres d'emploi le 21 novembre 2012, soit au total 15 offres d'emploi en octobre et novembre, alors que le licenciement des salariés de CL Innovation Santé est intervenu le 22 octobre 2012. Le liquidateur judiciaire prétend qu'il n'était pas tenu de rechercher une solution de reclassement au sein des sociétés cédées, alors pourtant qu'il produit une lettre-type adressée le 7 septembre 2012 aux sociétés Pharminov et Dompharm intitulée « reclassement externe », cette lettre visant les postes situés au siège social de CL Innovation Santé mais également les postes de visiteurs médicaux. Par lettres des 10 et 11 septembre 2012, les 2 sociétés indiquaient qu'elles n'avaient pas de poste disponible, ce qui est contredit par les recrutements réalisés en octobre et novembre 2012, dans un contexte de cessions et de restructuration de sociétés, dans lequel le transfert d'activité s'est donc fait sans transfert des contrats de travail correspondants, au moins pour partie, et en tous cas, sans qu'il soit procédé à une réelle recherche de reclassement qui aurait permis d'éviter le licenciement d'une part des salariés visés par le plan social. Pour ces raisons, il convient de considérer que le licenciement est dépourvu d'une cause réelle et sérieuse. Le jugement du 3 octobre 2013 du conseil de prud'hommes de Nanterre qui a rejeté les demandes présentées à ce titre, sera donc infirmé ;
1) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, les salariés n'ont pas prétendu que leur contrat de travail aurait dû être transféré au cessionnaire des sociétés Pharminov et Dompharm, anciennes filiales du groupe ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'un transfert d'activité, lors de la cession le 31 juillet 2012 des sociétés Pharminov et Dompharm, sans transfert des contrats de travail correspondants au moins pour partie, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas aux entreprises extérieures au groupe dont il relève sauf convention ou engagement contraire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que le liquidateur judiciaire produisait une lettre-type adressée le 7 novembre 2012 à deux anciennes filiales, les sociétés Pharminov et Dompharm intitulée « reclassement externe », pour considérer qu'en l'absence de réelle recherche de reclassement au sein de ces deux sociétés, le licenciement des salariés était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant de la sorte, sans qu'il résulte de ses constatations que les sociétés Pharminov et Dompharm appartenaient au même groupe que l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3) ALORS QU'en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait, préalablement aux licenciements, interrogé les sociétés Pharminov et Dompharm sur l'existence de postes disponibles et qu'il avait reçu de chacune de ces deux sociétés une réponse négative, ce dont il résulte que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en décidant le contraire, pour considérer que le licenciement des salariés était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4) ALORS, ET A TITRE EGALEMENT SUBSIDIAIRE, QUE, sauf fraude, les possibilités de reclassement s'apprécient au plus tard à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, pour considérer qu'il n'avait pas été procédé à une réelle recherche de reclassement, la Cour d'appel a retenu que la société Pharminov avait procédé à plusieurs recrutements de visiteurs médicaux : « le 18 octobre 2012, 3 offres, le 19 novembre 2012, le 20 novembre 2012 et 10 offres d'emploi le 21 novembre 2012, soit au total 15 offres d'emploi en octobre et novembre » ; qu'en se fondant ainsi sur des offres d'emploi pour l'essentiel postérieures au licenciement des salariés le 22 octobre 2013, la Cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 1233-4 du code du travail.

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR débouté mesdames Y..., Z... et X... et monsieur A... de leur demande tendant à obtenir des dommages et intérêts pour faillite frauduleuse et exécution déloyale du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE les demandes de dommages-intérêts complémentaires pour faillite frauduleuse et exécution déloyale du contrat seront écartées, l'indemnité réparant l'intégralité du préjudice causé par la rupture ;
1°) ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en affirmant que l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse concernant mesdames Z... et X... et monsieur A... et pour licenciement illicite concernant madame Y... réparait l'intégralité du préjudice causé par la rupture et en rejetant les demandes de dommages et intérêts pour faillite frauduleuse, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'employeur n'avait pas organisé ses propres difficultés économiques en procédant pendant la période suspecte au retrait de sommes importantes, à la vente à un prix dérisoire de cinq filiales du groupe qui étaient in bonis, en créant une nouvelle société Pharmafield France, qui avait repris en réalité l'activité et les cadres des filiales cédées, la cour d'appel n'a pas réparé intégralement le préjudice subi par les exposants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision ; qu'en rejetant les demandes de dommages-intérêts complémentaires pour faillite frauduleuse et exécution déloyale du contrat, motifs pris de ce que l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse concernant mesdames Z... et X... et monsieur A... et pour licenciement illicite concernant madame Y... réparait l'intégralité du préjudice causé par la rupture, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR débouté mesdames Y..., Z... et X... et monsieur A... de leur demande tendant à obtenir un rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents (3.606 euros et 360,60 euros pour madame X..., 4.821,78 euros et 482,17 euros pour madame Y..., 1.914,85 euros et 191,48 euros pour madame Z... et 5.366,85 euros et 536,68 euros pour monsieur A...) et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 12.909 euros chacun ;
AUX MOTIFS QUE les pièces produites par le salarié ne sont pas susceptibles d'être retenues comme commencement de preuve sur les heures supplémentaires alors qu'elles témoignent seulement de négociations lors des réunions du comité d'entreprise sur la rémunération des visites supplémentaires ; qu'en l'absence d'autres éléments de preuve, ces pièces ne permettent pas de rattacher ces discussions aux temps de travail, de sorte que les demandes présentées à ce titre seront également rejetées ;
1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au soutien de leur demandes en rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, les exposants produisaient régulièrement au débat (pièce 19) des tableaux détaillant les heures supplémentaires effectuées ; qu'en affirmant que les pièces produites par les salariés n'étaient pas susceptibles d'être retenues comme commencement de preuve sur les heures supplémentaires et que les exposants ne produisaient pas d'autres éléments de preuve, sans se prononcer sur les tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires effectuées versées au débat par les exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel délaissées (cf. p. 21 à 24), les exposants faisaient valoir que l'infraction de dissimulation partielle d'emploi était caractérisée par le refus d'augmenter les salaires à la date d'application des accords conventionnels malgré l'adhésion de l'employeur à une organisation patronale signataire de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique ; qu'en déboutant les salariés de leurs demandes sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions des exposants, la cour d¿appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-21258
Date de la décision : 08/12/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 déc. 2015, pourvoi n°14-21258


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.21258
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