LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2013), que la société Auber, titulaire d'un bail commercial sur des locaux appartenant à la société Sobrefim, a cédé son fonds de commerce à la société Baradorn ; que la bailleresse a autorisé la cession du droit au bail ; qu'un constat d'état des lieux a été dressé par huissier de justice en présence des représentants des sociétés Auber et Baradorn ; que la société Baradorn a dénoncé à la bailleresse l'inondation du vide sanitaire et l'humidité des murs du magasin ; qu'après expertise amiable réalisée à la demande de l'assureur de la société Baradorn, en présence de la société Sobrefim assistée de son expert, celle-ci a assigné la société Auber en dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que le droit au bail de la société Auber avait été cédé à la société Baradorn et relevé que le bail n'était pas résilié, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de la contradiction, a exactement déduit de ce seul motif que la bailleresse devait être déboutée de sa demande à l'encontre de la société Auber ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sobrefim aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sobrefim ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Sobrefim.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Sobrefim de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les dégradations dont le preneur doit répondre du fait du bail s'apprécient à la date de résiliation du bail, au moment de l'état de sortie des lieux ; que le bail n'étant pas résilié, le bail leur ne peut rien réclamer à ce titre à la Sarl Auber ; que par ailleurs, le bail prévoit que « le preneur devra, sous peine d'être personnellement responsable, prévenir le bailleur sans retard et par écrit de toute atteinte qui serait portée à sa propriété et de toutes dégradations qui viendraient à être causées ou à se produire aux biens loués » et le constat d'huissier établi en février 2011 fait état de l'inondation du vide sanitaire et de l'humidité des murs du magasin ; que toutefois, le bailleur, qui ne produit aucune autre pièce justificative des désordres établie de manière contradictoire, ne rapporte la preuve ni du retard apporté par la Sarl Auber à informer des dégradations constatées ni du préjudice que lui ont causé ces dégradations ; qu'en effet, le premier juge a relevé, à juste titre, que le compte-rendu d'expertise établi par le cabinet Polyexpert mentionnait qu'une partie des désordres préexistaient à l'arrivée dans les lieux de la société Baradorn, ce qui laisse supposer que certains désordres étaient postérieurs et qu'il était fait mention d'une "fuite sur une canalisation d'alimentation en eau accessible" ; que ce document permet de penser que l'inondation du vide sanitaire et l'humidité des murs subséquente ont pu intervenir après le départ de la Sarl Auber ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la Sarl Sobrefim de l'ensemble de ses demandes » ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « suivant contrat du 18 janvier 2005, la société Sobrefim a donné à bail commercial à Monsieur et Madame X..., aux droits desquels s'est trouvée ensuite la société la société Auber, un local situé commun de Ploemeur, 8 rue des Dolmens, destiné à l'exploitation d'un fonds de boulangerie-pâtisserie ; que, par acte du 11 février 2011, la société Auber cédait son fonds de commerce à la société Baradorn, pour le prix de 220.000 ¿ séquestré pendant les délais d'opposition ; que cette cession a été autorisée par la société bailleresse ; qu'aux termes du bail il était prévu que, dans les huit jours de l'entrée en jouissance, il serait dressé contradictoirement entre les parties au bail et le précédent exploitant en cas de cession du droit au bail un état des lieux, à moins que celui-ci ne soit constaté par huissier de justice ; qu'en exécution de cette clause un état des lieux a été dressé par huissier les 14 et 16 février 2011, en présence des représentants de la société Auber et de la société Baradorn ; que, par courrier du 29 mars 2011 la société Baradorn, cessionnaire du fonds, a dénoncé à la bailleresse deux désordres : l'inondation du vide sanitaire et une humidité des murs du magasin entraînant l'écaillement de la peinture refaite en février ; que, suite à cette déclaration de sinistre, la société Baradorn a saisi son assureur, la MAPA, qui a désigné le cabinet Texa pour une expertise amiable ; qu'aux opérations d'expertise était représentée la société bailleresse assistée du cabinet Polyexpert, technicien mandaté par la compagnie Le Finistère, son assureur ; que la société Sobrefim fait principalement grief à la société Auber de ne pas l'avoir avertie de la date d'état des lieux et de ne pas l'avoir aussitôt informée d'une présence d'eau dans le vide sanitaire avant que ne le fasse la société Baradorn dans un courrier du 29 mars 2011 ; qu'elle rappelle qu'il était stipulé au contrat de bail que le preneur devra, sous peine d'être personnellement responsable, prévenir le bailleur sans retard et par écrit de toute atteinte qui serait apportée à sa propriété et de toute dégradation et détérioration qui viendrait à être causée ou à se produire aux biens loués ; qu'en conséquence elle s'estime fondée à réclamer à la société Auber pour manquement à ses obligations contractuelles : la somme de 25.000 € au titre des travaux à réaliser pour rendre les lieux conformes à leur destination, et 2.000 € au titre de l'indemnisation du préjudice subi par le bailleur du fait de l'irrespect des stipulations contractuelles et du risque que le preneur lui a fait prendre ; qu'elle requiert en outre la condamnation de la société Auber, "sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement : à supporter le complément des frais nécessaires à la remise en état des lieux jusqu'à concurrence de la somme de 37.507,65 € TTC, honoraires du maître d'oeuvre pour 2.300 € TTC en sus, soit une somme de 16.807,65 €" (?), et à supporter l'indemnisation de la perte de jouissance de son cessionnaire durant 15 jours, durée nécessaire à la réalisation des travaux ; mais que, d'abord, il convient d'écarter le premier grief formulé par la société Sobrefim qui reproche à la société Auber de ne pas l'avoir informée de la date d'état des lieux ; qu'en effet le contrat de bail prévoit que l'état des lieux sera dressé contradictoirement en présence du bailleur, à moins que l'état des lieux ne soit constaté par huissier de justice, ce qui a été le cas ; que, pour engager la responsabilité de la société Auber pour manquement à ses obligations contractuelles, il incombait à la société Sobrefim, demandeur à la procédure, de rapporter la preuve non seulement d'une violation des clauses du bail mais encore de justifier d'un préjudice en rapport avec ce manquement ; qu'il convient préalablement de souligner que la société Sobrefim a cru pouvoir s'exonérer avant d'agir au fond de solliciter du juge des référés une procédure d'expertise qui aurait eu le mérite, non seulement d'être contradictoire et impartiale, mais encore d'expliquer la cause des désordres et de chiffrer les travaux de reprise ; que la société Sobrefim fonde son action sur le rapport du cabinet Texa qui n'a pas été produit bien que le tribunal ait ordonné la réouverture des débats pour lui permettre de verser cette pièce importante, puisque c'est sur ce document technique que la société Sobrefim s'appuie pour démontrer l'ampleur des désordres et le manquement du preneur à son obligation d'entretien ; qu'à ce sujet la société Sobrefim ne peut prétendre rapporter la preuve de la teneur du rapport d'expertise Texa en se fondant sur sa propre lettre du 7 septembre 2011 dans laquelle elle relate les propos des experts (pièce 15) ; qu'en outre ce rapport du cabinet Texa pèche par son caractère non contradictoire vis-à-vis de la société Auber qui n' a pas été convoquée aux opérations ; que la société Sobrefim ne peut ignorer cet inconvénient puisqu'elle-même avait insisté auprès du cabinet Texa pour que soit invitée à l'expertise la société Auber, ce qui n'a pas été fait ; que n'est pas non plus suffisant le compte rendu établi par le cabinet Polyexpert qui avait assisté à l'expertise ; qu'en effet, ce rapport est trop sommaire pour déterminer les désordres ; qu'il y est mentionné qu'une partie de ces désordres préexistaient avant l'entrée dans les lieux de la société Baradorn le 14 février 2011, ce qui laisse supposer que certains des désordres sont postérieurs, ce qui apparaît confirmé par la mention "fuite sur une canalisation d'alimentation en eau accessible" ; que par conséquent, à partir de ce document, on ne peut avec certitude imputer à la société Auber le fait de ne pas avoir averti le bailleur de désordres qui ne sont survenus qu'après l'état des lieux ; que par ailleurs la description des désordres est trop lapidaire pour permettre au tribunal de déterminer les travaux qui incomberaient au preneur, étant ici rappelé qu'au bail (page 8 fin 4°) il était convenu que le bailleur conserverait à sa charge "les grosses réparations relatives à la couverture ainsi qu'aux murs porteurs" ; qu'en effet, au vu de l'état des lieux de février 2011, il n'est pas exclu que certains désordres d'humidité constatés à la base des murs soient dus à un vice structurel qui pourrait incomber au bailleur ; que d'ailleurs la société demanderesse ne justifie pas comment elle pourrait imputer finalement à la société Auber de ne pas l'avoir informée de désordres et en réparation chiffrer le préjudice au montant des travaux, le préjudice découlant de la faute alléguée n'étant pas nécessairement égal au coût des travaux ; qu'il sera observé que, dans son jugement avant-dire droit, le tribunal avait demandé à la société Sobrefim de produire l'état des lieux dressé lors de l'entrée en jouissance de la société Auber, le tribunal ayant estimé que ce document aurait pu permettre d'établir l'état de l'immeuble lors de l'entrée dans les lieux de la société défenderesse et ainsi prouver que les désordres résultaient d'aménagements réalisés par celle-ci ; que la société Sobrefim n'a pas produit cette pièce qu'elle prétend ne pas détenir, ce qui a pour effet de priver le tribunal d'un élément d'appréciation ; que c'est à la société Sobrefim, demandeur, d'en subir les conséquences ; qu'enfin à supposer que l'on puisse retenir une faute à rencontre de la société Auber le tribunal ne pourrait prononcer une condamnation au vu de simples devis de travaux établis à la demande de la société Sobrefim, le montant de ces travaux n'ayant pas été soumis à un expert ; qu'à cet égard le tribunal est en droit de s'interroger, au hasard, sur l'imputation à la société Auber de certains travaux tels que la réfection de la vitrine et des menuiseries extérieures pour 17.460 € ; qu'en définitive il résulte de ce qui précède que le demandeur, sur lequel repose la charge de la preuve, ne permet pas au tribunal de statuer de façon motivée ; que celui-ci - qui a déjà permis à la société Sobrefim de tenter de compléter son dossier - n'a pas une nouvelle fois à pallier la carence du demandeur dans l'administration de la preuve et doit donc en tirer les conséquences en déboutant la société Sobrefim, qui sera condamnée aux dépens » ;
ALORS, de première part, QUE l'ancien preneur, qui a cédé son droit au bail à un nouveau preneur, est tenu d'indemniser le bailleur des dégradations survenues pendant sa propre jouissance, nonobstant l'absence de résiliation du bail ; que dès lors, en jugeant que « les dégradations dont le preneur doit répondre du fait du bail s'apprécient à la date de résiliation du bail, au moment de l'état de sortie des lieux », et que « le bail n'étant pas résilié, le bailleur ne peut rien réclamer à ce titre à la Sarl Auber », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil par refus d'application ;
ALORS, de deuxième part, QU'en jugeant que « les dégradations dont le preneur doit répondre du fait du bail s'apprécient à la date de résiliation du bail, au moment de l'état de sortie des lieux », et que « le bail n'étant pas résilié, le bailleur ne peut rien réclamer à ce titre à la Sarl Auber », sans inviter préalablement la société Sobrefim à présenter ses observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, de troisième part, QUE la cour d'appel a elle-même constaté que le constat d'état des lieux établi par huissier en février 2011, lors du changement de jouissance entre les deux preneurs, et dont elle n'a pas remis en cause les énonciations, « fait état de l'inondation du vide sanitaire et de l'humidité des murs du magasin » ; que dès lors, en jugeant que le compte-rendu d'expertise de la société Polyexpert du 14 septembre 2011 « permet de penser que l'inondation du vide sanitaire et l'humidité des murs subséquente ont pu intervenir après le départ de la Sarl Auber », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, en tout état de cause, QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas des constatations précitées de l'huissier des 14 et 16 février 2011, établies à la date à laquelle la société Auber avait quitté les lieux et où la société Baradorn en avait pris la jouissance, que l'inondation du vide sanitaire et l'humidité des murs étaient antérieures au départ de la société Auber, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS, de cinquième part, QUE le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; qu'en rejetant la demande de dommages-intérêts du bailleur au titre des dégradations affectant le local, aux motifs que le rapport du cabinet Polyexpert « ne permet pas de déterminer les travaux qui incomberaient au preneur » et qu'« au vu de l'état des lieux de février 2011, il n'est pas exclu que certains désordres d'humidité constatés à la base des murs soient dus à un vice structurel qui pourrait incomber au bailleur », cependant que le preneur avait l'obligation de réparer toutes les dégradations constatées dans les lieux loués et survenues pendant sa jouissance, quelles que soient leur nature et leur ampleur, sauf à rapporter la preuve qu'il s'agissait de désordres dont la charge devait être supportée par le bailleur, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1732 du code civil ;
ALORS, de sixième part, QUE les juges du fond sont tenus d'apprécier la valeur probante d'un devis de travaux produit aux débats, sans conditionner leur appréciation à l'examen du montant des travaux par un expert ; qu'en jugeant par motifs éventuellement adoptés que « le tribunal ne pourrait prononcer une condamnation au vu de simples devis de travaux établis à la demande de la société Sobrefim, le montant de ces travaux n'ayant pas été soumis à un expert », cependant qu'il incombait aux juges du fond d'apprécier la valeur probante des devis produits, peu important que le montant des travaux n'ait pas été soumis à un expert, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.