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02/12/2015 | FRANCE | N°14-87298

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 décembre 2015, 14-87298


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Omar X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 10e chambre, en date du 21 octobre 2014, qui, pour tentative d'agression sexuelle, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller

rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Su...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Omar X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 10e chambre, en date du 21 octobre 2014, qui, pour tentative d'agression sexuelle, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 octobre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-4, 121-5, 222-22, 222-22-1, 222-27, 222-31 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable de tentative d'agression sexuelle, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné son inscription au FIJAIS et l'a condamné au paiement de dommages-intérêts au profit de la partie civile, Mme Marie-Ange Y..., outre les frais irrépétibles ;
"aux motifs propres qu'il résulte de la relation des faits que Mme Y... n'a pas déposé plainte immédiatement ; que c'est l'incident du 12 mai 2010 dont la réalité n'est pas contestée par le mis en cause qui l'a déterminée à donner suite aux faits allégués ; ¿ qu'il est constant qu'elle a informé sa hiérarchie peu après la date de commission des faits dénoncés dans sa plainte ; ¿ qu'il est pareillement établi que le prévenu a eu des comportements licencieux à l'égard de collègues femmes ; ¿ qu'il s'évince de ces circonstances que la déposition de la plaignante doit être tenue pour conforme à la réalité et ce, partant, que le prévenu a bien commis la matérialité des faits dénoncés dans la plainte adressée au procureur de la République de Nantes, en date du 5 janvier 2011 ; ¿ qu'après avoir bloqué la porte de la pièce où il se trouvait avec Mme Y..., M. X... a tenté de l'embrasser sur la bouche, sans toutefois y parvenir par suite de la résistance par elle manifestée qui s'est débattue vivement ; qu'un baiser sur la bouche constituant une atteinte sexuelle, le prévenu a bien commis une tentative d'atteinte sexuelle telle que retenue par les premiers juges ; ¿ que pour parvenir à ses fins, M. X... l'a enserrée dans ses bras ; que cette manoeuvre ayant pour but de l'immobiliser s'apparente, sinon à des violences, à tout le moins à une contrainte physique au sens de l'article 222-22-1 du code pénal ; ¿ que ce partant, le prévenu s'est rendu coupable de tentative d'agression sexuelle ;
"et aux motifs éventuellement adoptés que, le 5 janvier 2011, l'avocat de Mme Y... déposait plainte auprès du procureur de la République de Nantes pour une agression sexuelle dont elle disait avoir été victime le 20 janvier 2010 de la part de M. X... ; qu'entendue le 28 mars suivant, la plaignante exposait qu'enseignante au lycée Blanche de Castille, elle était venue inscrire son fils et avait croisé M. X..., lui-même professeur de sciences dans cet établissement, qui lui avait proposé de fumer une cigarette. Ils se rendaient dans un local situé à côté du parking des enseignants pour ce faire ; qu'au moment de repartir, celui-ci avait brusquement changé d'attitude, avait bloqué la porte pour l'empêcher de sortir, l'avait enserrée avec ses bras et avait tenté de l'embrasser sur la bouche ; qu'elle se débattait aussitôt et l'intéressé finissait par arrêter et la poussait dehors sans dire un mot ; que sur le moment, elle ne parlait à personne de ce qui venait de lui arriver, son mari étant hospitalisé en raison d'une grave maladie ; que le lendemain, elle trouvait dans son casier un petit mot indiquant « si tu veux que l'on discute » et accompagné d'un numéro de téléphone ; qu'elle faisait immédiatement le rapprochement avec ce qui s'était passé la veille ; que sur l'instigation de sa soeur, elle envoyait un sms à M. X... en lui faisant savoir qu'il y avait eu un malentendu et qu'elle n'avait pas les mêmes intentions que lui, ce à quoi il répondait « OK » ; que plusieurs semaines se passaient et le 12 mai 2010, elle recevait un appel de M. X... qui mettait fin à la conversation en lui disant « à la semaine prochaine, je vais te baiser » ; que c'est à la suite de ce deuxième épisode qu'elle informait son époux, lequel téléphonait à l'intéressé pour solliciter des explications et lui indiquer qu'une plainte allait être déposée ; que Mme Y... précisait que lors de cette conversation, M. X... s'était excusé et avait promis que cela ne recommencerait plus ; que la plaignante s'ouvrait de ce qui lui était arrivé à Mme Z... qui la raccompagnait à son véhicule pendant plusieurs jours, ayant peur de se retrouver face à son agresseur. C'est ce qui s'était produit quelque temps plus tard dans les couloirs de l'établissement ; qu'elle faisait alors une main courante le 9 juin 2010, qui était retrouvée et annexée à la procédure ; qu'elle informait par la suite le directeur de l'établissement, M. A..., et savait que deux autres collègues avaient été victimes des mêmes agissements ; que Mme Y... indiquait qu'elle avait entretenu au préalable avec M. X... des relations tout à fait cordiales mais que son comportement et son regard le jour des faits étaient tout à fait différents et l'avaient déstabilisée ; que l'époux de la plaignante confirmait ses propos et précisait que lorsqu'il avait pu discuter avec M. X..., celui-ci avait tout nié, parlant d'une plaisanterie et d'un malentendu ; que l'enquête se poursuivait par l'audition de Mme Sandrine Z..., adjointe de direction, qui confirmait avoir reçu les confidences de Mme Y... dès le mois de février 2010 mais n'avoir rien ébruité de cette affaire puisque tout semblait être rentré dans l'ordre ; que, cependant, en juin 2010, le lendemain du jour où elles avaient croisé M. X... dans le couloir, elle avait eu la visite de l'intéressé qui, très énervé, cherchait à savoir ce que Mme Y... lui avait dit et menaçait de déposer plainte pour diffamation ; qu'elle décrivait le comportement d'un homme qu'elle ne reconnaissait, au regard terrifiant ; qu'elle évoquait deux précédents qui s'étaient déroulés entre des enseignantes et M. X... ; que si l'une des laborantines travaillant avec M. X... parlait de harcèlement de la part de ce dernier, ce n'était aucunement sur le plan sexuel ; que, par contre, Mme Catherine B... exposait qu'en 2002, M. X... l'avait invitée à boire un verre ; qu'elle avait décliné mais l'intéressé avait renouvelé son sept cents ou huit cents fois (sic), lui laissant des mots dans son casier et se permettant de faire des remarques sur sa façon de se vêtir qui étaient, selon elle, sans ambiguïté ; qu'elle indiquait que certains baisers sur la joue pouvaient même déraper et effleurer ses lèvres et qu'il avait cherché à mettre ses mains entre ses cuisses ; qu'elle s'était alors fâchée, lui faisant comprendre qu'il fallait que tout cela cesse immédiatement ; que cela avait mis un terme définitif aux entreprises de M. X... et elle n'avait pas jugé utile d'en parler à l'époque ; qu'elle avait reçu un appel de Mme Y... en mai ou juin 2010 qui souhaitait savoir si un « signalement » avait été fait vis-à-vis de M. X... et qui lui avait confié avoir eu un souci avec lui, sans être toutefois plus précise ; qu'elle avait néanmoins compris qu'il s'était passé quelque chose et notait que la voix de Mme Y... était tremblante et qu'elle paraissait touchée ; qu'elle en apprenait davantage lors d'une discussion qui avait eu lieu entre Mmes Z..., Y... et elle ; qu'elle savait que Mme C... avait elle aussi rencontré le même type de difficulté ; que Mme Nathalie C..., qui avait été enseignante de septembre 2006 à juillet 2010 dans l'établissement, décrivait le même comportement de la part de M. X... qui l'avait invitée à prendre un verre, ce qu'elle avait refusé comprenant qu'il avait d'autres intentions qu'une simple amitié ; qu'elle avait dû refuser à plusieurs reprises ses relances entre septembre et décembre 2009 ; qu'après un arrêt de travail de quatre mois, elle n'avait plus eu de difficultés avec M. X..., qu'elle décrivait comme quelqu'un qui avait tendance à dévier sur des histoires à caractère sexuel ; que M. A..., chef d'établissement à l'époque, avait été mis au courant par Mme Z... après l'incident s'étant déroulé dans le bureau de cette dernière ; qu'il avait rendu compte à la direction diocésaine qui avait proposé à M. X... une mutation dans un autre établissement, ce qu'il avait refusé ; que, dans son souvenir, l'intéressé avait reconnu une partie des faits, en les minimisant ; qu'il remettait plusieurs courriers, dont l'un, en date du 22 juin 2010, qu'il avait adressé au rectorat de Nantes, faisait état d'un entretien ayant eu lieu le 18 juin 2010 durant lequel M. X... s'était expliqué, et du climat qui régnait au sein de l'établissement qui était devenu difficilement gérable ; que M. X... contestait les faits dénoncés et débutait ses explications parlant de l'incompétence du directeur et de la grande influence que Mme Z... avait sur ce dernier ; qu'il ne se souvenait pas précisément du jour décrit par la plaignante, mais réfutait tout abus sexuel ; qu'il n'avait, par ailleurs, plus le souvenir du mot laissé dans le casier le lendemain des faits. Il évoquait le coup de téléphone passé à Mme Y... et indiquait que, ne retrouvant plus les clés du laboratoire, il avait téléphoné à deux collègues dont collègues dont Mme Y... ; qu'il exposait que la discussion s'était terminée en rigolade et qu'il avait dit sur le ton de la plaisanterie « est-ce que tu baises » pour imiter un sketch des Inconnus ; qu'il reconnaissait avoir fait une erreur et précisait s'en être excusé ; que c'est d'ailleurs ce qu'il avait expliqué au mari de Mme Y... quand il l'avait appelé ; qu'il revenait sur l'incident du mois de juin 2010, indiquant qu'il avait croisé Mmes Y... et Z... qui s'étaient moquées de lui et qu'irrité par cette attitude, il était effectivement allé voir Mme Z... dès le lendemain pour dire qu'il porterait plainte si elle continuait ; que concernant son attitude passée vis-à-vis de Mme B..., il confirmait avoir été attiré par cette femme, précisant que ses propos étaient exacts mais exagérés ; que par contre, il indiquait n'avoir jamais eu de vues sur Mme C... et ne jamais l'avoir harcelée. Il pensait que Mme Z..., jalouse de son épouse, était au centre de cette affaire ; que lors d'une mise en présence, tant Mme Y... que M. X... maintenaient leurs explications respectives ; qu'à l'audience, le prévenu maintenait ses dénégations et faisait plaider sa relaxe ; que s'il convient de noter que la scène décrite par Mme Y... n'a eu aucun témoin et qu'elle ne résulte que de ses seules déclarations, force est de constater qu'elle donne des détails, notamment sur la suite des événements, qui ne sont pas contestés par M. X... qui en donne seulement une autre version ; que l'attitude qui aurait été celle de M. X... se trouve confortée par le témoignage de Mmes B... et C... qui décrivent toutes les deux un comportement très entreprenant et très insistant de la part du mis en cause, et un scénario quasi identique ; que, par ailleurs, M. X..., qui n'avait plus souvenir du jour des faits lors de l'enquête, indiquait à l'audience qu'il avait proposé à Mme Y... d'aller fumer à l'écart et qu'ils s'étaient mis à côté du bâtiment mais qu'à aucun moment ils n'étaient entrés à l'intérieur ; qu'en outre, l'explication donnée par M. X... sur l'origine du coup de téléphone du mois de mai 2010 apparaît peu vraisemblable, de même que celle sur la blague grossière qu'il aurait réalisée, dont on voit mal qu'elle ait pu autant inquiéter et choquer Mme Y... ; qu'il apparaît en outre que l'intéressé disposait au surplus déjà du numéro de téléphone de la partie civile et n'avait donc pas besoin de passer par le standard de l'établissement comme il l'a affirmé ; qu'enfin, M. X... ne peut donner aucune explication aux raisons de ce dépôt de plainte alors que la partie civile elle-même reconnaît qu'elle entretenait avec lui de très bonnes relations avant cet épisode ; que la seule blague, même de mauvais goût, ne peut manifestement pas entraîner l'émotion et les conséquences encore visibles à l'audience chez une femme décrite comme équilibrée ; qu'en conséquence, M. X... sera déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés, sauf à les requalifier en tentative d'agression sexuelle puisque selon les dires de la victime elle-même, l'intéressé n'est pas parvenu à ses fins ;
"1°) alors que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. X... s'était rendu coupable de tentative d'agression sexuelle sur la personne de Mme Y..., la cour d'appel s'est fondée, par motifs propres, sur des comportements licencieux à l'égard de collègues femmes qu'il aurait eus et, par motifs adoptés et plus précisément encore, sur le comportement qu'il aurait eu à l'égard de Mmes B... et C... qui décrivent toutes les deux un comportement très entreprenant et très insistant de la part du mis en cause, et un scénario quasi identique à celui pour lequel il était poursuivi ; qu'en statuant ainsi, tandis que la culpabilité du prévenu n'avait pas été établie pour les faits antérieurs en question, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence ;
"2°) alors que la cour d'appel s'est contredite en énonçant que le prévenu ne contestait pas la réalité de l'incident du 12 mai 2010, à savoir le contenu de la conversation téléphonique qu'il avait eue avec Mme Y... ce jour-là, quand, dans l'exposé et le rappel des faits auxquels elle a procédé, elle a énoncé, tout au contraire, que le contenu de cette discussion était expressément contesté par M. X..." ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de tentative d'agression sexuelle dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-87298
Date de la décision : 02/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 déc. 2015, pourvoi n°14-87298


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.87298
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