LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 avril 2014), que Mme X... a été victime de détournements commis par M. Y... qui, sous prétexte de placements de fonds, a reçu de sa part plusieurs chèques libellés à l'ordre du Crédit lyonnais, qu'il a ensuite encaissés sur le compte dont il était titulaire dans cette banque ; que Mme X... a demandé la condamnation de la société Le Crédit lyonnais à lui rembourser le montant de ces chèques, dont elle n'avait pas été dédommagée ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que le bénéficiaire d'un chèque est celui qui est désigné comme tel par l'émetteur du chèque dans l'espace de la formule de chèque réservé à cet effet et qui mentionne au recto du chèque « payez contre ce chèque une somme à ¿ » ; qu'en l'espèce, le bénéficiaire désigné par Mme X..., émettrice des chèques, dans l'espace réservé à la désignation du bénéficiaire est la banque Crédit lyonnais ; qu'en décidant que la banque pouvait considérer que le bénéficiaire était M. Y... qui avait ajouté son numéro de compte bancaire au verso du chèque, la cour d'appel a dénaturé les chèques bancaires soumis à son examen, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que constitue une anomalie apparente l'endossement répété de chèques, barrés d'avance, libellés au seul ordre d'une banque, par un client de cette banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les chèques de Mme X... étaient libellés à l'ordre de la banque Crédit lyonnais et que M. Y... a ajouté au verso le numéro de son compte dans les livres de cette banque, compte sur lequel les sommes, plus de 220 000 euros, ont été versées ; qu'il résultait de ces constatations l'existence d'une anomalie apparente dans le fonctionnement du compte qui aurait dû attirer l'attention de la banque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le devoir de vigilance du banquier ;
3°/ que manque à son devoir de vigilance la banque qui ne s'interroge pas sur la volonté de l'émetteur de chèques libellés à l'ordre de cette banque mais encaissés de façon répétée et pour des sommes élevées sur le compte d'un de ses clients ; qu'en l'espèce, les chèques émis par Mme X..., d'un montant cumulé en un an et demi de plus de 220 000 euros, désignaient tous la banque Crédit lyonnais comme bénéficiaire ; que pourtant ces chèques étaient déposés sur le compte de M. Y... ; qu'en ne s'interrogeant pas sur la volonté de Mme X... quant au bénéficiaire de ses chèques, la banque a manqué à son devoir de vigilance ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le devoir de vigilance du banquier ;
4°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que Mme X... produisait aux débats douze chèques, dont elle précisait les numéros correspondant aux chèques libellés à l'ordre du Crédit lyonnais et encaissés par M. Y... ; que les juges du fond pour décider que Mme X... ne justifiait pas du montant des sommes dont elle réclamait paiement a affirmé que certains des chèques étaient en double ; qu'en statuant ainsi quand les douze chèques produits ont des numéros différents et ne sont pas des doubles les uns des autres, les juges du fond ont violé leur obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en l'absence d'élément lui donnant connaissance d'agissements illicites, un établissement bancaire ne contrevient pas aux dispositions des articles L. 131-1 et suivants du code monétaire et financier, qui ne comportent aucune règle précise relative à la mention du bénéficiaire d'un chèque, en considérant que l'inscription du numéro d'un compte, ouvert dans ses livres, au verso d'un chèque émis à son ordre, désigne, selon la volonté du tireur, le titulaire du compte comme bénéficiaire ; qu'ayant constaté que les chèques déposés par M. Y... étaient exempts de toute anomalie visible et présentaient toute l'apparence de la régularité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, qui ne lui était pas demandée, a pu, sans dénaturer les chèques litigieux, retenir que la société Le Crédit lyonnais n'avait pas commis de faute ; que le moyen qui, en sa quatrième branche, est inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X..., M. Z..., ès qualités, et Mme A..., ès qualités
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Y... a reçu les chèques que lui a remis Madame X... en vue d'effectuer des placements ; que ces chèques ont été libellés à l'ordre du Crédit Lyonnais ; que Monsieur Y... a ajouté au verso des formules ainsi libellées le numéro de son compte dans les livres de cette banque, les sommes mentionnées sur les chèques y étant subséquemment déposées ; que ce dernier en a donc été le seul bénéficiaire en sorte que la banque, qui ne les a pas perçues, ne peut être attraite sur le terrain de la répétition de l'indu en rétrocession de fonds dont elle n'a pas bénéficié ; que sous l'angle de la responsabilité de l'article 1382 du Code civil, également recherchée par Madame X..., le Crédit Lyonnais n'a pas contrevenu aux dispositions des articles L. 131-1 et suivants du Code monétaire et financier qui ne mentionnent aucune règle précise relative à l'indication du bénéficiaire d'un chèque ; que l'inscription d'un numéro de compte ouvert dans ses livres au verso de chèques émis à son ordre peut, selon une pratique bancaire admise, valablement désigner le titulaire de ce compte comme bénéficiaire, s'agissant de formules de chèques exemptes de toute anomalies visibles et présentant toute l'apparence de la régularité, état de fait dispensant l'établissement bancaire d'effectuer des vérifications complémentaires ; que la faute ainsi prêtée à l'établissement bancaire sur le terrain de sa responsabilité délictuelle n'est pas démontrée ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE contrairement à ce qu'affirme Madame X... la responsabilité de la banque ne saurait être engagée à l'occasion des opérations d'encaissement effectuées par Monsieur Y... ; que en effet, la Cour de Cassation Chambre Commerciale dans son arrêt du 5 novembre 2002 N° 0018175 a reconnu au regard des dispositions des articles L 131-1 et suivants du Code Monétaire et Financier la validité de l'endossement au profit de son compte par le client d'une banque désigné bénéficiaire d'un chèque, « Mais attendu, en premier lieu, qu'en l'absence de tout élément lui donnant connaissance d'agissements illicites, un établissement bancaire ne contrevient pas aux dispositions du décret-loi du 30 octobre 1935, devenues les articles L. 131-1 et suivants du Code monétaire et financier, qui ne comportent aucune règle précise relative à la mention du bénéficiaire d'un chèque, en considérant que l'inscription du numéro d'un compte, ouvert dans ses livres au verso d'un chèque émis à son ordre désigne, selon la volonté du tireur, le titulaire du compte'comme bénéficiaire,
Et attendu, en second lieu qu'avant constaté que le paiement des chèques avait été effectué conformément aux mentions qui y étaient portées par le tireur ou son mandataire la cour d'appel a pu admettre que le Crédit lyonnais n'avait pas à interroger le tireur ou sa banque sur les droits du bénéficiaire à encaisser les chèques en l'absence d'éléments visibles de falsification. D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches » ; étant ajouté que cette décision a été rendue au visa des articles 1382 du Code Civil et de la répétition de l'indu et que Madame Gilette X... avait chargé Monsieur Y... de lui placer son argent et qu'il était à ce titre son mandataire ; qu'aucune faute n'est donc établie à l'encontre de la banque et les paiements ne sauraient être considérés comme indus, la banque n'ayant pas la qualité d'accipiens ; qu'enfin, les chèques émis au nom du Crédit Lyonnais effectivement versés par Madame Gilette X..., à savoir les chèques suivants
Date Chèque N° chèque Montant
04/ 12/ 2002 139 7. 620 euros
16/ 12/ 2002 150 7. 620 euros
06/ 02/ 2003 191 21. 982 euros
06/ 02/ 2003 192 2, 198 euros
20/ 02/ 2003 197 30. 000 euros
10/ 12/ 2003 313 3. 000 euros
20/ 05. 2003 238 6800 euros
correspondent en réalité à un montant de 79 620 euros (un certain nombre de chèques étant en double) et le chèque de 40 000 euros (N° 57222) porte la mention " compte 3254 " à côté du bénéficiaire sans que Madame Gilette X... s'expliqué sur le titulaire de ce compte ; que Madame Gilette X... ne justifie donc pas du montant des sommes dont elle réclame paiement ; que dans ces conditions, faute de prouver la faute du Crédit Lyonnais et faute d'établir que les conditions de la répétition de l'indu sont remplies, Madame Gilette X... sera déboutée de ses demandes ;
1°) ALORS QUE le bénéficiaire d'un chèque est celui qui est désigné comme tel par l'émetteur du chèque dans l'espace de la formule de chèque réservé à cet effet et qui mentionne au recto du chèque « payez contre ce chèque une somme à ... » ; qu'en l'espèce, le bénéficiaire désigné par Madame X..., émettrice des chèques, dans l'espace réservé à la désignation du bénéficiaire est la banque Crédit Lyonnais ; qu'en décidant que la banque pouvait considérer que le bénéficiaire était Monsieur Y... qui avait ajouté son numéro de compte bancaire au verso du chèque, la Cour d'appel a dénaturé les chèques bancaires soumis à son examen, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, constitue une anomalie apparente l'endossement répété de chèques, barrés d'avance, libellés au seul ordre d'une banque, par un client de cette banque ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les chèques de Madame X... étaient libellés à l'ordre de la banque Crédit Lyonnais et que Monsieur Y... a ajouté au verso le numéro de son compte dans les livres de cette banque, compte sur lequel les sommes - plus de 220. 000 euros - ont été versées ; qu'il résultait de ces constatations l'existence d'une anomalie apparente dans le fonctionnement du compte qui aurait dû attirer l'attention de la banque ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble le devoir de vigilance du banquier ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, manque à son devoir de vigilance la banque qui ne s'interroge pas sur la volonté de l'émetteur de chèques libellés à l'ordre de cette banque mais encaissés de façon répétée et pour des sommes élevées sur le compte d'un de ses clients ; qu'en l'espèce, les chèques émis par Madame X...- d'un montant cumulé en 1 an et demi de plus de 220. 000 euros désignaient tous la banque Crédit Lyonnais comme bénéficiaire ; que pourtant ces chèques étaient déposés sur le compte de Monsieur Y... ; qu'en ne s'interrogeant pas sur la volonté de Madame X... quant au bénéficiaire de ses chèques, la banque a manqué à son devoir de vigilance ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble le devoir de vigilance du banquier ;
4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que Madame X... produisait aux débats douze chèques, dont elle précisait les numéros correspondant aux chèques libellés à l'ordre du Crédit Lyonnais et encaissés par Monsieur Y... ; que les juges du fond pour décider que Madame X... ne justifiait pas du montant des sommes dont elle réclamait paiement a affirmé que certains des chèques étaient en double ; qu'en statuant ainsi quand les douze chèques produits ont des numéros différents et ne sont pas des doubles les uns des autres, les juges du fond ont violé leur obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 4 du Code de procédure civile.