La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2015 | FRANCE | N°14-26100

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 novembre 2015, 14-26100


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 septembre 2014), que Francis X..., salarié de la société Caterpillar (l'employeur), est décédé le 22 février 2008 sur le lieu et le temps de travail ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) ayant refusé de prendre en charge le décès au titre de la législation professionnelle, Mme X..., veuve de la victime, a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance du caractère professionnel de l'ac

cident ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accide...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 septembre 2014), que Francis X..., salarié de la société Caterpillar (l'employeur), est décédé le 22 février 2008 sur le lieu et le temps de travail ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) ayant refusé de prendre en charge le décès au titre de la législation professionnelle, Mme X..., veuve de la victime, a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accident doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, Mme Y..., désigné comme expert par le tribunal, a conclu son rapport d'expertise dans les termes suivants : « le décès de Francis X... survenu le 28 février 2008 au temps et au lieu du travail a une cause totalement étrangère au travail. Les conditions de travail n'ont joué aucun rôle dans la survenance du malaise mortel » ; qu'en considérant que les défendeurs n'apportaient aucun élément de preuve, justifiant d'une cause totalement étrangère au travail, et en écartant ainsi le rapport Y..., quand ce rapport indiquait sans aucune ambiguïté que le décès de la victime avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, dans son rapport d'expertise, Mme Y..., après avoir expliqué pourquoi le travail n'avait pu jouer aucun rôle dans la survenance d'une athérosclérose, cause la plus probable du décès, a précisé que « si l'on considère les autres causes possibles de mort subite énumérées ci-dessus, aucune de celles-ci ne peuvent être influencées par un stress au travail. Il s'agit de maladies autonomes d'origine pour la plupart sans facteur favorisant », puis elle a écarté la possibilité d'une intoxication oxycarbonée, « la cabine étant pressurisée » ; que l'expert a donc affirmé que « le travail exercé par M. X... n'a pas eu d'influence sur l'apparition d'une maladie cardiaque et sur sa mort subite » pas plus que « sur une mort ayant pour origine une myocardiopathie, une embolie pulmonaire, une arythmie ou une cause pulmonaire ou cérébrale » ; que la cour d'appel, pour retenir la présomption d'imputabilité au travail, a estimé que la preuve d'une cause totalement étrangère au travail « ne peut en aucun cas résulter de suppositions (¿) qui ne permettent que de retenir la probabilité d'une athérosclérose » ; qu'en statuant ainsi, quand l'expert avait catégoriquement exclu sans se borner à de simples suppositions, tout rôle causal du travail dans la survenance du décès, quelle qu'ait été la cause de la mort subite de la victime, la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de ce rapport et méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;
3°/ qu'en l'absence de demande des ayants droit de la victime, la caisse n'est pas obligée de demander au tribunal de faire procéder à une autopsie ; qu'il est constant que Mme X..., veuve de la victime n'a pas réclamé l'organisation d'une autopsie du corps de son époux ; qu'en reprochant à la caisse de ne pas avoir sollicité l'organisation d'une autopsie, qui aurait permis d'apporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a violé l'article L. 442-4 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, sans les dénaturer, la cour d'appel a retenu que l'employeur et la caisse ne rapportaient pas la preuve de l'absence de tout lien entre le travail et le décès de Francis X... ; qu'elle en a exactement déduit que la présomption d'imputabilité du décès au travail n'étant pas détruite, le décès de Francis X... devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caterpillar aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Caterpillar et la condamne à payer à Mme X... 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Caterpillar France
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accident du 22 février 2008 dont a été victime monsieur X..., qui a entraîné son décès, est un accident du travail et d'AVOIR jugé qu'il devait être pris en charge par la CPAM de l'Isère au titre de la législation sur les risques professionnels ;
AUX MOTIFS QUE Francis X..., né le 9 novembre 1952, mécanicien à Caterpillar a présenté un malaise, le 22 février 2008 alors qu'il faisait des essais sur une pelleteuse sur chaîne, activité qu'il exerçait depuis 18 mois ; qu'il a été retrouvé inanimé à 8h dans la cabine fermée de son engin, dont le moteur était en marche ; que le décès a été constaté, après une tentative de réanimation, à 9h10 ; que la matérialité de l'accident au temps et au lieu du travail n'a pas été contestée ; qu'une enquête administrative a été effectuée le 17 mars 2008 ; que les conclusions de l'inspecteur chargé d'effectuer le rapport sont les suivantes : "Francis X... a été victime d'un malaise ayant entraîné son décès le 28.02.2008, survenu au temps et au lieu de travail alors qu'il n'avait jamais eu de malaise auparavant et suivait un traitement contre l'hypertension ; qu'il résulte des déclarations de Mme Z... responsable sécurité que les pompiers n'ont pas fait d'analyse d'atmosphère ni de recherche de C02 ; que le Docteur A... du service médical, interrogé, a rendu le 4 novembre 2006 un "avis défavorable d'ordre médical ; que le Professeur B..., premier expert désigné, a estimé que compte tenu des connaissances médicales actuelles, il n'existe pas de relation de causalité entre les conditions de travail et le décès " ; que le docteur Y... qui a retenu parmi les pathologies déclarées, le "stress au travail et le surmenage professionnel déclaré: travail d'environ 42h par semaine", a constaté que Francis X... était décédé d'une "mort subite" ; qu'après avoir rappelé que des études avaient été effectuées sur 1000 cas de mort subites, elle a indiqué que «parmi les étiologies cardiaques pouvant être à l'origine du décès, compte tenu des antécédents médicaux de M. X... et des conditions dans lesquelles celui-ci est survenu, la cause cardiaque par athérosclérose (angine de poitrine, infarctus) est la plus probable" ; qu'elle a estimé "qu'on ne peut incriminer le travail comme étant à l'origine d'une pathologie cardiaque (¿) M X... présentait depuis plusieurs jours des troubles de type malaise qui peuvent s'apparenter à un syndrome prémonitoire" (...) la surcharge de travail et le stress invoqués par son épouse n'étaient pas des éléments "aigus ", ils dataient de plusieurs mois et ne pouvait donc être à l'origine directe du décès. De plus, il n'y a pas eu d'événement extérieur violent qui a favorisé celui-ci (...) Il paraît improbable qu'il s'agisse d'une intoxication oxycarbonnée" ; qu'elle en a déduit que "le travail exercé par M. X... n'a pas eu d'influence sur l'apparition d'une maladie cardiaque et sur sa mort subite ; que la conclusion de son rapport est que "le décès de Monsieur X... Francis survenu le 28.2.2008 au temps et au lieu du travail a une cause totalement étrangère au travail" ; qu'après avoir rappelé la présomption légale d'imputabilité résultant des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal des affaires de sécurité sociale se fondant sur les éléments du dossier et notamment sur les conclusions du Docteur Y... a considéré qu'il est établi que le malaise mortel survenu à Francis X... a une cause totalement étrangère au travail ; mais attendu que la présomption d'imputabilité ne pouvait être écartée qu'en apportant la preuve d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'une telle preuve qui pouvait notamment être apportée par l'organisation d'une autopsie, que la CPAM n'a pas cru devoir solliciter, ne peut en aucun cas résulter de suppositions, fussent-elles fondées sur des études réalisées sur 1000 cas de mort subites, suppositions qui ne permettent que de retenir la probabilité d'une athérosclérose ; que faute pour les parties intimées d'apporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, ou d'une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte, l'existence de l'accident de travail présumé doit être retenue, contrairement à ce qu'ont déclaré les premiers juges ; que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ; qu'il convient par conséquent de dire que l'accident du 22 février 2008 qui a entraîné le décès de Francis X... doit être pris en charge par la législation sur les risques professionnels et d'ordonner à la caisse primaire d'assurance maladie de verser, à Isma X..., en sa qualité d'ayant droit, les prestations en nature et en espèces relatives au caractère accidentel de cet accident du travail ;
1. ¿ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, le docteur Y..., désigné comme expert par le tribunal, a conclu son rapport d'expertise dans les termes suivants : « le décès de monsieur X... Francis survenu le 28 février 2008 au temps et au lieu du travail a une cause totalement étrangère au travail. Les conditions de travail n'ont joué aucun rôle dans la survenance du malaise mortel » ; qu'en considérant que les défendeurs n'apportaient aucun élément de preuve, justifiant d'une cause totalement étrangère au travail, et en écartant ainsi le rapport Y..., quand le rapport d'expertise du docteur Y... indiquait sans aucune ambiguïté que le décès de la victime avait une cause totalement étrangère au travail, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport et méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;
2. ¿ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, dans son rapport d'expertise, le docteur Y..., après avoir expliqué pourquoi le travail n'avait pu jouer aucun rôle dans la survenance d'une athérosclérose, cause la plus probable du décès, a précisé que « si l'on considère les autres causes possibles de mort subite énumérées ci-dessus, aucune de celles-ci ne peuvent être influencées par un stress au travail. Il s'agit de maladies autonomes d'origine pour la plupart sans facteur favorisant », puis elle a écarté la possibilité d'une intoxication oxycarbonée, « la cabine étant pressurisée » ; que l'expert a donc affirmé que « le travail exercé par monsieur X... n'a pas eu d'influence sur l'apparition d'une maladie cardiaque et sur sa mort subite » pas plus que « sur une mort ayant pour origine une myocardiopathie, une embolie pulmonaire, une arythmie ou une cause pulmonaire ou cérébrale » (cf. rapport p. 6) ; que la Cour d'appel, pour retenir la présomption d'imputabilité au travail, a estimé que la preuve d'une cause totalement étrangère au travail « ne peut en aucun cas résulter de suppositions (¿) qui ne permettent que de retenir la probabilité d'une athérosclérose » ; qu'en statuant ainsi, quand l'expert avait catégoriquement exclu - sans se borner à de simples suppositions, tout rôle causal du travail dans la survenance du décès, quelle qu'ait été la cause de la mort subite de la victime, la Cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de ce rapport et méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;
3. ¿ ALORS QU'en l'absence de demande des ayants droit de la victime, la caisse n'est pas obligée de demander au tribunal de faire procéder à une autopsie ; qu'il est constant que madame X..., veuve de la victime n'a pas réclamé l'organisation d'une autopsie du corps de son époux ; qu'en reprochant à la CPAM de l'Isère de ne pas avoir sollicité l'organisation d'une autopsie, qui aurait permis d'apporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, la Cour d'appel a violé l'article L.442-4 du code de la sécurité sociale ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-26100
Date de la décision : 26/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 04 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 nov. 2015, pourvoi n°14-26100


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.26100
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award