LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Rejette la demande de mise hors de cause du liquidateur judiciaire de la société ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en qualité de chef d'équipe le 22 février 2007 par la société Ben Sik Ahmed Amjed a été victime d'un accident du travail le 24 mars 2008, arrêté jusqu'au 25 juin suivant puis en arrêts maladie jusqu'au 31 janvier 2011 ; qu'entre-temps, la société a été mise en redressement judiciaire le 28 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Nice, redressement converti en liquidation judiciaire le 25 mars suivant, tandis que le 6 septembre le salarié saisissait la juridiction prudhomale d'une action en référé dont il se désistait, et le 3 août 2011 d'une action au fond aux fins de dire la rupture de son contrat analogue à un licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu le 15 décembre 2010, jour de la transmission par le liquidateur de l'attestation Assédic et du certificat de travail ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1184 du code civil ;
Attendu qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ;
Attendu que la cour d'appel a confirmé le jugement du 23 octobre 2012 en ce qu'il avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du jugement de liquidation judiciaire soit le 25 mars 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de rupture du contrat de travail, la relation s'est poursuivie après la demande en justice tendant à la résiliation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 3253-8, 2°, du code du travail ensemble les articles L641-9, R641-1 et R621-4 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 et du décret du 28 décembre 2005 alors applicables ;
Attendu que selon le premier de ces textes, l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement, dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire ; qu'en application du deuxième et du troisième de ces textes, le jugement de liquidation judiciaire prend effet à compter de sa date ;
Attendu qu'après avoir fixé de manière erronée la date de résiliation du contrat de travail à une date correspondant au jour du jugement qui prononçait la liquidation judiciaire de l'employeur, la cour d'appel a retenu que les sommes allouées à titre d'indemnité de licenciement et de procédure relevaient de la garantie de l'AGS ;
Qu'en statuant ainsi alors d'une part qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail n'avait pas été rompu par le liquidateur judiciaire dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire et alors d'autre part, que ces sommes n'étaient pas dues à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire qui prenait effet dès la première heure du jour de son prononcé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... et Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'UNEDIC
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X... et d'avoir fixé la date de la rupture au jour du prononcé de la liquidation judiciaire de la société employeur, soit le 25 mars 2010, ainsi que d'avoir dit en conséquence que le CGEA du Sud Est, gestionnaire de l'AGS, doit sa garantie de paiement des créances de rupture ;
AUX MOTIFS QUE victime d'un accident du travail le 25 mars 2008, M. X... a fait l'objet d'un arrêt de travail prolongé dans le cadre de cet accident du travail jusqu'au 25 juin 2008, puis pour maladie jusqu'au 31 janvier 2011 ; qu'il n'avait donc pas repris son travail et que son contrat était toujours suspendu tant le 28 janvier 2010, date à laquelle le redressement judiciaire a été prononcé que le 25 mars 2010, date à laquelle la procédure a été convertie en liquidation judiciaire ; que le certificat de travail et l'attestation pôle emploi qui ont été délivrés à M. X... le 15 décembre 2010 par le liquidateur judiciaire fixent la rupture du contrat de travail au 25 mars 208 et mentionnent le motif de rupture suivant : « emploi non repris suite à un accident du travail » ; que pour autant, en l'absence de toute volonté de rompre le contrat de la part du salarié ou de l'employeur, alors in bonis, la date de la rupture du contrat de travail ne peut être fixée au 25 mars 2008, premier jour de l'arrêt de travail consécutif à l'accident qui entraînait la suspension du contrat de travail ; qu'il n'est en revanche pas justifié par l'employeur de ce qu'il a informé le salarié dont le contrat de travail était suspendu et qui n'était pas présent dans l'entreprise, de la saisine du tribunal de commerce aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ni par la suite du prononcé du jugement de liquidation judiciaire, ce qui constitue un manquement grave à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail qui le liait à M. X..., compte tenu des conséquences qu'une telle procédure était susceptible d'entraîner pour ce salarié ; que ce manquement justifie de prononcer la résiliation judiciaire à la date du 25 mars 2010, date à laquelle par l'effet du prononcé de la liquidation judiciaire, l'employeur a été dessaisi, le jugement déféré étant en conséquence confirmé par substitution de motifs ; que la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (...) qu'aux termes de l'article L3253-8 du code du travail l'assurance contre le risque de non paiement (...) couvre, non seulement les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation mais également les sommes dues au salarié au jour du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ; que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a dit que le CGEA AGS délégation du Sud-Est devra garantir le montant des créances fixés par la décision de justice s'agissant d'une créance antérieure au jugement de liquidation ;
1) ALORS QUE la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce et non au jour du manquement de l'employeur qui la justifie pas plus qu'à la date du jugement de liquidation judiciaire qui marque le dessaisissement de l'employeur ; qu'en fixant la date de la résiliation judiciaire au 25 mars 2010, date du prononcé de la liquidation judiciaire et point de départ du dessaisissement de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil et L 3253-8 du Code du travail ;
2) ALORS QU' il résulte de l'article L3253-8 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, que la garantie de l'AGS ne couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail qu'à la condition que cette rupture soit intervenue dans des périodes déterminées, notamment avant le jugement d'ouverture ou dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; que la date à laquelle la rupture intervient ne peut s'entendre, selon le cas, que de la date de notification du licenciement, de la date de la prise d'acte ou de la date du jugement qui prononce la résiliation judiciaire ; qu'en fixant la date de la rupture du contrat de travail de M. X... au 25 mars 2010, date du prononcé de la liquidation judiciaire, sans constater que l'employeur pas plus que le liquidateur avait pris l'initiative de décider la rupture des contrats de travail et alors que la résiliation judiciaire du contrat avait été prononcée le 23 octobre 2012, la cour d'appel a violé l'article L3253-8 du Code du travail.