LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 octobre 2011), que la société civile immobilière Le Viridis (la SCI) a envisagé la construction d'un immeuble de bureaux ; que, soutenant avoir effectué diverses prestations, Mme A..., architecte, a assigné la SCI et M. X..., associé de la SCI, en paiement d'honoraires ;
Attendu qu'ayant relevé que Mme A... produisait aux débats la plaquette du cabinet X...dirigé par M. X..., associé de la SCI, dont il ressortait que ce cabinet développait une activité de diagnostic immobilier et de maîtrise d'oeuvre et se déclarait compétent en économie de la construction, une attestation de membres du bureau Véritas et du bureau d'études BETM confirmant avoir assisté à diverses réunions de conception en présence de M. X..., associé de la SCI, en vue de la conception et de la réalisation d'un immeuble de bureaux dont Mme A... assurait la maîtrise d'oeuvre, un compte rendu de la réunion du 21 juillet 2006 concernant le projet de bâtiment Le Viridis avec comme personnes présentes, M X..., maître d'ouvrage, et Mme A..., architecte, et diverses télécopies envoyées et signées par M. X...avec en tête du message, en lettres majuscules, en gras et soulignée, la mention « SCI Le Viridis à Saint Marcel les Valence » et retenu que M. X...avait été le seul interlocuteur de Mme A..., du Bureau Véritas et du cabinet BETM, la cour d'appel, qui a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés, mais surabondants, que Mme A... avait pu légitimement croire que M. X...agissait en vertu d'un mandat et dans le cadre de ce mandat et qui a souverainement fixé le montant de la rémunération en se référant à tous documents qu'elle a tenus pour appropriés, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Le Viridis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Le Viridis à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la SCI Le Viridis ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Le Viridis.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société civile immobilière Le Viridis à payer à Mme A... les sommes de 51. 428 ¿ TTC au titre des prestations effectuées et de 4. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, sur les relations entre Mme A... et la SCI Le Viridis, il est constant qu'aucun contrat de maîtrise d'oeuvre n'a été formalisé par écrit entre Mme A... et la SCI Le Viridis ; que les modes de preuve du contrat sont ceux du droit commun ; que contrairement à ce qu'affirme la SCI Le Viridis, la règle de l'article 11 du décret n° 80-217 du 20 mars 1980 précisant que tout engagement de l'architecte doit faire l'objet d'une convention écrite préalable, n'est pas une condition de validité du contrat mais une simple obligation déontologique ; qu'un acte authentique ou sous seing privé n'est donc nécessaire qu'au-delà de 1. 500 ¿, sauf commencement de preuve par écrit corroboré par d'autres preuves ; que dès lors, les règles de l'article 1341 du code civil doivent être respectées ; qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation, tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de service doit avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; que ce texte vise la protection du consommateur non professionnel ; qu'il ressort de l'extrait Kbis de la SCI Le Viridis que ce fonds de commerce a pour activité, « l'acquisition par voie d'achat ou d'apport de tous immeubles et la construction sur ceux-ci de tous biens de toutes destinations, mise en copropriété, la vente en totalité ou par lots de ces biens, à terme, en état futur d'achèvement ou après achèvement » ; que la SCI est constituée de trois associés, M. Y..., M. X...et M. Z...; que Mme A... produit aux débats (sa pièce n° 40), la plaquette du cabinet X...dirigé par l'un des associés de la SCI Le Viridis, M. Jean-Paul X..., dont il ressort que cette société développe une activité de diagnostic immobilier et une activité de maîtrise d'oeuvre ; que ce document indique : « Formés en permanence, nos experts sont à la pointe de leur savoir faire. Toujours au fait des dernières réglementations en vigueur, ils répondent à vos demandes et vous accompagnerons en professionnels » ; que la société se déclare compétente en « économie de la construction ; travaux neufs ou réhabilitation, rédaction des pièces écrites (CCTP, devis quantitatifs estimatifs, marchés de travaux), coordination de travaux (mission OPC), organisation, pilotage de chantier, coordination de travaux, réunions de chantier, situation de travaux, réception des travaux, coordination de sécurité (mission SPC), compétence de niveau 1 en phase de conception et réalisation » ; qu'il ressort des pièces communiquées par Mme A... et notamment de diverses télécopies envoyées et signées par M. X...avec entête du message en lettre majuscules, en gras et soulignée, la mention « SCI Viridis à Saint Marcel Les Valence », que Mme A... a pu légitimement croire que M. X..., qui a été son seul interlocuteur ainsi qu'à l'égard du bureau Veritas, du BETM, et des responsables du Rovaltain, agissait en vertu d'un mandat et dans le cadre de ce mandat ; que c'est de façon particulièrement abusive que la SCI Le Viridis prétend à la protection du consommateur alors qu'il est largement démontré que le contrat de maîtrise d'oeuvre, par l'intermédiaire de l'un de ses associés, n'échappe en rien à sa compétence professionnelle ; que par voie de conséquence, il ne peut être reproché à Mme A... aucun manquement à son obligation d'information qui entraînerait la nullité du contrat de maîtrise d'oeuvre ; qu'à l'appui de ses prétentions, Mme A... verse notamment aux débats :- une attestation de M. B..., chef de service du bureau Veritas qui confirme avoir assisté à diverses réunions de conception en présence de M. X..., associé de la SCI Le Viridis en vue de la conception et la réalisation d'un immeuble de bureaux dont Mme A... assurait la maîtrise d'oeuvre ;- une attestation de M. C...du bureau d'études BETM dans le même sens ;- plusieurs mails entre Mme A... et divers intervenants sur la construction de l'immeuble Le Viridis ;- un article concernant ce projet sur le site du Rovaltain ;- un compte-rendu de la réunion du 21 juillet 2006 concernant le « projet de bâtiment Le Viridis, relevé de décisions » avec comme personnes présentes, M. X..., maître d'ouvrage, Mme A..., architecte, M. D..., Rovaltain, M. E..., Rovaltain, avec comme objet, précisions sur le projet et améliorations du livret HQE ;- une télécopie en date du 9 janvier 2007 émanant de M. X...et adressée à Mme A..., BETM, M. C..., Veritas, M. B...et BET fluides, M. F...indiquant : « SCI Le Viridis à Saint Marcel Les Valence : l'année 2007 vient de démarrer et je vous présente tous mes voeux. Il faut nous remettre sur notre projet et je vous propose avant de lancer une consultation, de refaire un tour technique de notre bâtiment. Je vous remercie de bien vouloir assister à une réunion prévue le 11 janvier 2007 à 10 heures 30, rendez-vous à mes bureaux » ;- une télécopie en date du 15 janvier 2007 émanant de M. X...et adressée à Mme A..., BETM, M. C..., Veritas, M. B...et BET fluides, M. F...indiquant : « SCI Le Viridis à Saint Marcel Les Valence : compte tenu de l'impossibilité de notre architecte d'assister à la réunion du 11 janvier, il a été convenu de la déplacer au 19 janvier 2007 à 9 heures, objet de la réunion : synthèse sur le PC, mise au point technique du projet, lancements des CCTP, définition du planning travaux, information sur les réservations ventes » ;- des esquisses, plans de masse et de niveaux ;- un dossier APS (avant projet sommaire) ;- un dossier de permis de construire en date du mois de juin 2006 ;- un dossier BET structures de novembre 2006 ;- une plaquette de commercialisation de l'immeuble Le Viridis ;- des fiches d'objectifs HQE en vue de la phase de PC ;- des fiches d'évaluation de permis de construire ;- extrait du cahier des charges de Rovaltain ;- compléments au PC concernant les espaces paysagers ; qu'ainsi, Mme A... justifie par la production de commencements de preuve corroborés par divers éléments concordants, avoir contracté avec la SCI Le Viridis un contrat de maîtrise d'oeuvre de conception ;
AUX MOTIFS EN OUTRE QUE, sur la rémunération due à Mme A..., par application de l'article 1779, alinéa 3, du code civil, les prestations de l'architecte constituent un louage d'ouvrage et d'industrie ; qu'aux termes de l'article 1787 de la section 3 de ce code relative aux devis et aux marchés, lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie ou bien qu'il fournira aussi la matière ; que pour la détermination du prix, l'accord préalable sur le coût des travaux n'est pas un élément essentiel du contrat de louage d'ouvrage ; qu'à défaut d'accord certain sur le montant des honoraires dus pour le louage d'ouvrage, le juge, à partir des éléments objectifs versés aux débats et par son appréciation souveraine, fixe la rémunération due ; que c'est par une appréciation exacte des faits et du droit et des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a fixé la rémunération due à Mme A... au regard des éléments sus énumérés à la somme de 51. 428 ¿ TTC pour sa mission partielle de conception ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE, sur les dommages intérêts pour résistance abusive, il ressort des considérations précédentes que la SCI Le Viridis a manifestement opposé à Mme A... un refus fautif à lui payer les prestations dont il est démontré la réalité ; que les premiers juges ont justement indemnisé cette résistance abusive en condamnant la SCI Le Viridis à payer à Mme A... la somme de 4. 000 ¿ ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme A... justifie, au vu des pièces versées aux débats, et notamment des plans établis en vue de la constitution du dossier de permis de construire (novembre 2006), que sa prestation ne s'est pas limitée à la réalisation de quelques esquisses au mois de juin 2005 ; que pareillement, le dossier très complet HQE constitué par Mme A... et reçu par M. D...atteste que l'état avancé de la mission dont elle était chargée ; qu'au demeurant, il convient de rappeler que la réunion du 19 janvier 2007 avait notamment pour objet, selon les indications du mail de M. Sassoulas, de faire une synthèse sur le permis de construire, ce qui implique nécessairement que les phases préalables à la constitution du dossier de permis de construire avaient été exécutées et notamment les phases d'avant projet sommaire (APS) et d'avant projet définitif (APD) ; qu'aussi, Mme A... est bien fondée à demander le paiement des prestations qu'elle a effectuées, l'abandon du projet par la SCI Le Viridis avant le dépôt du permis de construire étant sans incidence sur l'existence de sa créance ; qu'il ne saurait cependant être fait droit intégralement à sa demande dans la mesure où, selon ses indications, le chiffrage du projet, qui incombe en général à l'architecte, a été réalisé par le maître d'ouvrage, et où par voie de conséquence, la réalisation des études préliminaires a fait l'objet dans les faits d'un partage ; qu'en outre, il convient d'observer que Mme A... facture des frais d'ouverture administrative de dossier à propos desquels elle ne fournit aucune explication ; qu'aussi, le montant de ses honoraires sera limité, la SCI Le Viridis ne formulant aucune observations sur le coût prévisible du chantier et le taux de 6 % pratiqué n'apparaissant nullement abusif, à la somme de 43. 000 ¿ HT, soit 51. 428 ¿ TTC, étant observé que dans l'hypothèse d'une mission complète, les honoraires dus auraient été de l'ordre de 165. 000 ¿ ; que la SCI Le Viridis, qui seule a la qualité de cocontractant, sera donc condamnée à payer à Mme A... la somme de 51. 428 ¿ TTC, qui sera assortie, conformément à l'article 1153 du code civil, des intérêts de retard à compter de l'assignation ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE si une personne peut être engagée sur le fondement du mandat apparent, c'est à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu'en retenant que Mme A... avait pu légitimement croire que M. X..., associé au sein de la SCI Le Viridis, mais non gérant de celle-ci, agissait en vertu d'un mandat qui lui avait été donné par cette société (arrêt attaqué, p. 6 § 1), sans caractériser la circonstance qui aurait autorisé Mme A... à ne pas vérifier les pouvoirs de l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1985 et 1998 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE les circonstances dans lesquelles s'est déroulée l'exécution des prestations sont indépendantes de la qualité en laquelle a agi le mandataire allégué et ne permettent pas de caractériser la croyance légitime du tiers en l'existence d'un mandat apparent ; qu'en retenant que la croyance de Mme A... dans l'existence d'un mandat apparent s'était trouvée confortée par l'envoi de diverses télécopies « envoyées et signées par monsieur X...avec entête du message en lettre majuscules, en gras et soulignée, la mention " SCI VIRIDIS à SAINT MARCEL LES VALENCE " » (arrêt attaqué, p. 6 § 1), cependant que l'envoi de ces télécopies, qui s'inscrivait dans le cadre des relations entre M. X...et Mme A..., n'était pas de nature à rendre légitime la croyance de cette dernière dans les pouvoirs de M. X..., ce qui implique que l'architecte devait en toute hypothèse vérifier la portée de la mention figurant sur ces documents, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1985 et 1998 du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE l'existence d'un mandat apparent s'apprécie à la date à laquelle le tiers traite avec le prétendu mandataire apparent ; qu'en retenant que la croyance de Mme A... dans l'existence d'un mandat apparent s'était trouvée confortée par l'envoi de diverses télécopies « envoyées et signées par monsieur X...avec entête du message en lettre majuscules, en gras et soulignée, la mention " SCI VIRIDIS à SAINT MARCEL LES VALENCE " » (arrêt attaqué, p. 6 § 1), sans préciser à quelle date exacte elle se plaçait pour apprécier l'existence du mandat apparent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1985 et 1998 du code civil ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, et subsidiairement, QU'à supposer l'existence d'un mandat apparent, il appartient à celui qui s'en prévaut d'apprécier la qualité de son cocontractant non pas au regard du mandataire apparent mais au regard du prétendu mandant ; qu'en estimant que la SCI Le Viridis se prévalait abusivement de la protection du consommateur, au motif que son mandataire apparent, M. X..., dirigeait une société développant une activité de diagnostic immobilier et une activité de maîtrise d'oeuvre (arrêt attaqué, p. 5 § 9 à 11 et p. 10 § 1 et 2), la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1985 et 1998 du code civil et L. 111-1 du code de la consommation ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de service doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; qu'a la qualité de consommateur le professionnel n'ayant pas la même spécialité que son cocontractant ; qu'en estimant que la SCI Le Viridis, mandant, ne pouvait revendiquer la qualité de consommateur, au motif « qu'il ressort de l'extrait Kbis de la SCI le Viridis que ce fonds de commerce a pour activité, " l'acquisition par voie d'achat ou d'apport de tous immeubles et la construction sur ceux-ci de tous biens de toutes destinations, mise en copropriété, la vente en totalité ou par lots de ces biens, à terme, en état futur d'achèvement ou après achèvement " » (arrêt attaqué, p. 5 § 7), sans caractériser le fait que la SCI Le Viridis, spécialisée dans l'achat et la vente d'immeubles, aurait été un professionnel de la construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 111-1 du code de la consommation ;
ALORS, EN SIXIEME LIEU, et plus subsidiairement encore, QUE seules les prestations de l'architecte convenues avec le maître d'ouvrage peuvent donner lieu à rémunération ; qu'en estimant que « Mme A... est bien fondée à demander le paiement des prestations qu'elle a effectuées » (motifs adoptés du jugement entrepris, p. 6 § 1), sans rechercher si ces prestations avaient été convenues avec la SCI Le Viridis ou avec son mandataire apparent, à supposer son existence avérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1998 du code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE la cassation qui interviendra dans le cadre des critiques précédentes entraînera la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la SCI Le Viridis à indemniser Mme A... au titre d'une prétendue résistance abusive et ce, par application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile.