LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., notaire associé de la SCP D...et Y...(le notaire) a été chargé du règlement de la succession de Stella Z..., épouse A..., née le 27 septembre 1920 à Shangaï et décédée le 17 septembre 2007 à Ivry-sur-Seine ; qu'informé de l'existence d'une fille naturelle de la défunte, Mme B..., épouse C..., le notaire a, le 5 mars 2008, donné mandat à la société Coutot-Roehrig, généalogiste, de procéder à la recherche de tout acte permettant d'établir un lien de filiation entre Mme B...et la défunte ; que le généalogiste l'ayant informé que ses recherches avaient été infructueuses, le notaire a, le 4 décembre 2008, dressé un acte de notoriété faisant apparaître M. Robert A..., conjoint survivant de Stella Z..., comme seul et unique héritier de cette dernière ; que, le 7 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Lorient a établi un jugement supplétif de naissance de Mme B...mentionnant sa filiation avec la défunte ; que, reprochant au notaire et au généalogiste de ne pas avoir cherché à entrer en relation avec elle, alors qu'ils connaissaient son adresse et qu'elle détenait des documents permettant de justifier de sa filiation, à savoir un certificat de vie signé par sa mère et un acte de notoriété dressé le 30 mai 2008 par le juge d'instance de Lorient, Mme B...les a assignés en responsabilité et indemnisation de son préjudice ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme B...tendant à voir condamner le notaire et le généalogiste, jugés fautifs pour avoir été négligents dans l'accomplissement de leur mission, à réparer son préjudice causé par le fait de n'avoir pas été appelée à la succession de sa mère, l'arrêt retient qu'elle dispose encore d'une action en revendication de ses droits à l'encontre de M. A...;
Qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, et qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel du droit, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la SCP D...et Y...et la société Coutot-Roehrig aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP D...et Y...à payer la somme de 3 000 euros à Mme B...; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour Mme B...
IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de Mme B..., épouse C..., tendant à la condamnation de la SCP Elodie D...et Jean-Fabrice Y..., notaires associés, et de la société Coutot-Roehrig, généalogiste, à réparer son préjudice causé par le fait de n'avoir pas été appelée à la succession de Stella Z..., épouse A..., sa mère, décédée le 17septembre 2007,
AUX MOTIFS QUE par un courrier du 26 février 2008 Me E..., notaire chargé de la succession de Mme Z..., épouse A..., avait été avisé par la gérante de tutelle de cette dernière qu'elle aurait eu une fille qui aurait été reconnue par son père à l'ambassade de France en Chine et qui aurait quitté la Chine vers 10 ou 12 ans pour rejoindre son père, que par une seconde lettre du 27 février 2008 cette personne donnait au notaire l'adresse de Mme B...à Queven ainsi que celle de sa fille et précisait qu'elle était fâchée avec le reste de la famille, que le 5 mars 2008 le notaire avait mandaté la société Courtot-Roehrig aux fins de procéder à une vérification généalogique, que tant le notaire que le généalogiste s'étaient abstenus de tout contact direct avec Mme B...dont ils avaient pourtant les coordonnées et qui était la plus à même de leur fournir des informations sur sa filiation éventuelle, qu'ils s'étaient ainsi privés de renseignements de nature à faire avancer leur recherche sur l'existence d'un enfant naturel de Mme A..., que cette façon de faire révélait une légèreté constitutive de faute dans l'accomplissement de leur mission, que Mme B...avait déclaré qu'elle disposait alors du certificat de vie et de l'acte de notoriété dressé par le juge d'instance de Lorient en date du 30 mai 2008, que cependant le premier de ces documents n'avait pas de valeur probante de filiation, que le second destiné à pallier son impossibilité d'obtenir un acte d'état civil qui visait expressément Mme Z...comme étant sa mère et était antérieur de plusieurs mois à la rédaction de l'acte de notoriété dressé par Maître E... le 4 décembre 2008, n'était pas un acte de filiation, que dès lors le 4 décembre 2008, date à laquelle avait été dressé l'acte de notoriété par Maître E..., la filiation de Mme B...n'était pas établie, qu'il s'ensuivait que la faute commise tant par le notaire que par le généalogiste n'était pas en lien avec le préjudice subi par Mme B...dès lors que ce préjudice était consécutif à son absence de filiation et que sa filiation avec Mme A...n'avait été reconnue qu'à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 7 octobre 2010, soit près de deux ans après l'acte de notoriété incriminé, que Mme B...disposait toujours, au demeurant, d'une action en revendication de ses droits à l'encontre de M. A...qui avait bénéficié de l'entière succession de son épouse en l'absence d'enfant, que le préjudice moral ne pouvait être imputé à la faute des intimés, et que Mme B...qui pouvait encore agir pour recouvrer son héritage ne pouvait prétendre avoir subi une spoliation,
ALORS, D'UNE PART, QUE la cour d'appel a constaté que Mme B...disposait avant le 4 décembre 2008, date de l'acte de notoriété dressé par le notaire, de ce certificat de vie et de cet acte de notoriété, qu'elle aurait donc dû en tirer les conséquence en en déduisant que par leur carence le notaire et le généalogiste s'étaient privés de la possibilité d'en prendre connaissance, ce qui caractérisait le lien de causalité, et que faute de l'avoir fait elle a violé l'article 1382 du code civil,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la cour d'appel a violé l'article 317 du code civil selon lequel l'acte de notoriété délivré par le juge fait foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire,
ALORS, ENFIN, QUE, même si la victime dispose, contre un tiers, d'une action consécutive à la situat ion dommageable née de la faute d'un professionnel du droit, elle peut sans attendre engager à l'encontre de ce dernier une action tendant à la réparation du préjudice que ce dernier lui a causé et que la cour d'appel a donc violé une nouvelle fois l'article 1382 du code civil.