LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui avait acquis, le 3 juillet 2006, auprès de la société NCCIE, concessionnaire de la marque Toyota (la société), un véhicule neuf ayant subi deux pannes, en janvier et février 2007, a assigné cette société en annulation de la vente et indemnisation des préjudices subis ;
Attendu que, pour dire irrecevable la demande subsidiaire de la société aux fins d'expertise judiciaire et confirmer le jugement ayant annulé la vente du 3 juillet 2006, dit que Mme X... restituerait le véhicule et condamné la société NCCIE à lui restituer le prix, l'arrêt retient que la déclaration d'appel de la société ne tend qu'au rejet des prétentions de Mme X... et que, conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appelante est irrecevable à présenter ultérieurement une demande d'expertise, même à titre subsidiaire, en l'absence d'appel incident ou provoqué ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans sa déclaration d'appel, la société, qui avait formulé devant le tribunal une demande subsidiaire aux fins d'expertise judiciaire, demandait à la cour d'appel d'infirmer le jugement et de faire droit à ses prétentions, la cour d'appel, en dénaturant les termes clairs et précis de la déclaration d'appel, a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
0Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Nouveau Comptoir caraïbe d'importation et d'exportation
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit irrecevable la demande de la société NCCIE tendant à obtenir une expertise judiciaire et d'AVOIR, en conséquence, prononcé l'annulation de la vente du 3 juillet 2006, dit que Mme X... restituera le véhicule et condamné la société NCCIE à payer à Mme X... la somme de 25.581 ¿ en restitution du prix de vente ;
AUX MOTIFS QUE la Sarl NCCIE n'a formé recours que contre Mme X.... Sa déclaration d'appel motivée qui fixe l'étendue de la dévolution à l'égard de la partie intimée, ne tend qu'au rejet des prétentions de Mme X.... Conformément aux dispositions de l'article 562 du CPC, l'appelante est donc irrecevable à présenter ultérieurement une demande d'expertise, même à titre subsidiaire, en l'absence d'appel incident (l'intimée n'ayant conclu qu'à la confirmation du jugement entrepris) ou d'appel provoqué (les sociétés Delta Equipe et Texaco n'ayant pas été attraites en cause d'appel) ;
1) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ; que dans sa déclaration d'appel en date du 19 juillet, la société NCCIE demandait à la cour d'appel d' « infirmer la décision entreprise, et en conséquence, faisant droit aux justes prétentions de la partie appelante, débouter purement et simplement Mlle X... de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions » ; qu'en jugeant que l'appel formé par la société NCCIE était limité au seul rejet des prétentions de Mme X... pour en déduire que l'appelante qui avait vu sa demande d'expertise implicitement écartée en première instance, ne pouvait formuler une demande identique en appel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la déclaration d'appel en date du 19 juillet 2010, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE si les premiers juges n'ont pas formellement statué sur un chef de demande, la cour d'appel est saisie par l'effet dévolutif des questions soumises aux premiers juges mais non tranchées par eux ; qu'il ressort de la procédure que la société NCCIE avait demandé aux premiers juges qu'ils déboutent Mme X... de ses prétentions et, à titre subsidiaire, qu'ils ordonnent, avant dire droit, « toute mesure d'instruction propres à établir l'origine de la panne affectant le véhicule Toyota Hilux 555 APH 973, propriété de la demanderesse » (conclusions pour la société NCCIE, p. 4) ; que dans son jugement du 7 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Cayenne a fait droit aux demandes de Mme X..., prononcé l'annulation de la vente du 3 juillet 2006, ordonné les restitutions du véhicule et du prix sans se prononcer expressément sur la demande d'expertise formulée par la société NCCIE ; qu'en considérant que dans la mesure où l'appel de la société NCCIE était limité au seul rejet des prétentions de Mme X..., l'appelante ne pouvait formuler une demande d'expertise en appel, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ; qu'en déclarant irrecevable la demande d'expertise formulée par la société NCCIE au soutien de son appel, la cour d'appel a violé les articles 144 et 563 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de la vente du 3 juillet 2006, dit que Mme X... restituera le véhicule et condamné la société NCCIE à payer à Mme X... la somme de 25.581 ¿ en restitution du prix de vente ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est constant que le véhicule acheté par Mme X... a subi après 6 mois d'utilisation et 20.451 km parcourus une première panne. Le véhicule a été réparé dans les ateliers de la Sarl NCCIE où il est entré le 12 janvier 2007. Le devis de répartion n°1281717 mentionne la présence d'eau en grande quantité dans le gasoil. Il a été procédé au remplacement de la pompe haute pression, de la rampe commune, des quatre injecteurs et du filtre à gasoil. Mme X... a réglé les travaux de réparation d'un montant de 3.940 ,43 euros. Le véhicule qui a quitté le garage le 12 février 2007 est de nouveau tombé en panne le 16 février 2007. L'ordre de travail établi le même jour indique la présence d'eau et de particules dans l'échantillon (de carburant) prélevé et précise que le véhicule ne démarre plus malgré le remplacement du filtre à gasoil. Le véhicule étant immobilisé dans les locaux de la Sarl NCCIE, Mme X... l'a fait examiner par M. Pierre Y..., expert judiciaire. Dans son rapport dressé le 28 mai 2007, celui-ci a constaté une quantité d'eau et un dépôt de matière poussiéreuse suite au prélèvement de carburant effectué dans le réservoir gasoil mais aussi que la pompe à injection a un débit inférieur à la moyenne (pression inférieur à celle d'origine) alors que le circuit de carburant a été nettoyé. M. Y... conclut son rapport en indiquant que l'échange de la pompe à injection paraît inévitable (mais pas des injecteurs). L'appelante critique le tribunal qui, selon elle, aurait dénaturé les faits de l'espèce en énonçant que la seconde panne est la réitération en tout point de la première panne et que tant la première panne que la seconde seraient dues à une pompe à injection délivrant une pression inférieure à celle normalement prévue, alors que la cause de la première panne est un carburant saturé d'eau comme mentionné dans le devis du 17/01/2007 ce qu'a parfaitement admis Mme X... (cf son courrier du 23/07/2007) et que n'a pas contesté l'expert Y... tandis que la cause de la seconde panne, nonobstant la présence d'eau et de particules solides dans le réservoir à gasoil est la pompe à injection remplacée qui délivre une pression inférieure à celle de la pompe d'origine. Mais dès lors qu'il n'est pas discuté que M. Y... n'a pu se prononcer sur l'origine de la première panne et qu'examinant le véhicule litigieux après la seconde panne, s'il confirme l'existence d'eau et de matière poussiéreuse dans le réservoir à gasoil, il relève surtout que, malgré le nettoyage du circuit-carburant, la pompe à injection présente un débit inférieur à la moyenne nécessitant son remplacement, le tribunal, qui a justement énoncé que le véhicule acheté neuf n'avait été utilisé que pendant 6 mois et 4 jours totalisant 21.287 km ; qu'il n'avait fait l'objet d'aucune mauvaise utilisation par Mme X..., que la seconde panne s'était produite 4 jours seulement après la sortie du véhicule du garage, que la Ste NCCIE avait établi le même devis de réparation, et que le carburant dont Mme X... s'était approvisionnée le 12/02/2007 provenait de la Sté Delta équipe laquelle avait vendu le même jour 13.922 litres de gazole sans recevoir la moindre réclamation, a pu exactement déduire de l'ensemble de ces éléments l'existence d'un défaut affectant le véhicule litigieux puisque la pompe à injection installée lors de la réparation effectuée par la Sté NCCIE est de nouveau tombée en panne après seulement 4 jours d'utilisation ; c'est à juste titre que le tribunal a décidé que ce défaut non décelable à l'achat, persistant et grave, rend le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné. Le vice rédhibitoire conditionnant l'application de l'article 1641 du code civil a été parfaitement caractérisé par le tribunal ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE il résulte en conséquence de ces éléments : - Que Mlle X... a acquis un véhicule neuf de marque Toyota Hilux auprès de la Sarl NCCIE, qu'elle n'a utilisé ce véhicule que pendant 6 mois et 4 jours et seulement parcouru 21.287 km, le véhicule étant en panne une première fois en janvier 2007 et une seconde fois le 16 février 2007 soit 4 jours après sa sortie de réparation et 836 km parcourus ; - Que lors de la première panne, la Sarl NCCIE a procédé à l'échange de la pompe haute pression, de la rampe commune, des filtres à gazole aux frais de Mlle X... ; et que lors de la seconde panne, elle a procédé à l'établissement du même devis de réparation. - Que l'expertise réalisée, dans les locaux de la Sarl NCCIE, par M. Y... sur demande de Mlle X... suite à la deuxième panne fait état "une quantité d'eau et un dépôt de matière poussiéreuse" dans le réservoir à gazole comme l'avait révélé les tests effectués par la Sarl NCCIE, elle révèle surtout que malgré le nettoyage du circuit carburant, la pompe à injection présente un débit inférieur à la moyenne ; - Que même si la présence d'eau et d'impuretés dans le filtre à gazole ne permet un rendement optimum des performances, il apparaît que la pompe à injection installée lors de la réparation par la société défenderesse est tombée de nouveau en panne après seulement 4 jours d'utilisation et 836 km parcourus, que cet élément caractérise un dysfonctionnement évident du système d'injection du véhicule litigieux. - Qu'il est avéré que le 12 février 2007, date de sortie de réparation du véhicule, Mlle X... s'est approvisionnée en carburant auprès de la station à essence Texaco du Larivot ; que ce même jour, la société Delta équipe a vendu 13.922 litres de gazole sans qu'aucune réclamation (ne) lui soit faite et alors qu'il n'existe pas à la procédure d'éléments permettant d'imputer la responsabilité de ces deux sociétés à ce sujet. Elles seront donc mises hors de cause. - Qu'il n'est pas établi une mauvaise utilisation du véhicule par la demanderesse ; - Qu'en conséquence les deux pannes du véhicule Toyota Hilux à des dates rapprochées, pour des raisons liées au système d'injection et alors que peu de kilomètres avaient été parcourus, mettent en évidence l'existence d'un défaut inhérent à la chose vendue puisque concernent le véhicule objet du contrat de vente en date du 3 juillet 2006 ; que la répétition des pannes démontrent la présence d'un défaut non décelable à l'achat, persistant et grave puisque ces dysfonctionnements du véhicule ont perdurés malgré les réparations effectuées qui n'ont pas permis au véhicule de fonctionner normalement et qu'ainsi le défaut affectant le véhicule la rend impropre à l'usage auquel elle est destinée ; - Que la courte durée d'utilisation du véhicule, en l'espèce 6 mois, permet d'établir que le défaut qui affecte le véhicule litigieux était antérieur à la vente ; - Que conformément aux dispositions de l'article 1641 du code civil, il apparaît que le véhicule Toyota Hilux est affecté d'un vice caché qui le rend impropre à sa destination ; que le vendeur, la Sarl NCCIE est tenue par la garantie des vices cachés.
1) ALORS QUE le demandeur en garantie des vices cachés doit prouver l'existence d'un vice antérieur à la vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les désordres affectant le véhicule de Mme X... et ayant entraîné la panne du 16 février 2007 trouvaient leur cause dans la pompe à injection installée lors de la réparation réalisée par la société NCCIE le 12 février 2007 ne fournissant pas le même débit que la pompe d'origine dont était équipé le véhicule neuf ; qu'en retenant que le véhicule vendu par la société NCCIE était affecté d'un vice antérieur à la vente tout en constatant que les désordres affectant le véhicule trouvaient leur origine dans l'exécution d'une prestation de réparation postérieure à la vente au cours de laquelle la pompe à injection d'origine avait été remplacée par une pompe à injection avec un débit inférieur à la moyenne, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1641 et 1315 du code civil ;
2) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant sur le seul rapport établi de façon non contradictoire le 28 mai 2007 par M. Pierre Y..., à la demande de Mme X..., pour retenir l'existence d'un vice caché du véhicule vendu par la société NCCIE à Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile.