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25/11/2015 | FRANCE | N°14-13303

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-13303


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 18 juin 2002 en qualité de délégué commercial par la société Safilo France, Mme
X...
a été élue membre de la délégation unique du personnel en mai 2006 ; qu'elle a saisi le 18 mai 2008 la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; que la salariée a été licenciée pour inaptitude le 2 novembre 2009, après autorisation de l'autorité administrative ;
Sur le troisième

moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 18 juin 2002 en qualité de délégué commercial par la société Safilo France, Mme
X...
a été élue membre de la délégation unique du personnel en mai 2006 ; qu'elle a saisi le 18 mai 2008 la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; que la salariée a été licenciée pour inaptitude le 2 novembre 2009, après autorisation de l'autorité administrative ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de sommes à titre d'indemnité de clientèle, d'indemnité de retour sur échantillonnage et congés payés afférents alors, selon le moyen, que l'article L. 7311-3 du code du travail suppose l'exercice d'une activité de représentant pour le compte d'un ou plusieurs employeurs et l'existence d'engagements déterminant la nature des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, et la région dans laquelle est exercée l'activité ou les catégories de clients visités ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir que si la salariée, qui avait été engagée en qualité de déléguée commerciale, était chargée de « la présentation et la promotion » des articles de marques Pierre Cardin et Diesel, le contrat de travail stipulait que « le retrait de tout ou partie des produits ou marques présents ou à venir ne donnera droit à aucune indemnité pour le contractant » ; qu'elle faisait également valoir que, selon le contrat de travail, la salariée était chargée d'assurer « le suivi et la prospection de la clientèle désignée par la société selon les critères définis par la société Safilo et les plannings et fichiers de prospection qui lui seront remis au moins tous les trimestres » ; qu'en estimant que la salariée pouvait bénéficier du statut de VRP, sans constater, comme cela lui était demandé, l'existence de véritables engagements liant les parties en ce qui concerne
la nature des marchandises vendues ou achetées, ni l'existence de la possibilité pour la salariée de décider d'avoir une activité de prospection individuelle et de développer de nouveaux clients, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7311-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la salariée exerçait la fonction de représentant pour le compte exclusif de son employeur dans un secteur d'activité déterminé et que l'essentiel de son travail consistait à prendre des ordres, la cour d'appel a pu décider qu'elle relevait du statut de VRP ;
Sur les deuxième, cinquième et sixième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
Attendu que pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée, l'arrêt énonce qu'il est constant qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande initiale en résiliation du contrat de travail liant les parties, que le prononcé ultérieur d'un licenciement pour inaptitude, le 2 novembre 2009, sera considéré comme dépourvu d'effets car, pour fonder cette demande, la salariée se fonde à bon droit sur le fait que l'employeur a procédé à une modification unilatérale de sa rémunération, motif qui n'a aucunement été examiné dans le cadre du licenciement subséquent autorisé par l'inspecteur du travail en raison d'un constat d'inaptitude ;
Attendu cependant que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, même si la saisine du conseil des prud'hommes était antérieure à la rupture ; qu'il lui appartient seulement de faire droit le cas échéant aux demandes de dommages-intérêts au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement lorsque les manquements invoqués par le salarié n'ont pas été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l'article L. 7313-13 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le VRP a droit, en principe, à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ;
Attendu que pour décider que la salariée a droit à une indemnité de clientèle, l'arrêt énonce que force est de constater qu'elle a fait progresser sensiblement le chiffre d'affaires de son secteur ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la salariée avait développé en nombre sa clientèle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il déclare fondée la demande de résiliation du contrat de travail présentée par Mme
X...
, accorde à celle-ci les sommes de 14 430 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 443 euros au titre des congés payés afférents, 62 530 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 35 000 euros au titre de l'indemnité de clientèle et en ce qu'il ordonne le remboursement par la société Safilo France à Pôle emploi des sommes versées par cet organisme à Mme
X...
au titre du chômage depuis la rupture et dans la limite de six mois, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, l'arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Safilo France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, d'avoir condamné la société SAFILO à verser à Madame X... les sommes de 14. 430 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1. 443 € de congés payés afférents, 62. 530 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir ordonné le remboursement par la société SAFILO à Pôle Emploi des sommes versées au titre du chômage à Madame X... dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail : Il est constant que la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande initiale en résiliation du contrat de travail liant les parties. Le prononcé ultérieur d'un licenciement pour inaptitude, le 2 novembre 2009, sera considéré comme dépourvu d'effets car, pour fonder cette demande, Violaine X... se fonde à bon croit sur le fait que la société SAFILO FRANCE SARL a procédé à une modification unilatérale de sa rémunération, motif qui n'a aucunement été examiné dans le cadre du licenciement subséquent autorisé par l'inspecteur du travail en raison d'un constat d'inaptitude. A cet égard, la cour estime que c'est à juste titre que le premier juge a vu dans cette modification unilatérale de la rémunération un manquement grave qui ne pouvait trouver une justification dans quelque disposition contractuelle que ce soit dans la mesure où l'employeur a lui-même considéré qu'il s'agissait d'une modification substantielle puisque contrairement aux dispositions de l'article 5 du contrat de travail qui le dispensait de tout versement indemnitaire en cas de " retrait en tout ou partie des produits ou marques présents ou à venir ", il a été octroyé à la salariée une indemnisation spécifique de 1 156 € qui n'a été refusée qu'en raison de son caractère insuffisant, selon l'intimée. Dès lors et malgré la discussion sur le montant de l'indemnisation ou encore l'aval des délégués du personnel et la brièveté de l'exclusivité concédée à la salariée, la résiliation du contrat de travail doit être prononcée en raison de ce seul manquement de l'employeur quant à la modification d'un élément essentiel du contrat de travail, le jugement déféré étant confirmé sur ce point. Sur le statut de V. R. P. : Violaine X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que devait lui être accordé le statut de voyageur représentant placier en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 7311-3 du code du travail. Pour sa part, la société SAFILO FRANCE SARL fonde son appel sur le fait que la salariée ne disposait pas d'un secteur géographique fixe, ne pouvait rechercher de nouveaux clients, n'était pas propriétaire de la clientèle se contentant de participer à son développement, qu'elle ne disposait d'aucune autonomie, qu'elle ne prospectait pas à titre individuel et qu'elle était rémunérée par des régularisations opérées en fin d'année en fonction de " retours " présentant un aléa et soumises aux facturations globales établies par les clients de la société SAFILO FRANCE SARL. La cour considère cependant, comme le premier juge, qu'au regard du texte visé plus haut Violaine X... exerçait sur un secteur précisément déterminé contractuellement (départements 78, 92, outre 11 arrondissements parisiens) sur lequel l'intimée exerçait exclusivement sa profession notamment pour vendre les marques Cardin et Diesel alors que d'autres salariés de l'appelante bénéficiaient, dans les mêmes conditions, du statut de VRP, des ordres donnés ne pouvant faire obstacle à l'octroi de ce statut légal, ainsi que des éléments de rémunération qui ne sont nullement incompatibles avec ce même statut. Comme l'a relevé le premier juge, il est ainsi établi que c'est également de manière fautive (constituant un manquement grave qui justifie d'autant plus la résiliation du contrat de travail) que la société SAFILO FRANCE SARL a omis de faire bénéficier à Violaine X... d'un statut auquel le droit du travail lui permettait de prétendre avec toutes les conséquences de droit. Le jugement déféré est confirmé à ce titre ; Sur les indemnités compensatrice de préavis, les congéspayés afférents et de licenciement sans cause réelle et sérieuse : La résiliation du contrat de travail s'analyse ici en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et conduit la cour à confirmer les montants accordés à Violaine X... en première instance, soit 14 430 € au titre du préavis, 1443 € pour les congés-payés afférents. S'agissant des dommages et intérêts pour licenciement illégitime, alors que la salariée réclame désormais une somme de 115 000 € sur ce point, il convient de souscrire au raisonnement du premier juge en ce qu'il explique que la salariée ne justifie pas d'un préjudice spécialement attaché à son statut de salariée protégée dont elle ne justifie pas au vu d'une protection limitée à décembre 2010 ; le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a accordé, sur ce dernier point la somme de 62 530 €, correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à la date précitée (la cour considère comme satisfactoire la somme accordée par le premier juge au regard de celle de 62 536, 76 € présentée dans les conclusions de l'intimée) » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'un licenciement a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture ; qu'au cas présent, la société SAFILO faisait valoir que Madame X... avait été licenciée pour inaptitude le 2 novembre 2009 à la suite d'une autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail, de sorte que le juge judiciaire n'était pas compétent pour prononcer ultérieurement la résiliation judiciaire du contrat (conclusions p. 7) ; qu'en confirmant néanmoins le jugement qui lui était déféré en ce qu'il avait, postérieurement au prononcé du licenciement autorisé par l'inspecteur du travail, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de répondre au moyen déterminant des conclusions de l'exposante, tiré de ce que le principe de la séparation des pouvoirs faisait obstacle à la résiliation judiciaire, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant ou, le cas échéant, à la date de rupture du contrat par l'employeur lorsqu'elle est antérieure ; qu'il appartient en outre aux juges du fond d'apprécier les manquements au jour de leur décision ; qu'au cas présent, la société SAFILO faisait valoir qu'elle avait, dès le 3 juin 2008, informé Madame X... que le projet de retrait temporaire de certaines références pour lequel elle lui avait proposé une indemnisation était finalement abandonné, de sorte qu'aucun manquement ne pouvait lui être reproché (Conclusions p. 16) ; qu'en reprochant à la société SAFILO une modification unilatérale du contrat de travail de la salariée sans rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si la mesure avait été effectivement mise en oeuvre et existait à la date de la rupture du contrat de travail survenue plusieurs mois plus tard, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QUE le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur n'est justifié qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite de l'exécution du contrat ; qu'en se fondant sur l'absence de reconnaissance du statut de VRP par la société SAFILO à Madame X... sans caractériser en quoi cette situation était de nature à affecter l'exécution de la relation de travail et à en empêcher la poursuite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SAFILO à verser à Madame X... une somme de 3. 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de la mention erronée portée sur l'attestation Pôle Emploi établie par l'employeur ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnisation en raison de la mention erronée portée sur l'attestation Pôle Emploi par l'employeur : Il est constant que cette attestation porte ici la mention d'un licenciement pour motif économique alors qu'il a été prononcé pour inaptitude. Cette erreur manifeste est nécessairement constitutive d'un préjudice qui a été justement indemnisé par le premier juge par l'octroi de la somme de 3 000 E à titre de dommages et intérêts » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « madame X... sollicite des dommages-intérêts en ce que la société aurait mentionné sciemment sur l'attestation Pôle Emploi un licenciement pour motif économique et non pas un licenciement pour inaptitude ; que sa prise en charge en aurait été retardée ; mais que l'erreur effectivement commise et admise par l'employeur a été rectifiée dans les meilleurs délais, quasiment à réception de la demande au demeurant tardive de la salariée ; que SAFILO relève à juste titre que le solde de tout compte perçu à la rupture du contrat de travail décale en toute hypothèse l'ouverture et le paiement des indemnités, ce qui ne lui est pas imputable ; que le préjudice est toutefois avéré ; que la demande de dommagesintérêts sera donc modérée pour un montant évalué à 3. 000 € » ;
ALORS QU'il incombe à celui qui se prévaut de l'existence d'un préjudice d'en rapporter la preuve ; qu'en allouant la somme de 3. 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'erreur quant au motif de licenciement figurant sur l'attestation Pôle Emploi initialement remise à la salariée, sans caractériser l'existence d'un préjudice résultant pour cette dernière de cette erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SAFILO à verser à Madame X... des sommes de 35. 000 € d'indemnité de clientèle, de 34. 774, 29 € d'indemnité de retour sur échantillonnage et 3. 477, 42 € de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le statut de V. R. P. : Violaine X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que devait lui être accordé le statut de voyageur représentant placier en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 7311-3 du code du travail. Pour sa part, la société SAFILO FRANCE SARL fonde son appel sur le fait que la salariée ne disposait pas d'un secteur géographique fixe, ne pouvait rechercher de nouveaux clients, n'était pas propriétaire de la clientèle se contentant de participer à son développement, qu'elle ne disposait d'aucune autonomie, qu'elle ne prospectait pas à titre individuel et qu'elle était rémunérée par des régularisations opérées en fin d'année en fonction de " retours " présentant un aléa et soumises aux facturations globales établies par les clients de la société SAFILO FRANCE SARL. La cour considère cependant, comme le premier juge, qu'au regard du texte visé plus haut Violaine X... exerçait sur un secteur précisément déterminé contractuellement (départements 78, 92, outre 11 arrondissements parisiens) sur lequel l'intimée exerçait exclusivement sa profession notamment pour vendre les marques Cardin et Diesel alors que d'autres salariés de l'appelante bénéficiaient, dans les mêmes conditions, du statut de VRP, des ordres donnés ne pouvant faire obstacle à l'octroi de ce statut légal, ainsi que des éléments de rémunération qui ne sont nullement incompatibles avec ce même statut. Comme l'a relevé le premier juge, il est ainsi établi que c'est également de manière fautive (constituant un manquement grave qui justifie d'autant plus la résiliation du contrat de travail) que la société SAFILO FRANCE SARL a omis de faire bénéficier à Violaine X... d'un statut auquel le droit du travail lui permettait de prétendre avec toutes les conséquences de droit. Le jugement déféré est confirmé à ce titre » ; « Sur l'indemnité de clientèle : En cause d'appel, en vertu de son statut maintenant reconnu de VRP, Violaine X... réclame sur ce point une somme de 92 731, 68 € correspondant à environ 20 % du chiffre d'affaires réalisé par elle au titre des deux dernières activités (410 238, 09 E), sachant que cette indemnisation ne saurait être inférieure à l'indemnité spéciale conventionnelle de 29 296, 06 €. La société SAFILO FRANCE SARL soutient, pour sa part, que la salariée n'a développé aucune clientèle personnelle en raison des apports logistiques majeurs de son employeur et de la préexistence de cette même clientèle. Force est cependant de constater que Violaine X... a fait progresser sensiblement le chiffre d'affaires de son secteur et apporte des éléments dans ce sens, la société se contentant d'affirmations à ce sujet. Dès lors, il convient de faire droit partiellement à cette demande en allouant à la salariée la somme de 35 000 € à ce titre ; Sur l'indemnité de retour sur échantillonnage : En application des dispositions de l'article L. 7313-11 du code du travail, la salariée demande à ce titre une somme de 34 774, 29 €, outre 3 477, 42 € pour les congés-payés afférents. Elle souligne que la société SAFILO FRANCE SARL, malgré les sommations qui lui ont été faites, n'a versé aux débats aucun élément permettant un calcul réel des commissions à percevoir sur les commandes échues après la rupture du contrat de travail. De ce fait, c'est à bon droit que la salariée a procédé à une évaluation forfaitaire de cette indemnité sur la base de la rémunération de l'année précédente (57 726, 24 €) sous déduction mensuelle de 946, 71 €, sur 9 mois, la cour décidant de condamner la société SAFILO FRANCE SARL à payer la somme réclamée, outre les congés-payés afférents » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « ensuite s'agissant du statut de voyageur, représentant ou placier (VRP) que par application de l'article L. 7311-3 du code du travail, relève de ce statut toute personne qui : 1 travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ; 2° exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant ; 3° ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel ; 4° est lié à l'employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, la région dans laquelle ils exercent leur activité ou les catégories de clients qu'ils sont chargés de visiter et le taux de rémunération ; Que la société défenderesse conteste le statut de VRP revendiqué par la requérante en ce que celle-ci n'aurait pas de secteur géographique fixe et n'avait pas la possibilité de décider de nouveaux clients ; qu'elle n'était pas propriétaire de la clientèle mais participait seulement au développement de celle-ci pour SAFILO ; qu'elle ne disposait pas de l'autonomie dont dispose normalement un VRP ; qu'il y avait une absence totale de prospection individuelle et qu'enfin, s'agissant de la rémunération, la salariée bénéficiait de régularisations opérées par l'employeur a posteriori sur les commissions en fonction des " retours de fin d'année " dite commissions RFA, soumises à l'aléa et au niveau de facturations globales établies par les clients de SAFILO ; mais qu'il apparaît pourtant que madame X... intervenait sur un secteur contractuellement déterminé (78, 92 et 11 arrondissements de Paris) ; que par le projet de protocole lui-même mentionné plus haut, la société SAFILO reconnaît de fait que madame X... exerçait de manière exclusive sa profession de représentation et bénéficiait d'un secteur géographique déterminé et fixe ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que depuis juin 2002, la salariée prenait des commandes pour le compte exclusivement de l'employeur et de manière constante et notamment pour vendre des lunettes de marque Cardin et Diesel ; que la partie défenderesse n'apporte aucun élément contraire pour contester que des salariés nommés dans la cause exerçant des fonctions identiques et dans des conditions semblables avaient un statut de VRP pourtant dénié à madame X... ; qu'il importe peu qu'un cadre et des directives précises aient été donnés à l'intéressée pour son travail de représentation et de prise de commandes, ce qui n'est pas incompatible avec le statut de VRP ; qu'au demeurant, la société défenderesse n'apporte aucun élément pour caractériser l'absence d'autonomie de la salariée dans l'exécution de sa mission ; qu'enfin, l'employeur ne démontre pas que les modalités de rémunération sont incompatibles avec le statut de VRP, lesquelles sont indifférentes dès lors que les règles en sont préétablies et constantes ; Qu'ainsi, le refus constant et réitéré par la société SAFILO de reconnaître un statut de VRP à madame X... est nécessairement fautif en raison de la perte d'avantages s'y attachant ; que le grief est pareillement fondé » ;
ALORS QUE l'article L. 7311-3 du code du travail suppose l'exercice d'une activité de représentant pour le compte d'un ou plusieurs employeurs et l'existence d'engagements déterminant la nature des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, et la région dans laquelle est exercée l'activité ou les catégories de clients visités ; qu'au cas présent, la société SAFILO faisait valoir que si Madame X..., qui avait été engagée en qualité de déléguée commerciale, était chargée de « la présentation et la promotion » des articles de marques Pierre Cardin et Diesel, le contrat de travail stipulait que « le retrait de tout ou partie des produits ou marques présents ou à venir ne donnera droit à aucune indemnité pour le contractant » ; qu'elle faisait également valoir que, selon le contrat de travail, Madame X... était chargée d'assurer « le suivi et la prospection de la clientèle désignée par la société selon les critères définis par la société SAFILO et les plannings et fichiers de prospection qui lui seront remis au moins tous les trimestres » ; qu'en estimant que Madame X... pouvait bénéficier du statut de VRP, sans constater, comme cela lui était demandé, l'existence de véritables engagements liant les parties en ce qui concerne la nature des marchandises vendues ou achetées, ni l'existence de la possibilité pour la salariée de décider d'avoir une activité de prospection individuelle et de développer de nouveaux clients, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7311-3 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

(subsidiaire par rapport au troisième moyen)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SAFILO à verser à Madame X... une somme de 35. 000 € d'indemnité de clientèle ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnité de clientèle : En cause d'appel, en vertu de son statut maintenant reconnu de VRP, Violaine X... réclame sur ce point une somme de 92 731, 68 € correspondant à environ 20 % du chiffre d'affaires réalisé par elle au titre des deux dernières activités (410 238, 09 E), sachant que cette indemnisation ne saurait être inférieure à l'indemnité spéciale conventionnelle de 29 296, 06 ¿. La société SAFILO FRANCE SARL soutient, pour sa part, que la salariée n'a développé aucune clientèle personnelle en raison des apports logistiques majeurs de son employeur et de la préexistence de cette même clientèle. Force est cependant de constater que Violaine X... a fait progresser sensiblement le chiffre d'affaires de son secteur et apporte des éléments dans ce sens, la société se contentant d'affirmations à ce sujet. Dès lors, il convient de faire droit partiellement à cette demande en allouant à la salariée la somme de 35 000 € à ce titre » ;
ALORS QU'il incombe au salarié qui prétend bénéficier d'une indemnité de clientèle en application de l'article L. 7313-13 du code du travail de rapporter la preuve qu'il a apporté, créé et développé une clientèle en nombre et en valeur ; que la société SAFILO faisait valoir que que Madame X... ne rapportait pas la preuve de l'apport ou du développement qui lui était personnel et, par ailleurs, que les absences de la salariée pour maladie entre 2006 et 2009 ne l'avaient pas mise en mesure de développer une clientèle ; qu'en se bornant à relever que « Madame X... a fait progresser sensiblement le chiffre d'affaires de son secteur », sans caractériser l'existence d'une clientèle personnellement créée ou développée par la salariée, ni en préciser l'importance en nombre et en valeur, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7313-13 du code du travail.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

(Subsidiaire par rapport au troisième moyen)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SAFILO à verser à Madame X... une somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts pour l'occupation du domicile personnel à des fins professionnelles ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le statut de V. R. P. : Violaine X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a considéré que devait lui être accordé le statut de voyageur représentant placier en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 7311-3 du code du travail. Pour sa part, la société SAFILO FRANCE SARL fonde son appel sur le fait que la salariée ne disposait pas d'un secteur géographique fixe, ne pouvait rechercher de nouveaux clients, n'était pas propriétaire de la clientèle se contentant de participer à son développement, qu'elle ne disposait d'aucune autonomie, qu'elle ne prospectait pas à titre individuel et qu'elle était rémunérée par des régularisations opérées en fin d'année en fonction de " retours " présentant un aléa et soumises aux facturations globales établies par les clients de la société SAFILO FRANCE SARL. La cour considère cependant, comme le premier juge, qu'au regard du texte visé plus haut Violaine X... exerçait sur un secteur précisément déterminé contractuellement (départements 78, 92, outre 11 arrondissements parisiens) sur lequel l'intimée exerçait exclusivement sa profession notamment pour vendre les marques Cardin et Diesel alors que d'autres salariés de l'appelante bénéficiaient, dans les mêmes conditions, du statut de VRP, des ordres donnés ne pouvant faire obstacle à l'octroi de ce statut légal, ainsi que des éléments de rémunération qui ne sont nullement incompatibles avec ce même statut. Comme l'a relevé le premier juge, il est ainsi établi que c'est également de manière fautive (constituant un manquement grave qui justifie d'autant plus la résiliation du contrat de travail) que la société SAFILO FRANCE SARL a omis de faire bénéficier à Violaine X... d'un statut auquel le droit du travail lui permettait de prétendre avec toutes les conséquences de droit. Le jugement déféré est confirmé à ce titre ; « Sur l'indemnisation au titre de l'occupation professionnelle de son domicile personnel : Il est demandé par Violaine X... une somme de 14 000 € pour indemniser les sujétions imposées par l'employeur quant au stockage à son domicile privé des lunettes échantillons et la présence d'un bureau équipé d'un ordinateur, d'une connexion Internet et d'une imprimante. La société SAFILO FRANCE SARL conteste l'existence de ces sujétions mais précise cependant (pièce 25) que " Violaine a en sa possession 1 200 échantillons " soulignant ainsi clairement quelles étaient les nécessités de son emploi de VRP liées à l'itinérance et au suivi de son activité à son domicile, comme en attestent plusieurs attestants (MM. C... et D...) et cette question régulièrement soulevée par le Comité d'entreprise, l'employeur y opposant uniquement le fait qu'il avait doté la salariée d'un ordinateur portable utilisable dans sa voiture. Il sera cependant considéré au vu de ce qui précède, qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à hauteur de 10 000 € » ;
ALORS QU'il résulte de l'article 6 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 que la garde des échantillons et collections confiés par l'employeur est une obligation inhérente au statut de VRP et ne fait l'objet d'aucune rémunération particulière ; qu'en allouant à Madame X... une somme au titre du stockage des échantillons à son domicile, après avoir constaté que cette salariée était VRP, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SAFILO à verser à Madame X... les sommes de 6. 680, 86 € au titre d'un rappel de salaires correspondant aux heures de délégation et 668, 08 ¿ au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le paiement des heures de délégation : Il est demandé à ce titre par la salariée que lui soient octroyées les sommes de 6 680, 86 € au titre des salaires éludés et celle de 668, 08 ¿ pour les congés-payés afférents, ceci par voie de réformation du jugement entrepris ; que Violaine X... soutient à nouveau que, pour les années 2005 et 2006, ses heures de délégation ne correspondaient pas à la contre-partie intégrale du salaire qu'elle aurait dû percevoir dans ce cadre. En effet, la société SAFILO FRANCE SARL soutient que la salariée a bien perçu le montant de son salaire fixe mais que la part variable a été, en vertu d'un prétendu accord d'entreprise (réunion de février 2008), calculée suivant une moyenne et non en correspondance avec la réalité des commissions perçues aux époques correspondantes. La cour constate cependant que le tableau produit par l'intimée pour récapituler les heures de délégation accomplies lors de sa participation aux réunions des comités d'entreprise montre que Violaine X... ne réclame un rappel de paiement des heures de délégation que pour des réunions du Comité d'entreprise alors que l'employeur n'a pas versé le salaire intégral correspondant, en contravention avec la loi. Il y a lieu, en conséquence, de réformer la décision entreprise à ce titre et de condamner la société SAFILO FRANCE SARL à payer à l'intimée les sommes de 6 680, 86 € de rappel de salaire et de 668, 08 € pour les congés-payés afférents » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la société SAFILO faisait valoir dans ses écritures que Madame X..., qui avait été élue en mai 2006, n'avait pas, du fait de sa qualité de suppléante et de ses arrêts maladie, été présente aux réunions du comité d'entreprise pour lesquelles elle sollicitait le paiement d'heures de délégation, ce dont elle justifiait en produisant aux débats les procès-verbaux des différentes réunions du comité d'entreprise faisant apparaître l'absence de la salariée ; qu'en faisant droit intégralement à la demande de paiement d'heures de délégation concernant des réunions du comité d'entreprise, sans vérifier, comme cela lui était expressément demandé, si la salariée avait assisté à ces réunions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2325-6 et L. 2325-8 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il est constant que Madame X... a été élue membre de la délégation unique du personnel « en mai 2006 » ; qu'en énonçant que les demandes de la salariée concernant les heures de délégation concernait « les années 2005 et 2006 », la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-13303
Date de la décision : 25/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 nov. 2015, pourvoi n°14-13303


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13303
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