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19/11/2015 | FRANCE | N°14-19059

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2015, 14-19059


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la société Castellano et compagnie, aucune critique n'étant formulée à l'encontre du chef de l'arrêt ayant prononcé sa mise hors de cause ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une péri

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la société Castellano et compagnie, aucune critique n'étant formulée à l'encontre du chef de l'arrêt ayant prononcé sa mise hors de cause ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement des conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé par la société Castellano peintures, venant aux droits de la société Castellano et compagnie (la société) pour les périodes du 5 mars 1979 au 25 novembre 1981, du 1er juillet au 30 mars 1989, et du 10 au 24 mars 1997, en qualité de peintre de bord ; que la société, qui a pour activité la fabrication, la vente et l'application de peintures terrestres et peintures de travaux maritimes, a été inscrite par arrêté ministériel du 7 juillet 2000 sur la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que le salarié, bénéficiaire de l'ACAATA, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts en réparation tant d'un préjudice d'anxiété que de celui lié au bouleversement dans les conditions d'existence ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé que pour la période du 5 mars 1979 au 19 mars 2001, l'intéressé était fondé à se prévaloir d'une présomption d'exposition à un risque avéré et d'une réelle gravité découlant d'un contact avec l'amiante, retient que les éléments qu'il produits ne sont pas suffisants pour faire jouer la présomption qui s'attacherait à des conditions et des périodes de travail effectives et déterminées au sein de la société Castellano peintures, et sur lesquelles cette dernière serait en mesure de produire ou non des réponses précises, que les attestations Y... et et B..., rédigées en termes d'ordre général, ne permettent pas de cibler les dates des activités décrites, leurs rédacteurs faisant seulement état, de manière générale, d'un travail effectué avec M. X... dans les chaudières, les condensateurs, du nettoyage à l'acide des conduits, et de la respiration des poussières d'amiante, ce au sein des entreprises Gardella, atelier d'Arenc, Castellano, que M. Y... ajoute " années 74 à 87 ", que MM. Z... et A..., dont les attestations respectives sont identiques, mentionnent " avoir travaillé sur les mêmes navires avec M. X... de 1981 à 1987, il travaillait chez la société Castellano Peinture et atelier d'Arenc... en qualité de nettoyeur peintre, piqueur de sel à bord des navires... dans un air ambiant saturé de poussières d'amiante.. ", que faute de précisions sur les chantiers concernés et, partant, sur la nature du travail de M. X..., ces documents ne permettent pas plus de valider les demandes de l'intéressé ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté la condition de la preuve d'une exposition personnelle du salarié à l'amiante, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Castellano et compagnie, l'arrêt rendu le 11 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Castellano peintures aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Castellano peintures et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Raymond X... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété subi.
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... soutient que pendant toute sa carrière, il a été massivement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et n'a jamais bénéficié d'aucune protection individuelle, de même qu'il n'a jamais été informé des risques et des dangers encourus par la manipulation et l'inhalation de l'amiante ; que, lors de ses interventions sur des bateaux en cale sèche, comme « piqueur de sel » et peintre à bord des bateaux, se trouvaient à ses côtés d'autres ouvriers qui perçaient des cloisons, manipulaient des fauxplafonds où se trouvait de l'amiante, ou encore calorifugeaient des tuyaux avec de l'amiante pendant qu'il travaillait et qu'ainsi l'air ambiant dans les navires était saturé en poussières d'amiante et ce en l'absence de système d'évacuation de ces poussières toxiques ; qu'en outre les résidus d'amiante issus des opérations de chaudronnerie n'étant pas enlevés, c'était souvent le peintre qui passait en dernier qui avait la charge de nettoyer le lieu de travail et, la plupart du temps, ramassait à la main ou à la pelle et au balai les débris et les poussières d'amiante ; que Monsieur X... produit à l'appui de ces griefs des attestations de collègues de travail (Y..., B..., C..., Z..., A...), lesquelles sont rejetées par la société Castellano Peinture au motif de leur reproduction réciproque, et de leur manque de précisions sur les missions en cause et dur les tâches invoquées par Monsieur X..., notamment le ramassage des déchets dans les cales ; que la société Castellano Peinture oppose en effet que Monsieur X... a exercé, au sein de la société une activité de peintre de bord, qui pouvait s'exercer soit sur des immeubles, travaux terrestres, soit sur des bateaux, et dans ce dernier cas, en seule qualité de peintre de bord, sans effectuer de la peinture à bord des bateaux, activité qui ne constituait que 28 % de celle de l'entreprise ; qu'elle allègue que Monsieur X... ne rapporte aucune preuve d'une exposition à l'amiante à l'intérieur des navires, dès lors qu'il n'était ni mécanicien, ni chaudronnier, ni soudeur et n'avait pas à peindre les intérieurs qui ne sont pas confrontés à des détériorations quotidiennes comme la coque ; que le travail de peinture intérieure n'entrait pas dans la mission des peintres de bord mais relevait de la compétence des agents d'entretien de sociétés extérieures ou plus généralement de personnels spécialisés parmi l'équipage du navire, présents en permanence à bord ; qu'elle conteste que Monsieur X... puisse prétendre qu'il peignait à bord alors que tous les corps de métiers travaillaient simultanément, ce qui était exclu, la peinture ne pouvant se faire en ambiance poussiéreuse ; que force est de constater effectivement que les éléments produits par Monsieur X... ne sont pas suffisants pour faire jouer la présomption qui s'attacherait à des conditions et des périodes de travail effectives et déterminées au sein de la société Castellano Peinture, et sur lesquelles cette dernière serait en mesure de produire ou non des réponses précises ; que les attestations Y... et B... rédigées en termes d'ordre général ne permettent pas de cibler les dates des activités décrites ; que leurs rédacteurs font seulement état, de manière générale, d'un travail effectué avec Monsieur X... dans les chaudières, les condensateurs, du nettoyage à l'acide des conduits, et de la respiration des poussières d'amiante, ce au sein des entreprises Gardella, Atelier d'Arenc, la société Castellano ; que Monsieur Y... ajoute « années 74 à 87 » ; que Messieurs Z... et A..., dont les attestations respectives sont identiques, mentionnent « avoir travaillé sur les mêmes navires avec Monsieur X... de 1981 à 1987, il travaillait chez la société Castellano Peinture et Atelier d'Arenc - en qualité de nettoyeur peintre, piquer de sel à bord des navires - dans un air ambiant saturé de poussières d'amiante » : faute de précisions sur les chantiers concernés et, partant, sur la nature du travail de Monsieur X..., ces documents ne permettent pas plus de valider les demandes de l'intéressé ;
ALORS QUE le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'il subit de ce seul fait un préjudice spécifique d'anxiété qu'il appartient à l'employeur d'indemniser ; qu'en déboutant Monsieur Raymond X... de sa demande d'indemnisation après avoir relevé que la société Castellano et Cie, au sein de laquelle il avait travaillé du 5 mars 1979 au 25 novembre 1981, avait été répertoriée parmi les établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et les établissements de calorifugeage, susceptibles d'ouvrir droit à la cessation d'activité des travailleurs de l'amiante, ce dont il résultait que Monsieur Raymond X... se trouvait, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
ET ALORS QUE le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'il subit de ce seul fait un préjudice spécifique d'anxiété qu'il appartient à l'employeur d'indemniser, sans avoir que le salarié ait à rapporter la preuve de son exposition personnelle ; qu'en retenant que Monsieur Raymond X... ne produisait pas suffisamment d'éléments relatifs à ses conditions de travail et aux chantiers sur lesquels il était affecté, la Cour d'appel, qui a ajouté la condition de la preuve d'une exposition personnelle du salarié à l'amiante, a violé l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ensemble l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-19059
Date de la décision : 19/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2015, pourvoi n°14-19059


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19059
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