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19/11/2015 | FRANCE | N°14-14694

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2015, 14-14694


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 janvier 2014), que M. X... a été engagé par la société SNEF en qualité d'électricien, puis d'agent technique, du 26 mars 1979 au 31 décembre 2003 ; que bénéficiaire du dispositif légal de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice é

conomique et de son préjudice d'anxiété ;
Attendu que le salarié fait grie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 janvier 2014), que M. X... a été engagé par la société SNEF en qualité d'électricien, puis d'agent technique, du 26 mars 1979 au 31 décembre 2003 ; que bénéficiaire du dispositif légal de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, il a saisi la juridiction prud'homale pour demander la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice économique et de son préjudice d'anxiété ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 instituant un dispositif de départ anticipé à la retraite pour les travailleurs exposés à l'amiante, le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, ce qui caractérise l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que pour débouter le salarié de sa demande de réparation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel a estimé que celle-ci serait subordonnée à la preuve de l'exposition à un risque avéré et d'une réelle gravité et que si cette preuve serait présumée pour les salariés travaillant dans les établissements susmentionnés, l'employeur serait fondé à démontrer l'absence d'exposition ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que le salarié a travaillé dans un établissement mentionné par l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié le 2 mars 2007 durant la période ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA et a bénéficié de celle-ci, ce dont il résulte que celui-ci s'est trouvé par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil et les textes susvisés ;
2°/ que le fait d'avoir travaillé dans un établissement mentionné par l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié le 2 mars 2007 en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 durant la période ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA et d'avoir bénéficié de celle-ci laisse présumer que le salarié a été effectivement exposé à l'amiante ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié ne rapportait pas la preuve de son exposition à la poussière d'amiante, quand il appartenait au contraire à l'employeur de démontrer qu'il ne l'avait pas été, la cour d'appel a violé les textes susvisés, l'article 1147 du code civil et l'article 1315 du code civil ;
3°/ qu'en se fondant sur le seul motif qu'il justifiait de ce qu'il était affecté au service d'activités industrielles et non d'activités navales, sans constater que cette affectation était exclusive de l'exposition la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu d'abord, qu'il résulte de l'article 41 3° de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, que l'allocation de cessation anticipée d'activité est versée, s'agissant des salariés de la construction et de la réparation navales, à condition d'avoir exercé un métier figurant sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget ;
Attendu ensuite, que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel ;
Et attendu enfin, qu'ayant constaté que le salarié avait été affecté tout au long de sa collaboration au sein de l'établissement de Marseille, au service industrie et non naval et ne relevait pas des métiers visés par la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE Georges X..., qui n'est atteint d'aucune affection médicale liée à l'exposition à l'amiante, sollicite un préjudice d'anxiété attaché au risque de développer une telle pathologie, exposant avoir été, durant toute sa carrière à la SNEF, massivement exposé aux poussières d'amiante sans jamais avoir bénéficié d'une protection individuelle ni être informé des risques et danger encourus par la manipulation de l'amiante ; qu'il considère ainsi que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en matière de santé des travailleurs ; que la loi du 23 décembre 1998 a instauré l'allocation de cessation anticipée d'activité, dite ACAATA, destinée aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante ainsi qu'à ceux des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales y exerçant ou y ayant exercé des travaux de bord, de coque ou d'ateliers relevant de la construction ou la réparation navale ; que Georges X... a bénéficié de ce dispositif, l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié le 2 mars 2007 mentionnant la SNEF dans la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'y ouvrir droit pour la période allant de 1951 à 1985, l'activité navale marginale de l'établissement marseillais n'ayant plus été conduite à compter de 1986 ; que la SA SNEF expose que le salarié ne peut arguer utilement du seul dispositif de l'ACAATA pour justifier de son exposition à l'amiante, le bénéfice de ce dispositif n'étant pas conditionné par la démonstration d'une exposition réelle aux poussières d'amiante ; qu'elle soutient que c'est en alléguant faussement des travaux d'électricien de bord, de coque ou d'atelier auprès de la CARSAT que Georges X... a pu bénéficier de l'ACAATA (les activités déployées dans le secteur du bâtiment et de l'industrie n'étant pas prévues dans ce dispositif légal), l'instruction du dossier n'associant pas l'employeur ; qu'il est de principe que la réparation du préjudice d'anxiété est subordonnée à la preuve de l'exposition à un risque avéré et d'une réelle gravité pour la santé ; que si une telle preuve est présumée pour les salariés qui travaillaient dans un établissement ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA, pendant une période où étaient fabriqué ou traité l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, cette présomption est simple, l'employeur pouvant démontrer l'absence d'exposition ; qu'en l'espèce, la SA SNEF justifie par la production de l'extrait du fichier du personnel ainsi que de la fiche d'aptitude médicale de Georges X... du 26 mars 1979 que tout au long de sa collaboration au sein de l'établissement de MARSEILLE, le salarié était affecté au service industrie et non naval et ne relevait pas des métiers visés par la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en outre, au regard de la cessation de l'activité navale de la SNEF, en 1986, Georges X... ne peut valablement soutenir avoir exercé dans les navires en construction dans le port de MARSEILLE jusqu'en 2003, ce d'autant qu'il indique également avoir été affecté à des activités exposantes dans le secteur de bâtiment ; que sinon rappeler de façon générale la connaissance commune de la présence d'amiante dans le bâtiment, pour démontrer la réalité de son exposition à l'amiante, Georges X... produit, pour une relation contractuelle de quelques 25 années, une seule et unique attestation émanant de Gérard Y... lequel ne fait pas référence à des travaux sur des chantiers de construction ou de réparation navales, ni au demeurant du bâtiment, mais indique l'avoir côtoyé de 1990 à 2001 et que « leurs interventions se déroulaient lors d'arrêts d'unités pétrolières ou industrielles nécessitant le démontage de tuyauteries, de moteurs, de chaudières, comportant un isolement thermique à base d'amiante ce qui fait que nous travaillions dans une atmosphère chargée de poussière d'amiante » ; que ce seul témoignage, de surcroit imprécis et peu circonstancié, ne peut être retenu comme élément de preuve de l'exposition massive à l'inhalation de poussière d'amiante alléguée ; qu'au regard de la solution apportée au litige, il ne peut être considéré que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en matière de santé des travailleurs ; qu'en réformation du jugement déféré, Georges X... sera débouté de sa demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété.
ALORS QU'en vertu de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 instituant un dispositif de départ anticipé à la retraite pour les travailleurs exposés à l'amiante, le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, ce qui caractérise l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que pour débouter le salarié de sa demande de réparation du préjudice d'anxiété, la Cour d'appel a estimé que celle-ci serait subordonnée à la preuve de l'exposition à un risque avéré et d'une réelle gravité et que si cette preuve serait présumée pour les salariés travaillant dans les établissements susmentionnés, l'employeur serait fondé à démontrer l'absence d'exposition ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté que le salarié a travaillé dans un établissement mentionné par l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié le 2 mars 2007 durant la période ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA et a bénéficié de celle-ci, ce dont il résulte que celui-ci s'est trouvé par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil et les textes susvisés.
ET ALORS à tout le moins QUE le fait d'avoir travaillé dans un établissement mentionné par l'arrêté du 7 juillet 2000 modifié le 2 mars 2007 en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 durant la période ouvrant droit au bénéfice de l'ACAATA et d'avoir bénéficié de celle-ci laisse présumer que le salarié a été effectivement exposé à l'amiante ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié ne rapportait pas la preuve de son exposition à la poussière d'amiante, quand il appartenait au contraire à l'employeur de démontrer qu'il ne l'avait pas été, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, l'article 1147 du Code civil et l'article 1315 du Code civil.
ET ALORS encore et subsidiairement QU'en se fondant sur le seul motif qu'il justifiait de ce qu'il était affecté au service d'activités industrielles et non d'activités navales, sans constater que cette affectation était exclusive de l'exposition la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14694
Date de la décision : 19/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2015, pourvoi n°14-14694


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14694
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