LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Kermene (la société) le 14 novembre 1997 en qualité de responsable de télévente ; qu'il a été promu aux fonctions d'administrateur des ventes, puis le 1er mai 2009, de directeur commercial et de marketing ; qu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie du 12 décembre 2009 au 3 janvier 2010, a repris, de manière anticipée, son travail le 27 décembre 2009 et a été de nouveau en arrêt de travail pour maladie du 7 au 17 janvier 2010 ; qu'ayant été mis à pied à titre conservatoire, le 4 février 2010, il a été licencié, le 16 février 2010, pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour décider que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige ne fait aucune référence aux arrêts de travail pour maladie, que le conseil des prud'hommes est lié par les griefs retenus et tels que définis par l'employeur, qu'il n'est aucunement fait référence aux conséquences des absences du salarié et que, si le conseil a établi un lien entre la maladie et la baisse de résultat de ce dernier, en postulant que son état de santé eu égard à ses arrêts de travail accompagnés de reprises d'activité le freine dans la réactivité nécessaire à la fonction, un tel lien n'est pas non plus invoqué par l'employeur et que le conseil ne pouvait rechercher une telle explication ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier, comme il lui était demandé par le salarié, au-delà de la qualification et des motifs donnés par l'employeur, la cause exacte du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Kermene à payer à M. X... les sommes de 1 292,31 euros, 4 622,43 euros et 462,64 euros à titre tant de prime de participation que de prime d'ancienneté et de congés payés afférents à celle-ci, l'arrêt rendu le 11 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Kermene aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Kermene et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X...
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a requalifié le licenciement pour faute grave de M. X... en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a, en conséquence débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 171.200,88 € ;
- AUX MOTIFS PROPRES QUE « la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige est ainsi rédigée « comme il vous l'a été indiqué (lors de l'entretien préalable du 11 février 2010), je vous reproche une attitude diffamatoire et mensongère à mon égard. Vous n'avez pas apporté de contredit à vos allégations suite à mon courrier du 21 janvier 2010, en réponse à votre lettre du 18 du même mois. Au-delà de votre attitude diffamatoire, je déplore votre immobilisme et votre passivité totale pour régler les problèmes commerciaux dont vous avez la charge. Pour exemple, j'apprends par M. Y... notre responsable de la branche BVO, le 3 février 2010 le grave incident avec notre client M. Z... de la SCAPEST. M. Z... nous a reproché ne pas avoir eu de réponse suite à votre visite de fin novembre. Il nous a signalé vous avoir informé de différents dysfonctionnements et ce, sans suite. Résultat, M. Z... a demandé à ce que KERMENE soit « déréférencée » par se centrale d'achat pendant une période de trois mois. Votre comportement, au-delà de la perte de confiance que j'ai à votre égard a pour conséquence de détériorer gravement la relation commerciale avec nos clients. Lors de notre entretien, vous avez maintenu votre position et n'avez apporté aucun élément de nature à modifier notre position sur les faits qui vous sont reprochés. Votre attitude caractérise une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise » ; que sur le grief relatif à l'état de santé, Monsieur X... soutient que le jugement entrepris comprend une erreur de droit indiscutable en se contredisant puisqu'après avoir clairement indiqué qu'aucun grief fautif ne pouvait être retenu à son encontre, les premiers juges ont néanmoins justifié son licenciement par un manque de réactivité en raison de son état de santé l'empêchant d'assumer pleinement sa charge de travail, motivation qui tend à justifier un licenciement pour des motifs discriminatoires liés à l'état de santé du salarié alors que la lettre de licenciement ne fait nullement grief de ses arrêts de travail ; que la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige ne fait aucune référence aux arrêts de travail pour maladie ; que le conseil des prud'hommes est lié par les griefs retenus et tels que définis par l'employeur ; qu'en l'espèce, il n'est aucunement fait référence aux conséquences des absences de Monsieur X... ; qu'en outre, le conseil établit un lien entre la maladie et la baisse de résultat de Monsieur X..., en postulant que l'état de santé de M. X... eu égard à ses arrêts de travail accompagnés de reprises d'activité à l'intérieur des périodes d'arrêt, le freine dans la réactivité nécessaire à la fonction. Or un tel lien n'est pas non plus invoqué par l'employeur ; que le conseil ne pouvait rechercher une telle explication après avoir écarté le grief de l'insuffisance professionnelle ; que sur la liberté d'expression et le dénigrement, Monsieur X... invoque son droit à la liberté d'expression et conteste tout abus ou insubordination ; qu'il fait observer qu'il lui est reproché un fait unique, la lettre datée du 18 janvier 2010 reprenant le contenu d'un entretien réalisé le 15 janvier 2010 au cours duquel le salarié avait exposé les propos tenus à son encontre le 11 décembre 2009 et qui l'avaient déstabilisé ; que Monsieur X... verse des pièces médicales ; qu'il s'appuie sur l'attestation du salarié qui l'a assisté lors de l'entretien préalable lequel a souligné que "Monsieur X... prenait les remarques au 1er degré ", mention qui confirme que le Directeur a ainsi reconnu avoir fait des remarques désobligeantes ; qu'enfin, Monsieur X... rappelle qu'il n'a pas rendu publique la nature du différend qui l'opposait à son supérieur hiérarchique et n'a pas porté atteinte à la réputation de l'entreprise ; que Monsieur X... relate les conditions de sa prise de fonctions difficile en raison de plusieurs départs de collaborateurs et souligne n'avoir jamais fait l'objet de reproches ou critique pendant plus de 12 ans, ce qui explique qu'il ait été d'autant plus déstabilisé après la réunion du comité hebdomadaire de direction du 11 décembre 2009 au cours de laquelle il a été annoncé, sans discussion préalable, que la direction commerciale serait rattachée directement aux directeurs d'activités, supprimant par là même une partie de ses nouvelles fonctions ; qu'il soulève enfin le caractère disproportionné de la sanction eu égard aux 12 années de comportement exemplaire et de la qualité de son travail ; qu'en réponse, la société KERMENE soutient que le salarié ne peut abuser de sa liberté d'expression par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs et qu'en raison de leur position, les cadres supérieurs se voient imposer de fait une obligation de loyauté et de réserve renforcée et ne peuvent pas dénigrer l'employeur sans commettre une faute grave. Elle explique que la chronologie des événements démontre que Monsieur X... avait organisé son départ de l'entreprise en voulant faire porter la responsabilité de cette rupture sur son employeur, alors que Monsieur A... lui avait renouvelé sa confiance lors de l'entretien du 15 janvier 2010 ; que la société maintient que les faits décrits par Monsieur X... sont totalement imaginaires et elle produit des attestations de directeurs ayant participé à la réunion et au repas du 11 décembre 2009 qui viennent contredire la lettre de Monsieur X... ; qu'elle ajoute que le refus de ce dernier de revenir sur ses accusations a rompu la confiance qui existait depuis de nombreuses années ; que l'employeur conteste avoir supprimé le poste de Directeur Commercial et explique les différentes mutations internes et recrutements qui ont eu lieu après le départ de monsieur X... ; qu'à titre subsidiaire, la société KERMENE demande à la Cour de confirmer le jugement de 1ère instance en ce qu'il a requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse conformément à un arrêt de la Cour de cassation du 21 avril 2010, confirmé par la cour de cassation, dans lequel un Directeur Commercial ayant 14 ans d'ancienneté, rencontrant des problèmes de santé, avait été licencié pour faute grave en raison d'actes de dénigrement tenus dans un cadre privé, envers son employeur, la cour ayant retenu, non la faute grave mais l'existence d'une cause réelle et sérieuse pour avoir excéder son droit d'expression ; que les relations contractuelles entre les parties se sont parfaitement déroulées pendant les 12 années au cours desquelles la qualité du travail de Monsieur X... n'a jamais été contestée et confirmée par des promotions importantes ; qu'il est également établi par la production des fiches de salaires de Madame B... et monsieur C... que le poste de Monsieur X... a été pourvu par une promotion et un nouveau recrutement ; qu'il est constant que la lettre du 18 janvier 2010 n'a pas été diffusée, Monsieur X... l'ayant adressée directement à son Directeur Général ; qu'en conséquence, les faits de diffamation ne sont pas établis ; qu'en revanche, le conseil ne s'est pas prononcé sur le caractère mensonger, la gravité et ses conséquences des propos tenus par le salarié ; qu'il résulte des conclusions des parties et de l'attestation de Madame D..., directrice administrative et financière, qu'à la réception de la lettre du 18 janvier 2010, Monsieur A... a considéré que les faits décrits par Monsieur X... pouvaient être considérés comme du harcèlement et lui a demandé de retirer ses accusations mensongères ; que Monsieur X... ne produit aucun élément pour étayer ses dires ; que Madame D... et Madame E..., responsables de la sécurité alimentaire, ont attesté avoir assisté à la réunion et au repas du 11 décembre et ne pas avoir entendu de moqueries à l'encontre de Monsieur X... ni avoir vu de gestes déplacés tels que passer la main sur la tête ; que Monsieur A... a rappelé au cours de l'entretien préalable qu'il avait été demandé au salarié de revenir sur ses propos, estimant que sa qualité de cadre supérieur impose une obligation de loyauté ; que c'est à juste titre que la société fait valoir que les accusations de Monsieur X..., contredites par d'autres membres de la direction, constituent un dénigrement de l'employeur de nature à porter atteinte au devoir de réserve et de loyauté ; qu'en revanche, le parcours professionnel exemplaire de Monsieur X... donne à la sanction prononcée, un caractère disproportionné ; qu'il existe donc une cause réelle de licenciement et le jugement du conseil sera confirmé » ;
- ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « il semble incontestable que l'état de santé de M. X... eu égard à ses arrêts de travail accompagnés de reprises d'activités à l'intérieur des périodes d'arrêt, le freine dans la réactivité nécessaire à la fonction, et l'empêche d'assumer pleinement la charge de travail de son poste » ;
- ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE si la lettre de licenciement fixe les limites du litige, interdisant par là-même à l'employeur de justifier le licenciement par d'autres motifs que ceux qui y figure, il appartient au juge de rechercher, au-delà des termes et du motifs contenus dans la lettre de licenciement, la véritable cause de celui-ci et que s'il apparaît que l'état de santé était la véritable cause du licenciement, celui-ci doit être annulé ; qu'en l'espèce, en refusant de rechercher comme elle y était invité (conclusions de M. X..., p.6, al.6) si le motif véritable du licenciement de M. X... n'était pas lié à ses absences pour maladie, motifs pris de ce que « la lettre de licenciement ne fait aucune référence aux arrêts de travail pour maladie » et de ce qu'un lien n'est pas invoqué par l'employeur entre l'état de santé du salarié et son licenciement (arrêt, p.4, al.2 et 3), la cour d'appel a méconnu son office en violation des articles L.1132, L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ;
- ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en faisant siens les motifs du jugement selon lesquels l'état de santé de M. X... le freinait dans la réactivité et l'empêchait d'assumer pleinement sa charge de travail, ce qui « tend à justifier un licenciement pour des motifs discriminatoires liés à l'état de santé » (arrêt, p.4, 1er al.), sans pour autant rechercher si tel était le cas, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1132-1et L.1232-1 du code du travail ;