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17/11/2015 | FRANCE | N°14-21567

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 novembre 2015, 14-21567


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur contredit, que M. X..., se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 janvier 2012 conclu avec la société Trésor G11-012 par lequel il aurait été engagé en qualité de directeur opérationnel a s

aisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la résiliation judicia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur contredit, que M. X..., se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 janvier 2012 conclu avec la société Trésor G11-012 par lequel il aurait été engagé en qualité de directeur opérationnel a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ;
Attendu que pour dire que M. X... n'était pas lié par un contrat de travail avec la société Trésor G11-012, la cour d'appel, après avoir constaté l'existence, notamment, d'un contrat de travail écrit à durée indéterminée conclu le 30 janvier 2012 et de bulletins de paie pour les mois de février 2012 à janvier 2013, a retenu d'une part que le contrat de travail dont se prévaut M. X... n'a pas été signé par une personne représentant valablement la société et, d'autre part, que la société, par l'ensemble des pièces qu'elle a produit, ne pouvait rapporter la preuve négative de l'absence de prestation de travail et de subordination, qu'elle en a déduit qu'il revenait à M. X... de verser aux débats les pièces établissant qu'il a effectivement fourni une prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'intéressé produisait un contrat de travail écrit et des bulletins de salaire, ce dont il résultait l'apparence d'un contrat de travail, et qu'il appartenait en conséquence à la société Trésor G11-012, de rapporter la preuve de son caractère fictif, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Trésor G11-012 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Trésor G11-012 à payer M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail, dit que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître du litige et d'avoir renvoyé l'affaire et les parties devant cette juridiction ;
AUX MOTIFS QU'il doit être rappelé qu'aux termes de l'article L1411-1 du code du travail, « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient » et qu'« il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti », qu'il y a contrat de travail, ce qui détermine donc la compétence de la juridiction du travail, lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération et que, spécialement, le lien de subordination ainsi exigé est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le fait que le travail soit effectué au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution ; l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité litigieuse. Il appartient en conséquence au juge d'examiner ces conditions de fait et de qualifier la convention conclue entre les parties, sans s'arrêter à la dénomination qu'elles avaient retenue entre elles ; M. Olivier X... se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 janvier 2012 (sa pièce n°1 ) conclu entre lui et la société TRESOR G11-012 par lequel il aurait été engagé par cette société en qualité de directeur opérationnel, à compter du 1er février 2012 ;il produit, outre ce contrat : des bulletins de paie pour les mois de février à janvier 2013, un courrier électronique du 29 août 2012 et une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 septembre 2012 (ses pièces n° 4 et 5), dans lesquels il fait état de ce qu'il a été dispensé de présence sur son lieu de travail puis s'en est vu refuser l'accès à compter du 20 juillet 2012, une assignation en référé devant le conseil de prud'hommes de Paris délivrée à la société TRESOR G11-(sa pièce n° 2), la convocation à un entretien préalable à une procédure de licenciement qui lui a été adressée le 11 octobre 2012, la convocation devant le conseil de prud'hommes statuant en formation de référé à la suite d'une nouvelle demande faite par lui en paiement des salaires d'octobre à décembre 2012 (sa pièce n° 3), ses conclusions en vue d'une audience devant le bureau de conciliation du 14 février 2013, dans le cadre de l'instance au fond qu'il avait entre-temps engagée le 14 septembre 2012 devant le conseil de prud'hommes et qui a abouti à la décision déférée, conclusions par lesquelles il demandait le paiement du salaire du mois de janvier 2013 (sa pièce n° 7), un relevé du compte CARPA de son avocat qui montre que les sommes réclamées lors de ces deux procédures de référé, d'une part, et devant le bureau de conciliation dans le cadre de la procédure au fond, d'autre part, ont été payées (sa pièce n° 8), la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail que son conseil a adressée le 16 décembre 2013 (ses pièces n° 10 et 11) ; face à ces éléments qui créent à tout le moins l'apparence d'un contrat de travail, il incombe à la société TRESOR G11-012, qui conteste l'existence d'une relation salariée entre les parties, d'établir que les éléments constitutifs de celle-ci ne sont pas réunis ; elle justifie de ce que le contrat de travail dont se prévaut M. X... n'a pas été sifné par une personne la représentant, produisant à cet effet une attestation de M. Olivier Y... (sa pièce n° 14), qui est le signataire du contrat pour la société - ainsi que la cour peut s'en assurer en comparant les signatures figurant sur l'attestation, sur la pièce d'identité du témoin et sur le contrat - et qui indique qu'il a signé cet acte à la demande instante de M. X..., alors cependant qu'il n'avait aucune fonction dans la société TRESOR G11-012 et n'y détenait aucun mandat. Les pièces par ailleurs produites en cours de délibéré (extrait Kbis et historique des modifications au registre du commerce et des sociétés) démontrent que, de fait, cette société avait, en 2012, pour président la société à responsabilité à associé unique MALCOM, dont le gérant était M. Philippe Z... ; la société TRESOR G11-012 ne conteste cependant pas qu'elle a rémunéré M. X... conformément à ce contrat, spontanément de février à juillet 2012, puis en faisant droit à des demandes en paiement présentées judiciairement par l'intéressé, pour ce qui concerne la période d'août 2012 à janvier 2013 ; pour soutenir que M. X... n'a pas fourni de prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination, la société TRESOR G11-012 expose, sans être contredite, le contexte des relations entre les parties, à savoir celui d'un projet de réseau de concession dans le secteur de la conciergerie, dit réseau KIOSK (sa pièce n° 1), animé par la société BCS DEVELOPPEMENT, laquelle a conclu à cette fin le 6 juin 2011 avec la société AXEO DEVEOPPEMENT un contrat de prestation de services versé aux débats (sa pièce n° 4), M. X... étant lui-même employé par la société AXEA DEVELOPPEMENT selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 24 juin 2011 en qualité de directeur opérationnel (sa pièce n° 6. L'ingénierie financière avait enfin été conçue, ainsi qu'il n'est pas contesté, par la société DIANE, dirigée par Mme Cécile A... ; la société TRESOR G11-012, dont il est indiqué qu'elle a été créée en décembre 2011 mais qui a été immatriculée en juin 2011 (extrait Kbis produit en cours de délibéré), réunit des investisseurs désireux de financer ce réseau de connexion KIOSK. Elle a conclu deux contrats de prestation de services avec des sociétés dont M. X... est le président : le 30 décembre 2011 avec la société ELODIA, un « contrat de développement et d'intégration d'un logiciel d'application pour le réseau kioskandco » (sa pièce n° 15) et le 31 décembre 2011 avec la société AXONE WEB SOLUTIONS, un « contrat de développement et d'intégration d'un logiciel d'application de gestion-facturation pour les réseaux kioskanco et kiosk'aou (sa pièce n° 16) ; le 13 décembre 2012, ces sociétés ont engagé une action devant le tribunal de commerce de Paris contre la société TRESOR G11-012 et contre les sociétés DIANE, DIANE GESTION et GROUPE DIANE, en paiement des sommes respectives de 169 798,19 euros et 438 514,40 euros qu'elles estiment dues au titre de ces contrats (assignation en pièce n° 11) ; Précédemment, la société AXONE WEB SOLUTIONS avait assigné la société TRESOR G11-012 en référé (pièce n° 9) pour obtenir paiement d'une somme provisionnelle en exécution du même contrat, le président du tribunal de commerce ayant, par ordonnance du 5 octobre 2012, dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande (pièce n° 10) ; la société TRESOR G11-012 fait observer que ces deux contrats visent des prestations identiques, de même que les tâches qui étaient imparties à M. X... dans le cadre des contrats de travail conclus avec la société AXEO DEVELOPPEMENT, d'une part, et avec elle-même, d'autre part, sont énoncées en des termes exactement identiques : « « superviser l'organisation des différents services de la société (développement, marketing, coordination, qualité, exploitation, animation) et « assurer le reporting » ; elle soutient que ces quatre contrats ne visent en fait que les prestations de service décrites dans les deux contrats commerciaux (dont elle conteste d'ailleurs qu'elles aient été effectivement fournies) et ajoute sans être contredite que le chef de projet désigné par le prestataire aux termes de ces deux contrats n'était autre que M. X... ; elle précise enfin que les relations entre les parties ont changé de nature depuis qu'au mois de juillet 2013, M. X..., qui ne le conteste pas, a commandité l'enlèvement de la mère de Mme A..., dirigeante de la société DIANE, pour obtenir le paiement d'une somme de 450 000 euros en rançon, M. X... étant actuellement en détention provisoire dans le cadre de la procédure pénale qui a été ouverte sur ces faits criminels (articles de presse, et chefs de mise en examen, en pièce n° 13) ; par l'ensemble des pièces qu'elle produit ainsi, la société TRESOR G11-012, qui ne peut apporter la preuve négative de l'absence de prestation de travail et de lien de subordination, établit cependant que les relations entre les parties semblent incompatibles avec le contrat de travail apparent dont se prévaut M. X... ; il revient, dans ces conditions, à ce dernier de verser aux débats les pièces établissant qu'il a pourtant effectivement fourni une prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société TRESOR G11-012 ; or, il ne produit aucune élément en ce sens et ne réplique d'ailleurs pas à l'argumentation développée par la demanderesse au contredit ; il en résulte que cette dernière démontre, au soutien de son contredit, que le contrat de travail du 30 janvier 2012 présente un caractère à tout le moins fictif et que le litige qui oppose les parties est d'ordre purement commercial ; la société TRESOR G11-012 sera en conséquence accueillie en son contredit ; le jugement déféré sera infirmé et l'affaire sera renvoyée au tribunal de commerce de PARIS, déjà saisi du litige commercial opposant les parties, juridiction dont la société TRESOR G11-012, qui avait son siège social à PRIS au moment où l'instance a été introduite et n'a que postérieurement transféré celui-ci à la Réunion, ne conteste pas la compétence géographique ;
ALORS D'UNE PART QUE l'existence d'un contrat de travail apparent résulte de la délivrance de bulletins et du paiement de salaires ; que c'est à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve ; que la cour d'appel qui a fait porter sur le salarié la preuve de ce qu'il avait effectivement fourni une prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société TRESOR G11-012 a inversé la charge de la preuve et a violé l'article L 1221-1 du code du travail ensemble l'article 1315 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs dubitatifs ou hypothétiques ; que la cour d'appel qui, pour juger que la juridiction prud'homale était incompétente au profit du tribunal de commerce, a dit que les relations entre les parties semblaient incompatibles avec le contrat de travail apparent dont se prévalait Monsieur X... a statué par un motif dubitatif et a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-21567
Date de la décision : 17/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 mai 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 nov. 2015, pourvoi n°14-21567


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.21567
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