LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 21 mars 2013, pourvoi n° 11-21.495), que, par actes des 3 mai 1990 et 27 février 1991, Mme X... s'est portée caution envers la caisse de Crédit agricole mutuel de l'Aube et de la Haute-Marne, aux droits de laquelle vient celle de Champagne-Bourgogne (la banque), des engagements contractés par deux sociétés civiles immobilières auprès de cet établissement de crédit à hauteur d'un certain pourcentage ; que la banque a introduit le 1er août 1994 une action paulienne afin que soit déclaré inopposable l'apport fait par Mme X... de certains biens à une autre société ; qu'un arrêt du 13 octobre 2008, devenu irrévocable, a accueilli la demande ; que la banque ayant fait délivrer à Mme X... un commandement valant saisie immobilière le 27 janvier 2010, celle-ci a saisi un juge de l'exécution le 12 mai 2010 en soutenant que la créance de la banque était prescrite et l'acte de cautionnement nul, et en demandant la condamnation de la banque à des dommages-intérêts pour faute, assortie d'une demande de compensation ;
Attendu que, pour dire irrecevable comme prescrite la demande en dommages-intérêts fondée sur la faute de la banque, l'arrêt retient qu'il ne ressort pas du dossier que Mme X... ait présenté des demandes tendant à voir reconnaître la responsabilité de la banque au titre des fautes commises dans l'octroi des prêts aux SCI Terrasses de Reuilly et Résidence des Hortensias et au titre du recueil d'un engagement de caution disproportionné, antérieurement au 22 janvier 2003 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la banque n'avait pas contesté que Mme X... avait formulé des demandes d'indemnisation avant l'expiration du délai de prescription et que l'arrêt du 13 octobre 2008, qui avait déclaré irrecevable la demande en raison de son caractère prématuré, n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée de ce chef, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande en dommages-intérêts fondée sur la faute de la banque et la demande de compensation de Mme X... à l'encontre de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne, remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué dit irrecevable les demandes formées par Madame X... contre la CRCAM en indemnisation du préjudice subi en raison des fautes de celle-ci dans l'octroi des prêts et l'engagement des actes de cautionnement à son égard ;
AUX MOTIFS QUE la CRCAM soutient que les demandes présentées par Mme Iris Y... épouse X... concernant notamment la responsabilité de la banque pour cautionnement disproportionné sont prescrites en ce qu'elles n'ont pas été présentées dans le délai de dix ans à compter de la mise en demeure adressée à l'intimée soit le 21 janvier 1993 ; que les premiers juges ont à juste titre relevé que les dispositions de l'article L 110-4 ancien du code de commerce s'appliquent aux obligations entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la forme en laquelle elles ont été constatées, de telle sorte que la prescription trentenaire est exclue en l'espèce ; que cette article en sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à la loi du 17 juin 2008, dispose que les obligations entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans ; qu'il ne ressort pas du dossier que Mme Iris Y... épouse X... a présenté des demandes tendant à voir reconnaitre la responsabilité de la CRCAM au titre de fautes commises dans l'octroi des prêts aux SCI Terrasses de Reuilly et Résidence des Hortensias et au titre du recueil d'un engagement de caution disproportionné antérieurement au 22 janvier 2003 ; qu'en conséquence il y a lieu de dire la demande prescrite et en conséquence irrecevable ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement rendu le 6 juillet 2010 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes sur ce point (arrêt attaqué p. 4 al. 5 à 8) ;
ALORS QUE Madame X... avait opposé à la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai de prescription de son action en indemnisation pour faute dirigée contre la CRCAM, les demandes reconventionnelles qu'elle avait formulées dans le cadre de l'action paulienne dirigée contre elle par cette banque qui avait débuté sur une assignation du 1er août 1994 et qui devaient être considérées comme ayant interrompu la prescription ; que la CRCAM pour sa part ne contestait pas le fait que Madame X... avait formulé des demandes d'indemnisation avant l'expiration du délai de prescription de 10 ans applicable en la cause, mais soutenait que l'interruption de la prescription résultant de ces demandes devait être considérée comme non avenue en raison de la décision d'irrecevabilité qui lui avait été opposée dans le cadre de cette même instance ; qu'en affirmant néanmoins « qu'il ne ressort pas du dossier que Mme Iris Y... épouse X... a présenté des demandes tendant à voir reconnaitre la responsabilité de la CRCAM au titre de fautes commises dans l'octroi des prêts aux SCI Terrasses de Reuilly et Résidence des Hortensias et au titre du recueil d'un engagement de caution disproportionné antérieurement au 22 janvier 2003 », la Cour d'appel a ainsi remis en cause un élément de fait déterminant qui n'était contesté ni par la CRCAM ni par Madame X..., entachant ainsi son arrêt d'une dénaturation des termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.