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05/11/2015 | FRANCE | N°14-14683

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 novembre 2015, 14-14683


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 22 octobre 2004 par l'association ACSO en qualité d'animateur coordinateur, a été arrêté pour maladie le 22 novembre 2010 et a saisi la juridiction prud'homale le 6 octobre 2011 en demande de résiliation de son contrat de travail ; qu'à l'issue des visites de reprise des 21 décembre 2011 et 5 janvier 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise ; que le 28 février 2012, il a été licencié pour inaptitude

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Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 22 octobre 2004 par l'association ACSO en qualité d'animateur coordinateur, a été arrêté pour maladie le 22 novembre 2010 et a saisi la juridiction prud'homale le 6 octobre 2011 en demande de résiliation de son contrat de travail ; qu'à l'issue des visites de reprise des 21 décembre 2011 et 5 janvier 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise ; que le 28 février 2012, il a été licencié pour inaptitude ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, s'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-et-intérêts fondée sur un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que les témoignages en faveur du salarié étaient imprécis, les faits relatés n'étant ni datés ni circonstanciés, que l'un des témoins avait établi une attestation, en faveur du salarié, totalement contradictoire avec les termes de son courrier rédigé plus tard, que bien que le salarié ait subi une dégradation de son état de santé puisqu'il présentait une dépression, le médecin du travail n'avait pas retenu de danger immédiat, que deux éléments de preuve étaient produits en faveur de la directrice qui serait à l'origine des faits allégués, de sorte qu'elle tirait la conviction, de ces éléments, pris dans leur ensemble, que le salarié n'avait pas été victime de harcèlement moral ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait l'existence de huit attestations au soutien des allégations du salarié, dont certaines étaient circonstanciées sur la pression qui lui était imposée ainsi que sur les propos humiliants tenus de manière répétée à son égard par la directrice du centre, et la dégradation de son état de santé, de sorte que ces éléments, appréciés dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il revenait à l'employeur d'établir que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cour d'appel ayant exclu le lien entre l'inaptitude et le comportement de l'employeur en se fondant sur le fait qu'elle écartait le harcèlement moral, la cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence celle des chefs de l'arrêt relatifs au licenciement ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne l'association ACSO aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association ACSO à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts fondée sur un harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a sollicité une absence pour suivre une formation du 13 janvier 2010 au 30 septembre 2011 ; que la formation se déroulait trois jours par semaine ; que le 21 décembre 2009, l'employeur a répondu qu'il acceptait le principe de la formation mais différait le départ de M. X... de quelques mois car sa présence à son poste était nécessaire pour mener à bien le projet défini pour son secteur et pouvoir l'évaluer à l'été 2010 ; que l'employeur a proposé également une formation de janvier à avril 2010 prodiguée à raison de quelques séances par mois et pour laquelle M. X... s'est porté volontaire ; que par lettre du 24 mars 2009, l'employeur a demandé à M. X... de remettre de l'ordre dans le fonctionnement de son équipe car il avait autorité pour le faire ; que par courrier électronique du 21 mai 2010, l'employeur a demandé à deux personnes dont M. X... de préparer avec le plus grand soin la réunion du 31 mai ; que M. X... verse plusieurs attestations ; qu'Olivier G... qui a été animateur de 2007 à 2009 témoigne que la directrice mettait une pression conséquente sur les épaules de M. X... en le convoquant fréquemment dans son bureau, en lui faisant des reproches incessants, que lors des réunions du conseil d'administration, il avait l'impression qu'il y avait un règlement de compte de la directrice sur M. X..., que la directrice brimait et persécutait M. X... et exerçait une pression et un harcèlement sournois ; que Jonathan Y... qui a été apprenti pendant deux ans témoigne que la pression était mise sur M. X... qui se faisait rabaisser et décrédibiliser ; que Jacqueline Z..., assistante administrative, témoigne de pressions exercées sur M. X... ; que Denis A..., directeur adjoint de 2004 à 2005, témoigne que la directrice interpellait M. X... sur ses projets, qu'au printemps 2005, la directrice l'a convoqué dans son bureau pour s'expliquer sur ses actions, que le ton a été violent, que la directrice a claqué la porte au nez de M. X... et que ce dernier a commencé à subir une pression sur ses résultats ; qu'Alexandre B..., employé de la ville d'Oullins, atteste qu'entre 2005 et 2010, il a entendu lors de réunions des propos qui disqualifiaient M. X... ; que Rached C..., ancien administrateur de l'association en 2009, témoigne que la directrice a mis en place un long travail de sape à l'encontre de M. X... et de son équipe afin de les briser et de les faire partir ; que Mohammed D... qui a été animateur vacataire témoigne que M. X... subissait « une forte pression malsaine de la part de la directrice » que lors de réunions d'équipe la directrice discréditait et maltraitait verbalement M. X... ; que Claude E... qui a été animateur de 2004 à 2010 témoigne qu'il subissait une pression énorme, que M. X... a subi à plusieurs reprises des humiliations dans les réunions d'équipe pour le décrédibiliser devant les animateurs, qu'il a assisté à un « harcèlement vicieux » de la directrice sur M. X... ; que par courrier électronique du 18 juin 2013 adressé à cette même directrice, Claude E..., qui exerçait à Vienne, lui a demandé d'être « son mentor » et a précisé « j'ai pris grand plaisir à travailler avec vous » ; que le 15 octobre 2010, Amandine F... a demandé à travailler à l'association ACSO en sus de son travail à temps partiel à la mairie de Saint-Genis-Laval ; qu'une salariée de l'association, ancienne déléguée syndicale et ancienne déléguée du personnel durant dix ans atteste qu'elle avait de bon rapports de travail avec la directrice qui était très humaine et qu'elle n'a jamais eu à traiter un problème concernant M. X... ; que les témoignages en faveur de M. X... sont imprécis, les faits relatés n'étant ni datés, ni circonstanciés ; qu'un des témoins, Claude E..., a établi une attestation totalement contradictoire avec son courrier du 18 juin 2013 ; que M. X... a bien subi une dégradation de son état de santé puisqu'il a présenté une dépression et que le médecin du travail l'a déclaré inapte ; que le médecin du travail n'a pas retenu le danger immédiat et a fait passer deux visites médicales de reprise ; que de ces éléments pris dans leur ensemble, la cour tire la conviction, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une mesure d'instruction, que les parties ne sollicitent d'ailleurs pas, que M. X... n'a pas été victime de harcèlement moral ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient au salarié qui allègue un harcèlement moral d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence du harcèlement et à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs ; qu'en se bornant à remettre en cause les faits invoqués par M. X..., sur le fondement de la « conviction » qu'elle avait de ce que ces éléments n'étaient pas probants (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 7), la cour d'appel a fait reposer l'intégralité de la charge de la preuve sur le salarié, violant ainsi les articles 1315 du code civil et L. 1152-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en estimant que les éléments invoqués par le salarié étaient « imprécis » (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 5), tout en faisant état de nombreux témoignages d'autres salariés confirmant avec toutes les précisions utiles l'existence du harcèlement moral invoqué par M. X... (arrêt attaqué, p. 4 in fine et p. 5 in limine), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1152-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1226-2 du code du travail oblige l'employeur à rechercher à reclasser le salarié déclaré inapte par le médecin du travail suite à une maladie non professionnelle ; que le licenciement du 28 février 2012 se fonde sur l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement ; que l'employeur a convié le médecin du travail à procéder sur site à une étude des postes en vue de l'aménagement du poste et du reclassement de M. X... ; que le médecin a écrit le 3 février 2012 que suite à la visite de l'entreprise il n'a pas fait de propositions de poste de reclassement ; que l'employeur qui ne fait pas partie d'un groupe a envoyé le 7 février 2012 une lettre aux fins de reclassement en externe de M. X... à plusieurs centres sociaux ; que la lettre était personnalisée en ce qu'elle précisait la nature du poste, les fonctions confiées et les diplômes détenus ; que l'employeur a reçu sept réponses négatives entre le 9 et le 23 février 2012 et aucune réponse positive ; que l'employeur a ainsi procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement ; qu'en conséquence, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et M. X... doit être débouté de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis ;
ALORS QUE l'employeur doit chercher à reclasser le salarié déclaré inapte par le médecin du travail et qu'il doit, dans le cadre de cette obligation, rechercher l'existence de possibilités d'aménagement ou de transformation du poste du salarié ; qu'en se bornant, pour considérer que l'association ACSO avait procédé « à des recherches sérieuses et loyales de reclassement » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 3), à constater que le reclassement externe de M. X... n'avait pas été possible, sans rechercher cependant si l'employeur avait examiné la possibilité d'un aménagement du poste du salarié, la cour d'appel n'a pas procédé à toutes les recherches utiles à la solution du litige, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14683
Date de la décision : 05/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 31 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 nov. 2015, pourvoi n°14-14683


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14683
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