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04/11/2015 | FRANCE | N°14-25377

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 novembre 2015, 14-25377


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 février 2014), que le président du Conseil général de la Gironde a saisi un juge aux affaires familiales aux fins de voir fixer le montant de la dette alimentaire du fils de Roland X..., accueilli dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes depuis le 9 février 2007, en complément de l'aide sociale qui avait été accordée à celui-ci ;
Attendu que le président du conseil général fait grief à

l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'état de besoi...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 février 2014), que le président du Conseil général de la Gironde a saisi un juge aux affaires familiales aux fins de voir fixer le montant de la dette alimentaire du fils de Roland X..., accueilli dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes depuis le 9 février 2007, en complément de l'aide sociale qui avait été accordée à celui-ci ;
Attendu que le président du conseil général fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'état de besoin des personnes âgées et leur admission ou non à l'aide sociale relèvent des règles du code de l'action sociale et des familles ; que la cour, en énonçant, pour remettre en cause l'état de besoin de M. Roland X..., que c'était selon les critères légaux de l'article 205 du code civil et non les règles d'admission à l'aide sociale qu'il convenait d'apprécier les besoins de ce dernier et en refusant ainsi d'appliquer les règles du code de l'action sociale et des familles, a violé les articles L. 132-1 et L. 132-3 de ce code par refus d'application et l'article 205 du code civil par fausse application ;
2°/ que le juge judiciaire n'est pas compétent pour juger de l'état de besoin des personnes âgées et de leur admission ou non à l'aide sociale, qui relèvent des règles du code de l'action sociale et des familles, son intervention se limitant à la seule fixation de la dette alimentaire ; que la cour d'appel, en remettant en cause l'état de besoin de M. Roland X... lorsqu'il lui incombait uniquement de fixer la dette alimentaire de son fils, a violé les articles L. 132-1 et L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ;
3°/ que le Département ne saurait être tenu responsable de la mauvaise gestion par le bénéficiaire de l'aide sociale de son patrimoine ; que la cour d'appel qui, pour débouter le Conseil général de la Gironde de sa demande en condamnation de M. Patrick X... à verser une pension alimentaire de 142,36 euros, a déduit l'absence d'état de besoin de M. Roland X..., de l'existence « d'un patrimoine immobilier qui pourrait être utilisé pour lui permettre d'augmenter ses ressources » et du défaut pour le Conseil général de la Gironde d'avoir invoqué « l'impossibilité de faire fructifier ce patrimoine », a ainsi fait peser sur le Département la mauvaise gestion du patrimoine de M. X... et a ainsi violé l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles ;
4°/ qu'en tout état de cause, le juge se doit d'analyser les ressources et les charges du créancier d'aliments susceptible de bénéficier de l'aide sociale à l'hébergement à la date où il statue, afin de vérifier si les revenus qu'il perçoit lui permettent de prendre en charge ses frais d'hébergement ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que M. Roland X... ne disposait pas de revenus suffisants pour régler en totalité ses charges d'accueil en maison de retraite, a néanmoins, pour débouter le Conseil Général de la Gironde de sa demande en condamnation de M. Patrick X... à verser une pension alimentaire de 142,36 euros, énoncé que le premier disposait d'un patrimoine immobilier qui pourrait être utilisé pour lui permettre d'augmenter ses ressources, sans que l'impossibilité de faire fructifier ce patrimoine ne soit invoquée, de sorte que son état de besoin n'était pas démontré, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire la preuve de l'état de besoin de M. Roland X... lui permettant de bénéficier d'une pension alimentaire, violant ainsi les articles 205 et 208 du code civil, ensemble l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles ;
Mais attendu que, quelles qu'en soient les modalités, et alors même qu'il s'agirait du recours prévu par l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles, l'action exercée contre un débiteur d'aliments a toujours pour fondement les dispositions du code civil régissant la dette d'aliments, et notamment l'article 208 du code civil selon lequel les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ; que la cour d'appel en a exactement déduit que cette appréciation n'est pas soumise aux règles d'attribution de l'aide sociale ;
Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que Roland X... disposait d'un patrimoine immobilier, la cour d'appel a estimé, prenant en considération à juste titre les revenus que pourrait lui procurer une gestion utile de son patrimoine, et sans faire peser de responsabilité sur le département, que l'état de besoin du créancier d'aliments n'était pas démontré ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Conseil général de la Gironde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le Conseil général de la Gironde.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le Conseil Général de la Gironde, agissant aux lieu et place de M. Roland Berniard, assisté de son curateur, de sa demande tendant à voir fixer la dette alimentaire de M. Patrick X..., fils de M. Roland X..., sous la forme d'une pension alimentaire de 142,36 euros par mois ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la demande du Conseil Général de la Gironde est fondée sur l'article 205 du code civil qui dispose que les enfants doivent des aliments à leurs père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin ; que l'article 208 ajoute que les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit et le juge peut, même d'office, et selon les circonstances de l'espèce, assortir la pension alimentaire d'une clause de variation permise par les lois en vigueur ; que c'est selon ces critères légaux et non les règles d'admission à l'aide sociale qu'il convient d'apprécier les besoins de M. Roland X... ; que s'il n'est pas contestable que M. Roland X... ne dispose pas de revenus suffisants pour régler en totalité ses charges d'accueil en maison de retraite, il apparaît qu'il dispose aussi d'un patrimoine immobilier qui pourrait être utilisé pour lui permettre d'augmenter ses ressources, mais l'impossibilité de faire fructifier ce patrimoine n'est pas invoquée par les appelants ; que dans ces conditions, l'état de besoin de M. Roland X... n'est pas démontré et la cour ne peut que confirmer le débouté prononcé par le premier juge ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' il résulte de l'article 205 du code civil que les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ; qu'en vertu de l'article 208 du code civil, les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ; que selon l'article 212 du code civil, les époux se doivent mutuellement secours et assistance ; qu'en application des dispositions légales précitées, le devoir de secours entre époux prime sur l'obligation alimentaire découlant de la parenté ; qu'en application de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles, « les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. Les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d'au moins trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie sont, sous réserve d'une décision contraire du juge aux affaires familiales, dispensés de droit de fournir cette aide. Cette dispense s'étend aux descendants des enfants susvisés. La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de raide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus » ; que l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles dispose qu'en cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le Président du Conseil Général peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire, la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quotepart de l'aide sociale ; que constituent des aliments tout ce qui est nécessaire à la vie, notamment les soins médicaux et les prestations d'hébergement ; qu'en l'espèce, le Conseil Général de la Gironde sollicite le paiement d'une pension alimentaire globale de 142,36 euros à compter du dépôt de la requête en date du 6 février 2013 ; qu'il résulte du dossier et des débats que M. X... Roland est accueilli à l'Ehpad Paul Ardouin de Blaye, depuis le 9 février 2007 et que ses ressources d'un montant mensuel de 1.173,01 euros ne lui permettent pas de faire face au coût mensuel de l'hébergement à hauteur de 1.822,87 euros ; que par décision du 10 septembre 2012, le président du Conseil Général de la Gironde a accepté la demande d'aide sociale de M. X... Roland du 1er mars 2012 au 28 février 2017, et a décidé d'une participation globale et mensuelle de ses débiteurs d'aliments de 142,36 euros ; que cependant, une décision du même jour du Conseil Général retient qu'une hypothèque sera prise sur les biens immobiliers de l'intéressé ; qu'il ressort tant du courrier émanant du fils de M. X... que du courrier émanant de son épouse que M. X... Roland est propriétaire de parcelles de terre laissées à l'abandon ainsi que d'une maison ; que le Conseil Général ne donne aucune explication sur la suite réservée à la décision du 10 septembre 2012 prévoyant la prise d'une hypothèque sur les biens immobiliers de M. X... Roland ; que la curatrice de M. X... Roland ne produit pas l'inventaire de patrimoine de M. X... réalisé lors de l'ouverture de la mesure de curatelle ; que parmi les charges détaillées par la curatrice de M. X... apparaît une taxe foncière, ce qui vient corroborer l'existence d'un patrimoine immobilier ; que dans ces conditions, il convient de constater que la preuve d'un état de besoin de M. X... n'est pas suffisamment apportée, étant rappelé qu'il convient pour apprécier les ressources du créancier d'aliments de prendre en considération les revenus qu'une gestion utile de son patrimoine pourrait lui rapporter ; qu'en conséquence, le Conseil Général sera débouté de l'ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QUE l'état de besoin des personnes âgées et leur admission ou non à l'aide sociale relèvent des règles du code de l'action sociale et des familles ; que la cour, en énonçant, pour remettre en cause l'état de besoin de M. Roland X..., que c'était selon les critères légaux de l'article 205 du code civil et non les règles d'admission à l'aide sociale qu'il convenait d'apprécier les besoins de ce dernier et en refusant ainsi d'appliquer les règles du code de l'action sociale et des familles, a violé les articles L. 132-1 et L. 132-3 de ce code par refus d'application et l'article 205 du code civil par fausse application ;
2°) ALORS QUE le juge judiciaire n'est pas compétent pour juger de l'état de besoin des personnes âgées et de leur admission ou non à l'aide sociale, qui relèvent des règles du code de l'action sociale et des familles, son intervention se limitant à la seule fixation de la dette alimentaire ; que la cour d'appel, en remettant en cause l'état de besoin de M. Roland X... lorsqu'il lui incombait uniquement de fixer la dette alimentaire de son fils, a violé les articles L. 132-1 et L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ;
3°) ALORS QUE le Département ne saurait être tenu responsable de la mauvaise gestion par le bénéficiaire de l'aide sociale de son patrimoine ; que la cour d'appel qui, pour débouter le Conseil Général de la Gironde de sa demande en condamnation de M. Patrick X... à verser une pension alimentaire de 142,36 euros, a déduit l'absence d'état de besoin de M. Roland X..., de l'existence « d'un patrimoine immobilier qui pourrait être utilisé pour lui permettre d'augmenter ses ressources » et du défaut pour le Conseil général de la Gironde d'avoir invoqué « l'impossibilité de faire fructifier ce patrimoine », a ainsi fait peser sur le Département la mauvaise gestion du patrimoine de M. X... et a ainsi violé l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles ;
4°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge se doit d'analyser les ressources et les charges du créancier d'aliments susceptible de bénéficier de l'aide sociale à l'hébergement à la date où il statue, afin de vérifier si les revenus qu'il perçoit lui permettent de prendre en charge ses frais d'hébergement ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que M. Roland X... ne disposait pas de revenus suffisants pour régler en totalité ses charges d'accueil en maison de retraite, a néanmoins, pour débouter le Conseil Général de la Gironde de sa demande en condamnation de M. Patrick X... à verser une pension alimentaire de 142,36 euros, énoncé que le premier disposait d'un patrimoine immobilier qui pourrait être utilisé pour lui permettre d'augmenter ses ressources, sans que l'impossibilité de faire fructifier ce patrimoine ne soit invoquée, de sorte que son état de besoin n'était pas démontré, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire la preuve de l'état de besoin de M. Roland X... lui permettant de bénéficier d'une pension alimentaire, violant ainsi les articles 205 et 208 du code civil, ensemble l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-25377
Date de la décision : 04/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AIDE SOCIALE - Dispositions générales - Procédures - Participation et récupération - Carence de l'intéressé - Action contre un débiteur d'aliments - Fondement - Détermination - Portée

ALIMENTS - Obligation alimentaire - Etendue - Détermination - Portée ALIMENTS - Créance d'aliments - Obligation du débiteur - Exécution - Modalités - Fixation - Eléments à considérer - Ressources et besoins des parties - Appréciation - Modalités - Détermination

Quelles qu'en soient les modalités, et alors même qu'il s'agirait du recours prévu par l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles, l'action exercée contre un débiteur d'aliments a toujours pour fondement les dispositions du code civil régissant la dette d'aliments, et notamment l'article 208 du code civil selon lequel les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit. Dès lors cette appréciation n'est pas soumise aux règles d'attribution de l'aide sociale


Références :

article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles

article 208 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 12 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 nov. 2015, pourvoi n°14-25377, Bull. civ. 2016, n° 839, 1re Civ., n° 408
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 839, 1re Civ., n° 408

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : Mme Valdès Boulouque
Rapporteur ?: Mme Guyon-Renard
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.25377
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