LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1243-1 et L. 1243-4 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
Attendu que, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par l'Institut du porc (IFIP) en qualité d'ingénieur du Pôle économie, par contrat à durée déterminée d'une durée de trois ans, du 6 avril 2009 au 5 avril 2012, dans le cadre d'une thèse financée par une bourse convention industrielle de formation pour la recherche (CIFRE), mise en oeuvre sous la co-tutelle de l'IFIP, de l'INRA et de l'Agrocampus Ouest ; que le directeur de thèse (chargé de recherches à l'INRA) a notifié à l'IFIP le 15 novembre 2010 sa décision d'arrêter d'encadrer la thèse ; que l'IFIP a alors notifié à la salariée le 13 décembre 2010 la rupture du contrat à durée déterminée pour disparition de son objet ; que contestant la rupture, l'intéressée a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour débouter la salariée de ses demandes en dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'examen de l'ensemble des mails échangés confirme que c'est bien le directeur de thèse, rattaché à l'INRA, qui a pris la décision d'arrêter l'encadrement de la thèse pour « absence de maîtrise des notions fondamentales pour l'appréhension des enjeux de la filière porcine », que la décision de l'INRA d'arrêter l'encadrement de la thèse, qui entraînait la rupture des conventions CIFRE et du contrat de collaboration scientifique IFIP/INRA a constitué pour l'IFIP une situation de force majeure, privant le contrat à durée déterminée, de son objet, qu'alors que l'employeur qui recrute un salarié en contrat à durée déterminée doit justifier d'un motif précis et que le contrat à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif, celui de Mme X... ne pouvait se poursuivre, faute de support financier et universitaire ainsi que de possibilité d'accueil à mi-temps à l'INRA, outre que l'IFIP perdait également le bénéfice de la possibilité d'utiliser le résultat des travaux de la doctorante, que l'IFIP ne pouvait être contraint à transformer le contrat en contrat à durée déterminée classique, alors que le besoin d'un poste d'ingénieur en contrat à durée déterminée au Pôle économie n'existait pas ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser un cas de force majeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne l'association IFIP Institut du porc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le contrat de travail à durée déterminée de trois ans de la salariée avait été rompu de façon injustifiée au regard des dispositions de l'article L. 1243-1 du Code du travail et, par conséquent, d'AVOIR débouté cette dernière de ses demandes indemnitaires pour rupture abusive du contrat à durée déterminée.
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article D. 1242-3-4° du code du travail, un CDD peut être conclu en application de l'article L 1242-3 du même code, lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle aux bénéficiaires d'une aide financière individuelle à la formation par la recherche ; que l'article D. 1242-6 du code du travail précise que la durée de ce contrat ne peut être supérieure à celle de la période donnant lieu au bénéfice de l'aide financière ; que c'est dans ce cadre que Madame X... a signé un CDD avec l'IFIP ; que ses travaux de recherche étaient encadrés par : - Monsieur Karl Y..., chargé de recherche à l'INRA, directeur de la thèse, - Madame Sabine Z..., maître de conférences à Agrocampus de Rennes, co-encadrant de la thèse, Monsieur Michel A..., directeur du Pôle Economique de l'IFIP, son référent dans l'entreprise ; qu'en conformité avec le dispositif CIFRE, 3 conventions ont été signées : - une convention CIFRE entre l'IFIP et l'ANRT (organisme délégué par le Ministère de la Recherche pour la gestion des bourses CIFRE), par laquelle l'IFIP s'engageait à embaucher Madame X... pour une durée de 36 mois, en contrepartie d'une subvention d'un montant de 14 000 € annuels versés par le Ministère de la Recherche, avec l'obligation pour l'IFIP de vérifier chaque année l'inscription du doctorant à une école doctorale accréditée et à fournir à l'ANRT chaque année une attestation d'inscription ; que cette convention prenait effet à la date d'effet du CDD, - un contrat de collaboration entre l'IFIP et l'INRA, organisant l'accueil de la doctorante (celle ci devant partager son temps pour moitié à l'INRA et pour moitié à l'IFIP) et l'utilisation de ses travaux de recherche, contrat d'une durée de 36 mois dont la date d'effet était la date d'entrée en vigueur de la convention CIFRE, - un CDD de 36 mois entre Madame X... et l'IFIP « conclu dans le cadre d'une thèse cofinancée par une bourse CIFRE d'une durée de trois ans » dans le cadre duquel Madame X... avait l'obligation de consacrer professionnellement toute son activité au service de la mission co-animée par l'INRA, l'Agrocampus et l'IFIP ; qu'il résulte de l'examen de ces conventions et des pièces soumises aux débats contradictoires que les trois conventions avaient une durée identique, étaient interdépendantes quant à leur date d'effet, tous les intervenants participaient au montage, les conventions faisaient référence les unes aux autres, la doctorante devait partager son temps entre l'IFIP et l'INRA, elles forment donc un ensemble contractuel indivisible ; que d'autre part, l'examen de l'ensemble des mails échangés confirme que c'est bien le directeur de thèse, rattaché à l'INRA, qui a pris la décision d'arrêter l'encadrement de la thèse pour « absence de maîtrise des notions fondamentales pour l'appréhension des enjeux de la filière porcine » et que la proposition de recherche formulée par Monsieur A... s'inscrivait bien dans le cadre de la thèse toujours en cours le 19 octobre 2010 ; que l'allégation de Madame X... selon laquelle l'IFIP lui aurait signifié verbalement l'arrêt de sa thèse, qui n'est étayée par aucune pièce, est contredite par le fait que l'IFIP a sollicité le 28 octobre 2010 un certificat de scolarité, ce qui implique qu'elle se situait dans la poursuite du contrat ; que les mails échangés par les encadrants documentent par ailleurs les difficultés de Madame X... qui ont conduit à l'arrêt de la thèse ; que la décision de l'INRA d'arrêter l'encadrement de la thèse, qui entraînait la rupture des conventions CIFRE et du contrat de collaboration scientifique IFIP/INRA a constitué pour l'IFIP une situation de force majeure, privant le CDD de son objet ; qu'en effet, comme le soutient l'IFIP, alors que l'employeur qui recrute un salarié en CDD doit justifier d'un motif précis et que le CDD ne peut comporter qu'un seul motif, le CDD de Mme X... ne pouvait se poursuivre, faute de support financier et universitaire ainsi que de possibilité d'accueil à mi temps à l'INRA, outre que l'IFIP perdait également le bénéfice de la possibilité d'utiliser le résultat des travaux de la doctorante ; que l'IFIP ne pouvait être contraint, comme il le soutient justement, à transformer le contrat en CDD classique, alors que le besoin d'un poste d'ingénieur en CDD au Pôle Economie n'existait pas ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement qui a fait droit aux demandes indemnitaires de Mme X... ; que l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; que Mme X..., qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
ALORS QUE sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée conclu dans le cadre d'une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ; qu'en statuant ainsi, par des motifs ne caractérisant pas le caractère imprévisible et irrésistible des éléments retenus et partant impropres à caractériser un cas de force majeure libérant l'employeur de ses obligations, la Cour d'appel a violé les articles L. 1243-1 et L. 1243-4 du Code du travail (dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011), ensemble l'article 1147 du Code civil.