La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2015 | FRANCE | N°14-15262

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 2015, 14-15262


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur contredit (Colmar, 6 février 2014), que M. X..., engagé le 17 janvier 1994 en qualité de bûcheron sylviculteur par la commune de Strasbourg pour être affecté à l'entretien des 6 000 hectares de terres, forêts, cours d'eau, plans d'eau, voiries, allées, sentiers et autres cheminements, terrains non affectés et friches, appartenant au domaine privé de la ville de Strasbourg, de la communauté urbaine et des cinq fondations et legs administrés p

ar le maire, a été licencié par lettre du 30 décembre 2011 ;
Attendu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur contredit (Colmar, 6 février 2014), que M. X..., engagé le 17 janvier 1994 en qualité de bûcheron sylviculteur par la commune de Strasbourg pour être affecté à l'entretien des 6 000 hectares de terres, forêts, cours d'eau, plans d'eau, voiries, allées, sentiers et autres cheminements, terrains non affectés et friches, appartenant au domaine privé de la ville de Strasbourg, de la communauté urbaine et des cinq fondations et legs administrés par le maire, a été licencié par lettre du 30 décembre 2011 ;
Attendu que la commune de Strasbourg fait grief à l'arrêt de dire le conseil de prud'hommes de Strasbourg compétent pour connaître du litige opposant la commune à M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que M. X... se limitait à faire valoir que son contrat était soumis à la convention collective régionale des exploitations forestières d'Alsace et que la forêt à l'entretien de laquelle il participait relevait du domaine privé de la commune sans jamais prétendre relever du statut des bûcherons de plaine recrutés pour être affectés à des travaux forestiers, prévu par l'article L. 761-4-1 du code rural, ni même réaliser de tels travaux, là où la commune mentionnait que l'activité à laquelle l'intéressé participait portait sur l'entretien des forêts et non sur une activité commerciale d'exploitation du bois ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que l'intéressé exécutait des travaux forestiers, au sens de l'article L. 722-3 du code rural, et qu'il relevait au regard de cette seule circonstance du statut prévu par l'article L. 761-4-1 précité, sans permettre aux parties de présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que, sauf disposition législative contraire, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ; que l'entretien par une commune d'une forêt relevant de son domaine privé constitue une activité de service public à caractère administratif, et les personnels y participant sont des agents de droit public, quel que soit leur emploi et, dans le cas, prévu à l'article L. 761-4-1 du code rural pour les communes des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, tant qu'ils ne sont pas affectés par ailleurs à la réalisation d'opérations de travaux forestiers ayant pour seule fin de procéder à la vente de bois abattus et façonnés ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... était affecté à l'entretien des espaces forestiers du domaine privé de la commune de Strasbourg et participait à une activité ayant pour objet de préserver le milieu naturel entourant la commune de Strasbourg, participant à la qualité de vie de ses habitants et assurant leur accès à des activités culturelles et de loisirs ; qu'en retenant, en l'absence de toute activité réalisée aux seules fins de vente de bois abattus et façonné, que le contrat de M. X... était soumis à un régime de droit privé, au motif inopérant que l'intéressé exécuterait dans le cadre de son affectation des travaux forestiers au sens de l'article L. 722-3 du code rural, la cour d'appel n'a pas tiré des conséquences légales de ses propres constatations et a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3°/ que les bûcherons et ouvriers recrutés par une commune des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ne sont des salariés agricoles que s'ils sont affectés, ne serait-ce partiellement, à une activité de travaux forestiers ; qu'en déduisant que M. X... était un salarié agricole de la seule circonstance que l'intéressé exécutait des travaux forestiers dans le cadre de son affectation à l'entretien des forêts, sans constater une affectation à une activité de travaux forestiers, la cour d'appel a violé l'article L. 761-4-1 du code rural ;
4°/ que la réalisation de travaux forestiers, au sens des articles L. 761-4-1 et L. 722-3 du code rural, suppose une activité de récolte de bois, de reboisement et de sylviculture ou des travaux d'équipements forestiers accessoires aux travaux réalisés pour cette activité ; qu'en qualifiant de tels les travaux réalisés par M. X... dans le cadre d'une activité d'entretien des forêts ayant objet de préserver le milieu naturel entourant la commune de Strasbourg, participant à la qualité de vie de ses habitants et assurant leur accès à des activités culturelles et de loisirs, la cour d'appel a violé les deux textes précités ;
5°/ qu'en se déterminant au regard des seules mentions du contrat et non des tâches réalisées par l'agent et en s'abstenant de la sorte de constater la réalisation, effective, par l'intéressé de travaux lui permettant de relever du statut de salarié agricole, la cour d'appel a violé les articles L. 761-4-1 et L. 722-3 du code rural, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des articles L. 761-4-1 et L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime, dont M. X... se prévalait, que la qualité de salarié de droit privé est réservée aux seuls bûcherons et ouvriers affectés à des travaux forestiers s'inscrivant dans le cadre d'une activité commerciale des collectivités publiques des départements d'Alsace-Moselle qui les emploient, en particulier de l'activité de vente de bois abattu et façonné ;
Et attendu que c'est sans se référer aux seules stipulations du contrat aux termes duquel M. X... avait été engagé en qualité de bûcheron sylviculteur, que la cour d'appel a constaté que l'intéressé exécutait des travaux forestiers tels que définis par l'article L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime ;
Qu'il s'ensuit que le moyen qui manque en fait en ses première et cinquième branches n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Strasbourg aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la commune de Strasbourg
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'avoir dit que le conseil de prud'hommes de Strasbourg est compétent pour connaître du litige opposant Monsieur X... et la commune de Strasbourg et renvoyé l'affaire devant ledit tribunal ;
Aux motifs que le contrat de travail de Monsieur X... dispose qu'il était employé en qualité de bûcheron sylviculteur et qu'il était affecté à l'entretien des 6 000 hectares de terres, forêts, cours d'eau, plans d'eau, voiries, allées, sentiers et autres cheminements, terrains non affectés et friches, appartenant au domaine privé de la Ville de Strasbourg, de la Communauté Urbaine de Strasbourg et des cinq fondations et legs à affectation spéciale administrés par le maire de Strasbourg ; que sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public quelque soit leur emploi ; qu'au vu des pièces versées aux débats, Monsieur X... travaillait pour le compte d'un service public à caractère administratif ; qu'il s'agissait en effet d'une activité exercée en régie par une personne publique, à savoir la Ville de Strasbourg ; que d'autre part, même portant sur le domaine privé de cette collectivité territoriale, elle avait pour objet de préserver le milieu naturel entourant la commune de Strasbourg, participait à la qualité de la vie de ses habitants et assurait leur accès à des activités culturelles et de loisir ; que cette activité était donc exercée principalement dans l'intérêt général même si le domaine privé de la Ville de Strasbourg et de la Communauté Urbaine de Strasbourg était également accessoirement exploité commercialement ; que tout service public est présumé être à caractère administratif et en l'espèce aucune partie n'a tenté de renverser cette présomption en alléguant qu'il s'agissait d'un service public à caractère industriel et commercial ; que toutefois l'article L. 761-1-1 du code rural, issu de la loi 2001-602 du 11 juillet 2001, dispose que : « Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les bûcherons et les ouvriers recrutés par les commune, les établissements publics de coopération intercommunale ayant compétences pour la gestion forestière et les établissement publics mentionnés aux articles L. 148-9 et L. 148-13 du code forestier pour être affectés aux travaux forestiers visés à l'article L. 722-3 dans les forêts de ces communes ou de ces établissements sont des salariés agricoles dont les contrat de travail relèvent du présent titre et du code du travail. » ; qu'aux termes de l'article L. 722-3 du code rural, « Sont considérés comme travaux forestiers : 1° Les travaux de récolte de bois, à savoir abattage, ébranchage, élagage, éhoupage, débardage sous toutes ses formes, les travaux précédant ou suivant ces opérations tels que débroussaillement, nettoyage des coupes ainsi que transport de bois effectué par l'entreprise qui a procédé à tout ou partie des opérations précédentes et, lorsqu'ils sont affectés sur le parterre de la coup, les travaux de façonnage, de conditionnement du bois, de sciage et de carbonisage, quels que soient les procédés utilisés ; 2° Les travaux de reboisement et de sylviculture, y compris l'élagage, le débroussaillement et le nettoyage des coupes ; 3° Les travaux d'équipement forestier, lorsqu'ils sont accessoires aux travaux ci-dessus Ces travaux conservent leur caractère forestier lorsqu'ils sont effectués en-dehors du parterre de la coupe par une entreprise ou ne section d'entreprise dont l'activité principale est l'exploitation forestière ou la production de bois brut de sciage » ; que Monsieur X... ayant été embauché comme bûcheron sylviculteur par une commune, il exécutait nécessairement les tâches visées à cet article du code rural ; qu'il était donc lié à la Ville de Strasbourg par un contrat de travail relevant du code du travail ; qu'en vertu d'une disposition législative contraire, le litige opposant Monsieur X... à la Ville de Strasbourg, relève de la compétence matérielle du conseil de prud'hommes définie aux articles L. 1411-1 et suivants du code du travail ;

Alors, de première part, que Monsieur X... se limitait à faire valoir que son contrat était soumis à la convention collective régionale des exploitations forestières d'Alsace et que la forêt à l'entretien de laquelle il participait relevait du domaine privé de la commune sans jamais prétendre relever du statut des bûcherons de plaine recrutés pour être affectés à des travaux forestiers, prévu par l'article L. 761-4-1 du code rural, ni même réaliser de tels travaux, là où la commune mentionnait que l'activité à laquelle l'intéressé participait portait sur l'entretien des forêts et non sur une activité commerciale d'exploitation du bois ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que l'intéressé exécutait des travaux forestiers, au sens de l'article L. 722-3 du code rural, et qu'il relevait au regard de cette seule circonstance du statut prévu par l'article L. 761-4-1 précité, sans permettre aux parties de présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part, que, sauf disposition législative contraire, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ; que l'entretien par une commune d'une forêt relevant de son domaine privé constitue une activité de service public à caractère administratif, et les personnels y participant sont des agents de droit public, quel que soit leur emploi et, dans le cas, prévu à l'article L. 761-4-1 du code rural pour les communes des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, tant qu'ils ne sont pas affectés par ailleurs à la réalisation d'opérations de travaux forestiers ayant pour seule fin de procéder à la vente de bois abattus et façonnés ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que Monsieur X... était affecté à l'entretien des espaces forestiers du domaine privé de la commune de Strasbourg et participait à une activité ayant pour objet de préserver le milieu naturel entourant la commune de Strasbourg, participant à la qualité de vie de ses habitants et assurant leur accès à des activités culturelles et de loisirs ; qu'en retenant, en l'absence de toute activité réalisée aux seules fins de vente de bois abattus et façonné, que le contrat de Monsieur X... était soumis à un régime de droit privé, au motif inopérant que l'intéressé exécuterait dans le cadre de son affectation des travaux forestiers au sens de l'article L. 722-3 du code rural, la cour d'appel n'a pas tiré des conséquences légales de ses propres constatations et a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Alors, de troisième part, que les bûcherons et ouvriers recrutés par une commune des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ne sont des salariés agricoles que s'ils sont affectés, ne serait-ce partiellement, à une activité de travaux forestiers ; qu'en déduisant que Monsieur X... était un salarié agricole de la seule circonstance que l'intéressé exécutait des travaux forestiers dans le cadre de son affectation à l'entretien des forêts, sans constater une affectation à une activité de travaux forestiers, la cour d'appel a violé l'article L. 761-4-1 du code rural ;
Alors, de quatrième part, que la réalisation de travaux forestiers, au sens des articles L. 761-4-1 et L. 722-3 du code rural, suppose une activité de récolte de bois, de reboisement et de sylviculture ou des travaux d'équipements forestiers accessoires aux travaux réalisés pour cette activité ; qu'en qualifiant de tels les travaux réalisés par Monsieur X... dans le cadre d'une activité d'entretien des forêts ayant objet de préserver le milieu naturel entourant la commune de Strasbourg, participant à la qualité de vie de ses habitants et assurant leur accès à des activités culturelles et de loisirs, la cour d'appel a violé les deux textes précités ;
Alors, en tout état de cause, qu'en se déterminant au regard des seules mentions du contrat et non des tâches réalisées par l'agent et en s'abstenant de la sorte de constater la réalisation, effective, par l'intéressé de travaux lui permettant de relever du statut de salarié agricole, la cour d'appel a violé les articles L. 761-4-1 et L. 722-3 du code rural, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-15262
Date de la décision : 28/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif au domaine privé - Alsace-Moselle - Exploitation des forêts des collectivités territoriales - Bûcherons et ouvriers affectés aux travaux forestiers - Salariés de droit privé - Conditions - Détermination

SEPARATION DES POUVOIRS - Collectivités territoriales - Commune - Domaine privé - Travaux forestiers - Travaux effectués par une collectivité publique d'Alsace-Moselle - Recrutement du personnel - Régime juridique - Détermination - Exploitation commerciale - Absence d'influence SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif à un contrat de droit privé - Cas - Contentieux de la rupture du contrat de travail d'un agent recruté pour participer à l'activité de gestion du domaine privé d'une personne publique - Applications diverses

Il ne résulte pas des articles L. 761-4-1 et L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime que la qualité de salarié de droit privé est réservée aux seuls bûcherons et ouvriers affectés à des travaux forestiers s'inscrivant dans le cadre d'une activité commerciale des collectivités publiques des départements d'Alsace-Moselle qui les emploient, en particulier de l'activité de vente de bois abattu et façonné


Références :

articles L. 722-3 et L. 761-4-1 du code rural et de la pêche maritime

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 06 février 2014

Sur la détermination du régime juridique du personnel recruté par une personne publique pour gérer son domaine privé, cf. :Tribunal des conflits, 15 janvier 2007, Bull. 2007, T. conflits, n° 5, et la décision citée


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 oct. 2015, pourvoi n°14-15262, Bull. civ. 2016, n° 838, Soc., n° 391
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 838, Soc., n° 391

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Petitprez
Rapporteur ?: M. Béraud
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.15262
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award