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22/10/2015 | FRANCE | N°14-20549

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-20549


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité d'expert-comptable le 8 octobre 2001 par M. Y... ; qu'ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 mars 2011, elle a saisi le tribunal du travail ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de solde de salaire pour le mois de mars 2011, l'arrêt retient que l'examen des fiches de paie ne permet pas de

confirmer ses dires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur n...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en qualité d'expert-comptable le 8 octobre 2001 par M. Y... ; qu'ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 mars 2011, elle a saisi le tribunal du travail ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de solde de salaire pour le mois de mars 2011, l'arrêt retient que l'examen des fiches de paie ne permet pas de confirmer ses dires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur ne justifiait pas, notamment par la production de pièces comptables, du paiement du salaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était injustifiée et débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel énonce que celle-ci ne justifie pas d'une volonté délibérée de l'employeur de la pousser à la démission, qu'elle ne prétend plus devant la cour avoir subi des attitudes et des propos dégradants de la part de son employeur, ni avoir été privée de messagerie internet ou d'un logiciel de gestion de l'entreprise et qu'elle abandonne également sa demande au titre d'heures supplémentaires non rémunérées ;
Qu'en statuant ainsi, en s'abstenant d'examiner le certificat médical faisant état d'un « état de stress majeur lié à des difficultés professionnelles », produit aux débats par la salariée en vue de démontrer que sa prise d'acte s'inscrivait dans un contexte de dégradation de ses conditions de travail constitutive d'une situation de harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que Mme X... ne démontre pas la réalité des heures supplémentaires dont elle réclame le paiement, l'arrêt rendu le 8 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de Réunion, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement de la somme de 2. 000 € au titre du solde de salaire du mois de mars 2011 ;
AUX MOTIFS QUE « Mme Laurence X... prétend qu'elle n'a perçu qu'une somme de 490, 35 €, l'employeur ayant imputé à tort l'avance de 2. 000 € payée au titre du mois de janvier 2011 sur le salaire du mois de mars ; que M. Y... s'oppose à la demande en se référant au solde de tout compte ; que l'examen des fiches de paie produites par l'appelant ne permet pas de confirmer ses dires ; que la fiche de paie de mars 2011 porte la mention " salaire mars réglé en avril : 2. 490, 35 € " ; qu'elle ne justifie pas de sa demande et doit en être déboutée » ;
ALORS QUE celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui en a produit l'extinction ; que l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat ; que Madame X... soutenait (ses conclusions, page 27) que le salaire du mois de mars 2011 ne lui avait pas été intégralement réglé, et demandait en conséquence le paiement du reliquat à hauteur de 2. 000 ¿ ; qu'en déboutant la salariée de sa demande, au seul motif que les bulletins de paie faisaient apparaître le paiement intégral du salaire au mois de mars 2011 et sans faire ressortir que l'employeur justifiait du paiement effectif du salaire, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L. 143-8 du Code du travail applicable à Mayotte.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Madame X... était injustifiée et produisait, dès lors, les effets d'une démission, de l'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes présentées à titre d'indemnité de préavis, congé payés y afférents, indemnités de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et dommages et pour préjudice moral, et de l'AVOIR condamnée à payer à Monsieur Y... les sommes de 5. 187, 16 € à titre d'indemnité de préavis et 1. 000 € au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette décision entraîne la cessation immédiate et irrévocable du contrat de travail ; que cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Qu'il y a donc lieu de rechercher si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié était justifiée c'est à dire si les faits invoqués par la salariée étaient établis et suffisamment graves ; que la charge de la preuve pèse sur le salarié ; qu'au vu des éléments versés aux débats en cause d'appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d'appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l'espèce que la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'une démission ; que pour justifier devant la cour sa prise d'acte de la rupture, l'appelante reproche à son employeur de l'avoir " mise sur la touche " en l'envoyant travailler à partir du mois d'avril 2010 dans les locaux d'une de ses sociétés située zone NEL, où elle devait vendre des pièces détachées d'automobiles, en lui retirant même sa fonction de secrétaire comptable à partir de janvier 2011 ; que la preuve de ces accusations ne saurait résulter de la seule production d'une série de photographies montrant un poste de travail dans un local vide, des extraits K bis concernant plusieurs sociétés appartenant à M. Y... et deux attestations de clients ; Qu'en effet, la localisation du lieu de travail doit être relativisée par rapport au fait que depuis 2003, la salariée qui constituait un élément important dans l'organisation de M. Y..., circulait entre les diverses sociétés de son employeur ; que ce dernier conteste avoir imposé à Mme Laurence X... l'obligation de se tenir en permanence dans les locaux dont elle montre les photographies et que les attestations des clients ne sont nullement probantes à cet égard ; que s'agissant de la quantité de travail à laquelle Mme Laurence X... était astreinte, elle ne peut qu'être appréciée en faisant abstraction du contexte économique difficile dans lequel évolue M. Y... et la baisse d'activité illustrée par la dissolution de trois sociétés en 2009 et 2010 a pu justifier une réduction du travail demandé à la salariée, étant observé qu'elle n'a jamais subi de diminution de salaire ; Qu'en tout état de cause, l'appelante ne justifie pas d'une volonté délibérée de l'employeur de la pousser à la démission, comme elle le soutient ; que d'ailleurs, elle ne prétend plus devant la cour avoir subi des attitudes et des propos dégradants de la part de M. Y..., ni avoir été privée de messagerie internet ou d'un logiciel de gestion de l'entreprise ; qu'enfin, elle abandonne également sa demande au titre d'heures supplémentaires non rémunérées ; que dans ces conditions la preuve de manquements suffisamment graves par l'employeur à ses obligations n'est pas rapportée et que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte par Mme Laurence X... de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission ; Que l'appelante ne peut dès lors prétendre à aucune indemnité de rupture ni dommages et intérêts ; (...) que le non-respect par le salarié du délai de préavis ouvre droit au profit de l'employeur à une indemnité compensatrice indépendante du préjudice subi que les premiers juges ont justement fixée à deux mois de salaire » ;
1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Madame X... était injustifiée ;
2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE Madame X... avait fait valoir qu'elle avait été embauchée par Monsieur Y... en tant que personne physique, en vue de travailler au sein de l'entreprise AUTO PIÈCES Y..., seule entreprise directement exploitée par l'employeur, et non par les diverses sociétés dont Monsieur Y... était le dirigeant ; qu'elle faisait valoir également que l'entreprise AUTO PIÈCES Y... connaissait une activité normale de sorte que les difficultés économiques que connaissaient les autres sociétés dirigées par Monsieur Y... ne pouvaient justifier la réduction des tâches confiées à la salariée ; qu'en se bornant à affirmer que « la baisse d'activité illustrée par la dissolution de trois sociétés en 2009 et 2010 a pu justifier une réduction du travail demandé à la salariée », cependant qu'il lui incombait d'examiner la situation du seul employeur, c'est-à-dire Monsieur Y... en personne en sa qualité d'exploitant à titre personnel de l'entreprise AUTO PIÈCES Y..., la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code du travail applicable à Mayotte et 1134 du Code civil ;
3°/ QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'employeur a l'obligation de fournir du travail à ses salariés ; qu'il lui incombe, s'il estime ne plus être en mesure de le faire en raison de la situation économique de l'entreprise, de mettre en oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique ; qu'en se bornant à dire, pour écarter toute faute de l'employeur, que la baisse d'activité des sociétés qu'il contrôlait justifiait la réduction du travail demandé à la salariée, cependant que cette circonstance n'était pas de nature à écarter l'existence d'un manquement commis par l'employeur dont il lui incombait d'examiner s'il justifiait la prise d'acte de la rupture, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code du travail applicable à Mayotte et 1134 du Code civil ;
4°/ ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en s'abstenant d'examiner le certificat médical faisant état d'un « état de stress majeur lié à des difficultés professionnelles » produit aux débats par Madame X... en vue de démontrer que sa prise d'acte avait été prise dans un contexte de dégradation de ses conditions de travail constitutive d'une situation de harcèlement moral et justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5°/ ALORS, DE CINQUIÈME PART, QU'une modification du contrat de travail ne peut être imposée au salarié sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite de la relation de travail selon les modalités décidées unilatéralement par l'employeur ; qu'en se fondant, pour rejeter le grief tenant à la modification des fonctions de Madame X... et au fait qu'elle avait été affectée à la vente de pièces détachées d'automobiles dans les locaux de la société INTERPNEU puis de la société GARAGE DE L'ÎLE alors qu'elle avait été embauchée en tant que secrétaire comptable au sein de l'entreprise individuelle AUTO PIÈCES Y..., sur le fait que Madame X... avait circulé depuis 2003 entre les diverses sociétés de son employeur, sans caractériser l'accord exprès de la salariée à cette modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 121-1 du Code du travail applicable à Mayotte et 1134 du Code civil ;
6°/ ALORS, DE SIXIÈME PART, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant que Madame X... avait circulé depuis 2003 entre les diverses sociétés de son employeur, sans préciser sur quelles pièces elle se fondait pour retenir l'existence de ce fait qui n'était pas admis par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
7°/ ALORS, DE SEPTIÈME PART, QU'en s'abstenant de rechercher si le dépôt de plainte en date du 11 mars 2011 ne démontrait pas, ainsi que le soutenait Madame X... dans ses écritures, que son poste de travail était effectivement situé depuis 2010 au sein de la société INTERPNEU et non pas au sein de l'entreprise AUTO PIÈCES Y..., la cour d'appel a méconnu derechef les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
8°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'en affirmant que Madame X... ne justifiait pas d'une volonté délibérée de l'employeur de la pousser à la démission, quand il lui incombait seulement d'examiner si les manquements commis par l'employeur étaient suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture, ce que ne suffisait pas à exclure l'absence de preuve de ce que lesdits manquements avaient pour but de pousser la salariée à la démission, la cour d'appel a, pour cette raison supplémentaire, statué par des motifs inopérants et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail applicable à Mayotte et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-20549
Date de la décision : 22/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Chambre d'appel de la CA de St Denis de la Réunion à Mamoudzou, 08 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 oct. 2015, pourvoi n°14-20549


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.20549
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