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22/10/2015 | FRANCE | N°14-17654

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-17654


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2014) que Mme X... a été engagée à compter du 1er mai 1963 en qualité de dactylographe par la Radio télévision française devenue l'Office de radio télévision française en 1967, et actuellement la société nationale de radio diffusion Radio France ; qu'avant son départ à la retraite en février 2009, la salariée occupait le poste de chargée de réalisation radio ; que par jugement du 5 avril 1982, il lui a été reconnu la qualification d'assistante de production ; que ce jugement a été confirmé par arrêt du 9 décembre 1987 Ã

  la suite duquel a été signée une transaction le 13 mai 1988 prévoyant le v...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2014) que Mme X... a été engagée à compter du 1er mai 1963 en qualité de dactylographe par la Radio télévision française devenue l'Office de radio télévision française en 1967, et actuellement la société nationale de radio diffusion Radio France ; qu'avant son départ à la retraite en février 2009, la salariée occupait le poste de chargée de réalisation radio ; que par jugement du 5 avril 1982, il lui a été reconnu la qualification d'assistante de production ; que ce jugement a été confirmé par arrêt du 9 décembre 1987 à la suite duquel a été signée une transaction le 13 mai 1988 prévoyant le versement d'une somme de 100 000 francs ; que par jugement définitif du 23 juin 1997, le conseil de prud'hommes a débouté l'intéressée de sa demande en dommages-intérêts pour sanction abusive mais a fait droit à sa demande relative aux heures supplémentaires ; que contestant le niveau de sa qualification professionnelle et invoquant une discrimination salariale, la salariée a saisi à nouveau la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à la salariée au titre de l'atteinte au principe d'égalité de traitement alors, selon le moyen :
1°/ que la connaissance de l'étendue du préjudice ne saurait constituer un élément nouveau de nature à autoriser une dérogation au principe de l'unicité d'instance dès lors que le fondement de l'action pouvait être envisagé avant la clôture des débats de l'instance antérieure ; qu'en rejetant la fin de non recevoir tirée de ce principe au motif que la salariée n'a eu connaissance de l'étendue de son préjudice qu'à partir de la communication par l'employeur des documents nécessaires à l'établir, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail ;
2°/ que la communication par l'employeur des documents nécessaires permettant au salarié d'établir des comparaisons en matière salariale et de promotion professionnelle avec les autres salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable a été ordonnée à la demande de la salariée au cours de l'instance nouvelle qu'elle a introduite pour faire dire et juger que la société employeur avait méconnu le principe « A travail égal, salaire égal » ; que cette communication ne saurait donc constituer la cause du nouveau litige pas plus que le fondement des prétentions nouvelles de la salariée ; qu'en confondant le fondement des prétentions avec la communication des documents permettant d'établir la preuve de leur bien fondé, communication qui a eu lieu au cours de l'instance nouvelle, la cour d'appel a violé l'article R. 452-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la salariée n'ayant pu avoir connaissance des documents de nature à révéler l'existence de la rupture d'égalité dont elle était victime que par la production par l'employeur du parcours professionnel de ses autres collègues de travail le 31 mars 2006, soit postérieurement à la clôture de la précédente instance, la cour d'appel a exactement décidé que la règle de l'unicité de l'instance ne s'opposait pas à l'introduction par la salariée d'une autre instance devant le conseil de prud'hommes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable et le moyen unique du pourvoi principal de la salariée :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme Malika X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 30. 000 € le montant des dommages et intérêts alloués à Mme Malika X... au titre de l'inégalité salariale dont elle a été la victime ;
AUX MOTIFS QUE le principe « à travail égal, salaire égal », énoncé par les articles L. 2261-22 et L. 2271-1 du code du travail, impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pourvu que les salariés en cause soient placés dans une situation identique ; qu'en application de l'article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; que l'employeur doit rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant, si elle existe, cette différence ; qu'en l'espèce, Mme X... produit un tableau récapitulatif de la carrière de trente-huit autres chargés de réalisation à Radio France qu'elle compare à son relevé de carrière ; que ce tableau concerne trente-huit chargés de réalisation ayant une ancienneté importante dans l'entreprise puisqu'embauchés entre 1962 et 1983 ; qu'il en résulte, comme l'avait mentionné le conseil de prud'hommes, que seuls quatre de ces chargés de réalisation ont atteint le niveau B 21-1 en juillet 2000, comme Mme X..., et que ces quatre salariés avaient une ancienneté bien inférieure à celle de Mme X... (embauchés entre 1979 et 1983, alors que Mme X... a été embauchée en 1983 et est devenue régisseur de production en 1971) ; que trente autres de ces chargés de production ont été promus au niveau B 21-1 entre 1990 et 1999, et quatre autres, embauchés en 1974 et 1977, ont atteint ce niveau entre 2001 et 2002 ; que Mme X..., qui est restée classée B 21 de juillet 2000 jusqu'à sa retraite prise en février 2009, évoque les situations particulières de Mme Y..., embauchée en 1962, classée B 16 à l'embauche, promue B 21-1 en 1994, puis 24-0 en 2000, Mme Z..., embauchée en 1974 au niveau B 16, promue B 21-1 en 1994 et B 24-0 en 2000, Mme A..., embauchée en 1969 au niveau B 16, promue B 21-1 en 1992, B 24-0 en 1998 et B 25-0 en 2002, Mme B..., embauchée en 1976 au niveau B 8, promue B 16 en 1985, B 21-1 en 1998 et B 24-0 en 2005, M. C..., embauché en 1974 au niveau B 16, promu B 21-1 en 1991, B 24-0 en 1998 et B 25 en 2002, M. K..., embauché en 1974 au niveau B 16, promu B 21-1 en 1990 et B 24-0 en 1996, M. D..., embauché en 1980 au niveau B 15, promu B 21-1 en 1997 et B 24-0 en 2007, M. E..., embauché en 1980 au niveau B 8, promu B 16 en 1994 et B 24-0 en 2007, Mme F..., embauchée en 1983 au niveau B 15, promue B 21-1 en 1996, B 24-0 en 2002 et B 25 en 2007, Mme G..., embauchée en 1984 au niveau B 15, promue B 16 et B 21-1 en 2003, puis B 24-0 en 2008, M. H..., embauché en 1987 au niveau B 8, promu B 16 en 1993, B 21-1 en 2001 et B 24-0 en 2008, et M. I..., embauché en 1988 au niveau B 8, promu B 21-1 en 2002 et B 24-0 en 2008 ; qu'il en résulte qu'à l'exception des salariés G..., H... et I..., qui ont été promus au niveau B 21 après Mme X..., tous ont été promus au niveau B 24, contrairement à Mme X... qui est restée au niveau B 21 de 2000 à 2009 ; que le tableau anonyme versé aux débats par la société Radio France qui compare les salaires versés à trente-trois chargés de réalisation radio de 2001 à 2007 (seules trente-et-une rémunérations, y compris celle de Mme X..., sont exploitables, celles des salariés 7 et 8 étant exclus du tableau car elles ne sont pas significatives) permet de vérifier que dix chargés de réalisation (les salariés nos 15, 16, 17, 18, 25, 28, 29, 31, 32, 33) perçoivent des salaires inférieurs à ceux de Mme X... puisque résultant d'un classement au niveau B 21 ou B 16, que ces dix chargés de réalisation ont été embauchés entre 1975 et 1995, dont trois entre 1975 et 1977, que quinze chargés de réalisation (nos 2, 9 11, 12, 13, 14, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 30) perçoivent, en tout cas au moins pendant une partie de la période considérée, des salaires supérieurs car relevant de la catégorie B 24, et que cinq chargés de réalisation (nos 3, 4, 5, 6, 10) perçoivent, en tout cas au moins pendant une partie de la période considérée, des salaires supérieurs car relevant de la catégorie B 25 ; que ce tableau établit que Mme X... était moins bien classée que les vingt chargés de réalisation classés en B 24 et B 25 et donc moins bien rémunérée que ces derniers ; qu'elle était plus ancienne de tous les salariés classés en B 21, le plus « jeune embauché » de cette catégorie ayant été embauché en 1975 alors que Mme X... embauchée en 1963 exerçait des fonctions dans la production radiophonique depuis 1971 ; que ce tableau confirme qu'en fin de carrière, elle faisait partie des dix chargés de réalisation les moins bien classés alors qu'elle avait une des anciennetés les plus importantes, même en ne considérant que l'ancienneté acquise à la production et à la réalisation ; que les tableaux que la société Radio France verse aux débats ne permettent pas de contredire le fait que Mme X... faisait partie des salariés étant restés le plus longtemps au niveau B 16 de sa catégorie ; que le tableau sur la durée de positionnement au niveau B 21 avant d'accéder au niveau B 24 permet de constater l'existence de grandes différences dans ce positionnement qui varie entre deux et dix ans ; que la cour ne peut en tirer aucune conséquence ; que la société Radio France qui soutient en outre que l'avancement de Mme X... a été freiné par les difficultés relationnelles qu'entretenait Mme X... ne le justifie pas ; qu'en effet, si la preuve est faite de la réalité de problèmes ponctuels ayant existé en 2004 et début 2005 entre Mme X... et Mme J..., ainsi que l'incident ayant eu lieu en 1996 et début 1997, relativement à la prise de congés de l'appelante et à des défaillances et négligences, pour autant ces faits s'inscrivent dans une relation professionnelle qui a duré plus de quarante ans sans que Mme X... ait fait l'objet de sanctions disciplinaires ; qu'en outre, Mme X... verse aux débats de nombreuses pièces établissant la satisfaction de ses collègues de travail sur la qualité de ses prestations et sur son professionnalisme ; qu'enfin, aucun rapport d'évaluation n'est produit qui établirait les insuffisances professionnelles de Mme X... ; qu'en conséquence, la cour estime que la société Radio France ne justifie pas par des éléments objectifs l'inégalité salariale dont a été victime Mme X... en raison de son faible avancement en dépit d'une grande ancienneté ; que Mme X... est dès lors bien fondée à voir indemniser le préjudice subi par elle en lien avec cette inégalité salariale, à savoir un préjudice financier de salaire et de retraite et un préjudice moral ; que, pour autant, la somme qu'elle sollicite est excessive eu égard à la perte de rémunération qu'elle a subie au regard de la moyenne des rémunérations des chargés de production ; que la cour constate également que, si un délégué syndical est intervenu en mai 2005 pour qu'elle obtienne une promotion, par contre, Mme X... n'a jamais mis en demeure son employeur de lui assurer une promotion ou une élévation de classification ; qu'il lui sera alloué la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
ALORS, D'UNE PART, QUE c'est l'employeur qui, en application de la règle « à travail égal, salaire égal », est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés qui sont placés dans une situation identique ; qu'en constatant que Mme X... avait été victime d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière, et donc d'une inégalité salariale, puis en estimant que le montant des dommages et intérêts dus à la salariée devait être limité au regard du fait que « Madame X... n'a jamais mis en demeure son employeur de lui assurer une promotion ou une élévation de classification » (arrêt attaqué, p. 8, 2ème considérant), cependant que la mise en oeuvre de la règle susvisée n'incombe pas au salarié, la cour d'appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et les articles L. 2261-22 et L. 2271-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en estimant que la société Radio France n'avait pas été mise en demeure d'assurer l'égalité de Mme X... au regard des autres salariés placés dans la même situation, tout en relevant que l'employeur avait été interpellé en 2005 par un délégué syndical sur le cas de Mme X... « pour qu'elle obtienne une promotion » (arrêt attaqué, p. 8, 2ème considérant), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe « à travail égal, salaire égal » et les articles L. 2261-22 et L. 2271-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE dans ses écritures d'appel (conclusions, p. 18, alinéa 6), Mme X... invoquait un préjudice de retraite, au titre du manque à gagner subi lors de sa carrière qui se répercutait depuis sa mise à la retraite ; qu'en se bornant à envisager « la perte de rémunération subie au regard de la moyenne des rémunérations des chargés de production » (arrêt attaqué, p. 8, 2ème considérant), sans répondre aux conclusions de Mme X... invoquant un préjudice de retraite, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société nationale de radio diffusion Radio France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la Société Nationale Radio France n'a pas respecté le principe « A travail égal, salaire égal » et de l'avoir condamnée en conséquence à payer à madame X... la somme de 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal ainsi que 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS qu'en vertu de l'article R1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, font l'objet d'une seule instance et que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'après avoir invoqué devant le conseil de prud'hommes les dispositions de l'article L112-45 du code du travail, devenu L1132-2 du code du travail, pour obtenir la réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination en matière de rémunération, de qualification, de classification et de promotion professionnelle en raison de son origine, l'appelante a changé le fondement de sa demande de dommages et intérêts en invoquant le principe « A travail égal salaire égal » en vertu duquel l'employeur est tenu d'assurer une égalité de traitement entre tous les salariés se trouvant dans une situation identique ; que seuls des documents permettant au salarié d'établir des comparaisons en matière salariale et de promotion professionnelle avec les autres salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable c'est-à-dire ayant la même ancienneté et les mêmes compétences, sont de nature à révéler une rupture d'égalité ; qu'en l'espèce, madame X... n'a pu avoir connaissance de l'étendue de son préjudice qu'à partir de la communication par l'employeur de documents qui retraçaient le parcours professionnel des personnels chargés de réalisation au 31 mars 2006, en précisant notamment les salaires perçus, la date des changements de qualification, l'ancienneté et l'âge de ces différents salariés ; qu'ainsi les causes du présent litige qui fondent les prétentions de l'appelante ne lui ont été révélées que postérieurement à l'extinction de la première instance qu'en conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir tirée du principe de l'unicité d'instance ;
1) ALORS QUE la connaissance de l'étendue du préjudice ne saurait constituer un élément nouveau de nature à autoriser une dérogation au principe de l'unicité d'instance dès lors que le fondement de l'action pouvait être envisagé avant la clôture des débats de l'instance antérieure ; qu'en rejetant la fin de non recevoir tirée de ce principe au motif que la salariée n'a eu connaissance de l'étendue de son préjudice qu'à partir de la communication par l'employeur des documents nécessaires à l'établir, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail ;
2) ALORS QUE la communication par l'employeur des documents nécessaires permettant au salarié d'établir des comparaisons en matière salariale et de promotion professionnelle avec les autres salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable a été ordonnée à la demande de la salariée au cours de l'instance nouvelle qu'elle a introduite pour faire dire et juger que la société employeur avait méconnu le principe « A travail égal, salaire égal » ; que cette communication ne saurait donc constituer la cause du nouveau litige pas plus que le fondement des prétentions nouvelles de la salariée ; qu'en confondant le fondement des prétentions avec la communication des documents permettant d'établir la preuve de leur bien fondé, communication qui a eu lieu au cours de l'instance nouvelle, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le second moyen reproche encore à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la Société Nationale Radio France n'a pas respecté le principe « A travail égal, salaire égal » et de l'avoir condamnée en conséquence à payer à madame X... la somme de 30. 000 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal ainsi que 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « A travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; que l'employeur doit rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant si elle existe cette différence ; qu'en l'espèce, Mme X... produit un tableau récapitulatif de la carrière de trente-huit autres chargés de réalisation à Radio France qu'elle compare à son relevé de carrière ; que ce tableau concerne trente-huit chargés de réalisation ayant une ancienneté importante dans l'entreprise puisqu'embauchés entre 1962 et 1983 ; qu'il en résulte, comme l'avait mentionné le conseil de prud'hommes, que seuls quatre de ces chargés de réalisation ont atteint le niveau B 21-1 en juillet 2000, comme Mme X..., et que ces quatre salariés avaient une ancienneté bien inférieure à celle de Mme X... (embauchés entre 1979 et 1983, alors que Mme X... a été embauchée en 1963 et est devenue régisseur de production en 1971) ; que trente autres de ces chargés de production ont été promus au niveau B 21-1 entre 1990 et 1999, et quatre autres, embauchés en 1974 et 1977, ont atteint ce niveau entre 2001 et 2002 ; que Mme X..., qui est restée classée B 21 de juillet 2000 jusqu'à sa retraite prise en février 2009, évoque les situations particulières de Mme Y..., embauchée en 1962, classée B 16 à l'embauche, promue B 21-1 en 1994, puis 24-0 en 2000, Mme Z..., embauchée en 1974 au niveau B 16, promue B 21-1 en 1994 et B 24-0 en 2000, Mme A..., embauchée en 1969 au niveau B 16, promue B 21-1 en 1992, B 24-0 en 1998 et B 25-0 en 2002, Mme B..., embauchée en 1976 au niveau B 8, promue B 16 en 1985, B 21-1 en 1998 et B 24-0 en 2005, M. C..., embauché en 1974 au niveau B 16, promu B 21-1 en 1991, B 24-0 en 1998 et B 25 en 2002, M. K..., embauché en 1974 au niveau B 16, promu B 21-1 en 1990 et B 24-0 en 1996, M. D..., embauché en 1980 au niveau B 15, promu B 21-1 en 1997 et B 24-0 en 2007, M. E..., embauché en 1980 au niveau B 8, promu B 16 en 1994 et B 24-0 en 2007, Mme F..., embauchée en 1983 au niveau B 15, promue B 21-1 en 1996, B 24-0 en 2002 et B 25 en 2007, Mme G..., embauchée en 1984 au niveau B 15, promue B 16 et B 21-1 en 2003, puis B 24-0 en 2008, M. H..., embauché en 1987 au niveau B 8, promu B 16 en 1993, B 21-1 en 2001 et B 24-0 en 2008, et M. I..., embauché en 1988 au niveau B 8, promu B 21-1 en 2002 et B 24-0 en 2008 ; qu'il en résulte qu'à l'exception des salariés G..., H... et I..., qui ont été promus au niveau B 21 après Mme X..., tous ont été promus au niveau B 24, contrairement à Mme X... qui est restée au niveau B 21 de 2000 à 2009 ; que le tableau anonyme versé aux débats par la société Radio France qui compare les salaires versés à trente-trois chargés de réalisation radio de 2001 à 2007 (seules trente-et-une rémunérations, y compris celle de Mme X..., sont exploitables, celles des salariés 7 et 8 étant exclus du tableau car elles ne sont pas significatives) permet de vérifier que dix chargés de réalisation (les salariés nos 15, 16, 17, 18, 25, 28, 29, 31, 32, 33) perçoivent des salaires inférieurs à ceux de Mme X... puisque résultant d'un classement au niveau B 21 ou B 16, que ces dix chargés de réalisation ont été embauchés entre 1975 et 1995, dont trois entre 1975 et 1977, que quinze chargés de réalisation (nos 2, 9 11, 12, 13, 14, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 30) perçoivent, en tout cas au moins pendant une partie de la période considérée, des salaires supérieurs car relevant de la catégorie B 24, et que cinq chargés de réalisation (nos 3, 4, 5, 6, 10) perçoivent, en tout cas au moins pendant une partie de la période considérée, des salaires supérieurs car relevant de la catégorie B 25 ; que ce tableau établit que Mme X... était moins bien classée que les vingt chargés de réalisation classés en B 24 et B 25 et donc moins bien rémunérée que ces derniers ; qu'elle était plus ancienne de tous les salariés classés en B 21, le plus « jeune embauché » de cette catégorie ayant été embauché en 1975 alors que Mme X... embauchée en 1963 exerçait des fonctions dans la production radiophonique depuis 1971 ; que ce tableau confirme qu'en fin de carrière, elle faisait partie des dix chargés de réalisation les moins bien classés alors qu'elle avait une des anciennetés les plus importantes, même en ne considérant que l'ancienneté acquise à la production et à la réalisation ; que les tableaux que la société Radio France verse aux débats ne permettent pas de contredire le fait que Mme X... faisait partie des salariés étant restés le plus longtemps au niveau B 16 de sa catégorie ; que le tableau sur la durée de positionnement au niveau B 21 avant d'accéder au niveau B 24 permet de constater l'existence de grandes différences dans ce positionnement qui varie entre deux et dix ans ; que la cour ne peut en tirer aucune conséquence ; que la société Radio France qui soutient en outre que l'avancement de Mme X... a été freiné par les difficultés relationnelles qu'entretenait Mme X... ne le justifie pas ; qu'en effet, si la preuve est faite de la réalité de problèmes ponctuels ayant existé en 2004 et début 2005 entre Mme X... et Mme J..., ainsi que l'incident ayant eu lieu en 1996 et début 1997, relativement à la prise de congés de l'appelante et à des défaillances et négligences, pour autant ces faits s'inscrivent dans une relation professionnelle qui a duré plus de quarante ans sans que Mme X... ait fait l'objet de sanctions disciplinaires ; qu'en outre, Mme X... verse aux débats de nombreuses pièces établissant la satisfaction de ses collègues de travail sur la qualité de ses prestations et sur son professionnalisme ; qu'enfin, aucun rapport d'évaluation n'est produit qui établirait les insuffisances professionnelles de Mme X... ; qu'en conséquence, la cour estime que la société Radio France ne justifie pas par des éléments objectifs l'inégalité salariale dont a été victime Mme X... en raison de son faible avancement en dépit d'une grande ancienneté ; que Mme X... est dès lors bien fondée à voir indemniser le préjudice subi par elle en lien avec cette inégalité salariale, à savoir un préjudice financier de salaire et de retraite et un préjudice moral ; que, pour autant, la somme qu'elle sollicite est excessive eu égard à la perte de rémunération qu'elle a subie au regard de la moyenne des rémunérations des chargés de production ; que la cour constate également que, si un délégué syndical est intervenu en mai 2005 pour qu'elle obtienne une promotion, par contre, Mme X... n'a jamais mis en demeure son employeur de lui assurer une promotion ou une élévation de classification ; qu'il lui sera alloué la somme de 30. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
ALORS QU'une rupture de l'égalité de traitement suppose qu'une disparité suffisante et exceptionnelle soit constatée entre la situation du salarié demandeur et celle de l'ensemble des autres salariés placés dans la même situation, qui auraient, quant à eux, bénéficié d'une stricte identité de traitement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'une très grande variété caractérisait la situation et l'évolution des carrières des salariés chargés de réalisation ; que la cour relève ainsi que « le tableau sur la durée de positionnement au niveau B 21 avant d'accéder au niveau B 24 permet de constater l'existence de grandes différences dans ce positionnement qui varie entre deux et dix ans » ; qu'il appartenait en conséquence à la cour d'appel de rechercher si la carrière des autres salariés avait bien obéi à des règles de traitement identiques auxquelles la carrière de madame X... aurait dérogé, afin de mettre en lumière une véritable rupture d'égalité ; qu'en s'abstenant d'une telle recherche pour se fier à des données approximatives sur la moyenne des délais d'attente avant promotion des chargés de réalisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe « A travail égal, salaire égal ».


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-17654
Date de la décision : 22/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 oct. 2015, pourvoi n°14-17654


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.17654
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