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13/10/2015 | FRANCE | N°14-16264

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 octobre 2015, 14-16264


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 avril 2014), que la société Bred banque populaire (la banque) a consenti à la société Le Pêché Saint-Ambroise (la société) un prêt pour l'acquisition d'un fonds de commerce ; que, par actes des 20 octobre et 23 novembre 1990, M. et Mme X..., associés de la société, se sont rendus caution solidaire du remboursement de l'emprunt, également garanti par un nantissement du fonds de commerce ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société, le 3 août 1

995, un plan de continuation prévoyant une remise de sa dette envers la ba...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 avril 2014), que la société Bred banque populaire (la banque) a consenti à la société Le Pêché Saint-Ambroise (la société) un prêt pour l'acquisition d'un fonds de commerce ; que, par actes des 20 octobre et 23 novembre 1990, M. et Mme X..., associés de la société, se sont rendus caution solidaire du remboursement de l'emprunt, également garanti par un nantissement du fonds de commerce ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société, le 3 août 1995, un plan de continuation prévoyant une remise de sa dette envers la banque a été arrêté le 19 février 1997 ; que la dernière échéance du plan a été réglée le 10 septembre 2008 ; que, le 12 octobre 2010, la banque a assigné les cautions en paiement du solde du prêt ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt de déclarer non prescrite l'action de la banque alors, selon le moyen :
1°/ qu'au regard des règles qui gouvernent la prescription, s'agissant des actions en justice pour avoir paiement, peu importe que l'acte litigieux soit un titre exécutoire ; que la prescription trentenaire relative aux décisions de justice était inapplicable dès lors que l'action du créancier à l'encontre de la caution avait pour objet un paiement ; qu'ayant fait référence à tort à la prescription relative aux décisions de justice, les juges du fond ont violé l'ancien article 2262 du code civil, l'article 1792-4-3 nouveau du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce ;
2°/ que le titre exécutoire ne vaut qu'à l'égard du débiteur qui y est formellement nommé ; que la prescription trentenaire relative aux décisions de justice était inapplicable dès lors que la décision du juge-commissaire se borne à statuer sur les rapports juridiques entre la banque et l'emprunteur ; qu'ayant fait référence à tort à la prescription applicable aux décisions de justice, les juges du fond ont violé l'ancien article 2262 du code civil, l'article 1792-4-3 nouveau du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce ;
3°/ que le titre exécutoire ne vaut qu'à l'égard du débiteur qui y est formellement nommé ; que si même la décision du juge-commissaire intervenue dans les rapports entre la banque et le débiteur principal est opposable à la caution, elle ne peut être assimilée à une décision rendue dans le cadre d'une procédure à laquelle la caution est partie ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 2232 ancien du code civil, l'article 1792-4-3 nouveau du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la créance dont la banque poursuit le recouvrement a été admise définitivement au passif de la procédure collective du débiteur principal et portée sur l'état des créances, sans que les cautions ne forment de réclamation contre celui-ci ; que la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir pu violer l'article 1792-4-3 du code civil, texte sans rapport avec le litige, que la décision d'admission était opposable aux cautions, y compris en ce qu'il en résultait la substitution à la prescription commerciale de la prescription trentenaire découlant de toute décision de justice en application de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt de les condamner envers la banque alors, selon le moyen, que l'abrogation de l'alinéa 2 de l'article 64 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, par suite de la question prioritaire de constitutionnalité parallèlement posée, en tant que le texte exclut la caution solidaire du bénéfice de la remise de dette prévue dans le cadre du plan privera l'arrêt de base légale ;
Mais attendu que le Conseil constitutionnel ayant, par sa décision n° 2014-447 QPC du 6 février 2015, déclaré conforme à la Constitution l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985, en ce qu'il interdisait aux cautions solidaires de se prévaloir des dispositions du plan de redressement du débiteur principal, et notamment des remises de dettes qu'il pouvait contenir, le moyen est inopérant ;
Et, sur le troisième moyen :
Attendu que les cautions font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la caution est déchargée si le créancier, par son fait, se met dans l'impossibilité de transmettre à la caution une sûreté dont elle était titulaire ; qu'en constatant que la banque avait laissé périmer la garantie, les juges du fond faisaient par là même apparaître qu'elle avait disparu par le fait du créancier ; qu'en refusant de procéder à la décharge des cautions, les juges du fond ont violé l'article 2037 ancien du code civil, devenu article 2314 nouveau du même code ;
2°/ que la caution est déchargée si le créancier, par son fait, se met dans l'impossibilité de transmettre à la caution une sûreté dont elle était titulaire ; que cette décharge est acquise quand bien même la mainlevée d'un nantissement résulte de la demande d'un tiers ; qu'en refusant de procéder à la décharge dans ces circonstances, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 2037 ancien du code civil, devenu article 2314 nouveau du même code ;
3°/ que la caution est déchargée si le créancier, par son fait, se met dans l'impossibilité de transmettre à la caution une sûreté dont elle était titulaire ; que quand bien même la remise partielle aurait fait obstacle à ce que la banque maintienne la sûreté, une fois la partie non remise de la dette acquittée, de toute façon cette circonstance et l'impossibilité de transmettre la sûreté était bien, dans cette hypothèse, le fait du banquier ; qu'en refusant de procéder à la décharge dans ces circonstances, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 2037 ancien du code civil, devenu article 2314 nouveau du même code ;
4°/ que les juges du fond devaient rechercher si le fait de la banque n'était pas, en raison de son caractère fautif, de nature à entraîner la décharge de la caution et que dès lors l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l'article 2037 ancien du code civil, devenu article 2314 nouveau du même code ;
Mais attendu que l'arrêt ne constate pas que la banque a laissé le nantissement se périmer, mais qu'elle a dû en donner mainlevée, la société débitrice principale ayant totalement exécuté ses obligations de remboursement ; qu'ayant ainsi retenu que la perte de la sûreté résultait de la bonne exécution du plan de redressement et non du fait exclusif de la banque, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Bred banque populaire ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté l'exception de prescription, puis a condamné Monsieur et Madame X..., en tant que cautions, à payer à la société BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 1.031.029,25 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2010 et capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « ainsi que le soutiennent M. et Mme X..., la prescription court à compter du jour où l'action est ouverte. En matière de cautionnement solidaire, ce jour est celui de la déchéance du terme ; qu'en l'espèce, ce jour n'est pas précisé et les parties s'accordent pour considérer que le jour du dépôt au greffe de l'état définitif des créances, 22 octobre 1996, constitue le point de départ de la prescription ; qu'à compter de ce moment, la prescription trentenaire de droit commun, applicable à cette date, s'est substituée à la prescription décennale ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X..., cette substitution s'impose à eux en leur qualité de cautions, dès lors qu'ils ne sont pas intervenus à la procédure de vérification des créances et n'ont pas formé de réclamation dans le délai de 15 jours à compter de l'insertion au BODACC de l'avis du dépôt au greffe de l'état des créances vérifié ; que si lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de 10 ans a été substitué au délai de 30 ans à compter du 19 juin 2008, il en résulte que la date d'échéance de la prescription qui devait alors être le 23 octobre 2026, a été avancée au 20 juin 2018 ; que l'action de la société Bred qui a été introduite par l'assignation du 12 octobre 2010, n'était pas prescrite et il convient de rejeter l'exception invoquée par M. et Mme X... » (arrêt p. 5, § 6, 7 et 8) ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« aux termes de l'article L. 110-4 Du Code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par (L. n°2008-561 du 17 juin 2008, art. 15) « cinq ans » (précédente rédaction dix ans) si elles ne sont pas soumise à des prescriptions plus courtes. Le bénéfice de l'ordonnance du Juge Commissaire décidant de l'admission de la créance au passif de la procédure collective du débiteur se prescrit par trente ans, prescription qui se substitue à la courte prescription de l'obligation contractuelle primitive. Aux termes de l'article 2246 du Code civil, l'interpellation faite au débiteur interrompt la prescription à l'égard de la caution sans qu'il soit besoin d'une notification. La déclaration de créance effectuée le 24 octobre 1995 avait interrompu la prescription. La décision d'admission de la créance au passif du débiteur principal est opposable à la caution tant en ce qui concerne l'existence et le montant de la créance que la substitution de la prescription trentenaire. En l'espèce, en l'absence de réclamation des cautions et dès lors que l'admission publiée au Bodacc est devenue irrévocable, l'interversion de la prescription est opposable aux cautions. L'action de la BRED à l'encontre des cautions d'était pas prescrite le 12 octobre 2010, date de son assignation. » (jugement, pp. 5-6).
ALORS QUE, PREMIEREMENT, au regard des règles qui gouvernent la prescription, s'agissant des actions en justice pour avoir paiement, peu importe que l'acte litigieux soit un titre exécutoire ; que la prescription trentenaire relative aux décisions de justice était inapplicable dès lors que l'action du créancier à l'encontre de la caution avait pour objet un paiement ; qu'ayant fait référence à tort à la prescription relative aux décisions de justice, les juges du fond ont violé l'ancien article 2262 du Code civil, l'article 1792-4-3 nouveau du Code civil et l'article L. 110-4 du Code de commerce ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, le titre exécutoire ne vaut qu'à l'égard du débiteur qui y est formellement nommé ; que la prescription trentenaire relative aux décisions de justice était inapplicable dès lors que la décision du juge-commissaire se borne à statuer sur les rapports juridiques entre la banque et l'emprunteur ; qu'ayant fait référence à tort à la prescription applicable aux décisions de justice, les juges du fond ont violé l'ancien article 2262 du Code civil, l'article 1792-4-3 nouveau du Code civil et l'article L. 110-4 du Code de commerce ;
ET ALORS QUE, TROSIEMEMENT, le titre exécutoire ne vaut qu'à l'égard du débiteur qui y est formellement nommé ; que si même la décision du juge-commissaire intervenue dans les rapports entre la banque et le débiteur principal est opposable à la caution, elle ne peut être assimilée à une décision rendue dans le cadre d'une procédure à laquelle la caution est partie ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 2232 ancien du Code civil , l'article 1792-4-3 nouveau du Code civil et l'article L. 110-4 du Code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné Monsieur et Madame X..., en tant que cautions, à payer à la société BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 1.031.029,25 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2010 et capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « l'attestation de Mme Y..., ancienne collaboratrice du cabinet d'expertise comptable en charge de la comptabilité de la société le Péché Saint-Ambroise, est insuffisante à elle seule à rapporter la preuve de ce que la société Bred aurait consenti à M. et Mme X... personnellement « une remise sur le montant du prêt » restant à rembourser, d'autant que les cautions n'ont nullement invoqué ce fait lorsqu'ils ont reçu annuellement les lettres de la banque les informant des sommes restant dues. En outre, M. et Mme X... ne rapportent pas la preuve de ce que la remise de dette consentie dans le cadre du plan aurait été motivée par d'autres raisons que la contribution à la continuation de l'entreprise et, essentiellement, par la crainte d'être poursuivie pour soutien abusif. Dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement qui a jugé, en violation de l'article 64 de la loi du 25 janvier 1985, applicable à l'espèce, que M. et Mme X... pouvaient se prévaloir de cette remise de dette pour se dégager de leurs obligations de caution » ;
ALORS QUE, l'abrogation de l'alinéa 2 de l'article 64 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985, par suite de la question prioritaire de constitutionnalité parallèlement posée, en tant que le texte exclut la caution solidaire du bénéfice de la remise de dette prévue dans le cadre du plan privera l'arrêt de base légale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné Monsieur et Madame X..., en tant que cautions, à payer à la société BRED BANQUE POPULAIRE la somme de 1.031.029,25 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2010 et capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QU' « il ne peut être reproché à la société BRED d'avoir laissé se périmer le nantissement sur le fonds de commerce, dans la mesure où la société le Péché Saint-Ambroise ayant totalement exécuté ses obligations de remboursement, la banque se trouvait dans l'obligation de donner la main levée de sa garantie » (arrêt p. 6, § 3) ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, la caution est déchargée si le créancier, par son fait, se met dans l'impossibilité de transmettre à la caution une sûreté dont elle était titulaire ; qu'en constatant que la banque avait laissé périmer la garantie, les juges du fond faisaient par là même apparaître qu'elle avait disparu par le fait du créancier ; qu'en refusant de procéder à la décharge des cautions, les juges du fond ont violé l'article 2037 ancien du Code civil, devenu article 2314 nouveau du même Code ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, que la caution est déchargée si le créancier, par son fait, se met dans l'impossibilité de transmettre à la caution une sûreté dont elle était titulaire ; que cette décharge est acquise quand bien même la mainlevée d'un nantissement résulte de la demande d'un tiers ; qu'en refusant de procéder à la décharge dans ces circonstances, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 2037 ancien du Code civil, devenu article 2314 nouveau du même Code ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, que la caution est déchargée si le créancier, par son fait, se met dans l'impossibilité de transmettre à la caution une sûreté dont elle était titulaire ; que quand bien même la remise partielle aurait fait obstacle à ce que la banque maintienne la sureté, une fois la partie non remise de la dette acquittée, de toute façon cette circonstance et l'impossibilité de transmettre la sûreté était bien, dans cette hypothèse, le fait du banquier ; qu'en refusant de procéder à la décharge dans ces circonstances, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 2037 ancien du Code civil, devenu article 2314 nouveau du même Code.
ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, à tout le moins, les juges du fond devaient rechercher si le fait de la banque n'était pas, en raison de son caractère fautif, de nature à entrainer la décharge de la caution et que dès lors l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l'article 2037 ancien du Code civil, devenu article 2314 nouveau du même Code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-16264
Date de la décision : 13/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 oct. 2015, pourvoi n°14-16264


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16264
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