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08/10/2015 | FRANCE | N°14-24782

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 octobre 2015, 14-24782


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juillet 2014), que Mme X..., épouse Y..., salariée de la société MDML (la société) a été victime, le 19 février 2009, d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ; qu'elle a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait

grief à l'arrêt d'accueillir la demande de Mme Y..., alors, selon le moyen, q...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juillet 2014), que Mme X..., épouse Y..., salariée de la société MDML (la société) a été victime, le 19 février 2009, d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ; qu'elle a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de Mme Y..., alors, selon le moyen, que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties ; que si cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date, le simple visa de conclusions oralement soutenues à l'audience, qui ne permet d'en connaître ni l'objet ni le contenu à la différence du visa de conclusions écrites, ne dispense pas le juge d'exposer succinctement les prétentions oralement formulées ; qu'en se bornant dès lors en l'espèce à viser « les conclusions orales soutenues à l'audience du 18 mars 2014 par Mme Y... », sans exposer ne serait-ce que succinctement les prétentions de celle-ci, qu'aucune pièce du dossier ne permet dès lors de connaître, la cour d'appel n'a pas satisfait les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'exposé des moyens et prétentions des parties, pour lesquels les juges du fond n'étaient tenus d'observer aucune règle particulière, résulte du rappel des faits et de la motivation de l'arrêt, la société MDML ne faisant en outre état d'aucun moyen présenté à la cour d'appel auquel il n'aurait pas été répondu ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le même moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur avait nécessairement conscience du danger qu'il faisait courir à ses salariés, au seul motif que « le risque lié au stockage de marchandises lourdes sur une surface de vente encombrée effectué le 19 février 2009 en présence de Mme Y..., vendeuse au magasin d'Aix Noulette ne pouvait être ignoré par l'employeur », sans relever toutefois aucun élément permettant d'établir que l'employeur était en mesure de prévoir que Mme Y... était susceptible de sortir de ses attributions de vendeuse pour procéder seule, en l'absence de toute urgence, au déballage d'un canapé de grande dimension, la cour d'appel n'a pas caractérisé la conscience, par l'employeur, du danger auquel la victime était exposé, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la faute volontaire du salarié victime d'un accident du travail, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, présente le caractère d'une faute inexcusable susceptible d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa propre faute inexcusable ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate qu'au moment de l'accident, Mme Y..., se trouvant seule dans la surface de vente et en l'absence de toute urgence, a pris l'initiative de procéder au déballage d'un canapé de grande dimension placé à la verticale bien que cette mission n'entrait pas dans ses attributions, ce dont il résulte que la victime a ainsi commis une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité qui l'a exposée à un danger dont elle ne pouvait manquer d'avoir eu conscience ; qu'en retenant cependant que de tels agissements ne pouvaient constituer une faute inexcusable de nature à exonérer l'employeur de sa propre faute inexcusable, la cour d'appel a violé l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'accident s'est produit alors que la salariée participait à la manipulation d'un canapé placé à la verticale dans l'espace de vente ; que le jour de l'accident, un déchargement de marchandises a été effectué dans des conditions anormales : absence de consignes précises et de commandement sur place, effectif réduit à trois personnes, stockage sur une surface de vente encombrée dans des conditions de sécurité inadaptées ; que le risque lié au stockage de marchandises lourdes sur une surface de vente encombrée ne pouvait être ignoré par la société, laquelle n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires pour préserver la salariée du danger auquel elle était exposée dans son travail en circulant sur une surface de vente encombrée par des marchandises non déballées stockées de façon précaire ; que même à supposer que la salariée ait pris seule l'initiative de procéder au déballage du canapé installé par les préparateurs sur la surface de vente et effectué une fausse manoeuvre ayant déstabilisé le meuble et entraîné sa chute, ce qu'elle dément, un tel comportement ne caractérise pas une intention volontaire de s'affranchir des règles de sécurité ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des faits et éléments de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu déduire que l'accident survenu à Mme Y... était, indépendamment de toute faute inexcusable de la victime, imputable à la faute inexcusable de son employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MDML aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MDML ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société MDML.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré que l'accident du travail dont Mme Myriam Y... avait été victime le 19 février 2009 était dû à la faute inexcusable de la société MDML, d'avoir fixé à son taux maximum la majoration de la rente servie par l'organisme social à Mme Y... et d'avoir dit que celle-ci avait droit à une réparation intégrale de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE la déclaration d'accident établie le 19 février 2009 qui est signée par M. Didier Z..., gérant de la Sarl MDML indique que l'accident s'est produit le 19 février 2009 à 13h30 au lieu de travail habituel dans les circonstances suivantes : « Déplacement d'un canapé. La salariée participe à la manipulation du canapé placé à la verticale. Le carton cède, écrasant la salariée » ; que l'employeur fait valoir que cette mission n'incombait pas à Mme Y... qui était vendeuse ; qu'il précise qu'à l'époque de l'accident de Mme Y..., M. Z..., gérant de la société MDML, était assisté de Mme A..., coordinatrice administrative des magasins, la société comptant alors trois magasins situés à Saint-Quentin, Viry Noureuil et Aix-Noulette où s'est produit l'accident et que depuis la démission de son directeur (M. B... qui n'a pas été remplacé), l'effectif de ce dernier magasin comprenait deux personnes habilitées au chargement et déchargement des produits livrés, M. C... et M. D... embauché en août 2008 ; que cependant, Mme Y... explique que le 19 février 2009, jour de l'accident, elle s'est retrouvée seule sur la surface de vente, M. E... remplaçant M. C... à la réception et M. D... devant s'occuper du déchargement d'un container et du chargement d'un camion pour d'autres livraisons à Saint-Quentin avant 12h, que faute de place dans la réserve la marchandise était déposée « là où il y avait de la place » raison pour laquelle un canapé qu'il lui aurait été impossible de manipuler a été posé verticalement dans le magasin, non déballé, en équilibre instable sur son emballage ; que même si l'employeur tient à préciser qu'il n'y avait aucune condition d'urgence compte tenu du fait que le mois de février correspond à une saison creuse et que le canapé ne pouvait tomber au simple passage de la salariée, il ressort des faits non démentis que le 19 février 2009, jour de l'accident, un déchargement de marchandises a été effectué dans des conditions anormales : absence de consignes précises et de commandement sur place - effectif réduit à trois personnes - stockage sur une surface de vente encombrée dans des conditions de sécurité inadaptées ; que commet une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale l'employeur qui manque à l'obligation de résultat à laquelle, en vertu du contrat de travail, il est tenu envers le salarié en matière de sécurité lorsqu'ayant ou ayant dû avoir conscience du danger auquel il expose ce dernier, il ne prend pas les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que le risque lié au stockage de marchandises lourdes sur une surface de vente encombrée effectué le 19 février 2009 en présence de Mme Y..., vendeuse au magasin d'Aix-Noulette ne pouvait être ignoré par l'employeur ; qu'en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, mesures qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; que cette obligation de sécurité est une obligation de résultat, notamment en ce qui concerne le risque d'accident du travail ; qu'il est avéré que l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires pour préserver la salariée du danger auquel elle était exposée dans son travail en circulant sur une surface de vente encombrée par des marchandises non déballées stockées de façon précaire ; que dès lors, en omettant volontairement de prendre les mesures de sécurité et de prévention des risques qui s'imposaient, l'employeur a commis, alors qu'il devait avoir conscience du danger, une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
ET AUX MOTIFS QUE constitue une faute intentionnelle de la victime au sens de l'article L. 453-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, la faute résultant d'un acte volontaire accompli avec l'intention de causer des lésions corporelles, ce qui implique l'intention de créer le dommage et non seulement le risque ; que la faute inexcusable de la victime visée à l'alinéa 2 du même article s'entend d'une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ; qu'à supposer même que Mme Y... ait pris seule l'initiative de procéder au déballage du canapé installé par les préparateurs sur la surface de vente et effectué une fausse manoeuvre qui a déstabilisé le meuble et entraîné sa chute, ce que dément la salariée, un tel comportement ne caractérise pas une intention volontaire de s'affranchir des règles de sécurité ; que dès lors, il y a lieu d'écarter la faute intentionnelle ou inexcusable de la victime au sens de l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties ; que si cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date, le simple visa de conclusions oralement soutenues à l'audience, qui ne permet d'en connaître ni l'objet ni le contenu à la différence du visa de conclusions écrites, ne dispense pas le juge d'exposer succinctement les prétentions oralement formulées ; qu'en se bornant dès lors en l'espèce à viser « les conclusions orales soutenues à l'audience du 18 mars 2014 par Madame Myriam Y... », sans exposer ne serait-ce que succinctement les prétentions de celle-ci, qu'aucune pièce du dossier ne permet dès lors de connaître, la cour d'appel n'a pas satisfait les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur avait nécessairement conscience du danger qu'il faisait courir à ses salariés, au seul motif que « le risque lié au stockage de marchandises lourdes sur une surface de vente encombrée effectué le 19 février 2009 en présence de Madame Myriam Y..., vendeuse au magasin d'Aix Noulette ne pouvait être ignoré par l'employeur » (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 4), sans relever toutefois aucun élément permettant d'établir que l'employeur était en mesure de prévoir que Mme Y... était susceptible de sortir de ses attributions de vendeuse pour procéder seule, en l'absence de toute urgence, au déballage d'un canapé de grande dimension, la cour d'appel n'a pas caractérisé la conscience, par l'employeur, du danger auquel la victime était exposé, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS, ENFIN, QUE la faute volontaire du salarié victime d'un accident du travail, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, présente le caractère d'une faute inexcusable susceptible d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa propre faute inexcusable ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate qu'au moment de l'accident, Mme Y..., se trouvant seule dans la surface de vente et en l'absence de toute urgence, a pris l'initiative de procéder au déballage d'un canapé de grande dimension placé à la verticale bien que cette mission n'entrait pas dans ses attributions (arrêt attaqué, p. 3 à 5), ce dont il résulte que la victime a ainsi commis une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité qui l'a exposée à un danger dont elle ne pouvait manquer d'avoir eu conscience ; qu'en retenant cependant que de tels agissements ne pouvaient constituer une faute inexcusable de nature à exonérer l'employeur de sa propre faute inexcusable, la cour d'appel a violé l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-24782
Date de la décision : 08/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 11 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 oct. 2015, pourvoi n°14-24782


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.24782
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