La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2015 | FRANCE | N°15-85477

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 octobre 2015, 15-85477


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Djawed X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 3 septembre 2015, qui a autorisé sa remise différée aux autorités judiciaires belges, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'une tentative d'évasion dans un établissement pénitentiaire belge, un juge d'instruction du tribunal de Bruxelles a délivré le 4 juin 2015 un mandat d'arrêt europée

n à l'encontre de M. X..., ressortissant français, en raison de sa possible implication dan...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Djawed X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 3 septembre 2015, qui a autorisé sa remise différée aux autorités judiciaires belges, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'une tentative d'évasion dans un établissement pénitentiaire belge, un juge d'instruction du tribunal de Bruxelles a délivré le 4 juin 2015 un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. X..., ressortissant français, en raison de sa possible implication dans cette opération ; que M. X..., également recherché dans le cadre d'une information ouverte au tribunal de grande instance de Paris, appréhendé et placé en garde à vue le 3 juin 2015 dans les locaux d'un service de police judiciaire à Nanterre, puis, après mainlevée de la garde à vue, placé en rétention le 4 juin 2015 à 17 heures 40 pour l'exécution du mandat d'arrêt européen, a été présenté à un magistrat du parquet général de Versailles le 5 juin 2015 ; qu'il n'a pas consenti à sa remise ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités judiciaires belges, mais différé celle-ci jusqu'à l'aboutissement de poursuites pénales engagées en France contre lui ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 695-15, 695-26, 695-27, 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé que la procédure d'exécution du mandat d'arrêt européen daté du 4 juin 2015 était régulière et a ordonné la remise de M. X... aux autorités judiciaires belges en exécution de ce mandat d'arrêt européen ;
" alors qu'en vertu de l'article 695-15 et 695-26 du code de procédure pénale, lorsque la personne recherchée se trouve dans un lieu connu sur le territoire d'un autre Etat membre, le mandat d'arrêt européen peut être adressé directement en original ou en copie certifiée conforme au procureur général territorialement compétent ; qu'hors ce cas, la transmission peut être effectuée également par la voie du système d'information Schengen, ou par tout autre moyen permettant d'en vérifier l'authenticité ; qu'il résulte des termes mêmes du seul procès-verbal relatif à l'instruction ouverte en France, se trouvant au dossier, que M. X... a été placé en rétention à la suite de la transmission d'un mandat d'arrêt européen par le magistrat instructeur chargé d'une information portant sur les faits en cause dans ledit mandat d'arrêt, avant que les enquêteurs n'en informent le parquet ; que l'exécution du mandat d'arrêt apparaît avoir été initiée alors que le parquet n'était encore pas destinataire dudit mandat d'arrêt et n'avait donné aucune instruction aux enquêteurs aux fins d'exécution ; qu'ainsi, en estimant la procédure régulière, sans même disposer de l'acte de transmission au magistrat instructeur du mandat d'arrêt européen, ni de la note adressée par le magistrat instructeur aux enquêteurs, la cour d'appel a violé les articles précités " ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que par télécopie adressée le 4 juin 2015 à 15h 35, le procureur du Roi de Bruxelles a confirmé au procureur général de Versailles " la volonté de faire exécuter le mandat d'arrêt européen émis le 4 juin 2015 " à l'encontre de M. X... ; qu'à cette télécopie était annexé le mandat d'arrêt européen ;
Attendu que, dès lors, le moyen, en ce qu'il soutient que le mandat d'arrêt européen a été mis à exécution avant même que le parquet général ne soit informé de son existence, en méconnaissance des dispositions des articles 695-15 et 695-26 du code de procédure pénale, manque en fait et ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6-1, 99, 114, 173, 695-11, 695-15, 695-26, 695-27, 694-3, 695-1, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise de M. X... aux autorités judiciaires belges, en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 4 juin 2015, après avoir estimé ce mandat d'arrêt et la procédure y afférente réguliers ;
" aux motifs que cette chambre, saisie de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, n'a pas compétence pour examiner la régularité de la procédure ayant précédé sa délivrance, ce que le défenseur de la personne réclamée admet, puisqu'il écrit dans son second mémoire : « il ne sera pas demandé à votre cour de se prononcer sur la régularité de la procédure suivie contre M. Djawed X... avant le 4 juin 2015 à 17 heures 40 ; elle ne le peut pas, » ; qu'en outre, d'éventuelles irrégularités commises dans la procédure de rétention judiciaire n'affectent pas la validité du mandat d'arrêt européen ; que, dès lors, elle n'a pas à se faire communiquer la procédure suivie par les juges d'instruction parisiens dans laquelle elle n'a pas vocation à s'immiscer, et ce, même pour permettre à M. X... d'en prendre connaissance ; que la mention, par le parquet de Paris dans sa note du 29 juin 2015, de la procédure de contestation de scellés engagée par une autre personne contre laquelle un mandat d'arrêt européen a été délivré et exécuté, tend à démontrer la possibilité d'accéder à l'information judiciaire ouverte à Paris ;
" 1°) alors que, selon l'article 695-11 du code de procédure pénale, le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise en vue de l'arrestation et de la remise d'une personne ; qu'il appartient à la chambre de l'instruction de s'assurer de la régularité de la communication d'un mandat d'arrêt européen et de l'arrestation qu'il fonde ; que si la personne réclamée ne contestait pas la régularité des actes réalisés dans le cadre de l'entraide judiciaire, elle soutenait que pour pouvoir apprécier la régularité de son arrestation ayant permis l'exécution du mandat d'arrêt européen et plus généralement des modalités d'exécution de ce mandat d'arrêt européen, en l'état d'un doute sur les conditions dans lesquelles était intervenu le placement en rétention, il lui fallait disposer des pièces de l'information ouverte en France, sauf à méconnaître les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le premier prévoyant le droit de faire apprécier par un juge la régularité d'une privation de liberté et le second prévoyant le droit à un recours effectif ; qu'il était ajouté que la chambre de l'instruction était compétente pour apprécier la régularité des opérations d'exécution d'une enquête commune réalisée en France en vertu de l'article 594-3 du code de procédure pénale et a fortiori d'une instruction toujours en cours ; que, dès lors, en refusant d'accéder à cette demande aux motifs qu'elle n'était pas compétente pour se prononcer sur les irrégularités dans la rétention administrative, la chambre de l'instruction a méconnu ses propres pouvoirs ;
" 2°) alors qu'en vertu de l'article 695-26 du code de procédure pénale, le mandat d'arrêt européen doit être transmis au procureur général territorialement compétent ; que, dès lors que les réquisitions du parquet indiquaient que le mandat d'arrêt européen avait été transmis par le magistrat belge au juge d'instruction chargé de l'instruction ouverte en France pour les mêmes faits, ce que confirmait la note du procureur de la République du 29 juin 2015, la chambre de l'instruction qui refuse d'ordonner la communication du dossier en vue de déterminer les conditions de transmission du mandat d'arrêt européen au procureur général, a méconnu les droits de la défense, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 3°) alors qu'en vertu des articles 113-3 et 114 du code de procédure pénale, seuls les avocats des personnes mises en examen, du témoin assisté et des parties civiles, et sous certaines conditions, celles-ci, peuvent avoir accès aux pièces de la procédure ; qu'il en résulte que la personne qui sollicite la restitution d'objets placés sous scellés, notamment sur le fondement de l'article 99 du code de procédure pénale, n'a pas accès au dossier de la procédure dans le cadre de laquelle il a été procédé à des saisies ; qu'en estimant que la personne réclamée pouvait avoir accès au dossier de l'instruction, comme le démontrait la demande de restitution d'objets mis sous scellés dans le cadre de cette instruction, pour refuser de faire droit à sa demande de communication des actes de cette instruction, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 99 et 114 du code de procédure pénale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner la communication du dossier de l'instruction en cours en France, qui fonde en partie le mandat d'arrêt européen émis à l'encontre de M. X... et a ordonné sa remise aux autorités judiciaires belges ;
" aux motifs que cette chambre, saisie de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, n'a pas compétence pour examiner la régularité de la procédure ayant précédé sa délivrance, ce que le défenseur de la personne réclamée admet, puisqu'il écrit dans son second mémoire : « il ne sera pas demandé à votre cour de se prononcer sur la régularité de la procédure suivie contre M. Djawed X... avant le 4 juin 2015 à 17 heures 40 ; elle ne le peut pas, » ;
" alors que dans son mémoire, M. X... sollicitait la possibilité d'avoir accès au dossier de l'instruction menée en France et portant sur les faits visés dans le mandat d'arrêt européen, afin de pouvoir connaître en temps utile et de contester utilement, dans le cadre de la procédure en cours mais également dans le cadre éventuel d'une requête en nullité, les actes accomplis en France dont la légalité ne pourrait être contestée devant la juridiction belge qui demandait sa remise, le soupçonnant d'avoir participé à des infractions graves ; qu'en refusant de faire droit à cette demande de communication, seul moyen pour la personne réclamée de pouvoir contester utilement les actes accomplis dans le cadre de l'instruction, dont certains éléments étaient évoqués pour justifier le mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction a méconnu le droit à un procès équitable et le droit pour toute personne accusée de bénéficier de toutes les mesures utiles aux droits de la défense ; qu'en refusant de faire droit à cette seule demande de communication, aux fins explicités par la personne réclamée et a ainsi méconnu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour refuser d'ordonner la communication de la procédure d'information suivie par le juge d'instruction de Paris du chef d'association de malfaiteurs, dans le cadre de laquelle M. X... a été interpellé et placé en garde à vue, l'arrêt énonce notamment que la chambre de l'instruction n'est pas compétente pour apprécier la régularité de la procédure ayant précédé la notification du mandat d'arrêt européen et le placement en rétention ; que les juges ajoutent que les demandes de restitution d'objets saisis à l'occasion de l'arrestation relèvent de la compétence du juge d'instruction de Paris ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 694-3, 695-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise de M. X... aux autorités judiciaires belges en exécution du mandat d'arrêt européen délivré le 4 juin 2015, après avoir estimé que le mandat d'arrêt européen était régulier ;
" aux motifs que le mandat d'arrêt européen contient l'identité et la nationalité de M. X..., la désignation précise et les coordonnées complètes de l'autorité judiciaire dont il émane ; qu'il précise qu'il est fondé sur un mandat d'arrêt international décerné le 4 juin 2015 par M. Claise, juge d'instruction au tribunal de première instance de Bruxelles, lequel est d'ailleurs joint en copie au mandat d'arrêt européen ; qu'il indique que ce titre se rapporte à cinq infractions qualifiées de participation à une organisation criminelle, enlèvement, séquestration et prise d'otage, incendie volontaire, tentative de meurtre et tentative d'évasion qualifiée ; que sont expressément mentionnés les dates : courant mars et avril 2014, notamment les 24 mars et 13 avril 2014, les lieux : notamment Bruxelles, Ixelles, Waterloo et Forest et les circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises ; que de l'exposé des faits contenu dans le mandat, il résulte que M. X... est réclamé en qualité de coauteur de l'infraction de participation à une organisation criminelle et de complice des autres infractions, hypothèse d'ailleurs envisagée par le conseil de l'intéressé dans ses écritures ; qu'il ne peut donc être valablement soutenu que le mandat d'arrêt européen est incomplet en ce qu'il ne mentionne ni le moment, ni le lieu de commission des infractions reprochées, ni le degré de participation de l'intéressé à celles-ci ; qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction d'apprécier les indices ou les charges réunis à l'encontre de la personne dont la remise est sollicitée ;
" 1°) alors que, s'il n'appartient pas à la juridiction saisie de la demande de remise d'une personne soupçonnée d'apprécier les charges qui justifient l'émission d'un mandat d'arrêt européen, elle doit s'assurer qu'en la forme, ledit mandat remplit l'ensemble des conditions devant en permettre l'exécution ; que l'article 695-13 du code de procédure pénale prévoit que le mandat d'arrêt doit préciser les faits en cause et le degré de participation de la personne soupçonnée aux infractions qu'il vise ; qu'il résulte des termes mêmes du mandat d'arrêt européen qu'aucune précision n'est apportée sur le mode de participation de la personne réclamée aux faits, cet acte se contentant de relever que l'intéressé « semble impliquer » dans les faits, au vu du déclenchement d'une borne téléphonique et d'écoutes téléphoniques sans aucune précision ; qu'en cet état, en considérant que ledit mandat précise le degré de participation de la personne réclamée aux faits, la cour d'appel a violé l'article précité ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de porter une appréciation sur les charges retenues à l'encontre de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, sauf si ces charges résultent d'une instruction menée en France ; que le mandat d'arrêt européen étant expressément fondé sur les éléments de preuve résultant d'une enquête suivie d'une instruction ouverte en France, ce que confirmait la note du procureur de la République de Paris, en refusant d'accorder à la personne réclamée le droit d'accéder à ces informations, la cour d'appela méconnu les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Attendu que, pour ordonner la remise différée de M. X... aux autorités judiciaires belges, l'arrêt retient que le mandat d'arrêt européen délivré par le juge d'instruction de Bruxelles des chefs de participation à une organisation criminelle, enlèvement, séquestration, prise d'otages, incendie volontaire, tentative d'évasion qualifiée et tentative de meurtre, comporte, conformément aux prescriptions de l'article 695-13 du code de procédure pénale, la date et le lieu des infractions reprochées ainsi que le degré de participation de la personne recherchée dans la commission de ces infractions ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à porter une appréciation sur la pertinence des charges retenues par les autorités judiciaires belges, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-85477
Date de la décision : 07/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 03 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 oct. 2015, pourvoi n°15-85477


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.85477
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award