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07/10/2015 | FRANCE | N°14-20144

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 octobre 2015, 14-20144


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... est née le 28 avril 1955 de Lola Mary Y... ; qu'un arrêt a condamné Albert Z... à verser à cette dernière des subsides sur le fondement de l'article 342 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'après le décès de sa mère, Mme X... a été adoptée par M. et Mme A... ; que, par acte du 12 juillet 2010, elle a fait assigner Albert Z... en recherche de paternité ; que ce dernier étant décédé, son fils est intervenu à l'instance ;
Sur l

e moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 3 du code civ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... est née le 28 avril 1955 de Lola Mary Y... ; qu'un arrêt a condamné Albert Z... à verser à cette dernière des subsides sur le fondement de l'article 342 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'après le décès de sa mère, Mme X... a été adoptée par M. et Mme A... ; que, par acte du 12 juillet 2010, elle a fait assigner Albert Z... en recherche de paternité ; que ce dernier étant décédé, son fils est intervenu à l'instance ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu que, pour déclarer l'action irrecevable, après avoir donné acte à Mme X... de ce que la loi anglaise compétente ne connaît pas l'équivalent des fins de non-recevoir, l'arrêt retient que celle-ci n'a fourni aucun exemple d'une filiation établie judiciairement en droit anglais au profit d'une personne adoptée, sans que cette filiation ait été préalablement mise à néant, et que les recherches des seconds juges conduisent au même constat ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les règles de droit anglais applicables, alors que Mme X... avait produit un certificat de coutume établi par un avocat anglais qui attestait que la recherche des parents biologiques n'était pas impossible même si une filiation préexistait, en évoquant des précédents, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable cette action, l'arrêt retient qu'est contraire à l'ordre public français l'établissement d'une filiation contredisant une filiation légalement établie ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la demande en recherche de paternité formée par Mme Sarah B...,
AUX MOTIFS QUE « (¿) il résulte des pièces de la procédure et des éléments contradictoirement débattus que Sarah B... est née le 28 avril 1955 à HAMMERSMITH (Royaume Uni) de Lola Mary Y... et de père inconnu ;
que Lola Mary Y... avait été engagée comme jeune fille au pair en France par M. et Mme Albert Z..., afin de s'occuper de leur fils Richard Z... ;
que c'est dans ce contexte qu'Albert Z... aurait eu une liaison intime avec Lola Mary Y..., dont serait issue Sarah B... ; que dès la révélation de son état de grossesse, Lola Mary Y... serait retournée en Angleterre en octobre 1954, où elle a donné naissance à sa fille 6 mois plus tard ;
que Sarah B... a été déclarée à sa naissance sous le nom de Sarah Jane Z... ; que l'enfant n'a jamais été reconnue par Albert Z... ;
qu'une action à fins de subsides a été exercée devant le tribunal civil de VERSAILLES en 1958, qui a condamné Albert Z... à verser à Lola Mary Y... certaines sommes, portées en cause d'appel le 27 novembre 1959 à la somme de 50.000 francs par mois ;
que Lola Mary Y... est décédée en 1963 ;
que le 11 août 1966, Sarah B... a été adoptée par un cousin de sa mère et son épouse, les époux C... ;
qu'ayant retrouvé la trace de la famille Z..., courant 2008, Sarah B... a rencontré Albert Z... le 13 octobre 2008 ;
qu'autorisée à assigner à jour fixe, Sarah B... a, par acte du 12 juillet 2010, fait assigner Albert Z... en recherche de paternité ;
que par le jugement entrepris du 19 octobre 2010, le tribunal de grande instance de VERSAILLES a déclaré irrecevable l'action en recherche de paternité ; que le tribunal a constaté qu'en application de l'article 311-14 du code civil, la loi anglaise s'appliquait, mais a relevé que celle-ci ne prévoyait pas de limite temporelle à l'exercice de l'action en recherche de paternité, en contravention avec l'ordre public international, qui, selon le tribunal s'oppose à l'imprescriptibilité de l'action en recherche de paternité ;
qu'Albert Z... est décédé le 24 octobre 2011 à VAUCRES SON, laissant pour héritier son fils Richard, issu de son union avec Jeanne D..., prédécédée ;
que Sarah B... a relevé appel du jugement et intimé Richard Z... en tant que venant aux droits de son père décédé ;
considérant qu'à l'audience des débats du 18 novembre 2013, la cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur les conséquences possibles de l'adoption dont Sarah B... a fait l'objet sur la recevabilité de l'action en recherche de paternité ;
sur la recevabilité de l'action :
considérant que Richard Z... soutient que l'action en recherche de paternité serait irrecevable en ce que, d'une part, Sarah B... ne démontrerait pas que la filiation adoptive dont fait l'objet Sarah B... ne s'opposerait pas, en droit anglais, à l'exercice d'une action en recherche de paternité, et en ce que, d'autre part, le droit anglais de la filiation, applicable à la cause, ne prévoit pas de limite temporelle à l'exercice de cette action, en contravention avec l'ordre public international français ;
qu'en réponse, Sarah B... fait valoir que la notion de fin de non-recevoir n'existe pas en droit anglais et qu'il n'est pas possible de déterminer si, en droit anglais, l'existence d'une filiation adoptive préexistante fait obstacle à l'exercice d'une action en recherche de paternité ;
qu'elle soutient, par ailleurs, que l'adoption peut être remise en cause en droit anglais en cas de "breach of natural justice", dans le cas où l'un des parents biologiques serait dans l'ignorance de l'adoption, et lorsque l'adoption aurait été obtenue par fraude ; qu'elle ajoute que l'adoption serait irrégulière en ce que le droit anglais exige que les parents biologiques aient été dûment avertis et aient expressément consenti à l'adoption de leur enfant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
qu'ainsi, l'adoption dont elle a fait l'objet ne ferait pas obstacle à l'exercice de l'action en recherche de paternité ;
« qu'il est constant que Sarah B... a fait l'objet le 11 août 1966 d'une décision d'adoption au profit d'un cousin de sa mère prédécédée et de son épouse ;
« qu'ainsi que le relève à juste titre Richard B... (en réalité Z...), cette adoption, qui en ce qu'elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant, produit en France les conséquences d'une adoption plénière, en application de l'article 370-5 du Code civil ;
« que la régularité de cette adoption n'a, en l'état des éléments produits aux débats, pas été contestée devant les juridictions anglaises, pour autant qu'elle puisse l'être, et qu'elle continue de produire ses effets ;
« que s'il doit être donné acte à Sarah B... que le droit anglais ne connaît pas l'équivalent des fins de non-recevoir, il y a lieu de constater, en sens inverse, qu'elle ne fournit aucun exemple dans lequel une filiation aurait été établie judiciairement en droit anglais au profit d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption, sans que la filiation adoptive ait été, au préalable, mise à néant : que les recherches auxquelles la Cour a elle-même procédé conduisent au même constat ;
« considérant, en outre, qu'est contraire à l'ordre public français l'établissement d'une filiation contredisant une filiation légalement établie, tant que celle-ci n'a pas été contestée en justice ;
« que tel est le cas de la filiation adoptive dont fait l'objet Sarah B... ;
« qu'en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner la contrariété à l'ordre public français de l'absence de délai d'exercice de l'action en recherche de paternité en droit anglais, il convient de déclarer irrecevable l'action en recherche de paternité et de confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris (¿) »,
ALORS QUE 1°), il appartient au juge saisi de l'application d'un droit étranger de procéder à sa mise en oeuvre et, spécialement, d'en rechercher la teneur afin de trancher le litige selon ce droit ; qu'en se bornant à énoncer que Mme B... ne fournissait aucun « exemple » dans lequel une filiation aurait été établie judiciairement en droit anglais au profit d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption, sans que la filiation adoptive ait été préalablement mise à néant, et que « les recherches auxquelles la Cour a elle-même procédé conduisent au même constat », sans préciser les règles de droit anglais applicables et sans constater que ces règles ne permettaient pas de faire droit à la demande de l'exposante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du Code civil,
ALORS QUE 2°), il appartient au juge saisi de l'application d'un droit étranger de procéder à sa mise en oeuvre et, spécialement, d'en rechercher la teneur afin de trancher le litige selon ce droit ; que Mme B... versait notamment aux débats un « certificat de coutume » établi par Mme SPARROW, avocate au Barreau de Londres, faisant ressortir que « la recherche de ses parents biologiques n'apparaît (¿) pas impossible en Angleterre tandis qu'une autre filiation a été déjà établie » ;
qu'en se bornant à affirmer que Mme B... ne fournissait aucun «exemple »
dans lequel une filiation aurait été établie judiciairement en droit anglais au profit d'une personne ayant fait l'objet d'une adoption, sans examiner le certificat de coutume susvisé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du Code civil,
ALORS QUE 3°), le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, d'office, « qu'est contraire à l'ordre public français l'établissement d'une filiation contredisant une filiation légalement établie, tant que celle-ci n'a pas été contestée en justice », sans inviter les parties à en discuter préalablement et contradictoirement, la Cour d'appel a violé les articles 16 du Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-20144
Date de la décision : 07/10/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 oct. 2015, pourvoi n°14-20144


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.20144
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