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07/10/2015 | FRANCE | N°14-11690

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 octobre 2015, 14-11690


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 26 mars 2013), que M. X... a été engagé le 3 septembre 2001 par la société La Reyranglade (la société) en qualité d'ouvrier agricole ; qu'il a été victime d'un accident du travail le 27 janvier 2009 ; que, le 17 mars 2010 il a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que, le 19 mars 2010, l'employeur l'a informé que, suite à sa reprise du travail, il devait passer une visite médicale le 23 mars 2010 ; que le salarié a saisi la

juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt at...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 26 mars 2013), que M. X... a été engagé le 3 septembre 2001 par la société La Reyranglade (la société) en qualité d'ouvrier agricole ; qu'il a été victime d'un accident du travail le 27 janvier 2009 ; que, le 17 mars 2010 il a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que, le 19 mars 2010, l'employeur l'a informé que, suite à sa reprise du travail, il devait passer une visite médicale le 23 mars 2010 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de décider que sa prise d'acte produit les effets d'une démission, alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors que le salarié manifeste à l'employeur sa volonté de reprendre le travail, il appartient à ce dernier, sans pouvoir attendre la reprise effective, de prendre l'initiative de faire procéder à une visite médicale de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail ; qu'il est constant qu'il a informé le 23 février 2010, l'employeur d'une reprise du travail le 2 mars 2010 et qu'au jour de la prise d'acte de la rupture, le 17 mars 2010, l'employeur n'avait pas organisé la visite médicale de reprise ; qu'en retenant qu'il n'établissait pas avoir repris le travail pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation d'organiser la visite médicale de reprise dans les huit jours de la reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-7, R. 4624-21, R. 4624-22 et L. 4121-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ;
2°/ qu'en cas de prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat est rompu dès la présentation de la lettre de rupture à l'employeur et toute réaction ou tout comportement ultérieur de l'une ou l'autre des parties est sans incidence sur la qualification de la rupture ; que la prise d'acte de la rupture ayant eu lieu le 17 mars, fondée notamment sur l'absence de visite médicale de reprise bien que l'employeur ait été informé par le salarié de sa volonté de reprendre le travail le 2 mars, la cour d'appel ne pouvait prendre en compte la convocation par l'employeur à la visite médicale de reprise du 23 mars pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation d'organiser la visite médicale dans les huit jours de la reprise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
3°/ que toute décision doit être motivée ; qu'il a fait valoir que l'employeur « selon son humeur du jour », le faisait travailler ou pas, espérant qu'il abandonne son poste, il faisait encore valoir que la modification des horaires, avec un temps de pause de trois heures au lieu d'une, poursuivait cet objectif et que l'employeur lui avait dit « tu vas suivre ton frère et ton neveu » qui avaient déjà quitté l'entreprise et la prise d'acte de la rupture faisait bien référence à ces éléments en ce qu'il indiquait : «Tout les incidents qui se sont produits depuis ma reprise me conduise à pensé que vous ne souhaité plus de moi au sein de votre entreprise » ; qu'il ne ressort pas des motifs de l'arrêt que la cour d'appel ait pris en considération ces éléments, et en statuant comme elle l'a fait, elle a insuffisamment motivé sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il a fait valoir qu'il avait refusé les nouveaux horaires de travail proposés par l'employeur ; que la cour d'appel ne pouvait retenir contre lui le tableau des horaires remis par l'employeur faisant état d'une prise de travail à 9 h 00 pour réfuter sa présence en action de travail dans la rizière le 12 mars 2010 aux alentours de 7 h 00 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir écarté la réalité des autres manquements de l'employeur, la cour d'appel, ayant relevé que le salarié faisait grief à celui-ci de ne pas avoir organisé la visite de reprise dans le délai de huit jours prévu par les articles R. 4624-21 et suivants du code du travail, a pu, l'article R. 4624-22 prévoyant que cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours, écarter ce grief en constatant que ce salarié n'avait pas, le 17 mars 2010, repris son travail ; qu'elle a, sans dénaturation, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la prise d'acte du salarié produit les effets d'une démission ;
AUX MOTIFS QUE :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, peu important le comportement postérieur du salarié.
Par courrier recommandé en date du 17 mars 2010, reçu le 19, Monsieur X... écrivait :
"Comme je vous l'ai indiqué dans mon courrier du 15 mars 2010, je me suis présenté sur mon lieu de travail au Mas la Reyranglade à 9h00, le nouvel horaire que vous m'aviez dernièrement fixé et il n'y avait personne.
J'ai attendu jusqu'à 10h00 et personne n'est venu.
Je suis revenu dès lundi à la même heure ainsi que Mardi et là encore vous n'êtes pas venu me donner du travail à effectué.
Tout les incidents qui se sont produits depuis ma reprise me conduise à pensé que vous ne souhaité plus de moi au sein de votre entreprise.
Dans la mesure où vous ne me fournissez plus aucun travail.
Je prends acte de la rupture de mon contrat de travail et vous laisse le soin de régularisé la situation à mon égard ... "
Monsieur X... invoque le bénéfice de cette prise d'acte et c'est donc à cette date du 17 mars 2010 qu'il convient d'examiner la réalité et la gravité des griefs imputés à l'employeur, peu important que le salarié se soit ensuite présenté aux visites de reprise des 31 mars et 19 avril 2010.
Du courrier de prise acte, il ressort un seul grief : l'employeur aurait manqué à son obligation de fournir du travail à son salarié qui s'est tenu à sa disposition.
Les éléments produits par les parties sont les suivants :
- la Mutualité Sociale Agricole du Gard par son courrier du 11 février 2010 ayant notifié à Monsieur X... que le médecin conseil l'avait déclaré consolidé à compter du 1er mars 2010, celui-ci écrivait le 23 février pour confirmer sa démarche orale tendant à la reprise de son travail le 2 mars ;
-le 3 mars 2010, Monsieur X... se présentait au contrôleur du travail qui en atteste, suite à un litige avec son employeur.
- par courrier recommandé du 3 mars 2010, distribué le 4, l'employeur mentionnait qu'il ne s'était pas présenté à son poste de travail les 2 et 3 mars ; un nouveau courrier recommandé du 8 mars 2010, distribué le 12 relevait que le salarié ne s'était pas présenté à son poste de travail le 8 au matin, sans justifier de son absence ;
- le 12 mars 2010, Monsieur X... portait plainte à l'encontre de Monsieur Michel Y..., faisant état d'insultes, de violences légères et de menaces qu'il avait subi le matin même vers 7 heures pour le pousser à démissionner; il y rappelait le contentieux précédant opposant son neveu Rachid X... et son frère, Kassem X..., licenciés par leur employeur commun au bout de 4 et 25 ans pour avoir déposé plainte pour une exposition à l'amiante.
-Monsieur X... y répondait par courrier recommandé du 15 répondait s'être présenté le 8 mais qu'il n'y avait personne, de même que les 13 et 15, tout étant verrouillé ;
-ce courrier croisait celui de l'employeur qui, ce même 15 mars, adressait un courrier distribué le 17 relevant que le salarié ne s'était pas présenté à son poste les 13 et 15 mars, sans justifier de son absence.
-le courrier de prise d'acte de rupture intervenait le 17.
- le 19, par courrier recommandé, l'employeur informait Monsieur X... que "suite à votre reprise du travail, je vous informe que vous devez passer une visite médicale le 23 mars 2010 et que contrairement à ses affirmations contenues dans la lettre du 15, l'un des deux frères Y... était toujours présent le matin et l'après-midi au domaine, rappelant que le salarié ne s'était pas présenté les 8, 13 et 15 mars.
-le 1er avril 2010, Monsieur X... transmettait un tableau des heures exécutées courant mars où il mentionnait avoir accompli systématiquement 6 heures de travail du lundi au samedi de chaque semaine entre le mardi 2 et le mercredi 30 mars.
De ces pièces, il ressort que le salarié ne peut justifier, face à la contestation systématique de l'employeur, s'être présenté notamment les 2, 3, 8, 13 et 15 mars 2010.
La Cour ne peut que s'étonner que Monsieur X..., alors qu'un conflit préexistait entre lui et son employeur relativement à une exposition à l'amiante sur un chantier de démolition d'une coopérative, ayant généré le licenciement de son frère et de son neveu, n'ait pas pris l'élémentaire précaution de se faire accompagner par , un témoin, quel qu'il soit, pour faire constater qu'il se présentait à son poste de travail et qu'il y trouvait porte close alors que l'employeur lui reprochait dès l'origine une absence à son poste de travail.
Pas plus, alors que la preuve lui en incombe, Monsieur X... ne peut il justifier s'être tenu à la disposition de son employeur les autres jours ouvrables entre le 2 et le 17 mars 2010, sa présence en action de travail dans 1a rizière le 12 mars 2010 aux alentours de 7h00 ne résultant d'aucun élément autre que ses propres allégations énoncées dans la plainte, alors qu'elle entre en contradiction avec le tableau des horaires qu'il indique lui avoir été remis par l'employeur le 9 mars 2010 (sa pièce 5) faisant état d'une prise de travail à 9h00 et alors que le tableau qu'il transmet le 1er avril2010 n'est pas cohérent avec les horaires de travail demandés puisque tous les samedi y sont mentionnés comme générant 6 heures de travail alors qu'il ne devait travailler que de 9 à 12 puis de 15 à 17 heures.
Sa présence en situation de travail le 12 mars à 7h00 est également en contradiction avec l'allégation selon laquelle son employeur ne lui fournissait plus de travail.
Le grief énoncé dans la lettre de rupture n'est pas établi.
Le deuxième grief qui en est induit, relatif à l'absence d'organisation de la visite médicale de reprise dans les 8 jours de celle-ci conformément aux articles R. 4624-21 et suivants du code du travail dans leur rédaction alors applicable n'est dès lors pas caractérisé : dès lors que Monsieur X... n'établit pas avoir repris le travail antérieurement au 17 mars 2010, seule date reconnue par l'employeur, l'employeur a informé le salarié de ce qu'il devait se présenter à la visite de reprise le 23 mars, la convocation étant régulièrement produite. La S.A.R.L. La REYRANGLADE en diligentant la visite médicale dans les 8 jours de la reprise n'a donc pas manqué à son obligation.
Le troisième grief relatif aux insultes, violences légères et menaces n'est pas caractérisé autrement que par les allégations du salarié, fussent-elles rapportées dans une plainte dont l'issue n'est pas indiquée, l'employeur contestant les faits rapportés.
Le quatrième grief invoqué, tiré de l'absence de reprise du paiement du salaire à l'issue d'un mois suivant la deuxième visite de reprise, outre qu'il n'est pas caractérisé, n'est pas pertinent puisqu'il se rapporte à un fait postérieur à la prise d'acte de rupture.
Il s'ensuit que la prise d'acte de la rupture par Monsieur X... produit les effets d'une démission.
ALORS QUE dès lors que le salarié manifeste à l'employeur sa volonté de reprendre le travail, il appartient à ce dernier, sans pouvoir attendre la reprise effective, de prendre l'initiative de faire procéder à une visite médicale de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail ; qu'il est constant que le salarié a informé le 23 février 2010, l'employeur d'une reprise du travail le 2 mars 2010 et qu'au jour de la prise d'acte de la rupture, le 17 mars 2010, l'employeur n'avait pas organisé la visite médicale de reprise ; qu'en retenant que le salarié n'établissait pas avoir repris le travail pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation d'organiser la visite médicale de reprise dans les huit jours de la reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-7, R. 4624-21, R. 4624-22 et L. 4121-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ;
ALORS QU'en cas de prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat est rompu dès la présentation de la lettre de rupture à l'employeur et toute réaction ou tout comportement ultérieur de l'une ou l'autre des parties est sans incidence sur la qualification de la rupture ; que la prise d'acte de la rupture ayant eu lieu le 17 mars, fondée notamment sur l'absence de visite médicale de reprise bien que l'employeur ait été informé par le salarié de sa volonté de reprendre le travail le 2 mars, la cour d'appel ne pouvait prendre en compte la convocation par l'employeur à la visite médicale de reprise du 23 mars pour dire que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation d'organiser la visite médicale dans les huit jours de la reprise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1du code du travail ;
ALORS QUE toute décision doit être motivée ; le salarié a fait valoir que l'employeur « selon son humeur du jour », le faisait travailler ou pas, espérant que celui-ci abandonne son poste, il faisait encore valoir que la modification des horaires, avec un temps de pause de trois heures au lieu d'une, poursuivait cet objectif et que l'employeur lui avait dit « tu vas suivre ton frère et ton neveu » qui avaient déjà quitté l'entreprise et la prise d'acte de la rupture faisait bien référence à ces éléments en ce que le salarié indiquait : « Tout les incidents qui se sont produits depuis ma reprise me conduise à pensé que vous ne souhaité plus de moi au sein de votre entreprise » ; qu'il ne ressort pas des motifs de l'arrêt que la cour d'appel ait pris en considération ces éléments, et en statuant comme elle l'a fait, elle a insuffisamment motivé sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE le salarié a fait valoir qu'il avait refusé les nouveaux horaires de travail proposés par l'employeur (conclusions d'appel p. 5§4) ; que la cour d'appel ne pouvait retenir contre le salarié le tableau des horaires remis par l'employeur faisant état d'une prise de travail à 9h00 pour réfuter sa présence en action de travail dans la rizière le 12 mars 2010 aux alentours de 7h00 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel du salarié et violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-11690
Date de la décision : 07/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 26 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 oct. 2015, pourvoi n°14-11690


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11690
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