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30/09/2015 | FRANCE | N°15-81747

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 septembre 2015, 15-81747


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Robert X...,

contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 16 février 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage, et escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant la saisie pénale de biens immobiliers ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procéd

ure pénale : M. Guérin, président, M. Sadot, conseiller rapporteur, M. Soulard, ...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Robert X...,

contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 16 février 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage, et escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant la saisie pénale de biens immobiliers ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Sadot, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller SADOT, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle BARTHÉLEMY, MATUCHANSKY, VEXLI-ARD et POUPOT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUÉGUEN ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 16 avril 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du 1er protocole additionnel à ladite convention, 112-1, 112-2, 131-21, dans sa version applicable aux faits de la cause, du code pénal, L. 242-6 du code de commerce, 112-1, 112-2, 131-21, dans sa version applicable aux faits de la cause, du code pénal, L. 242-6 du code de commerce, dans sa version applicable aux faits de la cause, 591, 593, 706-141 à 706-147 et 706-153 à 706-157 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a ordonné la saisie pénale d'une propriété foncière située ...à Couilly-Pont-aux-Dames (77860), cadastrée AD 105, 106, 107, 108 et 319 et d'une maison située ... à Saint-Germain-sur-Morin (77860), cadastrée AE 228, 434, 436, 437 ;
" aux motifs que M. Robert X... a été mis en examen le 11 décembre 2013 pour abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, escroquerie en bande organisée, la période de prévention allant de 2003 à 2007 ; que, par arrêt distinct n° 2014/ 03346, en date du 16 février 2015, la cour de céans a considéré comme régulière la procédure et l'a validée jusqu'à la cote D795 ; que, par ordonnance du 14 janvier 2014, le juge d'instruction a ordonné la saisie pénale suivants : un moulin aménagé d'une villa, d'une île, d'écuries et de terrains, figurant au cadastre de la manière suivante : commune Couilly-Pont-aux-Dames (77860) section AD N° 105, 106, 107, 108, 319, et une maison avec piscine, figurant au cadastre de la manière suivante : commune Saint-Germain-sur-Morin (77860) section AE N° 228, 434, 436, 437, dont est propriétaire M. Robert X... ; que les confiscations spéciales concernant les personnes physiques ou morales, qu'elles portent sur un bien déterminé ou sur tout ou partie du patrimoine, doivent être prévues par un texte spécial d'incrimination ; que la peine complémentaire de la confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement, de plein droit pour les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an, sauf pour les délits de presse ; qu'en l'espèce, sont reprochés à M. X... des faits qualifiés d'abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage de faux et escroquerie en bande organisée ; qu'il est établi que les faits et infractions reprochés font encourir à M. X... une peine d'emprisonnement de dix ans au titre en particulier de l'infraction d'escroquerie en bande organisée ; qu'il s'expose compte tenu des qualifications pénales retenues à la peine de confiscation de tout ou partie de ses biens, y compris immobiliers, divis ou indivis ; qu'en effet, au moins pour trois de ces infractions, la peine complémentaire de confiscation est encourue au vu des articles 314-10, 6°, pour l'abus de confiance, 441-10, 4e, pour le faux et usage de faux, 331-7, 6e, pour l'escroquerie en bande organisée, qu'il n'est point juridiquement nécessaire que la confiscation doive être encourue pour chacune des infractions retenues ; qu'en outre l'escroquerie en bande organisée est punie de dix ans d'emprisonnement ; que l'article 131-21, alinéa 1, 4, 6, 8 et 9, du code pénal prévoit que : « La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse... La confiscation peut en outre porter sur tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction... Lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, qu'elle qu'en soit la nature, divis ou indivis... La confiscation peut être ordonnée en valeur... La confiscation en valeur peut être exécutée sur tous biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition... Pour le recouvrement de la somme représentative de la valeur de la chose confisquée, les dispositions relatives à la contrainte judiciaire sont applicables ¿ » ; que, par ailleurs, les articles 706-141 et 706-141-1 du code de procédure pénale prévoient que « Le présent titre s'applique, afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation selon les conditions définies à l'article 131-21 du code pénal, aux saisies réalisées en application du présent code lorsqu'elles portent sur tout ou partie des biens d'une personne, sur un bien immobilier, sur un bien ou un droit mobilier incorporel ou une créance ainsi qu'aux saisies qui n'entraînent pas de dépossession du bien. La saisie peut également être ordonnée en valeur. Les règles propres à certains types de biens prévues aux chapitre III et IV du présent titre s'appliquent aux biens sur lesquels la saisie en valeur s'exécute » ; qu'au surplus, en application de l'article 112-2, 2°, du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont immédiatement applicables, que par son arrêt n° 11-85. 522 en date du 9 mai 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu'en application de l'article 706-148 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mars 2012, s'agissant d'une mesure conservatoire, la loi était d'application immédiate, qu'en conséquence peu importe la date de commission des faits ; que, par sa décision n° 13-88. 602, en date du 24 septembre 2014, la même juridiction a jugé que « le produit des infractions ne pouvant être représenté était donc susceptible de confiscation en valeur, conformément aux exigences de l'article 131-21 du code pénal, dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 mars 2012, et que la chambre de l'instruction a fait une exacte application de l'article 706-141-1 du code de procédure pénale, en autorisant la saisie en valeur, lequel est immédiatement applicable » ; qu'enfin, il n'est pas nécessaire que le montant des sommes produit de l'infraction soit chiffré au stade de l'instruction ; qu'en l'espèce, il a été provisoirement évalué à 91 millions d'euros alors que le total des biens objets de saisies pénales s'élèverait, selon l'appelant, à 34 millions d'euros, que dès lors le rapport, soit deux tiers/ un tiers, n'apparaît pas hors de proportion, que ces mesures conservatoires sont justifiées pour éviter tout risque de dissipation des biens, M. X... ayant transféré une partie de ses avoirs mobiliers ou immobiliers à l'étranger, notamment en Belgique ou au Luxembourg, comme il a dû le concéder, qu'il peut toujours moyennant le paiement de pénalités, être mis un terme anticipé aux contrats d'assurance-vie, que dès lors la mesure conservatoire est justifiée ; qu'en conséquence, l'ordonnance de saisie pénale portant sur les biens immeubles suivants : un moulin aménagé d'une villa, d'une île, d'écuries et de terrains, figurant au cadastre de la manière suivante : commune Couilly-Pont-aux-Dames (77860) section AD N° 105, 106, 107, 108, 319, et une maison avec piscine, figurant au cadastre de la manière suivante : commune Saint-Germain-sur-Morin (77860) Section AE N° 228, 434, 436, 437, doit être confirmée ;
" 1°) alors que l'application immédiate de l'article 706-141-1 du code de procédure pénale aux faits commis avant son entrée en vigueur méconnaît le principe de non rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, et à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard des articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 34 de la Constitution ;
" 2°) alors qu'en toute hypothèse, les lois qui ont pour effet de rendre plus sévères les peines encourues ne sont applicables qu'aux faits commis après leur entrée en vigueur ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article 706-141-1 du code de procédure pénale issues de la loi du 27 mars 2012 n° 2012-409 relatives à la saisie en valeur étaient immédiatement applicables en l'espèce pour des faits qui auraient été commis entre 2003 et 2007 quand la saisie en valeur des biens de M. X... produisait, par anticipation, l'effet d'une peine de confiscation qui n'aurait pu, sous l'empire des dispositions antérieures, n'être prononcée qu'au jour de sa condamnation éventuelle, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de non rétroactivité des peines et ainsi violé les textes susvisés ;
" 3°) alors qu'en toute hypothèse, une saisie spéciale ne peut être ordonnée que pour garantir l'exécution d'une peine de confiscation encourue par le mis en examen ; qu'une peine de confiscation en valeur ne peut être prononcée, en application de l'article 131-21 du code pénal, dans sa version antérieure à la loi du 5 mars 2007, que pour garantir la représentation d'une chose matérielle et non d'un bien ; qu'en jugeant que la saisie en valeur était justifiée par le risque de dissipation des sommes prétendument détournées quand la monnaie est un bien immatériel et non une chose matérielle susceptible de confiscation, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 4°) alors qu'en toute hypothèse, la saisie spéciale doit être strictement proportionnée à l'objectif du législateur de garantir l'exécution de la peine de confiscation ; qu'en jugeant qu'« au moins, pour trois des infractions, la peine complémentaire de confiscation est encourue au vu des articles 314-10, 6°, pour l'abus de confiance, 441-10-4°, pour le faux et usage de faux, 313-7-6°, pour l'escroquerie en bande organisée, qu'il n'est point juridiquement nécessaire que la confiscation doive être encourue pour chacune des infractions retenus » et en faisant masse des sommes prétendument détournées pour apprécier le caractère proportionné de la mesure de saisie sans distinguer celles qui seraient le fruit d'un abus de bien sociaux non puni d'une peine de confiscation au moment des faits litigieux, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., dirigeant des holdings des sociétés Franprix et Leader Price jusqu'en avril 2007, a été mis en examen des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage, et escroquerie en bande organisée, pour avoir, entre 2003 et 2007, détourné ou obtenu frauduleusement des fonds provenant des ressources des sociétés filiales Franprix et Leader Price, le préjudice global étant estimé à 90 millions d'euros ; que le 12 décembre 2013, le juge d'instruction a ordonné la saisie pénale de deux biens immobiliers appartenant à M. X... et évalués à 1 760 000 et 848 000 euros ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt retient, notamment, qu'il n'est point juridiquement nécessaire que la confiscation soit encourue pour chacune des infractions retenues, et qu'en l'espèce le montant des sommes, produit des infractions, a été provisoirement évalué a environ 91 millions d'euros, alors que le total des biens, objet des saisies pénales, s'élèverait à 34 millions d'euros ; qu'enfin, les juges retiennent que ce montant, qui représente un tiers du préjudice estimé, n'apparaît pas hors de proportion ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, dès lors que, d'une part, les biens immeubles pouvaient être saisis en valeur, à titre de mesure conservatoire en vertu de l'article 706-141-1 du code de procédure pénale, immédiatement applicable, comme pouvant représenter le produit, susceptible de confiscation, de certaines des infractions poursuivies, d'autre part, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la valeur de l'ensemble des biens saisis n'excède pas le montant estimé du produit des infractions d'abus de confiance et d'escroquerie pour lesquelles M. X... a été mis en examen ;
D'où il suit que le moyen, devenu inopérant en sa première branche par suite du refus, par la Cour de cassation, de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 706-141-1 du code de procédure pénale, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81747
Date de la décision : 30/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 16 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 sep. 2015, pourvoi n°15-81747


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:15.81747
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