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30/09/2015 | FRANCE | N°14-19105

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 septembre 2015, 14-19105


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la commune de Villeneuve-Loubet ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a répondu à un appel à candidature portant sur la création d'une identité graphique, organisé par la commune de Villeneuve-Loubet qui a retenu le projet de la société ROM ; qu'estimant que cette dernière avait repris plusieurs des caractéristiques des logos et slogans qu'elle avait présentés, Mme X... l'a assignée en contrefaçon de dro

its d'auteur et en réparation d'actes de concurrence déloyale et de parasi...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la commune de Villeneuve-Loubet ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a répondu à un appel à candidature portant sur la création d'une identité graphique, organisé par la commune de Villeneuve-Loubet qui a retenu le projet de la société ROM ; qu'estimant que cette dernière avait repris plusieurs des caractéristiques des logos et slogans qu'elle avait présentés, Mme X... l'a assignée en contrefaçon de droits d'auteur et en réparation d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées au titre de la contrefaçon, alors, selon le moyen, que la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit résulte de sa seule reproduction ; qu'en retenant que le grief invoqué par Mme X... ne peut être examiné que pour celui des logos et slogans de la société ROM qui a finalement été retenu et diffusé par la commune de Villeneuve-Loubet, la cour d'appel a violé les articles L. 122-3, L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que Mme X... ayant sollicité la confirmation du jugement qui a qualifié de contrefaisant le dernier projet de la société ROM, daté de 2006, le moyen est nouveau et mélangé de fait, partant, irrecevable ; Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réparation d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, alors, selon le moyen :
1°/ que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que Mme X... faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que les logos et slogans qu'elle avait réalisés, présentés sous forme de quatre maquettes, sur la thématique du coeur, avec emploi d'un style épuré et fluide, dans le cadre de l'appel d'offres où elle avait été mise en concurrence avec la société ROM, avaient été le fruit d'un investissement intellectuel important, d'une recherche et d'un savoir-faire pointus, s'inscrivant dans le sillage d'un style qui lui est personnel et caractéristique, moderne et épuré, que l'on retrouve dans ses nombreuses réalisations, appréciées sur la Côte d'Azur ; que le cahier des charges de la commune ne faisait pas état de cette thématique ni de l'utilisation antérieure du mot coeur par la commune, que la brochure touristique datant de 1980 n'avait été communiquée aux débats qu'en appel par la commune et qu'elle avait été la seule concurrente à proposer cet axe créatif ; que les propositions de la société ROM, aux antipodes (thème du blason et du château, style classique et désuet) n'avaient pas été jugées conformes aux attentes lors du processus de sélection ; que, de manière équivoque, la société ROM avait néanmoins été sélectionnée puis avait bouleversé son offre et présenté à la commune un logo et un slogan radicalement différents de ceux proposés au départ mais reprenant la thématique, le style et des éléments essentiels de ceux proposés par Mme X... ; que la société ROM avait eu accès à son travail et profité de ses efforts intellectuels ; qu'en refusant d'examiner la procédure de sélection et de choix des candidats par la commune de Villeneuve-Loubet, l'évolution des projets de la société ROM et la connaissance qu'avait pu avoir cette société du projet de Mme X... par le biais de la commune, lesquels étaient pourtant parfaitement pertinents dans l'appréciation de la preuve de l'existence d'un comportement parasite fautif de la part de la société ROM, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'une faute sanctionnée par l'article 1382 du code civil ne requiert aucun élément intentionnel ; qu'en exigeant « la preuve de la volonté de la société ROM de se placer dans le sillage et de tirer profit des investissements commerciaux et de la notoriété particulière », les juges du fond ont violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert de grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a estimé que Mme X..., qui n'agissait pas en réparation d'acte de concurrence déloyale et de parasitisme à titre subsidiaire, ne justifiait pas de l'existence de faits distincts de ceux incriminés au titre de la contrefaçon, de nature à établir que la société ROM se serait placée dans son sillage pour tirer profit de ses investissements et de sa notoriété ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour rejeter les demandes en réparation d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt retient que les courbes « décalées » du logo adopté par la société ROM ne ressemblent pas à celles « plus traditionnelles » choisies par Mme X... et qu'il en est de même de l'élément graphique surmontant le ventricule droit du coeur figuré sur les oeuvres en présence ;
Qu'en se déterminant ainsi, au vu de différences, sans se prononcer sur la portée des ressemblances retenues par les premiers juges et incriminées par Mme X..., tenant au choix d'un graphisme épuré, à celui de deux couleurs différentes pour figurer chacun des ventricules, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées au titre de la contrefaçon, l'arrêt rendu le 28 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société ROM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ROM ; la condamne à verser à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mademoiselle X... de la totalité de ses demandes fondées sur les faits de contrefaçon commis par la société ROM,
AUX MOTIFS QU'il n'appartient pas à cette Cour d'examiner la procédure de sélection et de choix des candidats par la Commune de Villeneuve Loubet dans le cadre de la création de son identité graphique, ni le fait que le projet de la société ROM qui a finalement été retenu a ensuite été largement modifié, ni l'argument de Mademoiselle X... selon lequel cette société aurait eu connaissance de son projet par la Commune ; que ces 3 points sont en effet étrangers au litige de contrefaçon (¿) dont la Cour est uniquement saisie ; que le coeur est un élément utilisé par la Commune de Villeneuve Loubet dans une brochure touristique ayant pour titre « le coeur de l'Infinie Côte d'Azur » et qui est antérieure au litige, ainsi que par diverses collectivités territoriales (région Nord-Pas de Calais, département de la Vendée, communes d'Arras et de Poissy), ce qui ne permet pas à Mademoiselle X... de critiquer le choix de ce coeur par la société ROM même si avant d'être retenue celle-ci n'avait pas travaillé sur ce thème ; que le grief invoqué par Mademoiselle X... ne peut être examiné que pour celui des logos et slogans de la société ROM qui a finalement été retenu et diffusé par la Commune de Villeneuve Loubet ; qu'il est constitué du nom de cette dernière avec en-dessous l'expression « Coeur nature de la Côte d'Azur », lesquels empiètent sur un ensemble pouvant faire penser à un coeur divisé en 2 parties, car constitué d'une apostrophe rouge et d'une grande virgule jaune au sommet de laquelle figure stylisée la tour du château de cette Commune, ces 2 éléments se faisant face de manière décalée car le haut de la virgule est au niveau du milieu de l'apostrophe, et le bas de cette dernière au niveau du milieu de la virgule ; que 3 des 4 logos de Mademoiselle X... ont la forme du coeur :- pour le premier une partie gauche bleue, une partie droite orange et presqu'en lisière droite de cette dernière un personnage très épuré constitué d'un trait vertical orange et d'un rond bleu au-dessus du coeur ; le slogan est « le coeur de la ville, c'est vous » ;- pour le deuxième ce même dessin mais dont la moitié supérieure a un fond rectangulaire bleu ; le slogan est « bien plus que le ciel à partager » ;- pour le troisième un coeur allongé dans la dimension verticale, coupé en 2 dans le sens de la hauteur avec la partie haute verte évoquant un oiseau volant, et la partie basse double verte et bleue ; le slogan est « Le coeur vert de la Côte d'Azur » ;

que les courbes du coeur décalées de la société ROM ne ressemblent pas à celles du coeur plus traditionnel de Mademoiselle X..., ni la tour du château de la première à la tête du personnage de la seconde et les mots utilisés dans les slogans (coeur, coeur vert signifiant l'importance de la nature) sont banaux ; que par suite il n'existe pas entre les logos et slogans en litige une impression d'ensemble qui soit similaire, ce qui exclut toute contrefaçon par la société ROM contrairement à ce qu'a décidé le Tribunal ; que le jugement est infirmé sur ce point ;
1° ALORS QUE la contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit résulte de sa seule reproduction ; qu'en retenant que le grief invoqué par Mademoiselle X... ne peut être examiné que pour celui des logos et slogans de la société ROM qui a finalement été retenu et diffusé par la Commune de Villeneuve Loubet, la Cour a violé les articles L 122-3, L 122-4, L 335-2 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2° ALORS QUE la contrefaçon d'un logo s'apprécie non d'après les différences mais d'après les ressemblances ; que Mlle X..., qui évoquait une reprise, par la société ROM, des caractéristiques essentielles de son logo constitué d'un coeur et de l'architecture même de ce logo, pointait les ressemblances cumulées suivantes : « un graphisme moderne particulièrement épuré, le choix de deux couleurs différentes pour chacun des ventricules, la même couleur chaude, ocre, utilisée sur le ventricule droit, l'ouverture en bas du ventricule gauche, un élément stylisé en haut à droite du ventricule droit (pour la ville, un rectangle représentant le château et pour Mlle X..., une figure circulaire) » ; que ni la similitude des courbes du coeur ni celle de la forme intrinsèque de l'élément stylisé situé en haut à droite n'étaient évoqués ; que la Cour, qui s'est exclusivement fondée sur ces deux points, jugés non ressemblants, et s'en est tenue ce faisant à une appréciation des différences qu'elle entendait relever, a violé le principe sus-énoncé et les articles L 122-4, L 335-2 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3° ALORS, en toute hypothèse, QUE faute d'avoir examiné l'ensemble des points de ressemblance évoqués par Mlle X... pour caractériser la contrefaçon, et de s'être notamment interrogée sur l'architecture similaire des coeurs et le positionnement identique de l'élément stylisé, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-4, L 335-2 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mademoiselle X... de sa demande au titre des faits de concurrence déloyale et parasitisme,
AUX MOTIFS QU'il n'appartient pas à cette Cour d'examiner la procédure de sélection et de choix des candidats par la Commune de Villeneuve Loubet dans le cadre de la création de son identité graphique, ni le fait que le projet de la société ROM qui a finalement été retenu a ensuite été largement modifié, ni l'argument de Mademoiselle X... selon lequel cette société aurait eu connaissance de son projet par la Commune ; que ces 3 points sont en effet étrangers au litige (¿) de concurrence déloyale et parasitaire dont la Cour est uniquement saisie ; que le coeur est un élément utilisé par la Commune de VILLENEUVE LOUBET dans une brochure touristique ayant pour titre « le coeur de l'Infinie Côte d'Azur » et qui est antérieure au litige, ainsi que par diverses collectivités territoriales (région Nord-Pas de Calais, département de la Vendée, communes d'Arras et de Poissy), ce qui ne permet pas à Mademoiselle X... de critiquer le choix de ce coeur par la société ROM même si avant d'être retenue celle-ci n'avait pas travaillé sur ce thème ; (¿) que Mademoiselle X... ne démontre pas que la société ROM se soit placée dans son sillage pour tirer profit de ses investissements et de sa notoriété, ce qui exclut toute concurrence déloyale et parasitaire comme l'a décidé le jugement, lequel sur ce point sera confirmé ;
1° ALORS QUE le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que Mlle X... faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que les logos et slogans qu'elle avait réalisés, présentés sous forme de quatre maquettes (conclusions, p. 14), sur la thématique du coeur, avec emploi d'un style épuré et fluide, dans le cadre de l'appel d'offres où elle avait été mise en concurrence avec la société ROM, avaient été le fruit d'un investissement intellectuel important, d'une recherche et d'un savoir-faire pointus, s'inscrivant dans le sillage d'un style qui lui est personnel et caractéristique, moderne et épuré, que l'on retrouve dans ses nombreuses réalisations, appréciées sur la Côte d'Azur (conclusions, p. 36) ; que le cahier des charges de la Commune ne faisait pas état de cette thématique ni de l'utilisation antérieure du mot coeur par la Commune, que la brochure touristique datant de 1980 n'avait été communiquée aux débats qu'en appel par la Commune et qu'elle avait été la seule concurrente à proposer cet axe créatif (conclusions, p. 19 et 20) ; que les propositions de la société ROM, aux antipodes (thème du blason et du château, style classique et désuet) n'avaient pas été jugées conformes aux attentes lors du processus de sélection ; que, de manière équivoque, la société ROM avait néanmoins été sélectionnée puis avait bouleversé son offre et présenté à la Commune un logo et un slogan radicalement différents de ceux proposés au départ mais reprenant la thématique, le style et des éléments essentiels de ceux proposés par Mlle X... (conclusions, p. 26 à 35)) ; que la société ROM avait eu accès à son travail et profité de ses efforts intellectuels (p. 26 § 4, 27 § 1 ; p. 37 § 6) ; qu'en refusant d'examiner la procédure de sélection et de choix des candidats par la Commune de Villeneuve Loubet, l'évolution des projets de la société ROM et la connaissance qu'avait pu avoir cette société du projet de Mlle X... par le biais de la Commune, lesquels étaient pourtant parfaitement pertinents dans l'appréciation de la preuve de l'existence d'un comportement parasite fautif de la part de la société ROM, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ET AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE la volonté de la société ROM de se placer dans le sillage et de tirer profit des investissements commerciaux et de la notoriété particulière par des faits qui se distinguent de ceux caractérisant la contrefaçon, n'est pas établie par Mademoiselle Hacina X..., aucun élément n'étant produit à l'appui de cette demande ;
2° ALORS QU'une faute sanctionnée par l'article 1382 du code civil ne requiert aucun élément intentionnel ; qu'en exigeant « la preuve de la volonté de la société ROM de se placer dans le sillage et de tirer profit des investissements commerciaux et de la notoriété particulière », les juges du fond ont violé l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-19105
Date de la décision : 30/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 sep. 2015, pourvoi n°14-19105


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Marc Lévis, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19105
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