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30/09/2015 | FRANCE | N°14-13379

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 14-13379


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Toulouse, 14 mars 2013 et 23 janvier 2014), que M. X..., salarié de la société Dietsmann technologies (la société), membre de la délégation unique du personnel, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a, en cours de procédure, pris acte de la rupture de son contrat aux torts de son employeur ; que, par arrêt du 14 mars 2013, la cour d'appel a dit que la prise d'acte du salarié était fondée sur des fait

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Toulouse, 14 mars 2013 et 23 janvier 2014), que M. X..., salarié de la société Dietsmann technologies (la société), membre de la délégation unique du personnel, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a, en cours de procédure, pris acte de la rupture de son contrat aux torts de son employeur ; que, par arrêt du 14 mars 2013, la cour d'appel a dit que la prise d'acte du salarié était fondée sur des faits de discrimination dont il était l'objet et produisait les effets d'un licenciement nul, condamné l'employeur au paiement de diverses sommes au titre des indemnités de rupture, et, avant dire droit, ordonné la réouverture des débats à une audience ultérieure et invité les parties à conclure sur les autres points non jugés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt du 14 mars 2013 d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à conclure sur les autres points non jugés, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en ordonnant la réouverture des débats, sur le fondement de l'article 444 du code de procédure civile, motif pris de ce que « notre cour constate que les demandes en paiement des salaires de M. Eric X... qui sont formées à partir de l'introduction de l'action en résiliation judiciaire doivent être reformulées », la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir d'inviter le salarié à « reformuler » ses demandes, a excédé les limites de sa saisine et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'excède ses pouvoirs le juge qui s'arroge un pouvoir qu'il n'a pas ; qu'en ordonnant la réouverture des débats, sur le fondement de l'article 444 du code de procédure civile, motif pris de ce que « notre cour constate que les demandes en paiement des salaires de M. Eric X... qui sont formées à partir de l'introduction de l'action en résiliation judiciaire doivent être reformulées », la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir d'inviter le salarié à « reformuler » ses demandes, a entaché sa décision d'excès de pouvoir ;
Mais attendu que la décision de réouverture des débats est une mesure d'administration judiciaire, comme telle non susceptible de recours ; que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt du 23 janvier 2014 de la condamner à verser au salarié une somme au titre de la violation du statut protecteur et une somme à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 444, alinéa 1er, du code de procédure civile, « le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés » ; que la réouverture des débats n'autorise les parties qu'à préciser des demandes déjà formulées ; qu'en estimant que M. X... était recevable, dans le cadre de la réouverture des débats ordonnée le 14 mars 2013, à présenter de nouvelles demandes de nature indemnitaire, venant se substituer aux demandes salariales initiales, et à modifier le quantum de ces demandes, au motif, sans autre précision, que ces demandes nouvelles étaient justifiées par « l'évolution du litige », cependant qu'ayant été élu aux fonctions de délégué du personnel au mois de juillet 2006, et réélu au mois d'août 2010, le salarié était en mesure de connaître les droits afférents à une telle situation dès avant la décision rendue par les premiers juges, de même qu'il était en mesure d'apprécier les conséquences de sa prise d'acte lors de ses demandes initiales devant la cour d'appel, celle-ci n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 444 et 564 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 1452-7 du code du travail que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel, jusqu'à la clôture définitive des débats sur l'instance primitive ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt du 23 janvier 2014 de la condamner à verser au salarié une somme au titre de la violation du statut protecteur et une somme à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors, selon le moyen, qu'en fixant à la somme de 191 474 euros le montant de l'indemnité versée à M. X... au titre de la violation du statut protecteur, puis en lui allouant une somme de 23 687,52 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, sans préciser la nature du préjudice qu'il aurait subi justifiant le paiement d'une telle somme en sus de celle de 191 474 euros déjà allouée au titre de l'indemnité forfaitaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que le salarié protégé, dont la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul lorsque les faits invoqués la justifient, est en droit d'obtenir, outre l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, les indemnités de rupture, ainsi qu'une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail ; que la cour d'appel, qui a alloué à ce titre au salarié une indemnité égale aux salaires des six derniers mois, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Diestmann technologies aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Dietsmann Technologies
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué du 14 mars 2013 d'avoir ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur les autres points non jugés ;
AUX MOTIFS QUE la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de M. X... tendant au paiement de la somme de 11.843,76 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de celle de 1.184,37 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de M. X... au titre de l'indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 3.947,92 € ; que dans la mesure où la prise d'acte produit des effets immédiats, à la différence de la résiliation, et où cette prise d'acte est intervenue le 25 janvier 2011 postérieurement à la réélection, la cour constate que les demandes en paiement des salaires de M. X... qui sont formées à partir de l'introduction de l'action en résiliation judiciaire doivent être reformulées ; qu'il y a lieu de rouvrir les débats et d'inviter les parties à conclure ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en ordonnant la réouverture des débats, sur le fondement de l'article 444 du code de procédure civile, motif pris de ce que « notre cour constate que les demandes en paiement des salaires de M. Eric X... qui sont formées à partir de l'introduction de l'action en résiliation judiciaire doivent être reformulées » (arrêt attaqué du 14 mars 2013, p. 10, alinéa 5), la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir d'inviter le salarié à « reformuler » ses demandes, a excédé les limites de sa saisine et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'excède ses pouvoirs le juge qui s'arroge un pouvoir qu'il n'a pas ; qu'en ordonnant la réouverture des débats, sur le fondement de l'article 444 du code de procédure civile, motif pris de ce que « notre cour constate que les demandes en paiement des salaires de M. Eric X... qui sont formées à partir de l'introduction de l'action en résiliation judiciaire doivent être reformulées » (arrêt attaqué du 14 mars 2013, p. 10, alinéa 5), la cour d'appel, qui n'avait pas le pouvoir d'inviter le salarié à « reformuler » ses demandes, a entaché sa décision d'excès de pouvoir.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué du 23 janvier 2014 d'avoir condamné la société Dietsmann Technologies à verser à M. X... la somme de 191.474 € à titre de violation du statut protecteur et la somme de 23.687,52 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats ; qu'il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés ; que dans son arrêt du 14 mars 2013, la cour d'appel de céans a jugé que la prise d'acte a des effets immédiats et produit les effets d'un licenciement nul ; que dans les motifs de sa décision, elle a expressément relevé que la prise d'acte est intervenue le 25 janvier 2011 postérieurement à la réélection de M. X... et que les demandes de paiement des salaires de M. X... qui sont formées à partir de l'introduction de l'action en résiliation doivent être reformulées ; que le terme de salaires improprement employé correspond en réalité à celui d'équivalent des salaires ; que ce faisant, les demandes initialement formées par le salarié devant la cour du fait de la nullité du licenciement, qui concernaient l'équivalent des salaires restant à courir à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, pour le mandat qu'il assurait à ce moment, plus pendant la période de protection de six mois, étaient de nature indemnitaire et non salariale, de sorte que le salarié pouvait en modifier le quantum compte tenu de l'évolution du litige ; que les demandes formées par M. X... postérieurement à l'arrêt ordonnant la réouverture des débats doivent dès lors être déclarées recevables ;
ALORS QU' aux termes de l'article 444, alinéa 1er, du code de procédure civile, « le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés » ; que la réouverture des débats n'autorise les parties qu'à préciser des demandes déjà formulées ; qu'en estimant que M. X... était recevable, dans le cadre de la réouverture des débats ordonnée le 14 mars 2013, à présenter de nouvelles demandes de nature indemnitaire, venant se substituer aux demandes salariales initiales, et à modifier le quantum de ces demandes, au motif, sans autre précision, que ces demandes nouvelles étaient justifiées par « l'évolution du litige » (arrêt attaqué du 23 janvier 2014, p. 4, alinéa 5), cependant qu'ayant été élu aux fonctions de délégué du personnel au mois de juillet 2006, et réélu au mois d'août 2010, le salarié était en mesure de connaître les droits afférents à une telle situation dès avant la décision rendue par les premiers juges, de même qu'il était en mesure d'apprécier les conséquences de sa prise d'acte lors de ses demandes initiales devant la cour d'appel, celle-ci n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 444 et 564 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué du 23 janvier 2014 d'avoir condamné la société Dietsmann Technologies à verser à M. X... la somme de 191.474 € à titre de violation du statut protecteur et la somme de 23.687,52 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que soutient l'employeur, l'arrêt du 14 mars 2013 a, pour juger que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul, après avoir relevé que c'était après son élection en qualité de représentant du personnel que le salarié avait été mis à l'écart, considéré que la discrimination dont M. X... avait été victime de la part de l'employeur était une discrimination syndicale, de sorte que la nullité du licenciement est bien en rapport avec le mandat de représentant du personnel de M. X... ; que lorsque les faits allégués se justifient, ainsi qu'il en a été jugé en l'espèce, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par un salarié protégé produit les effets d'un licenciement nul prononcé en violation du statut protecteur, ce dont il résulte que l'indemnité due à ce titre est une indemnité forfaitaire égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours ; que M. X... a été réélu aux fonctions de délégué du personnel le 11 août 2000, pour une durée de quatre ans ; qu'il a droit à une indemnité forfaitaire égale au montant de la rémunération pendant la période comprise entre la date de rupture de son contrat de travail et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel qu'il aurait perçue depuis la prise d'acte de rupture du 25 janvier 2011 jusqu'à l'expiration de la période de protection, qui se poursuit pendant une durée de six mois à compter de la date d'expiration du mandat, soit en l'espèce jusqu'au 11 février 2015 ; qu'il convient dès lors de condamner l'employeur à payer à M. X..., à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, la somme de 191.474 € représentant l'équivalent de 48,5 mois de salaire ; que le salarié protégé dont le licenciement est déclaré nul a droit, en sus de l'indemnité pour violation du statut protecteur, à une indemnité pour licenciement nul, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et dont la cour estime devoir fixer le montant à la somme de 23.687,52 € ;
ALORS QU' en fixant à la somme de 191.474 € le montant de l'indemnité versée à M. X... au titre de la violation du statut protecteur, puis en lui allouant une somme de 23.687,52 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, sans préciser la nature du préjudice qu'il aurait subi justifiant le paiement d'une telle somme en sus de celle de 191.474 ¿ déjà allouée au titre de l'indemnité forfaitaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-13379
Date de la décision : 30/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 23 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2015, pourvoi n°14-13379


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13379
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