LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 12 octobre 2006, Mme X... s'est portée caution solidaire envers la société BNP Paribas Lease Group (la banque) des engagements de la société Crossroads Intercultural résultant d'un contrat de location de longue durée d'un véhicule ; que la société débitrice principale ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'activité de la société débitrice principale devait permettre à la caution, qui en était la dirigeante, d'obtenir un revenu au lieu et place des revenus provisoires qu'elle percevait et que la caution ne prouvait pas que les gains espérés de cette activité, dont elle avait elle-même communiqué le montant à la banque, auraient été irréalistes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Lease Group aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la Cour d'appel d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait jugé que l'engagement de caution de Madame X... n'était pas manifestement disproportionné au moment de sa souscription et d'avoir, en conséquence, condamné celle-ci à payer à la BNP PARIBAS la somme de 18 690, 45 ¿ en principal avec intérêts de retard ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution : L'article L. 341-4 du Code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de l'engagement et des biens et revenus de la caution ; qu'il résulte des pièces qu'elle produit, qu'au moment de la souscription de son engagement de caution d'un montant de 45 139, 20 ¿, Christel X... percevait une allocation d'aide au retour à l'emploi s'étant élevée à 552, 60 ¿ pour le mois d'octobre ainsi qu'une pension versée par son époux au titre du devoir de secours d'un montant de 500 ¿ à laquelle s'ajoutait une contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants d'un montant total de 1 300 ¿ ; qu'elle disposait donc d'un revenu de près de 2 350 ¿ et elle ne démontre ni ne prétend que ce revenu ne lui permettait pas de couvrir les charges de la vie courante pour elle et pour ses deux enfants ;
que d'autre part, elle était gérante de la S. A. R. L. CROSSROADS INTERCULTURAL qu'elle avait créée en février 2006 au capital de 10 000 ¿ et dont elle détenait 98 % des parts ; que cette activité était destinée à lui permettre d'obtenir un revenu au lieu et place des revenus provisoires qu'elle percevait ; que le business plan daté d'août 2006 qu'elle a remis à la BNP lors de la demande du financement qu'elle a cautionné, prévoit qu'au deuxième semestre 2006, phase de démarrage de l'activité qui avait pris du retard, les frais fixes s'élèveraient à 12 000 ¿ par mois et que la rémunération de la gérante et des deux salariés serait faible et que dans la phase ultérieure à compter de janvier 2007, les frais fixes passeraient à 20 000 ¿ par mois, que la rémunération de la gérante et des salariés serait augmentée et qu'éventuellement un troisième salarié serait embauché ; que pour le détail, ce plan renvoie à un tableau prévisionnel établi par une expert-comptable et annexé au plan mais que Christel X... s'abstient de produire ; que les gains espérés pris en compte par la BNP PARIBAS étaient donc ceux qui ont été communiqués par Christel X... dans ce prévisionnel dont elle ne prouve pas qu'ils devaient être considérés comme irréalistes par la BNP PARIBAS LEASE GROUP sauf à considérer que le business plan qu'elle a remis à la banque n'était pas sérieux et sincère ; que d'autre part, si les charges prévues étaient lourdes, le chiffre d'affaires prévu soit 27 000 ¿ dans la phase de démarrage, qui s'achevait lors de la demande de financement, et 50 000 ¿ par la suite permettait d'y faire face ; que d'ailleurs la S. A. R. L. CROSSAROADS INTERCULTURAL a payé les loyers d'un montant mensuel de 767 ¿ jusqu'au mois de juin 2009 pendant plus de deux ans et demi et ce n'est qu'en raison de problèmes de santé connus par Christel X... que l'ouverture d'une liquidation judiciaire a été prononcée le 30 septembre 2009 ainsi qu'il ressort d'une lettre du mandataire liquidateur en date du 6 octobre 2009 ; qu'enfin, compte tenu de l'expérience et de la compétence de Christel X... dans le domaine d'activité qu'elle voulait développer telle qu'indiquée dans le business plan et de l'indication, dans ce document de ce que l'activité avait démarré en " format test depuis 2003 sous portage salarial " et de la qualité de ce plan, la BNP PARIBAS LEASE GROUP qui n'avait aucune raison d'en remettre en cause le sérieux, pouvait considérer que les perspectives de développement de la société étaient bonnes et que Christel X... retirerait de l'activité envisagée les gains qu'elle-même escomptait tirer ; qu'il résulte de ces éléments, d'une part que la BNP PARIS LEASE GROUP ne pouvait considérer que la S. A. R. L. CROSSROADS INTERCULTURAL n'avait aucune perspective de développement et tel n'était pas le cas et d'autre part, que l'engagement de caution de Christel X... n'était pas disproportionné à ses biens et revenus au moment de sa souscription ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont jugé que la BNP PARIBAS LEASE peut se prévaloir de l'engagement de caution de Christel X... » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« attendu que l'acquisition du véhicule de marque NISSAN, grâce au prêt garanti par le cautionnement de Madame X..., avait pour objet exclusif de permettre à la société CROSSROADS INTERCULTURAL d'exercer son activité de coaching, dont elle espérait retirer un profit normal lui permettant de satisfaire à ses échéances de remboursement (...) ; qu'attendu que, dès lors, aussi bien le prêt lui-même que l'engagement de caution le garantissant ne peuvent être considérés comme excessifs ou anormaux et que le Tribunal dira qu'il ne peut être fait grief à la banque ni d'avoir consenti à l'opération, ni d'avoir manqué à l'obligation de mise en garde » ;
1°/ ALORS QUE la proportionnalité de l'engagement ne peut être appréciée en considération de revenus qui par leur nature sont provisoires et précaires ; que pour dire que les revenus de la caution étaient suffisants, la Cour d'appel relève que Madame X... percevait à titre principal une allocation d'aide au retour à l'emploi s'étant élevée à 552, 60 ¿ au mois d'octobre ; qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité dont bénéficiait la caution était de nature alimentaire et n'avait pas vocation à durer, la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du Code de la consommation ;
2°/ ALORS QUE la proportionnalité de l'engagement souscrit s'apprécie en considération des revenus disponibles de la caution ; que ne constitue pas un revenu disponible, la contribution versée par le conjoint au titre du devoir de secours en raison de son caractère personnel et alimentaire ; que pour retenir que les revenus de la caution étaient suffisants, la Cour d'appel relève que Madame X... percevait une pension alimentaire versée par son époux au titre du devoir de secours d'un montant de 500 ¿ ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne peut être disposé librement de l'assistance matérielle versée par un époux au titre du devoir de secours par son bénéficiaire en raison de son caractère personnel et alimentaire, la Cour d'appel a méconnu l'article L. 341-4 du Code de la consommation ;
3°/ ALORS QUE la proportionnalité de l'engagement souscrit s'apprécie en considération des revenus disponibles de la caution ; que ne représentent pas des revenus disponibles, des revenus destinés à l'entretien et l'éducation des enfants ; que pour retenir que les revenus de la caution étaient suffisants lesquels s'élevaient ainsi à près de 2 350 ¿, la Cour d'appel relève que Madame X... percevait une contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants d'un montant total de 1 300 ¿ ; qu'en statuant ainsi, quand les sommes versées par le père pour satisfaire les besoins d'entretien et d'éducation des enfants ne peuvent être considérées comme un revenu disponible pour la caution, la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du Code de la consommation ;
4°/ ALORS QUE la proportionnalité de l'engagement souscrit par une caution dirigeante ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ou d'éléments postérieurs à la conclusion du contrat de cautionnement ; que l'établissement de crédit a consenti un contrat de location de longue durée d'un véhicule avec option d'achat permettant à la S. A. R. L. CROSSROADS l'exercice de son activité et pour lequel Madame X..., dirigeante, s'est portée caution d'une somme de 45 139, 20 ¿ ; que pour dire que l'engagement de caution n'était pas disproportionné, la Cour d'appel retient que les gains espérés par l'activité garantie, pris en compte par la BNP PARIBAS, n'étaient pas considérés comme irréalistes et que postérieurement, la S. A. R. L. CROSSROADS avait payé les loyers dont elle était redevable à ce titre jusqu'en juin 2009 ; qu'en se déterminant ainsi, quand aucun élément postérieur au contrat ni à plus forte raison espéré de l'exécution de l'opération garantie ne doit être pris en compte pour apprécier la disproportion de la caution, la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du Code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATlON
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait jugé que la banque n'avait pas manqué à son obligation de mise en garde envers Madame X... à laquelle elle n'était pas tenue s'agissant d'une caution avertie.
AUX MOTIFS QUE « Le devoir de mise en garde impose à la banque de prévenir la caution des risques d'endettement et de vérifier sa capacité financière au regard de ses revenus et patrimoine en veillant à ce que l'engagement ne soit pas disproportionné par rapport à ses ressources et à son patrimoine ; toutefois, le devoir de mise en garde ne pèse sur la banque qu'à l'égard de la caution non avertie c'est à dire celle qui n'est pas à même de par ses connaissances ou informations en sa possession d'apprécier les risques liés à l'opération qu'elle cautionne ; la caution avertie ne peut donc en principe rechercher la responsabilité de la banque saut si elle établit que la banque aurait eu son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération financée et entreprise par la société des informations que par suite de circonstances exceptionnelles elle-même aurait ignorées ; en l'espèce, la BNP a consenti la location d'un véhicule destiné à l'activité de la S. A. R. L CROSSROADS INTERCULTURAL dont Christel X... était fondatrice, gérante et associée majoritaire ; le business plan qu'elle a établi en août 2006 pour lui permettre d'obtenir le financement qu'elle souhaitait contient les informations très complètes sur l'historique de la création de la société avec une phase de test préalable depuis 2003 et les perspectives de développement ainsi qu'un prévisionnel établi par un expert-comptable ; comme déjà exposé, la BNP PARIBAS LEASE GROUP qui n'avait aucune raison de remettre en cause le sérieux de ce plan très complet, pouvait considérer que les perspectives de développement de la société étaient bonnes ; les qualités de fondateur de la société, associée majoritaire et dirigeante effective de Christel X... d'où il résulte une implication certaine dans la vie de la société et une connaissance parfaite de la situation financière de celle-ci font de Christel X... une caution avertie qui ne peut dès fors invoquer un manquement de fa banque à son devoir de mise en garde ; par ailleurs, Christel X... n'établit pas que fa banque aurait eu sur son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération financée et entreprise par la société des informations que par suite de circonstances exceptionnelles elle-même aurait ignorées ; le manquement invoqué ne peut donc être retenu et Christel X... doit donc être déboutée de son action en responsabilité contre la BNP PARIBAS LEASE GROUP » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le Tribunal constatera en outre, au vu du curriculum vitae de Madame X..., que cette dernière ne peut pas être considérée comme une personne non avertie de ce que représente un engagement de caution ; Attendu que, dès lors, aussi bien le prêt lui-même que l'engagement de caution le garantissant ne peuvent être considérés comme excessifs ou anormaux et que le Tribunal dira qu'il ne peut être fait grief à la banque ni d'avoir consenti à l'opération, ni d'avoir manqué à l'obligation de mise en garde » ;
ALORS QUE le caractère averti d'une caution ne peut résulter de son seul statut de dirigeant de la société cautionnée s'il n'est pas démontré que la caution avait une compétence financière particulière au vu de sa formation et de son expérience ; que pour dire que Madame X... était une caution avertie, la Cour d'appel a retenu que Madame X... avait elle-même établi un business plan présentant l'historique de la société et ses perspectives et qu'il résulte des « qualités de fondateur, associée majoritaire et dirigeante effective de la société », « une implication certaine dans la vie de la société et une connaissance parfaite de fa situation financière » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que Madame X... était une caution avertie, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.