LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° W 14-18. 751 et X 14-21. 788, vu leur connexité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2014), que la société Résistance a acquis un immeuble cadastré AK 372 par acte du 29 septembre 2004 incluant « tous droits de communauté et de propriété pouvant appartenir au dit immeuble sur un passage (...) dépendant de la parcelle cadastrée section AK n° 374 » ; que, constatant que la société Les Camélias, aux droits de laquelle vient aujourd'hui le syndicat des copropriétaires Les Camélias, avait fait édifier une construction sur ce passage, après avoir, par acte du 22 juin 2000, constitué en remplacement une servitude de passage sur le fonds de tiers au profit de la parcelle AK 374 et « par extension à l'unité foncière AK 372 », la société Résistance a assigné les parties à cet acte en revendication de ses droits de propriété indivise sur le passage originel ;
Sur le premier moyen, ci après annexé :
Attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de l'acte du 29 septembre 2004 rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que l'expression « tous droits de communauté et de propriété pouvant appartenir au dit immeuble sur un passage (...) dépendant de la parcelle cadastrée section AK n° 374 » ne conférait pas à la société Résistance un titre de propriété indivis sur l'assiette du passage, mais une servitude de passage à son profit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la nouvelle assiette de la servitude proposée, avec leur consentement, sur le fonds de tiers, permettait une amélioration de la sécurité pour la parcelle AK 372, et relevé que l'ancienne assiette aurait conduit, en raison des prescriptions du permis de construire et des règles urbanistiques, à empêcher la construction de la parcelle AK 374, créant ainsi des conditions onéreuses pour son propriétaire, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Résistance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Résistance, demanderesse aux pourvois n° W 14-18. 751 et X 14-21. 788.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a implicitement débouté la SCI RÉSISTANCE de sa revendication d'un droit réel de propriété indivise sur le passage situé entre les n° 77 et 79 de la rue de la Résistance au Raincy, de sa demande de démolition de l'immeuble sis 77 rue de la Résistance au Raincy, et de ses demandes au titre des vues et des jours dans le mur pignon de l'immeuble sis 79 rue de la Résistance à Paris, d'AVOIR condamné la SCI RESISTANCE à payer diverses sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR ordonné un complément d'expertise ;
Aux motifs propres que « le jugement entrepris a implicitement débouté la Société RÉSISTANCE de sa revendication d'un droit réel de propriété indivise sur le passage situé entre les n° 77 et 79 de la rue de la Résistance au Raincy ; que l'expression " tous droits de communauté et de propriété pouvant appartenir audit immeuble sur un passage ", à l'oeuvre dans l'acte du 29 septembre 2004, se retrouve dans les titres des auteurs de la SCI RÉSISTANCE reçus successivement par l'étude de La Marnierre, notamment dans ceux des 18 août 1915, 19 mai 1923 et 6 février 1926 ; que, dans ces deux DERNIERS actes authentiques, il est fait état d'un passage commun entre les vendeurs et M. X... ; qu'ainsi, l'expression précitée est ambigüe et susceptible de plus d'un sens, de sorte qu'il revient au juge de l'interpréter ; qu'il se déduit tant du plan de bornage du 23 novembre 1893 entre Z... et A..., que du plan du 18 décembre 1896 du terrain de Z... vendu à B... portant l'assiette du passage, annexés au rapport de M. Benoît Y... versé aux débats par l'appelante, que le passage litigieux n'était pas situé sur la parcelle X..., devenue n° 372, appartenant actuellement à la SCI RÉSISTANCE, mais sur la parcelle Z..., devenue n° 374, appartenant au Syndicat des Copropriétaires ; qu'ainsi, l'expression l'expression'tous droits de communauté et de propriété pouvant appartenir audit immeuble sur un passage ne confère pas à la SCI RÉSISTANCE un titre de propriété indivis sur l'assiette du passage litigieux, mais une servitude de passage à son profit » ;
Aux motifs adoptés que « selon l'acte de vente du 29 septembre 2004, la SCI RÉSISTANCE a acquis " un immeuble de rapport élevé sur 4 étages ", figurant au cadastre à la " section AK, n° 372, au lieudit 79 avenue de la Résistance, d'une surface de 00 ha 04 a 30 ca ", " avec tous droits de communauté et de propriété pouvant appartenir audit immeuble sur un passage de 4 mètres environ de largeur se trouvant à gauche de l'immeuble... Ledit passage dépendant de la parcelle cadastrée AK n° 374, lieudit avenue de la R n° 77, pour une contenance de 16 ares 37 centiares ". L'expert note avec raison que les mentions, ci-avant reproduites, figurant dans l'acte de vente, à savoir " tous droits de propriété pouvant appartenir " et " ledit passage dépendant de.. AK n° 374 ", sont d'une " rédaction ambiguë " entretenant " la confusion ", dès lors que le droit de propriété qui n'est que suggéré (pouvant) dans la première, se trouve contredit par la seconde du fait du recours au verbe " dépendant ". La SCI RÉSISTANCE, néanmoins, entend voir reconnaître son droit de propriété indivis sur le passage en faisant valoir le rapport commis par l'expert, monsieur Y..., le 21 avril 2008, lequel démontrerait que le cadastre, au cours des années 1950, " a rattaché à tort et par erreur le passage litigieux à la parcelle sise au 77, avenue de la Résistance ". Cependant, le tribunal ne saurait recevoir les conclusions dudit rapport, eu égard au fait qu'il fait référence à des données invérifiables par le tribunal, lesquelles auraient dû être soumises à l'expert judiciaire, dans le cadre d'un dire. Au surplus, lesdites conclusions, en confirmant indirectement l'appréciation de l'expert judiciaire selon laquelle " il ne nous a pas été rapporté de preuve que le propriétaire de la parcelle AK n° 372 (c-à-d, la SCI RESISTANCE et ses précédents auteurs) s'était comporté en propriétaire indivis (paiement d'impôt, participations aux charges, entretien...) et non en situation de fonds dominant d'une servitude de passage " (" réponse aux dires du 22 janvier 2008, page 6/ 10), pourraient a contrario conforter le moyen que les propriétaires de la parcelle AK n° 374 ont, par prescription acquisitive depuis les " années 1950 ", transformé leur possession en un droit de propriété exclusif sur le passage litigieux. Eu égard donc aux éléments d'appréciation qui précèdent, le tribunal fera diène la conclusion de l'expert judiciaire : " nous interprétons le passage annexe, sur la parcelle AK n° 374 en bordure de la parcelle AK n° 372 comme une servitude de passage et non comme une appropriation du terrain " (" réponse aux dires " du 22 janvier 2008, page 6/ 10).
ALORS QU'en énonçant que l'expression « tous droits de communauté et de propriété pouvant appartenir audit immeuble sur un passage », à l'oeuvre dans l'acte du 29 septembre 2004 et qui se retrouvait dans les titres des auteurs de la SCI RÉSISTANCE des 18 août 1915, 19 mai 1923 et 6 février 1926 aurait conféré une simple servitude de passage au profit de l'exposante tandis que les actes litigieux indiquaient clairement l'existence d'un droit de propriété, fusse-t-il exercé en communauté, dont était titulaire la SCI RESISTANCE sur le passage litigieux, la Cour d'appel a dénaturé le sens, pourtant clair et précis, de ces documents de la cause en méconnaissance de l'article 1134 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a implicitement débouté la SCI RÉSISTANCE de sa revendication d'un droit réel de propriété indivise sur le passage situé entre les n° 77 et 79 de la rue de la Résistance au Raincy, de sa demande de démolition de l'immeuble sis 77 rue de la Résistance au Raincy, et de ses demandes au titre des vues et des jours dans le mur pignon de l'immeuble sis 79 rue de la Résistance à Paris, d'AVOIR condamné la SCI RESISTANCE à payer diverses sommes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR ordonné un complément d'expertise ;
Aux motifs propres qu'« il ressort des pièces produites que la SCI LES CAMÉLIAS, qui a réuni les parcelles cadastrées section AK n° 374 et 371 pour y édifier un ensemble immobilier, s'est vu imposer par le maire du Raincy la construction d'un immeuble de standing aligné sur les immeubles voisins ; que ces contraintes urbanistiques exigeaient le déplacement du passage litigieux sauf à renoncer à la construction ; qu'ainsi, l'assiette primitive de la servitude empêchait l'usage normal du bien, de sorte que la SCI LES CAMÉLIAS était en droit d'offrir à la SCI RÉSISTANCE un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits que cette dernière ne pourrait refuser ; que l'expert judiciaire a relevé que la nouvelle assiette de la servitude permettait une bonne exploitation du fonds de l'appelante qui n'est pas à usage industriel, la partie arrière de la parcelle étant constituée de garages au profit de l'immeuble d'habitation, l'accès de camionnettes, pour les livraisons du seul local commercial situé au rez-de-chaussée sur rue, étant garanti ; que l'homme de l'art a encore constaté que le caractère moins confortable de la nouvelle assiette était compensé par l'amélioration de la sécurité pour la parcelle n° 372 grâce à un contrôle d'accès installé et entretenu par les propriétaires des parcelles 371 et 374 ; qu'il s'en déduit que la SCI RÉSISTANCE n'aurait pu refuser le transport de la servitude si le nouveau tracé lui avait été proposé de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de démolition de la construction et de dommages intérêts, aucun préjudice n'étant établi né de la faute ayant consisté à ne pas avoir offert la modification du passage au propriétaire du fonds dominant » ;
Aux motifs adoptés que « le préjudice invoqué par la SCI RESISTANCE ne doit s'apprécier qu'au regard du déplacement de l'assiette de la servitude. Selon le rapport d'expertise judiciaire, " l'accès à la parcelle AK n° 372 par la nouvelle assiette de la servitude permet une bonne exploitation du fonds. Ce dernier n'est pas un site industriel ou commercial puisque la partie arrière du n° 79 est constituée de garages au profit de l'immeuble d'habitation. Seules les livraisons au profit du commerce au rez-de-chaussée peuvent nécessiter un accès de camionnettes. Cet accès est bien garanti par la nouvelle servitude " et, au surplus, l'expert note que " la sécurité a été améliorée pour la parcelle AK n° 372 par un contrôle d'accès installé et entretenu par la copropriété sise sur les parcelles AK n° 371-374 " et que " l'entretien est assuré par (ladite) copropriété " (" Réponse aux dires " du 22 janvier 2008, page 6/ 10). Dès lors, c'est à bon droit que les défendeurs font valoir que le déplacement de l'assiette de la servitude, qui s'imposait sauf a devoir renoncer à la construction projetée du fait des exigences de l'urbanisme local, respecte les dispositions du Code Civil, lesquelles édictent en son article 701 : " Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée. Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser ". En conséquence, la SCI RÉSISTANCE sera déboutée de sa demande de destruction de l'immeuble construit sur l'ancienne assiette d'exercice de son droit de passage, comme de celle, subsidiaire, d'allocation de dommages et intérêts de la somme de 120. 323, 00 €, dirigées à l'encontre du syndicat des copropriétaires »
ALORS, d'une part, QUE le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou le rendre plus incommode ; qu'il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice où elle a été primitivement assignée ; que, cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser ; qu'en déboutant la SCI RESISTANCE de ses prétentions en se bornant à constater que la SCI RÉSISTANCE n'aurait pu refuser le transport de la servitude de la parcelle AK n° 372 vers la parcelle AK n° 370 si le nouveau tracé lui avait été proposé sans rechercher si le nouveau passage offert en contrepartie de l'assiette primitive figurait bien sur une parcelle appartenant également au propriétaire du fonds servant initial, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 701, alinéa 3, du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode ; qu'ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée ; que cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser ; qu'en déboutant la SCI RESISTANCE de ses prétentions en se bornant à indiquer que le maire du RAINCY avait imposé la construction d'un immeuble de standing aligné sur les immeubles voisins exigeant le déplacement du passage litigieux sauf à renoncer à la construction, la Cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence de charges rendant la servitude initiale plus onéreuse ou empêchant des réparations avantageuses, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article 701 du code civil ;