LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 janvier 2014), que la caisse de Crédit mutuel de Narbonne (la banque), se fondant sur un acte authentique de prêt consenti à Mme X..., a fait délivrer à cette dernière un commandement valant saisie immobilière le 18 septembre 2012 ; que par un jugement d'orientation, le juge de l'exécution a écarté une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la banque soulevée par Mme X..., autorisé cette dernière à vendre l'immeuble saisi à l'amiable et, dans l'hypothèse d'une vente judiciaire, réévalué le montant de la mise à prix fixé par le créancier poursuivant ;
Sur premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de juger l'action recevable, de constater que les conditions des articles 2191 et 2193 du code civil (devenus les articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution) étaient réunies, d'arrêter le montant de la créance de la banque à la somme de 564 984,11 euros outre les intérêts au taux de 9,60 % sur la somme de 21 970,20 euros à compter du 16 janvier 2013, d'autoriser Mme X..., débiteur saisi, à vendre amiablement son immeuble situé dans la commune de Narbonne, 3 rue Rouget de Lisle et cadastré section AE n° 78, de fixer à 600 000 euros le prix minimum et de rappeler que l'acquéreur devrait s'acquitter du montant des frais taxés à 5 197,79 euros, de renvoyer les parties à l'audience du lundi 21 octobre 2013 à 10 h 30 pour constater l'effectivité ou l'absence de vente amiable, de dire que dans l'hypothèse d'une vente judiciaire, la mise à prix serait fixée à 300 000 euros avec réitération des opérations sur la base de 150 000 euros en cas de carence d'enchère, et de dire que dans l'hypothèse d'une nouvelle carence d'enchère, la banque, créancier poursuivant, pourrait demander l'attribution du lot sur la base de ce dernier chiffre, alors, selon le moyen :
1°/ que le paiement n'est interruptif de prescription qu'à la condition d'émaner du débiteur ou de son mandataire et de révéler une reconnaissance par le premier du droit de celui contre lequel il prescrivait ; qu'en retenant l'existence d'un « paiement d'une partie des échéances jusqu'au 8 juillet 2009 », qui aurait emporté interruption de la prescription, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les prélèvements effectués par la banque sur le compte de Mme X... -seuls éléments invoqués par l'établissement de crédit comme constituant un paiement- n'avaient pas été effectués en dehors de toute instruction et alors qu'elle en ignorait l'existence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2240 du code civil ;
2°/ qu'en toute hypothèse, Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la banque n'établissait pas l'origine des sommes figurant sur son compte, sur lesquels les prélèvements litigieux auraient été opérés, qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que par une lettre du 8 octobre 2008 Mme X... avait indiqué qu'elle entendait assumer sa dette envers la banque, qu'elle ne contestait nullement, puis qu'une partie des échéances courantes du crédit avait été payée jusqu'au 8 juillet 2009, c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a, par une décision motivée, retenu que cette lettre était particulièrement claire sur les obligations de Mme X... à l'égard de la banque et avait interrompu la prescription et que le paiement d'échéances du prêt valait reconnaissance de dette et décidé, à bon droit, que le délai biennal de prescription avait en conséquence été interrompu ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que dans l'hypothèse d'une vente judiciaire, la mise à prix serait fixée à 300 000 euros avec réitération des opérations sur la base de 150 000 euros en cas de carence d'enchère, alors, selon le moyen, que le montant de la mise à prix d'un bien immobilier faisant l'objet d'une saisie doit être en rapport avec la valeur vénale du bien ; qu'en fixant la mise à prix de l'immeuble litigieux à la somme de 300 000 euros tout en constatant qu'il valait 850 000 euros, soit presque trois fois plus que le montant de la mise à prix retenu, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu que le juge de l'exécution qui retient l'insuffisance manifeste de la mise à prix fixée par le créancier poursuivant apprécie souverainement le montant auquel la mise à prix doit être réévalué pour être en rapport avec la valeur vénale du bien saisi et les conditions du marché ;
Qu'ayant exactement relevé que la mise à prix devait être suffisamment attractive pour permettre le succès de l'opération et retenu que le montant de la mise à prix, fixé par le cahier des conditions de vente à 150 000 euros paraissait dérisoire au regard de la valeur vénale de cet immeuble, évaluée à 850 000 euros, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a fixé la mise à prix à 300 000 euros ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ; la condamne à payer à la caisse de Crédit mutuel de Narbonne la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé l'action recevable, d'AVOIR constaté que les conditions des articles 2191 et 2193 du Code civil (devenus les articles L. 311-2 et L. 311-6 du Code des procédures civiles d'exécution) étaient réunies, arrêté le montant de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de Narbonne à la somme de 564.984,11 euros outre les intérêts au taux de 9,60 % sur la somme de 21.970,20 euros à compter du 16 janvier 2013, d'AVOIR autorisé Mme X..., débiteur saisi, à vendre amiablement son immeuble situé dans la commune de Narbonne, 3 rue Rouget de Lisle et cadastré section AE n° 78, fixé à 600.000 euros le prix minimum et rappelé que l'acquéreur devrait s'acquitter du montant des frais taxés à 5.197,79 euros, d'AVOIR renvoyé les parties à l'audience du lundi 21 octobre 2013 à 10 h 30 pour constater l'effectivité ou l'absence de vente amiable, d'AVOIR dit que dans l'hypothèse d'une vente judiciaire, la mise à prix serait fixée à euros avec réitération des opérations sur la base de 150.000 euros en cas de carence d'enchère, et d'AVOIR dit que dans l'hypothèse d'une nouvelle carence d'enchère, la Caisse de Crédit Mutuel de Narbonne, créancier poursuivant, pourrait demander l'attribution du lot sur la base de ce dernier chiffre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme Liliane X... ne pouvait qu'être qualifié de consommateur dans le cadre du contrat de prêt existant avec la caisse de crédit mutuel de Narbonne et non pas considéré en qualité de professionnel ; que l'opération unique d'achat de l'immeuble pour le rénover en créant neuf appartements ne constitue pas une opération pouvant justifier le statut de professionnel à Mme Liliane X... d'autant que Mme X... n'est pas inscrite au registre de commerce ou au répertoire des métiers ; qu'en application de l'article L 137-1 du Code de la consommation, l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; que dès lors, comme l'indique le juge de l'exécution, le délai biennal a commencé à courir le 17 juin 2008 date de la promulgation de la loi ; que la prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait ; qu'en l'espèce la lettre du 8 octobre 2008 écrite par Mme X... est particulièrement claire sur ses obligations l'égard de la caisse de crédit mutuel et a interrompu la prescription ; que de même le paiement d'une partie des échéances jusqu'au 8 juillet 2009 et le premier commandement du 2 novembre 2010 ont interrompu la prescription de sorte que l'action de la caisse n'est pas prescrite ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE pour soutenir que l'action de la banque est prescrite, Mme X... rappelle que la déchéance du terme a été prononcée le 20 octobre 2006 et qu'il a fallu attendre le 18 septembre 2012 pour que le commandement de payer valant saisie intervienne, l'assignation ayant été délivrée le 15 janvier 2013 ; que toutefois s'agissant du point de départ du délai, c'est à juste titre que le conseil du créancier poursuivant rappelle que le nouveau délai biennal qui a remplacé le délai décennal qui était en cours d'application, a commencé à courir à compter du 17 juin 2008, date de promulgation de la loi ; que, partant de cette date, le CRÉDIT MUTUEL DE NARBONNE fait valoir que sont intervenus un certain nombre d'événements, assimilables à une reconnaissance de la part du débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, ou par des actes d'exécution qui par leur nature ont successivement interrompu le cours du délai : - que c'est bien le cas de la lettre adressé par Mme X... à son créancier le 08 octobre 2008, dans laquelle elle écrit "J'entends assumer ma dette envers le crédit mutuel que je ne conteste nullement" ; que l'interruption qui s'en suit reporte la prescription au 08 octobre 2010 ; - que c'est bien le cas du paiement d'une partie des échéances courantes du crédit qui se sont interrompues le 8 juillet 2009 ; Nouvelle date de forclusion: 8 juillet 2011 ; que c'est bien enfin le cas d'un premier commandement de payer valant saisie délivré pour les mêmes causes, le 02 novembre 2010 et qui a repoussé la date de forclusion au 02 novembre 2012 ; que le second commandement de payer à la base de la présente, ayant été délivré le septembre 2012, l'action n'est donc pas prescrite ;
1° ALORS QUE le paiement n'est interruptif de prescription qu'à la condition d'émaner du débiteur ou de son mandataire et de révéler une reconnaissance par le premier du droit de celui contre lequel il prescrivait ; qu'en retenant l'existence d'un « paiement d'une partie des échéances jusqu'au 8 juillet 2009 » (arrêt, p. 5, al. 5), qui aurait emporté interruption de la prescription, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les prélèvements effectués par la banque sur le compte de Mme X... ¿ seuls éléments invoqués par l'établissement de crédit comme constituant un paiement ¿ n'avaient pas été effectués en dehors de toute instruction et alors qu'elle en ignorait l'existence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2240 du Code civil ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la Caisse de Crédit Mutuel de Narbonne n'établissait pas l'origine des sommes figurant sur son compte, sur lesquels les prélèvements litigieux auraient été opérés, qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande en nullité des commandements de saisie ;
AUX MOTIFS QUE la demande de nullité des commandements du 2 novembre 2010 et 18 septembre 2012 formulée pour la première fois en cause d'appel n'est pas recevable ainsi que le soutient justement la caisse de crédit mutuel dans ses dernières conclusions ;
1° ALORS QUE des prétentions nouvelles peuvent être soumises à la Cour d'appel si elles tendent à faire écarter les prétentions adverses ; qu'en jugeant que la demande d'annulation des commandements du 2 novembre 2010 et du 18 septembre 2012 était irrecevable pour avoir été formulée pour la première fois en cause d'appel, quand elle ne visait qu'afin de faire échec à la prétention de la Caisse de Crédit Mutuel tendant à obtenir l'exécution forcée de sa créance, la Cour d'appel a violé l'article 564 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en jugeant que la demande d'annulation des commandements du 2 novembre 2010 et du 18 septembre 2012 était irrecevable pour avoir été formulée pour la première fois en cause d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle ne tendait pas aux mêmes fins que les prétentions exprimées en première instance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 et 565 du Code de procédure civile ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, les parties peuvent, en cause d'appel, expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en jugeant que la demande d'annulation des commandements du 2 novembre 2010 et du 18 septembre 2012 était irrecevable pour avoir été formulée pour la première fois en cause d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande n'était pas virtuellement comprise dans les prétentions soumises au Tribunal ou n'en était pas la conséquence ou le complément, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande en remboursement d'une somme de 8.000 ¿ au titre des loyers saisis formulées par Mme X... en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE cette demande non formulée en première instance n'est pas recevable ;
ALORS QUE les parties peuvent, en cause d'appel, expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en jugeant que la demande tendant au remboursement d'une somme de 8.000 ¿ correspondant aux loyers saisis était irrecevable car formulée pour la première fois en cause d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande n'était pas virtuellement comprise dans les prétentions soumises au Tribunal ou n'en était pas la conséquence ou le complément, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du Code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que dans l'hypothèse d'une vente judiciaire, la mise à prix serait fixée à 300.000 ¿ avec réitération des opérations sur la base de 150.000 ¿ en cas de carence d'enchère.
AUX MOTIFS PROPRES QUE la décision qui a fixé la mise à prix à la somme de 300.000 ¿ d'un bien évalué à 850.000 ¿ n'est pas critiquable et sera confirmée également sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE quand bien même le conseil du créancier saisissant soutient à juste titre que la mise à prix doit être suffisamment attractive pour permettre le succès de l'opération, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce celle qui est prévue au cahier des charges (150.000 ¿) paraît dérisoire au regard de la valeur vénale de cet immeuble ; qu'elle sera fixée en conséquence à 300.000 ¿ avec réitération des opérations sur la base de 150.000 ¿ en cas de carence d'enchère ; qu'il sera enfin prévu le cas échéant que dans l'hypothèse d'une nouvelle carence d'enchère, le créancier poursuivant pourra demander l'attribution du lot sur la base de ce dernier chiffre ;
ALORS QUE le montant de la mise à prix d'un bien immobilier faisant l'objet d'une saisie doit être en rapport avec la valeur vénale du bien ; qu'en fixant la mise à prix de l'immeuble litigieux à la somme de 300.000 ¿ tout en constatant qu'il valait 850.000 ¿, soit presque trois fois plus que le montant de la mise à prix retenu, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 322-6 du Code des procédures civiles d'exécution.