La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2015 | FRANCE | N°14-22992

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-22992


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er janvier 2003 en qualité d'aide soignante par l'Association régionale d'action sanitaire sociale d'oeuvres culturelles Sainte-Marthe, aux droits de laquelle vient la Fondation hospitalière Sainte-Marie, Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 7 janvier 2009 ; que contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la salariée

fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour faute grave est ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 1er janvier 2003 en qualité d'aide soignante par l'Association régionale d'action sanitaire sociale d'oeuvres culturelles Sainte-Marthe, aux droits de laquelle vient la Fondation hospitalière Sainte-Marie, Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 7 janvier 2009 ; que contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement pour faute grave est constitué et de la débouter de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel, qui a tout à la fois retenu, dans son dispositif, qu'elle confirmait en toutes ses dispositions le jugement entrepris, lequel comportait un chef de dispositif par lequel il était « dit que le licenciement pour faute grave était constitué, que le licenciement était intervenu » (jugement, dispositif) et, dans ses motifs, que le contrat de travail avait été rompu non par le licenciement de la salariée mais par une prise d'acte de la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée et devant s'analyser en une démission, a entaché sa décision d'une contradiction et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que l'employeur ne peut revenir sur le licenciement qu'il a prononcé qu'avec l'accord du salarié ; qu'un tel accord du salarié doit être clair et dépourvu d'équivoque, de sorte qu'il ne peut se déduire d'une simple demande faite par celui-ci à son employeur de revenir sur le licenciement tel qu'il lui a été notifié ; qu'en retenant néanmoins qu'en adressant une lettre à son employeur par laquelle elle lui avait demandé de modifier sa décision, la salariée, qui s'était vu notifier son licenciement pour faute grave, aurait renoncé de manière claire et non équivoque à se prévaloir de ce licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel ayant constaté que l'employeur était revenu sur le licenciement prononcé le 7 janvier 2009 à la demande de la salariée dont il avait pris en compte les explications, en sorte que le licenciement avait été annulé avec l'accord de la salariée, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen pris en sa seconde branche ;
Attendu, ensuite, que la contradiction existant entre les motifs et le dispositif, invoquée par le moyen pris en sa première branche, procède d'une erreur matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déféré l'arrêt dont la rectification sera ci-après ordonnée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la salariée au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que compte-tenu de la mise en évidence de la mauvaise foi de la salariée il convient de considérer abusive la procédure engagée par celle-ci à l'encontre de son employeur et de la condamner, en réparation du préjudice subi par ce dernier, à lui payer la somme de 500 euros ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l' abus du droit d'agir en justice de la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Rectifie le dispositif de l'arrêt attaqué en ce sens :
Dit que la rupture du contrat de travail résulte de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X... et que cette prise d'acte produit les effets d'une démission ;
Rejette les demandes indemnitaires formées par Mme X... à ce titre ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X... à payer à la Fondation hospitalière Sainte-Marie la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 14 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président, et signé par Mme Reygner, conseiller le plus ancien ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile, en audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave était constitué, que le licenciement était intervenu, d'avoir débouté madame Adèle X..., salariée de ses demandes à l'encontre de la Fondation Hospitalière Sainte-Marie, employeur, et de l'avoir condamnée au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
AUX MOTIFS QUE, sur la rupture, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse (art L 1232-1 du code du travail) ; que la faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque ; que les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables ; qu'en outre, en application de l'article L.1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuite pénale ; qu'enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; qu'en application de l'article L.1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 7 janvier 2009 reproche à Madame Adèle X... épouse Y... son absence injustifiée depuis le 1er décembre 2008 en précisant que ce comportement contrevient à son obligation d'adresser à son employeur tout arrêt de travail dans les 48 heures en application de l'article 16 du règlement intérieur ; qu'en réponse, Madame Adèle X... épouse Y..., a, le 22 janvier suivant adressé à son employeur un courrier par lequel, expliquant les raisons de son absence, elle lui a demandé de « modifier votre décision. Dans le cas contraire, je me verrais dans l'obligation de saisir le tribunal compétent pourfaire valoir mes droits. » ; que prenant en compte ces contestations, tout en maintenant ses griefs, la Fondation Hospitalière Sainte-Marie a, par courrier du février 2009, annulé le licenciement prononcé et l'a transmué en avertissement ; que par ce même courrier l'employeur a mis en demeure la salariée « d'adopter un comportement respectueux des règles et sans ambiguïté » en exigeant d'elle que « tous vos arrêts de travail nous soient expressément adressés par courrier en RAR dans les 48 heures» ; qu'il ressort de ce qui précède que la Fondation Hospitalière Sainte-Marie est revenue sur le licenciement prononcé, à la demande de la salariée ; qu'il s'ensuit que celle-ci ne pouvait plus valablement opposer à son employeur dans son courrier en réponse du 11 février 2009 que le licenciement ne pouvait être annulé sans « l'accord du salarié », précisant qu'elle n'entendait pas donner cet accord ; qu'il résulte, en revanche, de ce qui précède que l'employeur a pu valablement annuler le licenciement prononcé et le transmuer en avertissement, revenant à Madame Adèle X... épouse Y... de contester le cas échéant cette sanction ; que la cour relève qu'au lieu de cela, Madame Adèle X... épouse Y..., dans son courrier précité du 11 février, a réclamé de son employeur qu'il lui fasse « une proposition » « qui devra nécessairement tenir compte de la modification de sanction ainsi que de ses conséquences » ; que rappelant qu'il revient au juge de qualifier les faits dont il est saisi, elle en déduit que le revirement de la salariée, qui après avoir sollicité la modification de la décision de l'employeur, non seulement la refuse, mais encore l'instrumentalise aux fins d'en obtenir un avantage, caractérise de sa part un manque de loyauté et, partant, sa mauvaise foi ; que s'agissant plus particulièrement du motif de l'avertissement, il ressort des débats que la Fondation Hospitalière Sainte-Marie fait valoir avoir reçu de la part de la salariée seulement deux arrêts pour maladie l'un pour la période du 30 octobre au 23 novembre 2008 et l'autre pour la période du 18 novembre au 30 novembre 2008 ; et que contrairement à ce que soutient Madame Adèle X... épouse Y..., aucun élément produit aux débats n'établit que la Fondation Hospitalière Sainte-Marie a été destinataire de deux autres arrêts pour maladie, l'un pour la période du 23 octobre au 16 novembre 2008 et l'autre, pour la période du 13 novembre au 15 décembre 2008 ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que l'association a reproché à sa salariée de ne pas, lui avoir, dans les 48 heures, justifié de son absence à compter du 1er décembre 2008 ; qu'il s'ensuit que la sanction de l'avertissement prononcé pour ces faits apparaît proportionnée et justifiée au regard de la désorganisation causée dans le service par une absence non annoncée et encore moins justifiée ; qu'il résulte également de ce qui précède que la salariée a refusé de réintégrer son poste au motif que « vous êtes passé progressivement du doute permis au mensonge flagrant. Vous comprendrez que ces insinuations ne pouvaient qu'avoir une incidence négative sur ma décision de poursuivre avec vous les relations contractuelles » ; qu'il est constant qu'elle n'a jamais repris son travail ; que cette prise de position de la part de la salariée, à défaut d'être exprimée dans des termes clairs et dénués de toute ambiguïté, ne peut donc s'analyser en une démission, en application de l'article L1237-1 du code du travail ; qu'en revanche, compte tenu des réserves exprimées à l'encontre de l'employeur elle caractérise une prise d'acte de la rupture ; qu'en application de l'article L 1231-1 du code du travail, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que les faits reprochés à l'employeur doivent être suffisamment graves pour que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige ; qu'en l'espèce, il ressort des débats que la salariée n'étaye en rien les suspicions de « mensonge flagrant » reproché à son employeur dans son courrier du 11 février 2009 ; qu'il s'ensuit que la prise d'acte en cause s'analyse en une démission ; que cette situation prive Madame Adèle X... épouse Y... de tout droit à revendiquer le paiement d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail ; que Madame Adèle X... épouse Y... ne peut donc qu'être déboutée de sa demande ; que sur la demande reconventionnelle de la Fondation Hospitalière Sainte-Marie ; que compte-tenu de ce qui précède et, en particulier de la mise en évidence de la mauvaise foi de Madame Adèle X... épouse Y..., il convient de considérer abusive la procédure engagée par celle-ci à l'encontre de son employeur et de la condamner, compte-tenu du préjudice subi par la Fondation Hospitalière Sainte-Marie, selon les pièces produites aux débats, à lui payer la somme de 500 ¿ (arrêt, pp.3, 4 et 5) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cour d'appel, qui a tout à la fois retenu, dans son dispositif, qu'elle confirmait en toutes ses dispositions le jugement entrepris, lequel comportait un chef de dispositif par lequel il était « dit que le licenciement pour faute grave était constitué, que le licenciement était intervenu » (jugement, dispositif) et, dans ses motifs, que le contrat de travail avait été rompu non par le licenciement de la salariée mais par une prise d'acte de la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée et devant s'analyser en une démission, a entaché sa décision d'une contradiction et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'employeur ne peut revenir sur le licenciement qu'il a prononcé qu'avec l'accord du salarié ; qu'un tel accord du salarié doit être clair et dépourvu d'équivoque, de sorte qu'il ne peut se déduire d'une simple demande faite par celui-ci à son employeur de revenir sur le licenciement tel qu'il lui a été notifié ; qu'en retenant néanmoins qu'en adressant une lettre à son employeur par laquelle elle lui avait demandé de modifier sa décision, la salariée, qui s'était vu notifier son licenciement pour faute grave, aurait renoncé de manière claire et non équivoque à se prévaloir de ce licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus du droit d'agir en justice ; qu'en se bornant néanmoins, pour condamner la salariée pour procédure abusive, à affirmer que celle-ci aurait été de mauvaise foi, sans caractériser une faute imputable à celle-ci qui aurait été de nature à faire dégénérer en abus l'exercice qu'elle avait fait de son droit d'agir en justice, ni rechercher si la salariée n'avait pas pu légitimement se méprendre sur l'entendue de ses droits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 32-1 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-22992
Date de la décision : 23/09/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 sep. 2015, pourvoi n°14-22992


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.22992
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award