LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2262 du code civil alors applicable et l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 12 octobre 1981 par la société Cophoc en qualité de secrétaire général, a été nommé fondé de pouvoir le 19 janvier 1982 ; qu'il a exercé les fonctions de conseiller prud'homme à compter de septembre 1988 ; que le 23 novembre 1988 il s'est vu retirer sa délégation de fondé de pouvoir puis a été licencié le 27 avril 1989 après autorisation de l'administration du travail ; que par arrêt rendu le 14 février 2000, la cour d'appel de Nîmes a condamné l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le 26 août 2009, M. X... a saisi à nouveau la juridiction prud'homale de demandes formées à l'encontre de la société Speedy France, venant aux droits de la société Cophoc, en invoquant une discrimination résultant du retrait de sa délégation de signature du 23 novembre 1988 ;
Attendu que pour déclarer ses demandes irrecevables, l'arrêt retient que la demande de dommages-intérêts fondée sur la discrimination est soumise à la prescription décennale antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a réduit ce délai à cinq ans, le délai courant à compter du fait générateur du dommage, soit au 23 novembre 1988 ; que les différentes actions en justice introduites par M. X... ne constituent pas des causes interruptives de prescription, sauf à considérer que les actions tendaient au même but que celui recherché par la présente action, ce qui est contesté par celui-ci qui estime que cette action est distincte de celles contestant les conditions de son licenciement ; que par suite son action introduite le 26 août 2009 devant le conseil de prud'hommes de Nanterre, se fondant sur des faits remontant au 23 novembre 1988, est prescrite ;
Attendu cependant, d'une part qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination était soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable, d'autre part que selon l'article 26 II de la loi susvisée, les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'action engagée le 26 août 2009 en réparation du préjudice résultant de faits de discrimination allégués commis le 23 novembre 1988 était soumise à la prescription trentenaire, réduite à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, qui n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte que l'action n'était pas prescrite au 26 août 2009, date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les demandes de M. X... irrecevables comme prescrites, l'arrêt rendu le 11 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Speedy France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Speedy France à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président, et signé par Mme Reygner, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. X... à titre de dommages intérêts pour discrimination ;
Aux motifs que, sur la prescription de l'action, la société SPEEDY FRANCE soulève une irrecevabilité tirée de la prescription de l'action, avec cette précision qu'en l'absence de demande de reconnaissance de faute inexcusable et d'indemnisation à l'encontre d'un administrateur, seule doit être examinée la question de la prescription de l'action prud'homale ; que s'agissant de la demande de dommages-intérêts fondée sur la discrimination, elle est soumise à la prescription décennale antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui a réduit ce délai à 5 ans, le délai courant à compter du fait générateur du dommages, soit au 23 novembre 1988 ; que les différentes actions en justice introduites par Monsieur X... ne constituent pas des causes interruptives de la prescription, sauf à considérer que les actions tendaient au même but que celui recherché par la présente action, ce qui est contesté par celui-ci qui estime que cette action est distincte de celles contestant les conditions de son licenciement ; que par suite, il convient de constater que l'action introduite le 26 août 2009 devant le conseil de prud'hommes de NANTERRE, se fondant sur des faits remontant au 23 novembre 1988, était prescrite ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré les demandes prescrites, avec cette précision qu'elles doivent être déclarées irrecevables ;
Alors qu'il résulte de l'article L. 1134-5 du code du travail issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, que le délai de prescription de l'action en matière de discrimination, auparavant de trente ans, a été réduit à cinq ans et de l'article 2222 alinéa 2 du code civil, issu de la même loi, que les dispositions réduisant les durées de prescription s'appliquent à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue antérieurement ; qu'en l'espèce, les faits de discrimination commis à l'encontre de M. X... l'ont été le 23 novembre 1988 en sorte que le préjudice en résultant, né à cette date, pouvait faire l'objet d'une demande au titre de sa réparation pendant trente ans, soit jusqu'au 23 novembre 2018 mais qu'en application des articles L. 1134-5 du code du travail et 2222, alinéa 2, du code civil, issus de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription, ramené à cinq ans, expirait le 19 juin 2013 ; que dès lors en déclarant prescrite la demande de M. X... ayant saisi le conseil de prud'hommes le 27 juillet 2009, la cour d'appel a violé l'article les textes susvisés ;